Vieni tra le mie braccia e tutto andrà bene.

Amara n’avait jamais aimé le Royaume-Uni. Elle n’en avait jamais aimé le climat, l’architecture ou les paysages. Londres et ses magasins de luxe avaient trouvé grâce à ses yeux, mais c’était tout. Elle avait toujours vécu au Royaume-Uni telle une prisonnière, dans le manoir sombre et sinistre de la famille Yaxley. Dans toutes ses années de misère, elle avait trouvé bonheur et soutien auprès d’un nombre de personnes bien particulières. Abadone, Blake, bien-sûr, mais aussi Christina. On aurait toujours peu cru que Christina et Amara formeraient une belle amitié quand on voyait la différence de leurs personnalités. Mais Christina avait toujours été là, dès ses fiançailles avec Corban. Où Corban était, Bill était là, et, par extension, Christina. Christina Gaunt avait toujours été un soutien de poids pour Amara. Durant les premières années de son mariage, durant sa première grossesse, Christina avait été son seul véritable soutien. La seule comprenait et connaissait ce qu’elle vivait. Christina l’avait prise sous son aile avant qu’Abadone ne le fasse et même si Amara avait appris à s’affirmer, elle n’en avait jamais perdu son amour pour la Gaunt. De cette amitié était né un lien fort et irremplaçable : le lien de marraine et filleule qui unissait Amara et Heather. Heather avait toujours eu une place toute particulière dans son coeur. Elle l’avait vue grandir, devenir une femme. Heather avait grandit avec Bella, liant toujours plus leurs chemins. Amara le savait, la jeune femme ne pouvait pas toujours compter sur sa mère pour certaines questions. Certaines questions dans laquelle Madame Gaunt demeurait l’ombre de son époux, puis de son fils. Alors, Amara avait toujours tout fait pour être là, pour veiller sur elle, comme elle veillait sur Bella.

Mais pendant de long mois, ça n’avait pas été le cas. Pendant de longs mois, Amara avait été absente de la vie de sa filleule. Était-ce réciproque pour autant ? Non. On lui avait dit, quelques semaines après son réveil, qu’une équipe de femmes de son entourage avait toujours fait le nécessaire pour qu’Amara soit au moins un peu parée sachant que la matriarche avait une sainte horreur d'apparaître sans tout son apparat. Elle avait donc ainsi appris qu’Heather était régulièrement venue s’en occuper et cela lui avait fait chaud au cœur. Ce qui lui avait en revanche moins fait chaud au cœur était quand on l’avait informée, peu avant sa sortie de l’hôpital, de ce que Heather vivait. Cela faisait partie des choses qu’on lui avait annoncé le plus tard possible, pour adoucir son réveil. Néanmoins… Amara avait détesté qu’on ne lui dise pas tout de suite.

Alors, voilà quelques jours qu’elle était de retour chez elle. Le mois de mai débutait, et la convalescence à domicile d’Amara avait largement commencé. La première semaine avait été longue, complexe. Qui aurait cru qu’elle serait si épuisée par un simple changement d’environnement ? De plus, il fallait bien l’admettre, Amara en faisait un peu trop. Mais le jour de la venue d’Heather était enfin arrivé et elle avait hâte. Hâte de retrouver sa filleule, de la prendre dans ses bras, et de ne plus jamais la lâcher. Sa convalescence commençant et ayant déjà reçu une lourde session de rééducation le matin même, Amara était de nouveau tenue dans le calme de sa chambre. Calme complet ? Pas vraiment, Ottavia faisait un nombre incalculable d’allers et retour, et Metteo gigotait sans cesse. A vrai dire… il était compliqué pour lui de comprendre la situation. Qui était cette femme avec qui il devait tout à coup passer son temps ? Mais Amara n’abandonnait pas. Tôt ou tard, il comprendrait de nouveau qu’elle était sa mère.

- Mammaaa ! s’écria Ottavia en déboulant dans la chambre, faisant sursauter Amara, allongée dans son lit.

- Che passa ?  
- Heather est là ! On m’a dit que tu devais te reposer, alors je l’ai fait venir !

Ah, bon. Amara hocha doucement la tête et remercia Ottavia d’avoir pris soins d’Heather et menée jusqu’ici. L’enfant disparu alors, laissant la jeune Gimhae apparaître dans l'entrebâillement de la porte. Un sourire se dessina sur le visage d’Amara.

- Heather, cara mia, entre entre,  dit-elle avec douceur. Navrée de ne pas avoir pu t’accueillir en bas.

Amara se leva, avec visiblement quelques difficultés sous la raideur de ses muscles.

Vieni tra le mie braccia e tutto andrà bene.

