Deux destins désormais liés
24 février 2023, Manoir Gaunt
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Cette conversation ressemblait presque à une partie d'échec. Pion après pion sur le plateau, Thomas et Adria avançaient, se rapprochant lentement du jeu de l’autre. Cette conversation avait beau être inconfortable, puisqu’elle signerait peut-être le début de sa captivité, mais elle avait quelque chose de… grisant. Thomas avait une manière troublante de cacher ses pensées, ses émotions. Bien difficile donc, de lire son interlocuteur quand chaque trait de son visage semblait calculé. Pourtant… cela avait quelque chose de tout aussi challengeant. Thomas n’était pas un idiot. Il n’avait rien de ces héritiers qui suivent papa dans l’ombre et disent amen à tout pour la prospérité de la Maison et blablablablabla. Il avait quelque chose. Il dégageait quelque chose. Quelque chose de troublant, de presque effrayant, mais… qui ne déplaisait pas à Adria qui se sentait le désir de découvrir ce qui se cachait derrière ces mots parfaitement choisis et alignés. Cette conversation n’était peut-être pas une partie d'échec. C’était un coup de funambule. Ils avançaient chacun de leur côté sur une corde si fine qu’ils risquaient la chute. Mais parviendraient-ils à se retrouver au milieu ? Elegius avait au moins vu ça correctement. Adria ne s’ennuyait pas.
Une image parfaite, presque trop. Thomas n’avait pas tort, même si son sourire de façade incitait Adria dans la direction qu’il en pensait bien plus qu’il n’en disait. Adria esquissa un sourire, tout aussi beau et élégant qu’une couverture de Sorcière Hebdo.
- Mais bien-sûr, Monsieur Gaunt. C’est une image parfaite. Trop parfaite, vous avez raison. Mais vous savez tout comme moi quand on porte un tel nom, la perfection n’est pas une option, c’est une obligation.
Parce que oui. Quand on s’appelle Gaunt, ou Carrow, un mot de trop, une action mal calculée, et c’est le déshonneur. Dans une société où on acclame des soi-disant héros de guerre, la moindre erreur porte à la stigmatisation et Adria avait passé bien assez d’heures en salle d’interrogatoire pour le savoir.
Mais finalement, Adria Thomas décida de répondre à sa question, à savoir : qui était-il vraiment parmi ce qu’on disait de lui. Parce que, pourquoi avoir l’air stupide ? Beaucoup de choses se disaient sur Thomas et sa famille et nier qu’elle avait entendu quelque chose serait parfaitement inutile. Thomas décida alors de ne pas s’arrêter aux bruits de couloir et de viser plus large. Adria apprit alors les dires de Bill Gaunt, de son épouse, et des amis de l’héritier. Cela s’arrêta-t-il là ? Oh non. Il alla encore plus loin, parlant de ses ennemis et… d’une maîtresse. Soit. Adria apprécia qu’il soit donc bel et bien honnête sur ces points, même si toute l’école avait entendu parler de cette histoire. Adria avait beau n’être au coeur d’aucune rumeur, elle avait bel et bien des oreilles et il semblait que Poudlard possède un certain plaisir à répandre certains bruits. Néanmoins, elle ne retint en rien un sourire amusé face à tous ces qualificatifs.
- Je vois que vous faîtes donc parler, Monsieur Gaunt, souffla-t-elle avec amusement. Et que pensez donc que votre futur femme dira de vous ?
Une plaisanterie ? Oui, mais pas que. Elle pouvait faire toutes les suppositions du monde, rien ne remplaçait l’auto-évaluation. Comment jugerait-il qu’elle le jugerait ? Comment se verrait-il donc ? Une réponse qui serait probablement fort intéressante à entendre.
Faisant doucement valser le liquide ambré dans son verre, d’un geste souple et élégant du poignet, Adria ne quitta pas Thomas de ses iris émeraudes lorsque finalement ce dernier déclara que devenir une Gaunt était loin d’être un cadeau. Adria secoua doucement la tête.
- Il m’en fait un, ne vous en faites pas pour cela, répondit-elle sur un ton appuyé et lourd de sous-entendu. Pour ce qui est de me permettre de déployer mes multiples talents… mh. Fort probablement, oui. J’ai ouïe dire que nos talents respectifs serviront d’ailleurs à une cause qui nous dépasse, vous et moi.
