« Est-ce que je peux venir demain ? » Cela avait été mes seuls mots envoyés en hibou express. Je ne pouvais pas rester. Pas lorsque j’avais failli tuer quelqu’un. Pas lorsque je l’avais torturé. Pas maintenant que je savais que sa famille était responsable de la mort d’Ho-Seok. Pas quand cet homme sur qui j’avais passé mes nerfs étaient un Kim. Par chance, Mika n’avait pas tardé à répondre, acceptant ma venue avancée. Cela ne m’étonnait pas vraiment et j’admettais, à cet instant, ne pas penser au fait que cela pourrait déranger ses parents. Non. Je voulais simplement partir, fuir de nouveau ce pays. Non sans m’être assuré que mes cousins iraient bien. Dans une moindre mesure.

Ainsi étais-je rentré chez mes parents dès que j’avais pu le faire. Le frère de Merindah avait proposé que je puisse venir avant. J’avais accepté. Ce furent la seule explication avant que je ne monte dans ma chambre rassembler mes affaires. Je ne faisais pas vraiment attention à ce que je faisais, à ce que je prenais. Je voulais seulement partir. Loin. Chez lui. Avec lui.

- N’oublie pas de saluer Monsieur Kareela. Me souffla ma mère qui m’avait suivi. Tu vas être le visage de la famille face à lui. Sois digne.

Pas un au revoir. Pas un « prend soin de toi ». Mais je devais être digne.

- Oui.

Que pouvais-je dire d’autre ? Oui. Je serais digne. Ne l’étais-je pas toujours ?

- Sois plus amical et souriant. Les occidentaux préfèrent les hommes souriants.
- Oui.
- Et prend soin de sa fille, ne l’oublie pas. Même si tu vas rendre visite à son frère.

Que pensaient-ils, que voulaient-ils donc réellement ?

- Oui.
- Sais-tu au moins dire autre chose ?

Me stoppant, je me redressai pour lui faire face, le regard bien plus froid que je n’avais eu jusque-là. Je masquai ma colère, je masquai ma douleur mais ses « conseils » commençaient à tendre le moindre muscle de mon corps.

- Je ne voudrais pas vous manquer de respect en répondant que je sais exactement ce que je dois faire, Mère. Vous me l’avez bien assez répété depuis que je suis enfant, il me semble.

Figée, il me sembla l’avoir choqué par mon comportement avant qu’elle n’avancer vers moi, me fixant sur place, refusant de baisser les yeux, pour la première fois de ma vie.

- Mais il semble que tu n’as pas encore compris ce que nous attendons de toi et…
- Rester un digne huitième héritier des Jeon, m’entourer des meilleurs partis et démontrer la puissance familiale ? Soufflai-je presqu’insolent, terminant d’empaqueter mes affaires.
- Ne joue pas à ce jeu Hyun-Ki. Me souffla-t-elle froidement. Nous comptons sur toi.
- Evidemment.

Pour la première fois, je ne m’inclinais pas, quittant la pièce, mon sac sans fond à l’épaule avant que mon père ne m’arrête, me rappelant mon rôle et ce qu’ils attendaient de moi. Ma mère était une chose. Mon père… Figé sur place, je ne sus répondre comme je venais de le faire et m’inclinant difficilement, sans un mot, je transplanai jusqu’au quartier sorcier de Séoul. Il me fallut quelques secondes de reprise d’esprit. Appuyé contre le mur, je soupirai avant de pouvoir avancer, de pouvoir me rendre au portoloin réservé pour l’occasion. Mon billet présenté, je pus enfin quitter la Corée.

La fraîcheur australienne me figea dès lors que j’arrivai sur le sol. Sortant une cape chaude de mon sac, je m’y emmitouflai avant de souffler. Bien… Je… Oui. Le point de rendez-vous. Il m’avait fallut plus de vingt minutes pour trouver mon chemin et enfin retrouver une femme qui ressemblait en tout point à la photo fixe de Mika. Me stoppant à distance respectable, je m’inclinais fortement, déglutissant, bien plus stressé que je ne l’imaginais alors que la colère que j’avais ressenti face à mes parents avait pris le pas sur mon angoisse.