La mère de famille se leva, retenant la moindre grimace dans ses gestes. Ca n’était clairement pas simple et la réeducation la laissait bien épuisée. Les gestes si simples du quotidien avaient pour elle longtemps été un véritable sport. Lentement elle avança vers Heather, posant ce masque de plomb sur son visage pour ne laisser paraître aucune grimace ou once de douleur.

- Mh, elle a bien fait.

Même son souffle était contrôlé pour ne rien laisser paraître. Heather s’excusait alors de ne rien avoir apporter. Elle disait vouloir apporter friandise et cadeaux, mais avoir complètement oublier. La Sicilienne laissa échapper un très léger rire, n’en tenant aucunement rigueur. En temps normal, elle aurait intérieurement désapprouvé. Elle n’aurait rien dit, mais aurait désapprouvé. Mais depuis son union avec Theodore et surtout depuis son réveil, elle semblait plus flexible et moins matérialiste. Peut-être parce qu’elle avait enfin tout ? Ou peut-être parce qu’elle avait réalisé que le matériel n’était finalement pas ce qui comptait. L’amour, la liberté, c’était ce qui comptait vraiment.

- Ah, ne t’en fais pas. Les friandses sont encore difficile à manger de toutes manières.

Elle y touchait à peine. Le gars, le sucré, ça pesait vite dans un estoma qui n’avait pas connu le moindre aliment solide depuis des mois. Sa mère tentait bien de lui apporter des cannoli, mais c’était à peine si Amara parvenait vraiment à les manger.

Elle continua de faire quelques pas vers l’avant, les gestes manquant clairement de grâce et d’élégance comparé à avant. Elle manqua presque de trébucher, sous la faiblesse de ses jambes après une telle journée de réeducation, mais elle se rattrapa au bas d’Heather. Ou Heather la retint. Peut-être les deux, tout allait vite pour l’esprit un peu trop stimulé d’Amara.

- Navrée, navrée, s’excusa-t-elle alors que la honte et la frustration brûlaient son être.

Qu’elle haïssait cela. Qu’elle haïssait cet état.

- La rééducation a été plus rude aujourd’hui, expliqua-t-elle, comme si elle se sentait obligée de rendre des comptes alors que de toute évidence, la situation était absolument évidente.

Mais bon, Amara refusait de se morfondre dessus et l’aventage était que désormais, elle était en contact avec Heather. Une Heather qu’elle vint entourer de ses bras amaigris, et bien plus pâles qu’avant. Elle la serra avec douceur dans ses bras, glissant une main dans les mèches chatains de sa filleule.

- Tu m’as manqué, bella, dit-elle avant de venir déposer un baiser sur sa joue. Allons nous asseoir, veux-tu ?

Elle montra d’un geste du poignet la grande fenêtre de la chambre. Une fenêtre double, ouverte sur une balcon. Les rideau blancs presque transparents, voletaient presque au gré de la brise printanière. Sur le balcon se trouvait une petite terrasse avec un sofa et offait une vue implacable sur le vignoble.

- Nous serons mieux dehors, le soleil écossais ne te réussis pas trop ma pauvre.

… Oui bon, ça restait Amara.

Vieni tra le mie braccia e tutto andrà bene.

- Rester assise ? s’enquit-elle presque offensée. Très chère, il m’en faut bien plus pour rester assise.

Rattrapée au bras d’Heather, la matriarche en profita pour extirper une étreinte à sa filleule. Une étreinte tendre et remplie d’amour maternel. Sentant Heather se blottir contre elle, la Sicilienne resserra ses bras autour d’elle. Elle lui avait manqué… À ses mots, Amara déposa un baiser sur sa tempe, dans un geste habituel pour elle. C’était une marque d’affection qu’elle avait toujours eu pour la belle Heather.

Les deux femmes allèrent donc s’installer sur le balcon, dans le sofa. C’était là qu’Amara se rendait le plus, pour prendre l’air sans avoir à aller trop loin. Elle y était souvent rejointe par ses enfants, mais aujourd’hui, c’était au tour d’Heather. Heather qui s’était d’ailleurs prise une petite remarque sur son bronzage inexistant… rapidement, elle en expliqua les raisons : trop de temps dans les cachots. Amara marqua une petite grimaça.

- J'ignore comment tu parviens à passer tes journées dans ces lugubres sous-sols. Ta thèse avance-t-elle ?

Elle n’avait jamais trop compris le sens de la thèse d’Heather. Elle savait qu’elle en faisait une, mais de là à comprendre son sujet… non. Une thèse, pour Amara c’était un de ces diplômes que seuls les gens très intelligents passaient.

