Une vie sous un oeil bienveillant

Je m'étais assez vite rendue compte que j'étais l'une des rares élèves a nommer le Directeur de ma maison par son prénom. Je n'avais pas eu conscience de faire une bêtise et il ne m'avait pas reprise non plus. Ca ne devait pas le gêner tant que cela alors, mais il faudrait que je fasse attention, on me posait toujours des questions lorsque ça arrivait et si je pouvais expliquer pourquoi j'avais rendez vous une fois par semaine avec lui, trouver une raison pour laquelle je pouvais me permettre de l'appeler par son prénom était un autre problème. Et j'avais vite compris que dans cette école, parler des autres semblait être une tradition. Je n'étais pas très a l'aise avec ça. Bon, ils étaient curieux, peut être parce qu'ils s'intéressaient a moi, mais une telle attention me gênait.

Finalement, je frappai un coup a la porte avant de passer la tête : « Amos ? » je tournai les yeux pour le découvrir debout devant sa bibliothèque. « Ah vous êtes là. » soupirais je un peu soulagée pour aucune raison. Amos n'oubliait jamais nos rendez vous. Je me glissais dans la porte pour la refermer derrière moi. J'avais enfilé un jean mais je me sentais un peu trop...comment dire...Trop exposée par le tissus suivant les lignes de mes jambes. C'était presque indécent a mon sens mais ici, ça n'avait rien d'anormal. Par contre, j'avais dis non pour le petit pull blanc qu'on m'avait mis sous le nez. Ce sweat trois fois trop gros pour moi et d'une couleur neutre m'allait parfaitement. J'avais attaché mes cheveux et c'était tout. Contre moi, je serrai un petit carnet, mon journal comme disait mon psychomage. Je devais en débattre avec Amos une fois par semaine pour qu'il puisse jauger de mon intégration et de mon assimilation a cette école. Il s'assurait aussi que je conservais mon Obscurus bien enfermé en moi et, ensemble, on pouvait déterminer ce qui en provoquait le déchaînement. De la même manière, si j'avais le moindre problème de contrôle, je devais vite filer le voir, le Ministère lui avait confié une espèce de prison magique qui pourrait le cas échéant, me contenir un petit moment. Enfin bref...

A petit pas, je m'approchais de sa haute silhouette. Malgré moi, mes doigts se crispèrent sur mon cahier. Pourtant, je n'avais presque plus trop peur de lui. Mais j'avoue qu'au début, ce fut difficile. Il était très grand comparé a moi, sa carrure me surplombait sans problème et il m'avait fallu un moment pour arrêter d'y voir une menace qui n'existait pas. Au fil des mois, enfin cinq pour être précise, j'avais fini par me tranquilliser. De toute façon, il s'adressait toujours a moi avec une voix tranquille. Presque ronronnante. Comme un gros chat. C'était mignon les chats. Machinalement, je jetai un coup d'oeil sur l'horloge magique de son bureau, encore un peu fascinée par les mouvements de l'aiguille. « Désolée, je suis un peu en retard. Les filles ont voulu me faire enfiler une espèce de truc appelé top, un peu trop court pour moi et en plus, on est en hiver, il fait trop froid pour ça. » repris je arrivée a quelques pas de lui. J'étais assez a l'aise avec lui maintenant pour me permettre d'annoncer ce genre de petits détails insignifiants « Vous allez bien ? »Question de politesse quand même, j'étais peut être née dans un pays de barbare mais ça ne voulait pas dire que j'en étais une.