- 안녕하세요, Wilde 부인. 만나서 반갑습니다. Prononçai-je avant de me redresser.

Ce n'était peut être pas le plus poli que d'utiliser le coréen mais... J'admettais avoir perdu mes mots en anglais à cet instant. Trop de stress. Trop de colère. Trop d'angoisses. Il fallait que je me calme.

Ainsi... Je ne m'étais pas trompé. Il s'agissait de la mère de Mika. Une très belle femme qui... s'inclina. Je comprenais pourquoi mais... Je n'aimais pas cela. Enfin. Au moins me répondit elle en coréen.  Tant mieux. Il me serait plus facile de répondre dans ma langue natale que dans toute autre langue.
Et ainsi la suivis je sans sourciller, sans même prononcer un autre mot qu'une excuse sur mon retard et ce jusqu'à... qu'est-ce que... une voiture... moldue ? Un instant, je me figeai sur place. Je savais ce qu'était cet engin mais... monter dedans et... Je... Bien. Tentant de faire comme si tout allait bien, je repris la marche jusqu'à cette boite sur roue pour y déposer ma valise.

- Tout de suite,  Madame. Avais-je répondu, obéissant,  à sa demande, retirant ma cape pour entrer dans la voiture et observer autour de moi avec attention.

Tout était très différent que dans les livres... Et cela avait l'air... J'admettais ne pas avoir grande confiance quant à cet engin. Cela était-il sûr ?... A vrai dire, j'oubliai rapidement la question lorsque Madame Wilde me tendit un grand gobelet et...

- Merci... Murmurai-je, surpris.

Mika... pensait à tout et bien trop à mon bien-être... M'arrachant même un sourire, l'espace d'un instant, je pris le gobelet entre mes deux mains pour en boire une gorgée presque salvatrice. Sourire qui s'effaca dès lors que la voiture démarra, m'obligeant à me cramponner à la porte. Je n'aimais pas cela, cette sensation et cette incompréhension. Comment contrôlait elle cette boite de métal ? C'était... Non. Vraiment. Je n'aimais pas cela.

En un sens, le fait que la mère de Mika reprenne parole fut une bonne chose. Surpris, j'en oubliais cette sensation désagréable d'avancer sans rien contrôler. Ma venue avancée soulevait des questions. Évidemment.
Silencieux, je l'écoutais alors, comprenant bien trop ce qu'elle disait, ce qu'elle craignait. Aurais-je eu cette même compréhension si je ne connaissais pas déjà ce dont était capable cet arrière-grand-père ?... Peut-être pas. Mais je le savais et à son nom, au nom de Kim, ma main se raidit sur ma cuisse. Me calmer. Il fallait que je me calme alors que pulsaient en moi la rage et l'angoisse.

- Un cadet ne manœuvre jamais. Commençai-je. Pour avoir... J'hésitais un instant sur le terme à utiliser. Je devais améliorer la veriter, je devais cacher ce qui n'était pas convenable aux yeux des autres, veiller à l'image de ma famille... Pour avoir discuter - quand bien même cela n'était en rien une discussion - avec ma mère avant de partir, mes parents ont accepté ce départ avancé avec l'idée de me voir approcher des Sangs Purs australiens.

Ce n'était pas un mensonge, au contraire mais... j'admettais cacher une grande partie de la vérité. J'avais menti à mes parents. Avec l'aide de Merindah et de son père, je leur avais menti pour pouvoir partir.

- Quant à Mika...

Cette fois,  l'hésitation dura bien plus longtemps, mon regard fixé sur mes genoux. Je savais. Je savais bien trop mais... Je ne pouvais rien dire. Serrant mon poing sur ma cuisse, tentant de masquer mes émotions par un masque de neutralité bien trop exagéré pour être sincère, je finis par reprendre.