- Je vais bien. Mieux, du moins. Réhabituer un corps à la vie après six mois de coma n’est pas chose simple. Les moldus ont d’ailleurs un manière assez… barbare d’en maintenir les fonctions vitales, ce qui rend la convalescence bien plus lente. Néanmoins, les progrès sont réels. Théodore est aussi présent qu’il le peut et les enfants sont des amours. Je n’ai pas vraiment à me plaindre. Ils ont beaucoup souffert de mon… absence, donc je tente d’inverser la donne.

Elle s’en était fait la promesse. Voir sa famille ainsi lui avait été insupportable. Voir Matteo ne plus se souvenir d’elle encore pire.
Amara reçu alors les “sincères sentiments” de la part de Cristina qui, en effet, n’était pas venue lui rendre visite. Chose quelque peu surprenante vu qu’elle demeurait relativement libre depuis la mort de Bill. Mais soit, Amara ne jugeait pas.

- Je t’en remercie, offre lui les miens aussi. Elle est toujours la bienvenue ici, répondit-elle, sachant parfaitement que de toutes manières, Cristina ne viendrait jamais à l’improviste, mais lui ferait part d’une lettre bien en avance.

Heather ne manqua pas de complimenter les lieux. Il était vrai qu’ils étaient de toute beauté et de toute grandeur. On s’y sentait tout de suite loin de tout, en vacances, dans une formidable bulle loin de toute réalité.

- C’est un endroit presque hors du temps, fit-elle remarquer avant de tourner son buste vers Heather, tout de même interloquée vers les quelques bruits qu’elle avait entendu ces derniers temps.  Cara mia, pardonne moi la brutalité de ma question mais… depuis mon réveil, j’entends toutes sortes de choses te concernant. Personne n’ose dire les choses et j’ai la sensation que toi non plus… Que se passe-t-il ? demanda-t-elle en prenant doucement et délicatement sa main dans la sienne.

Vieni tra le mie braccia e tutto andrà bene.

Elle faisait ce qu’il fallait pour que sa thèse avance. Bon, ça n’était pas si mal, non ? Amara hocha doucement la tête, absolument pas en mesure de dire quoi que ce soit d’encourageant ou de constructif sur ce sujet qui lui était siiiiiiiii inconnu.

Mais le sujet se porta sur la maîtresse des lieux et ses progrès. Elle les montrait toujours sur un jour bien plus positifs qu’ils ne l’étaient vraiment, mais c’était important pour elle, pour sa fierté, mais aussi pour sa famille qui avait dû porter le poids de son absence et palier et à sa faiblesse. Une faiblesse qu’elle ne se pardonnait pas… même si Merlin, elle n’y était pour fichtrement rien. D’autres avaient dû faire son travail. La seule chose pour laquelle on lui avait toujours répété qu’elle avait de la valeur. Grandit endoctrinée dans le machisme, la culpabilité de ses six derniers mois était réelle.

- Tu n’as pas à enrober les choses… je sais qu’elle a eu bien plus que… “eu du mal”, soupira-t-elle. J’en suis navrée. Nous avons… beaucoup travaillé là dessus. Le calme est bien de retour. Merci d’avoir… pris soin d’eux.

Bon, Ottavia était devenue terriblement collante avec sa mère, mais Amara allait-elle vraiment s’en plaindre ? Aucunement. La rentrée serait peut-être un peu plus complexe cela dit, mais Amara avait encore quelques mois pour travailler là-dessus.

Christina avait du mal suite à la mort de Bill. Ca pouvait sembler étrange, mais ça n’étonnait pas Amara. Christina avait largement endoctrinée. Sa nouvelle vie devait lui sembler étranger. Mais Bill était bien mieux où il était.

- C’est un ajustement conséquent. Peut-être… peut-être pourrais-tu tenter de la convaincre de venir me voir ? J’essayerai de lui parler.

Mais il y avait inquiétant, encore plus inquiétant. Amara le voyait, le sentait, l’entendait, mais personne n’avait été honnête avec elle. Peut-être parce qu’on estimait qu’en parler revenait à Heather et Heather seule. Un décès, son époux à Sainte Mangouste. Ah… c’était beaucoup pour une première année de mariage. Merlin… voilà donc ce qui expliquait l’état de Heather.

- Oh… cara mia… soupira-t-elle.

Une larme avait roulé sur sa joue, et Amara tenta tant bien que mal de se rapprocher, d’elle, venant presque coller ses hanches à celle de sa filleule pour venir l’étreindre.

- Laisse sortir tes larmes la mia bellissima principessa, souffla-t-elle en venant glisser sa main dans ses cheveux avec tendresse. Dis-moi tout… je suis là. On restera là aussi longtemps qu’il le faudra.

Elle continua de glisser ses doigts dans ses cheveux, telle une mère. Peut-être que c’était ce dont Heather avait besoin en cet instant. Une mère.