Je n’aimais pas vraiment les week-end. Du moins… Je n’aimais pas les week-end durant lesquels je ne pouvais pas suivre Mika. C’était le cas cette semaine. La préparation du mariage m’avait mis en retard sur mes cours. Je devais travailler pour être certain de garder mes résultats optimaux. J’avais d’ailleurs passé une grande partie de mon après-midi à la bibliothèque, révisant des cours qui ne m’intéressaient même pas, avant de décider, enfin, de prendre une pause. Manger était d’ailleurs peut-être une bonne idée… Je l’avais oublié ce midi tant j’avais voulu terminer mes chapitres alors… Alors oui. J’allais commencer par ça en piquant un peu dans la réserve de Mika. Il ne m’en voudrait pas et je lui remplacerais toute chose prise de toutes les manières. Il faudrait pour cela aller à Pré-Au-Lard et… Et est-ce que Willow accepterait de m’y accompagner ? Je la voyais régulièrement dès lors que je n’étais pas avec Mika et qu’il fallait que je sorte. Nous nous étions trouvé une passion commune pour la mode, pour les marques moldues et pour, certainement d’après Mika, beaucoup trop dépenser. Mais je devais admettre qu’avoir des amis était finalement… Bien plus agréable que prévu. Maxens, Willow, Mara… Oui. J’avais des amis. Et j’adorais cela plus que je ne l’aurais imaginé.

Enfin. D’abord. Avant toute sortie. Il fallait encore que je mange et finisse mes satanés chapitres de droit. Donc. D’abord. La maison.
Traversant rapidement les couloirs, la tête déjà partie à Pré-Au-Lard ou dans la salle de musique à m’entraîner avec Maxens, j’avais soudain sursauté à l’entente de mon prénom. Qui ?
M’inclinant un peu perplexe, le temps de revenir à la réalité, j’avais cligné les yeux face au jeune homme qui semblait vouloir me dire quelque chose et… Malone Black ? Il… J’avais froncé les sourcils. Je n’avais pas pu m’en empêcher. J’étais évidemment au courant de ce qu’il se tramait chez moi. Pour une fois que mes parents m’informaient de quelque chose… Il fallait que cela soit pour m’indiquer que des négociations avaient été débutées pour marier ma sœur. Bien sûr cela devait arriver mais… Mais aussi vite et… Avant moi ? Mon cas était-il donc réellement aussi perdu que cela ? Enfin… J’avais secoué la tête. Si je devais admettre qu’après avoir goûté à la liberté j’aurais certainement tout voulu pour ma sœur sauf ça… Je ne devais pas oublier que l’homme en face de moi était certainement dans la même situation qu’elle… La preuve étant qu’il semblait même gêné. Une gêne que je n’allais pas forcément aider à apaiser alors que je n’arrivais toujours pas à être particulièrement à l’aise avec les inconnus. Encore moins lorsqu’il s’agissait de l’avenir d’une partie de ma famille, de ma petite sœur. Pourtant… J’avais forcé un léger sourire, hochant la tête.

- Bonjour… Avais-je soufflé en grimaçant légèrement alors qu’il s’inclinait à nouveau. S'il...S’il te plait, hyung… Ne t’incline pas…

Hyung… Oui. Je devais faire des efforts. S’il venait me parler, s’il avait d’ores et déjà été voir ma sœur… Je ne devais pas paraître hostile par le simple fait qu’il allait devoir épouser ma sœur, car il s’agissait bien là d’un devoir et non pas d’un réel choix. D’ailleurs l’avait-il dit en parlant de sa mère… Alors… Alors je devais aussi faire un effort en me montrant particulièrement amical. Je pouvais le faire. Mika m’avait appris à le faire en l’observant.

- J’ai du temps devant moi, oui, mentis-je alors en forçant un nouveau sourire. Tu… Tu voudrais prendre un café à Pré-Au-Lard ou même dans la Grande Salle ? Ou dans le parc ? Enfin… Où tu veux… Je… Mais s’il te plait, ne me… A mon tour d’être gêné d’être presque aussi familier avec un étranger, avec un homme que je savais plus vieux que moi. Je suis plus jeune, ne… Ne sois pas gêné ou… Enfin… Je sais que ni ma sœur ni toi n’avez décidé ce qu’il se passe.

Et c’était peut-être la chose principale à édicter. Ils n’avaient pas décidé. Je ne pourrais pas leur être hostile, seulement les soutenir autant que je le pourrais.

- Mais… N’hésite pas à venir même quand Mika est avec moi. Je… Il aurait compris. Enfin, il nous aurait laissé seul. Soufflai-je, conscient que j’étais très rarement seul, davantage collé à mon fiancé qu’à n’importe quelle autre personne.

