Da qualche parte tra bugie e verità

La petite main potelée de Matteo se posa sur l’index de la Sicilienne qui tenait le biberon du bébé.

- Ti amo tanto… souffla la voix d’Amara.

Elle posa ses lèvres sur le front de Matteo, paisiblement installé contre elle alors qu’il prenait son biberon. Il avait presque un an. 10 mois et demi pour être exacte. Amara avait manqué six mois et demi de sa vie, soit… les deux tiers. C’était énorme. Énorme dans la vie d’un nourrisson. Énorme dans le cœur d’Amara. La respiration du bambin était calme, régulière, profonde. Yeux dans les yeux, le tableau était d’une sérénité parfaite. Allongé contre sa mère, leurs cœurs battant à l’unisson, comme ils l’avaient fait si longtemps. Elle pourrait rester des heures, non, des jours entiers comme ça, sans bouger. Le bonheur et l’amour qu’elle ressentait à son contact étaient quelque chose que seule une mère pouvait comprendre. Aujourd’hui, ils étaient de nouveau fusionnels. Elle avait été là pour ses premiers mots et elle en avait pleuré de joie. Une joie incommensurable mais qui témoignait d’un soulagement immense : elle n’avait pas tout raté et elle était de retour désormais.

Ottavia était dans sa chambre, faisant la sieste. Theodore travaillait dans son bureau de la demeure en cette période d’examens scolaires. Le calme était donc maître dans l’immense demeure d’Ombrie. Rien n’aurait pu troubler ce moment, rien.

- Venus Carter vient de passer le portail, informa la voix du golem.

… Bon, le moment était troublé. Amara soupira longuement, sans la moindre retenue. Elle avait presque oublié le rendez-vous… ce rendez-vous de psychomagie imposé. C’était le troisième, et cette fois-ci, elle ne serait pas en mesure de se cacher derrière la fatigue. Bon, oui, elle était fatiguée, évidemment ! Se sortir d’un coma, réaccoutumer son corps à la vie, ça n’était pas rien. Mais son état s’était tant amélioré qu’elle ne pourrait pas échapper à la psychomage.

- On fait comme si on était pas là ? demanda-t-elle à Matteo.

Occupé à téter son biberon, ne comprenant pas un traître mot de ce que sa mère disait, le bébé gazouilla. Bon, nul doute que la réaction était plus positive que celle que Chris aurait s’il venait à savoir que Venus s’était fait poser un lapin alors qu’elle avait fait le déplacement en plus de son emploi à Poudlard. Elle pouvait déjà l’entendre. Oh, elle l’avait déjà entendu, il y a quelques semaines, quand Chris était venu lui demander d’être “gentille”. Ca n’était pas comme si Amara avait été méchante ou du moins, frontalement méchante, non, elle ne l’avait jamais été. Fausse, à l’insulter dans son dos, oui, ça elle l’avait été. Avait-elle pour autant vraiment donné à Venus le sentiment d’être acceptée ? Oh que non. C’était d’ailleurs bien plus simple quand Venus n’était rien d’autre qu’une employée de Poudlard lamba, qui ne fréquentait pas encore Chris et qui n’avait pas connaissance de certains de ses plus sombres secrets. Mais aujourd’hui… elle était acceptée par les Nott et Amara devait bien être obligée de se faire une raison. Alors, elle avait ordonné au golem de faire venir Venus jusqu’à elle quand elle se présenterait et de lui offrir à boire. La base de la bienséance, non ?

Ainsi, installée sur la terrasse de la demeure, Amara n’avait pas bougé. Elle était installée sur un sofa de la terrasse, à l’ombre, Matteo dans ses bras. Elle était maquillée, coiffée, parée d’une robe robe rubis qui mettait en avant son teint nettement plus hâlé que durant leur dernière visite, signe que l’état d’Amara lui permettait de régulièrement prendre l’heure. Lorsqu’elle vit la sang deb-la née moldue faire son apparition sur la terrasse, Amara s’efforça de lui adresser un sourire poli.

- Bonjour Venus, salua-t-elle de son accent resté chantant. Merci d’avoir fait le déplacement. Je ne me lève pas, excuse-en moi.

Elle montra d’un signe de tête le petit Matteo.

- Mais je t’en prie, installe-toi, dit-elle en désignant le large sofa.

Le lieu avait au moins le mérite d’appeler au calme. La demeure se situant sur une colline au milieu d’un vignoble, entourée d’oliviers centenaires et bougainvilliers, il entrait en contraste énorme avec Poudlard.