ft. Amos

Une vie sous un oeil bienveillant

J'eus l'impression d'avoir fait une bêtise alors qu'il n'y avait absolument aucune remontrance dans la voix d'Amos. Néanmoins, je marquais un léger temps d'arrêt, scrutant ses traits pour être sûre que tout allait bien, puis je repris mon mouvement. M'excusant de mon léger retard dans la foulée. C'était quelque chose que je n'aimais pas. Etre en retard je veux dire. Depuis que j'avais appris a lire l'heure étant enfant, j'aimais la sensation de sécurité que m'apportait le fait d'être en avance ou a l'heure. Le retard m'angoissait un peu. C'était idiot. Donc je m'en excusais, j'avais été un peu incapable de repousser les filles. Leur sollicitude était bienveillante mais elles ne comprenaient pas vraiment pourquoi je freinais des quatre fers. Et je n'avais pas envie de leur parler de mon éducation très conservatrice. Pour moi, rien qu'un jean était indécent mais bizarrement, je le préférais aux jupes. Au moins, il cachait ma peau. M'installant comme m'y invitait Amos, je hochais légèrement la tête. « Je sais qu'elles veulent être gentilles mais je ne peux pas. Pas encore. Déjà là, j'ai l'impression de trop en montrer. » expliquais je en pointant mes jambes. « Anna a déjà eu beaucoup de mal a me faire quitter la burqa alors... » continuais je en enfonçant un peu la tête dans les épaules. Je m'étais sentie en sécurité sous l'habit intégral. Mais il était vrai aussi qu'ici, il me rendait trop remarquable. Par contre, je souris légèrement. « Et vous êtes loin d'être sénile. » Tout de même ! Alors certes, Amos était bien plus âge que moi mais il était loin de paraître vieux. Il ne dégageait pas l'arrogance des plus jeunes mais plutôt quelque chose de tranquillement apaisant, ce n'était pas être vieux a mon sens.

Et puis je m'enquis de lui, une simple question dont personne n'écoutait réellement la réponse, avais je remarqué, mais lorsque moi je la posais, c'était que, outre la politesse, je voulais avoir une réponse tout simplement. Amos avait vite fait la différence c'était sans doute pour cela qu'il me répondait toujours de manière développé. Sans se contenter d'un vague oui. Je me mordillai la lèvre inférieure lorsqu'il me retourna la question. « Mmmh...je ne sais pas vraiment. J'essaye mais parfois on arrive a me surprendre et je ne peux pas m'empêcher d'avoir un mouvement de recul un peu violent. Je sais que ça met mal à l'aise les autres mais ça reste encore plus fort que moi. Remarquez, il y a du mieux, avant je croisais les bras sur la tête. » répondis je en plissant le nez. « Il n'y a pas longtemps j'ai réussis a tenir une conversation seule avec un garçon sans paraître trop terrifiée, alors je suppose qu'il y a du mieux, il est loin d'être aussi extraverti que beaucoup donc ça a dut jouer un peu, mais j'étais contente de moi. » Oui, on avait nos petites victoires et les miennes avaient leur importance a mes yeux. « On s'est même plutôt bien entendu d'ailleurs. Pas que je n'y arrive pas avec les autres, mais je suis plus sur la défensive, j'ai toujours peur du geste de trop. C'est stupide mais j'ai encore trop de réflexe malvenu qu'ils ne comprennent pas toujours et je n'ai pas envie de m'expliquer. » Le faire, c'était faire face a trop de réactions contraires. De la compassion, de la pitié, de la colère inutile. Certains avaient leur théorie mais je ne confirmais jamais rien. Amos savait très bien a quoi s'en tenir lui.

Assise toute droite sur le bord du fauteuil, je lui souris plus largement. « Et jusqu'à présent, j'ai bien réussis a contenir mon Obscurus. Il a fait quelques tentatives, principalement lorsque je suis fatiguée et que je suis moins sur mes gardes mais dans l'ensemble, j'ai réussis a le contrer assez facilement. C'est un progrès non ? » Il fut un temps où le faire me rendait si malade que je ne pouvais pas quitter le lit durant une journée entière. « Vous croyez qu'il est possible de me trouver un petit coin pour que je puisse prier de temps en temps ? Je sais que je ne peux pas le faire aussi souvent qu'avant mais je crois que ça me manque. » demandais je alors en penchant légèrement la tête. Ma foi m'aidait bien plus souvent que je ne le voudrais dans les moments les plus difficiles mais ma manière de prier ne ressemblait pas a celle des catholiques alors c'était délicat pour moi. Même les musulmans de l'école ne priait pas a ma façon...Alors j'espérais juste pouvoir avoir un petit coin a moi.

ft. Amos

Une vie sous un oeil bienveillant

J'avais déjà du mal avec la manière de s'habiller des femmes ici, alors penser qu'aux Etats Unis c'était pire, me fit ouvrir les yeux un peu plus grands. C'était plus fort que moi, j'avais été élevée de manière très prude, avec l'idée bien ancrée que je ne devais rien montrer, que mon corps était uniquement réservé a mon mari. Anna avait eu du mal a me faire revenir a quelque chose de plus simple. Déjà, je ne portais pas le voile, c'était déjà pas mal, mais je n'étais absolument pas prête aux shorts, jupes et même les bras nus me gênait. L'été, malgré la chaleur, j'y ajoutais toujours un châle. Et je souris lorsqu'il m'assura que j'avais le droit de refuser. Mais c'était difficile parfois de résister a l'enthousiasme des filles en fait, cela dit, j'étais ferme au besoin parce que je savais très bien quelles étaient mes limites.