- Je suis plus jeune et… Et la situation n’est pas… J’avais secoué la tête, m’efforçant à un sourire que je voulais rassurant malgré ma gêne. Enfin dans tous les cas… Ne le fais pas. S’il te plait.

Je ne voulais pas voir le futur potentiel fiancé de ma sœur s’incliner face à moi. Je n’étais pas son aîné et il ferait partie de la famille, alors… Alors à bien y réfléchir, j’avais l’impression que l’Angleterre et l’Australie avaient déjà commencé à mettre à mal certaines de mes habitudes coréennes. Alors… Je n’allais certainement pas lui refuser du temps, pas quand leur situation n’était certainement pas désirée. Esquissant un sourire à sa remarque, j’avais de nouveau secoué la tête.

- Je ne te prends pas pour un faible. Soufflai-je doucement. Je sais que tout cela est… Compliqué. Mon… Mon colocataire m’a bien rapidement montré les différences entre nos cultures mais… Mais je crois avoir assez pris le pli des occidentaux alors… Vraiment, s’il te plait… Je ne te jugerais pas sur le protocole. Et je ne suis que son frère aîné… Je ne suis pas…

Comment le dire à un anglais. Mika n’arrivait pas à l’accepter réellement mais… Je n’étais rien. Il aurait même pu ne pas venir me voir que cela n’aurait rien changé. Je n’étais strictement rien dans cette famille. Suffisamment rien pour que mon avis ne compte pas, pour que je n’aie aucun mot à dire sur quoi que ce soit.

- Enfin tu aurais pu ne pas venir me voir alors… Alors pour cela je te remercie.

Car cela n’en restait pas moins un geste qui me touchait, en un sens. J’aimais Jae-Hwa. Si je n’avais jamais su lui dire ou comment le faire, j’aimais ma petite sœur malgré tout et je désirais qu’elle puisse trouver un mari convenable, à défaut de l’aimer comme je pouvais aimer Mika.

- Non, non, Pré-Au-Lard sera parfait. Approuvais-je alors.

Et ce fut bien vers Pré-Au-Lard que nous nous dirigeâmes alors, d’abord en silence tant je ne savais pas vraiment quoi dire, gêné de cette situation, quelque peu… Contrarié que ma sœur ait à vivre cela malgré le fait que cela devait arriver et… Je devais l’admettre. Contrarié que je sois une déception suffisamment importante pour que ma jeune sœur ne trouve fiancé avant moi. Je l’étais pourtant à Mika, je savais ce qui finirait par se passer mais… Cela ne faisait finalement qu’ajouter une déception supplémentaire au reste.

- Alors… Avais-je repris, peu désireux de voir le malaise que je ressentais continuer. Tu… Qu’est-ce que tu fais ici ? Enfin… Comme études je veux dire et… Et comme passe-temps ? Enfin… Sauf si tu voulais parler d’autres choses ou…

Je n’étais pas à l’aise. Inutile de le nier. Je ne savais même de quoi voulait me parler Malone mais… Je devais faire l’effort, je devais tenter, au moins un peu, de paraître celui que j’étais : le frère aîné de Jae-Hwa, un Jeon.

Tout était différent. De la façon dont nous voyions l’autre à la manière dont nous nous adressions les uns aux autres. Je ne le savais que trop. Mais je refusais qu’il puisse devoir s’adapter avec moi. Son geste était bien suffisamment appréciable et me touchait assez pour que je n’en sois que plus à même de m’adapter. J’esquissai d’ailleurs un léger sourire. Mon approbation était importante… Il était bien la première personne à vouloir réellement le prendre en compte.

- Mika m’a… Enfin oui, soufflai-je. Mais tu as compris que cela ne se passe pas ainsi chez moi. Nous pouvons refuser, nous ne sommes pas des esclaves, mais je pense de prime abord que Jae-Hwa est bien tombé.

Malone semblait réellement être quelqu’un de bien et surtout de soucieux de l’autre. Cela ne serait jamais ce que je pouvais désirer pour ma sœur… Mais c’était une chose déjà bien importante. Pour autant…

- Je ne suis pas l’aîné, rappelai-je malgré tout. Du moins pas de ma famille. Je veux protéger et je protègerais Jae-Hwa quoiqu’il puisse arriver, mais crois moi… Ce n’est pas moi que tu dois convaincre.

Voilà au moins qui était dit. Jae-Hwa ne serait jamais seule. Sans vouloir le menacer, au moins était-il au courant de ce fait. Quoiqu’il puisse se passer, quand bien même je finirais renier de ma propre famille, elle ne serait jamais seule. Je veillerais sur elle. Il était bien hors de question que je puisse l’abandonner.