Abadone. Adria ignorait si le fait que son allégeance à Abadone soit offerte à la même période que celle de Thomas soit un hasard ou une volonté. Elegius avait ce fort penchant à dire les choses… sans les révéler. Pour autant, puisque Thomas voyait qui elle était aujourd'hui, il lui semblait important de laisser de côté ce masque de stupidité et montrer que oui, elle se tenait informée des choses. De plus, Elegius n’avait peut-être pas informé Thomas de l'allégeance de sa “fille”. Important, donc, de montrer qu’elle était bien décidé à partager son savoir avec son fiancé, comme elle l’avait indiqué.
Pour autant, Thomas changea de ton. Enfin… non. Il ne changea pas de ton. Il changea sa formulation. Une petite altération qui ne manquait pas d’être prise en compte par Adria. Fini les jeux, la sentence était arrivée. Thomas était “curieux de leur partenariat”, clarifiant au passage quelques règles d’usages. Un fin sourire en coin se dessina sur le visage d’Adria lorsqu’il lui demanda la discrétion.
- Oh, Thomas, lança-t-elle avec un réel amusement dans le regard, passant volontairement à l’usage de son prénom, puisqu’il en avait fait de même. Une chose à savoir, c’est que je suis d’une immense discrétion. Une discrétion stricte et étudiée avec beaucoup de soin. J’aime ma liberté, mais la liberté ne veut pas dire agir sottement quand on l’entend. Il va néanmoins de soi j’apprécie votre attention de me laisser cette… Liberté. Je ne compte en rien vous déshonorer ou vous faire du tort. Ainsi, puisque vous me laissez cette confiance, j’aimerais, si vous le désirez, vous proposer de connaître les noms de mes partenaires. Je peux comprendre qu’il serait hautement étrange pour vous de découvrir après-coup être en contact avec un ou une de mes partenaires.
“Un ou une”. Elle avait volontairement précisé, ici cette information, de sorte que Thomas sache qu’en effet… Adria ne se résumait pas non plus à la petite héritière parfaite jusque dans ses pratiques. Honnêteté et franchise. Si Thomas lui laissait de la liberté, autant qu’il sache ce qu’il autorisait et qu’il sache qu’elle ne se cantonnait pas à une personne ici et là, mais… à plusieurs et parfois en groupe. Mais le fait qu’il n'ait jamais entendu parler de cela confirmait d’ailleurs qu’elle savait très bien comment rester discrète. Elle reprit ensuite la parole.
- Il en est de même pour vous. Je n’ai que peu d’égard sur ce qui se dit entre Miss Abbot et vous et je ne serai en rien une fiancée possessive et jalouse. Si votre désir va vers Miss Abbot ou d’autres personnes, ainsi soit-il, je ne vous jugerai jamais sur vos pratiques ou vos désirs. J’en demanderai simplement une discrétion, non pas pour moi, mais pour mon nom. Vous découvrirez que je suis extrêmement ouverte sur la question des relations, mais notre société n’est pas aussi ouverte que moi et je préfèrerais éviter qu’une ombre soit jetée sur le nom des Carrow.
Que Thomas s’envoie en l’air avec qui il veut. Elle s’en moquait. A vrai dire, s’il trouvait son plaisir, tant mieux, non ? Elle voulait seulement éviter qu’on ne la prenne publiquement pour une imbécile. Elegius non plus n’en serait probablement pas ravi. Et ça n’était en rien une pic sur cette affaire de vestiaire dont elle avait entendu parler. Bon, certes, elle n’aurait personnellement pas choisi les vestiaire comme lieu, mais soit. Chacun ses plaisirs, non ?
Finalement, un fin sourire apparut de nouveau sur son visage si angélique et innocent que Thomas pouvait désormais savoir être une simple façade cosmétique masquant une personnalité bien moins douce et innocente.
- Je dois admettre être tout aussi curieuse de ce partenariat qui me semble pour l’heure satisfaisant. Il serait d’ailleurs mentir que de dire que je ne suis pas agréablement surprise. Peut-être devrais-je tirer ma révérence à mon père.
Parce que oui, autant être honnête : elle y trouvait son compte. Ainsi, elle leva son verre en direction de Thomas, pour porter un toast.
- A un partenariat avantageux ? proposa-t-elle ainsi de trinquer.