Da qualche parte tra bugie e verità

Il fallait bien l’admettre, la bombe était désamorcée. Avec Matteo dans ses bras, Amara avait un tout autre visage. On pouvait le lire sur ses traits, dans son regard. Et même si elle n’avait aucune envie de voir la sang de bourbe entrer dans son superbe domaine et souiller les lieux de sa présence, le calme que Matteo produisait en elle ne pouvait que déteindre un peu sur la situation. Et puis… et puis… elle avait promis à Chris de faire un effort. Peut-être fallait-il mieux donc arrêter de qualifier Venus de sang-de-bourbe même mentalement ? La verm- … la psychomage n’était pas légilimens, cela dit.

- Oh, cela ? Merci. Une sublime trouvaille de Naples.

… Un compliment. Comment brosser un peu mieux Amara dans le sens du poil que de la complimenter sur son apparence. Son attention fut de nouveau détournée par un nouveau gazouillis de joie de Matteo qui venait de lâcher la tétine du biberon avec joie en reconnaissant Venus.
…
…
…

La bê-née moldue avait un tel impact sur son bébé ? Sur SON bébé ?
…
Évidemment qu’elle en avait un. Elle était venue aider, ô grande âme généreuse qu’elle était. Foutaises. Il était impossible de nier qu’Amara se sentait consumée par la jalousie. La jalousie intense que Venus ait développé une quelconque relation avec Matteo quand elle était dans le coma. Une jalousie puérile, soyons clairs. Mais c’était son fils. Son fils qui l’avait pendant une période de sa vie. Une période révolue, mais tout de même.

- Bien-sûr que je les reprends, répondit-elle avec une pointe d’amertume.

Dalla barba di Merlino. Il fallait qu’elle se reprenne, qu’elle dissimule un peu mieux ses émotions. Il fallait qu’elle retrouve cet aspect de femme moins extrêmiste. Et il valait mieux éviter les courroux de Chris. Il savait être pénible quand il le voulait. Elle se racla la gorge, feignant une petite langueur musculaire pour re-positioner stratégiquement Matteo de manière à ce que Venus ne soit plus dans son champ de vision. Voilà. Loin des yeux loin du cœur.

-C’est un endroit parfait pour une convalescence, se reprit-elle donc avec un sourire encore plus faux que sa peau dénuée des traces de l’âge pour une femme de 42 ans. C’est agréable, calme et il y fait bon vivre. Mais je vois qu’Atlas ne t’a rien offert à boire. Désires-tu quelque chose ?

Elle esquissa de nouveau un sourire des plus polis. Cette conversation avait déjà peut-être un peu trop révélé les choses, mais peut-être Venus n’avait-elle absolument rien remarqué. Après tout… vu son patrimoine génétique… Non, il allait vraiment falloir qu’elle arrête ce genre de pensées, du moins en présence de Venus. Elle avait promis…

Da qualche parte tra bugie e verità

Le jus de fruit apporté, Amara se savait loin d’être délivrée de la présence de Venus. Ce petit brin de politesse d’étiquette en accueil des invités ne signifiait qu’une seule chose : Amara n’avait plus beaucoup de sujet derrière lesquels se cacher pour retarder l’inévitable. Fichu médicomage, à avoir demandé de la psychomagie. A quoi ça servait, d’ailleurs ? Elle n’en avait jamais eu besoin jusque-là. Mais déjà, Matteo était sain et sauf, son regard éloigné de Venus. Non pas qu’elle était véritablement un danger, loin de là. Mais Amara jalousait terriblement qu’on ait été là pour ses enfants, que Matteo l’ai oublié temporairement au profit d’autres présences féminines. Ça, pour une femme aussi fière qu’elle, c’était bien difficile à accepter.

- J’ai repris les choses où elles en étaient, mentit-elle. Il n’y avait guère à se sentir perdue.


Oui, Amara savait mentir. Si ses traits n’en reflétaient pas l’ombre d’un mensonge, ses paroles, elles, n’avaient aucune logique. Bien sûr que non, elle n’avait pas “reprit les choses où elles en étaient”. Ca avait été impossible, tant physiquement pour elle, que parce que son entourage lui-même avait changé. Il n’y avait RIEN eu de similaire à avant son accident. Rien. Amara avait beau être une femme intelligente, elle venait probablement d’en dévoiler bien plus qu’elle ne l’aurait voulu et rien que le fait qu’elle comète cette erreur en disait d’ailleurs long sur son réel état. Après tout, tout le monde ou presque avait marché sur des œufs en sa présence, la laissant faire ce que bon lui semblait, sachant très bien qu’elle n’en ferait qu’à sa tête.