Et puis, je souris. Nous allions devenir frère… Je n’avais jamais eu de frère. En fait, je n’avais jamais réellement eu de sœur non plus tant nous agissions comme des inconnus la plupart du temps. Alors… Sûrement était-ce la meilleure occasion à saisir. Ce fut d’ailleurs la raison principale pour laquelle j’acceptai de passer un peu de temps avec lui. Et Pré-Au-Lard me parut être la meilleure solution.
Le malaise était pourtant toujours palpable tandis que je tentai de le briser dans une question : que faisait-il dans la vie ?

Esquissant un sourire à sa réponse, je secouai la tête, l’air de lui « pardonner » son « oubli ». Il était donc en première année de master… Après avoir fini un autre master ainsi qu’un bachelor. J’admettais être surpris. En plus d’être gentil, il était donc si intelligent ? Un bien pour Jae-Hwa. Elle méritait le meilleur.

- C’est un grand but, commentai-je dans un léger sourire. Tu aimes l’art alors ?

Quant à moi… A nouveau, je souris.

- Oui. En septembre. Je suis en première année de bachelor justice et Sécurité Magique.

Je n’allai néanmoins pas plus loin. Inutile de lui expliquer combien j’abhorrai cette filière, combien mes parents avaient été les seuls décisionnaires et combien je me préparais désormais à une tout autre carrière en volant mes propres parents.

- Je ne pense pas que j’aurais l’intelligence ou le courage de faire autant d’études que toi, cela dit, me permis-je malgré tout de plaisanter dans l’espoir de détendre réellement l’atmosphère. Je suis sincèrement impressionné. Le bachelor me semble déjà bien trop ardu pour imaginer autre chose…

Au moins ne mentais-je pas. Mais ce n’était pas tant car la filière était difficile ou parce que je n’étais pas intelligent ou travailleur, non. Cela ne m’intéressait seulement pas le moins du monde.

- Si tu aimes l’art… Jae-Hwa t’a-t-elle montré ses dessins ? soufflai-je alors. Mes parents ne sont pas…

Je fronçai les sourcils, me stoppant pour réfléchir à la meilleure façon de dire les choses tant je ne voulais pas les insulter.

- Ils préfèrent que nous nous concentrions sur notre avenir avant de nous intéresser à des loisirs, tentai-je d’expliquer, mais Jae-Hwa est une véritable artiste avec un crayon dans la main.

Et je ne le savais que depuis trop peu de temps, définitivement…

J’esquissai un sourire entendu à sa remarque. C’était, à vrai dire, presqu’agréable malgré tout d’être considéré, pour une fois, dans ma famille. Je n’étais rien, mais je pouvais être et j’étais quelqu’un finalement : le frère de Jae-Hwa. Et mon avis semblait compter.

- Merci, soufflai-je alors.

Et mon sourire s’agrandit à vrai dire à ses propos. Malone Black semblait être une personne qui convenait à Jea-Hwa du moins… Pour ce que je pouvais connaître d’elle.

- Vous avez pu sortir ? m’enquis-je malgré tout.

Plus une question de curiosité qu’autre chose. Je n’imaginais pas vraiment où ma sœur pouvait sortir alors avec son fiancé… Cela me questionnait d’autant plus. Et puisqu’il semblait avoir tant de différence avec nous… Peut-être allait-il pouvoir, à moi aussi, me donner des idées de sorties. D’une pierre deux coups.

Et puis, j’avais ri. Lui qui avait un palmarès d’étude qui me semblait impressionnant restait plus que modeste alors que je secouai doucement la tête.

- Mon père répète souvent que ce n’est que de l’exercice. Il suffit de se concentrer pour réussir.

Que cela soit vrai ou faux… Cela s’était avéré dans mon cas en tout cas. Je ne m’estimais pas plus intelligent que n’importe qui et j’avais pourtant réussi jusque-là. Jusqu’à cette année en tout cas alors qu’il me semblait pour la première fois me noyer un peu trop/

- La logique est une forme d’intelligence, rappelai-je alors dans un léger sourire.

Mais il aimait dessiner, lui aussi, alors… Ma sœur lui avait-elle montré ce qu’elle faisait ? Elle était douée, indéniablement. Et il l’approuvait à son tour, m’arrachant un plus large sourire. S’il reconnaissait son talent… C’était un bon signe.

- Tu ne comptes pas l’en empêcher ?

Un point très important que je voulu pointer avant que mes yeux ne s’illuminent légèrement. L’art n’était pas un loisir… Cet homme était définitivement l’homme parfait pour ma sœur.