Sur son invitation je m'installais au bord du fauteuil avant de lui faire part des événements de ses derniers jours. J'avais besoin d'être approuvée et encouragée par lui, comme un petit enfant auquel on tapote la tête en lui disant qu'il avait bien fait. J'étais plus âgée bien sûr et ma vie était parsemée de choses qu'un enfant n'aurait jamais dût connaître ou vivre, mais je gardais un côté innocent qui réclamait qu'on me traite comme tel. Et Amos avait parfaitement compris cette dualité chez moi, c'était peut être pour ça que j'étais souvent assez a l'aise avec lui pour aborder des sujets parfois difficiles. Lui faire part de ma rencontre avec Min-Ho était donc naturel, surtout le fait que cela se soit très bien passé. Évidemment, je gardais sous silence les choses qui ne m'appartenait pas en propre sans franchement me poser la question de savoir si mon professeur était au courant ou non d'ailleurs, mais c'était le minimum de respect que je devais au jeune homme. « Merci, et oui, il est aussi peu a l'aise que moi là dessus. Les gens d'ici aime toucher les autres, je l'ai bien compris j’essaye de faire avec la plupart du temps quand je peux appréhender la chose mais avec lui, je ne me pose pas la question parce qu'il ne cherche jamais a le faire. Pas même pour attirer mon attention. » Non, il préférait dire mon prénom et attendre que je le regarde. C'était plus simple et confortable pour moi. Les autres avaient tendance a me toucher l'épaule ou le bras, venant de filles, c'était surprenant, déplaisant mais c'était tout, venant des garçons...C'était plus problématique. Puis,  mon sourire s'élargit un peu, lorsque j'abordais le sujet de mon Obscurus. Il était toujours là, je pouvais le sentir se mouvoir en moi, bien enfermé dans la cage mentale que j'avais construite peu à peu. Je savais que je pouvais guérir et c'était ça qui me tenait debout parfois. Lorsque j'en serais libérée, je pourrais vraiment apprendre a vivre et ça, c'était mon espoir. En attendant, je devais faire avec et garder un contrôle permanent sur lui. Evidemment, cela ne l'empêchait pas de m'attaquer de l'intérieur, comme si il avait prit goût a la liberté et au carnage. Parfois, j'en cauchemardais la nuit et dans ce cas là, je sortais du dortoir pour chercher l'apaisement sur les remparts, sous le regard du ciel noir. Mais il y avait du mieux. Vraiment. «  Je suis bien entourée malgré tout, j'en ai conscience. Les élèves de la Maison font attention, parfois moins parce que se refréner n'est jamais facile mais la plupart du temps ils sont précautionneux avec moi. » c'était les autres Maison qui posait parfois problème mais j'étais rarement seule d'une certaine façon, il y avait toujours un Poufsouffle quelque part pour intervenir si jamais il voyait que j'étais mal à l'aise. Une telle attention était difficilement supportable mais j'en étais reconnaissante.

Mais il me manquait un petit quelque chose. Bien sûr, je trouvais toujours un moyen de prier dès que je le pouvais, mais ce n'était pas facile, surtout si on me voyait, cela provoquait toujours plein de question, ou alors on me dérangeait sans se rendre compte que...c'était un moment où je ne devais pas l'être. Je hochai un peu la tête a son commentaire. « Oh je ne suis pas...Obligée de le faire cinq fois par jour, je sais que je dois aussi m'adapter a ma vie ici. Je ne suis plus en Afghanistan après tout. Mais...Parfois on vient m'interrompre et... Enfin c'est gênant. » fis je presque dans un murmure avant de reprendre. « La religion...J'ai eu longtemps un rapport étrange a Dieu. Je lui en voulais et en même temps j'étais heureuse de son don, enfin ma magie je veux dire. C'était un cadeau empoisonné pour moi. Ca l'est toujours un peu parce qu'a cause de lui je ne vis pas comme je le devrais. C'est...Difficile d'admettre que c'est naturel et que s'en servir est normal pour un sorcier quand elle est responsable de trop de souffrances. Dieu m'a beaucoup aidée je crois, sans le savoir, Il est devenu mon ancre. Aujourd'hui, j'aime Lui parler de mes progrès, même si Il le voit évidemment. De mes doutes aussi, de mes peurs. Un peu comme je le fais avec vous. Je Le remercie de la force qu'il m'a donné malgré tout parce que sans elle, je serais morte bien plus tôt. » expliquais je doucement. Il m'était toujours un peu difficile de parler intimement de ce que je ressentais. Cette pudeur n'existait pas lorsque je m'adressais a Dieu cela dit. Il ne jugeait jamais ses Enfants après tout. « Et je regrette de voir ce que mon peuple a fait de Son enseignement. Je suis pratiquante mais pas extrémiste. J'ai préféré l'Amour qu'Il nous donne a cette espèce de haine que les hommes en ont fait parfois. »