- On me rend bien-sûr visite. Amis, famille, belle famille, répondit-elle. Psychomage.

Le dernier nom de la liste n’était pas arrivé là par erreur. C’était une manière pour Amara de rappeler qu’elle n’avait pas oublié la raison de la venue de Venus. Un constat véritablement idiot, qui, de nouveau ne traduisait qu’une seule chose : Amara répondait par l’attaque sans avoir été attaquée parce qu’elle se sentait menacée. De nouveau, une bien piètre manœuvre. Elle allait probablement se maudire quand elle repenserait à cette conversation à tête reposée. En face d’elle, Venus était bien loin d’être aveugle, parler de ses enfants était probablement la meilleure manière de désarmer Amara.

- Ils sont parfaits, répondit-elle avec un aplomb témoignant de l’immense amour qu’elle leur vouait.

Elle déposa un tendre baiser sur le front de Matteo.

Et puis, au loin, un bruit. Un bruit puissant, sourd : une balle de fusil. Rien d’étonnant au fond de la campagne Italienne. La chasse, ici, faisait encore partie de la vie courante des moldus locaux. Une partie de leurs employés moldus gardés sous impero disposait même de quelques fusil pour albâtre tout nuisible persistant de leurs vignes. Amara sursauta et resserrer son étreinte autour de son fils. L'espace d’un petit instant, Venus avait même pu voir une frayeur réelle dans le regard de la matriarche. Une frayeur qu’elle balaya rapidement, parce que, selon ce qu’elle avait dit à tout le monde, y comprit son époux : elle n’avait aucun souvenir de son attaque et nul ne savait expliquer ce qu’il s’était passé exactement. En vérité, Amara commençait à retrouver quelques souvenirs, principalement sous forme de cauchemars parfois très perturbants et desquels elle avait bien du mal à trier les éléments.

Da qualche parte tra bugie e verità

Nul doute que son interlocutrice ne croyait pas un mot de ce qu’elle venait dire. Mais Amara s’en moquait. C’était déjà bien assez qu’elle doive subir les visite d’un psychomage, elle devait en plus supporter Venus. Elle devait en plus se montrer gentille. Fichue promesse faite à Chris.

- Tout est affaire d’avoir sa vie en ordre, répondit elle du tac au tac.

Même ça…. C’était risible au possible. Venus savait qu’Amara avait assassiné son premier époux, épousé son amant sur un mensonge et, en prime, eu deux enfants d’un autre homme. Une vie en ordre ? On avait vu mieux. Mais soit, ça n’était pas comme si Amara allait admettre quoi que ce soit. Non mais qu’est ce qui avait prit à Chris d’avouer la vraie paternité des enfants à Venus ?

Mais Amara continuait de faire bonne figure et de porter ce fichu masque. Elle ne dirait rien. Rien du tout. Du moins, c’était avant d’être trahie par un bruit qui réveilla en elle un reflex bien trop visible. Elle avait beau tenté de l’avoir masqué, Venus avait réussi à l’entrevoir ce qui ne manqua pas de crisper Amara de plus belle. Cette fois ci…. Son interlocutrice refusa de jouer le jeu de la maîtresse des lieux et la conforta. Au diable les sourires plus faux que ses ongles, le regard d’Amara se fit bien plus sombre. Elle n’avait rien à dire à cette née moldue.

- Je vois que tu as donc fort envie de perdre ton temps. C’est tout à ton honneur. Mais pas au mien, j’ai bien trop à faire.

Elle se leva, Matteo toujours dans ses bras, n’ayant pas la moindre envie de devoir justifier ce sursaut qu’elle n’avait aucune idée de comment justifier.

- Sur ce, comme tu l’as vu tout va bien. Atlas te reconduira.

Et…. Elle s’en alla.
Bon, Théodore allait probablement trouver ça un brin divertissant, Chris probablement pas. Tant pis. Elle trouverait bien de quoi argumenter pour cacher cette affaire sous le tapis.

En attendant…. Pour peu qu’elle en parle au medicomage…. erh, Amara préférait éviter d’y penser. La prochaine rencontre se ferait probablement plus rapide maintenant que Vénus avait aperçu quelque chose.