- Je partage cette idée, soufflai-je. Je suppose qu’il est tout à fait possible d’allier art et vie quotidienne.

Supposer, oui. Quand bien même j’en étais convaincu, quand bien même j’allais le faire et je le faisais certainement déjà, je ne pouvais aller à l’encontre des dires de mon père, définitivement pas.

- Oh… Et…

J’observai rapidement Pré-Au-Lard se dessiner devant nous.

- Tu… Tu as une idée où aller ?

Proposer le pub du village de moi-même me semblait hors de propos, de quoi passer pour ce que je n’étais pas sans même savoir pour quoi je pouvais passer. Mais alors que pouvais-je proposer ?

- Je suppose qu’aller dans le parc avec des cafés n’est peut-être pas…

J’avais l’habitude de faire ça avec Mika mais il n’était pas Mika et je me rendais à vrai dire compte de combien je ne sortais pas ou du moins avec personne d’autre que lui… Pas de quoi me donner la moindre visibilité sur ce qu’il fallait désormais faire ou proposer.

- Je pourrais presque te proposer de nous retrouver autour d’un cours sur le Quidditch, plaisantai-je. J’ai encore beaucoup de questions sur ce qu’il se passe et je refuse d’ennuyer Mika sur ça… Il est attrapeur de l’équipe des Pie de Monteulosé. Alors je comprends ce sentiment.

D’autant plus que je passais pourtant du temps sur les terrains. Mais le problème était que je n’avais personne à parler pendant le match, Mika étant dur le terrain, et après le match… Nous faisions souvent autre chose et…

- Enfin je soutiens mon colocataire, donc…

Un rattrapage idiot avant que je ne secoue la tête dans un sourire gêné.
Mais Malone était bien différent de ce dont j’avais l’habitude. A vrai dire, son ouverture d’esprit me rappelait un peu Mika. Il semblait facile de discuter avec lui, quand bien même nous n’avions pas la même éducation, comme en ce qui concernait les études et l’exercice inhérent.

- C’est vrai, acquiesçai-je avant de froncer les sourcils.

Je venais de contredire mon père. Idiot qui ne savait pas rester à sa place que je pouvais devenir.

Au moins finit-il par me rassurer… l’art faisait partie de sa vie, et plus que cela… Il n’allait pas empêcher ma sœur de dessiner.

- L’art n’est pas vraiment… Ce que l’on attend d’une épouse, soufflai-je à contre-cœur.

Ce n’était à vrai dire pas non plus ce que l’on attendait d’un époux. Mais à vrai dire… Je ne savais même plus ce que l’on attendait de nous, la descendance mise à part. Et le poste prestigieux… Oui. Voilà, c’était plus ou moins tout. Mais ce n’était, pour lui, qu’une question d’organisation. J’esquissai un sourire. Si seulement cela pouvait être vrai. Dans son monde peut-être, mais dans le nôtre…

- As-tu rencontré notre père ? Je veux dire… Lui as-tu parlé ?

Sans le critiquer… Sûrement allait-il ou avait-il compris bien des choses sur la façon dont nous devions vivre notre vie en discutant avec mon père. Cela allait sans dire…

Mais nous étions déjà arrivé à Pré-Au-Lard. Où devions-nous aller ? Comme je le sentais. Une mauvaise réponse pour moi qui n’en avait aucune idée. Heureusement, Malone choisit au moins à mi-mot, me permettant d’hocher la tête. Le parc était donc courant. Parfait. Cela m’allait davantage qu’être trop entouré de monde.

Ce fut donc après avoir pris notre café – ou plutôt americano pour moi – que nous pûmes nous asseoir dans le parc, à même le sol, cela ne me dérangeait définitivement pas.

- Je dois donc officiellement te souhaiter la bienvenue dans la famille Jeon ? finis-je par souffler dans un sourire sincère.

Une question venait de me paraître malgré tout. Une question bien spécifique que je ne savais pas vraiment comment aborder mais que cette bienvenue venait de pousser dans mon esprit.

- Si je peux me permettre, Malone… commençai-je ainsi, le regard dans mon café. Ma question va paraître étrange mais…

Je devais mentir pour justifier la question. Je n’aimais pas mentir. Je ne savais pas mentir, et pourtant, je le fis, avalant légèrement ma salive pour reprendre.

- Mais je veux être sûr que ma sœur et toi avez les mêmes façons de voir les choses et qu’elle ne risque rien… Pour quelles raisons pourrais-tu rompre les fiançailles avec elle ?

Une question détournée sur un sujet particulier que je ne pouvais pas aborder : la honte et le déshonneur. Mais si je pouvais avoir une réponse… Avec un peu de chance, il allait taper juste.