ft. Amos

Une vie sous un oeil bienveillant

Si je me sentais bien auprès de lui ? Oui, sans doute. Je ne me sentais pas menacée, pas oppressée, et même si sa façon de penser ne ressemblait en rien a la mentalité de ce pays, elle m'était familière. Beaucoup trop peut être, je ne savais pas vraiment. Néanmoins, j'étais contente d'avoir gagné assez de contrôle sur moi même pour pouvoir découvrir cette amitié et me faire un ami. Cela pouvait paraître naïf pour beaucoup, mais Amos savait a quel point je pouvais être fière de ces petites victoires qui n'avaient l'air de rien pour les autres. Je hochais la tête lorsque le nom de Min-Ho passa les lèvres du professeur. « Oui, c'est ce que j'ai cru comprendre. Je sais que beaucoup ne le comprenne pas vraiment, mais je suis a l'aise avec les personnes plus...comment dire...froides ? Enfin non ce n'est pas tout a fait le bon mot. » mais mon vocabulaire avait encore des lacunes donc je ne trouvais pas dans ma mémoire le terme correspondant a mon ressentit. Parce que Min-Ho n'était pas froid, pas dans le sens strict du terme. Enfin je finirais par trouver sans doute.

Finalement, a l'aise, je terminais par une demande un peu spéciale. Alors certes, ce serait faire preuve d'un traitement de faveur flagrant et j'en étais un peu mal a l'aise, mais j'avais besoin de prier. Amos savait a quel point j'avais pu me raccrocher a la religion, aimant Dieu tout en le détestant. C'était un sentiment ambivalent avec lequel je vivais. Néanmoins, j'y trouvais un certain apaisement, réellement. Pouvoir réellement se confier parce qu'Il savait tout et voyait tout. Je ne sais pas si c'était une épreuve donnée par Lui pour son enfant et je ne savais même pas si je la traverserais avec succès mais... C'était un besoin et un désir. Rassurée par son autorisation, je me détendis un peu. Il était difficile de prier, même si je n'étais pas la seule musulmane de l'école, j'étais peut être plus pieuse que beaucoup. « Merci Amos. » soufflais je avec un sourire plus apaisé. Je n'avais rien contre la curiosité des autres, loin de là, mais je n'aimais pas de voir sans cesse m'expliquer ni faire face a certains jugements. Parce que ce en quoi je croyais était, encore aujourd'hui, une excuse pour commettre toute sorte de crime immonde. Dieu ne pouvait cautionner cela. Pas a mon sens.

Puis, une lueur fière s'alluma dans mon regard a la mention de mes notes avec le professeur Avery. Il était strict, froid mais impartial. Même si mon écriture pouvait pécher, il m'avait noté sur mes connaissances et je dois dire que je travaillais dur, voir très dur, trop ? Peut être mais cela n'avait pas d'importance, j'avais beaucoup trop de retard. « Alors j'accepte avec plaisir ! Il est vrai que j'ai encore beaucoup de mal avec l'orthographe et la grammaire. Au moins, j'arrive a lire plus facilement maintenant, Anna est fière de moi et je crois que je le suis de moi même aussi. » ris je doucement avec un rien d'embarras. Je n'étais pas quelqu'un ayant une haute opinion d'elle même après tout. Jetant un coup d'oeil a l'horloge, je soupirais a la suite. « Je vais vous laisser, j'ai un cours d'Histoire de la Magie et Miss Wheeler n'aime pas tellement que je sois en retard. » je me levais dans un sourire et ajoutais en ouvrant la porte. « A la semaine prochaine ? Bonne journée Amos. » fis je avec bonne humeur avant de disparaître pour me rendre a mon prochain cours. Etais je heureuse dorénavant ? Peut être un peu...oui peut être que je marchais sur le bon chemin...

RP Terminé.

ft. Amos