- Je ne suis pas naïf, Madame Wilde. Ni même idiot. Je connais les risques... Tous les risques. Et si je ne peux pas certifier de l'avenir, si je ne peux pas... vous rassurer... Je... A nouveau, je me tus. Personne ne s'en prendra à votre fils. Ni les... Je ne pus m'empêcher de gronder légèrement. Kim. Ni les Jeon. Je ne le permettrait pas. Je sais que ma parole ne doit avoir que peu d'intérêt pour vous. Mais je... Déglutissant, je relevai mon regard pour l'observer, tentant d'assumer des mots que je n'avais jamais prononcer que devant Mika. J'aime Mika. Je ne veux que son bonheur. Et je ferais tout pour le protéger... Même si je dois me dresser contre votre grand-père,  Madame.

Je savais. Je savais combien cela pourrait être dangereux. Mais j'avais déjà torturé un Kim. Tuer leur chef me semblait être la meilleure des idées. La plus... apaisante. Aussi. Aussi extrême cela puisse être. Je n'avais plus aucun état d'âme envers cette famille.

- Mika me fantasme. Soufflai je malgré tout.  Il m'imagine plus fort que je ne le suis. Mais cela ne m'empêchera pas de tout faire pour le rendre heureux. Pour le faire exister. A la place qu'il mérite et... A la pensée de l'homme que j'aimais, je ne pus que sourire, même légèrement. Il mérite plus qu'une place de second choix... Il mérite tout... Murmurai-je.

Était-ce si évident ? Hochant légèrement la tête, je n’avais pas vraiment envie de mentir. Cacher la vérité était une chose, mentir directement en était une autre et… Je ne pouvais pas.

- Oui. Admis-je alors à mi-voix. C’était la seule solution…

J’en avais honte. Vraiment honte mais… Je n’avais pu faire autrement pour rejoindre Mika. Il avait fallu tricher, mentir et… Je ne le regrettais pas. Vraiment pas.

- Mes parents pensent que Mika est son frère. Je suppose qu’ils espèrent encore que je me lie assez pour espérer un mariage à la clé.

Ce n’était même plus une supposition à cette heure, mais une vérité dont ma mère, sans le faire directement, m’avait fait part. Une vérité que je détestais avouer. Mais ce n’était certainement pas vraiment le but de la conversation que désirait avoir Madame Wilde, évidemment. Mika était sa priorité. Je le comprenais. Il était la mienne tout autant. Et même si je ne pouvais rien promettre, j’aurais tout fait pour le protéger, pour le rendre heureux. Sans commune mesure. Même si cela m’obligeait à me dresser contre sa famille, contre les Kim. Un propos qu’elle sembla vouloir apaiser. Personne ne pouvait s’en sortir entier… Je le savais. Ma famille, mes cousins le savaient mieux que quiconque. Et c’était justement parce que je le savais que je pouvais m’y préparer. Que j’étais sûr de ce que je disais tant la colère pulsait dans mes tempes à cette idée.
Mais il était un fait certain : Mika me fantasmait. Tout du moins sur certains points. Peut être beaucoup… Et je ne pouvais que le lui dire. Je n’étais pas la personne forte, la personne courageuse qu’il disait que j’étais. Il méritait tant… Tant de chose que je ne pouvais lui apporter… Baissant la tête aux mots de sa mère, j’hochai légèrement cette dernière, peu convaincu mais peu désireux de me battre sur ce point. Ce n’était pas une force que de le faire… Cela ne pouvait juste pas en être autrement. Pas avec Mika.

Relevant la tête à ses révélations, je me figeai légèrement, la rage revenant sur le devant alors que mon poing se serrait de nouveau. Il avait déjà essayé de… Ce sale… Serrant les dents, j’observai Madame Wilde sans un mot.

- Je n’ai jamais sous-estimé la moindre personne. Commentai-je un peu trop froidement pour que cela n’apporte aucun questionnement.

J’étais un Jeon. J’avais appris à voguer dans des affres de politique et d’hypocrisie et même si je détestais cela, j’avais appris à calculer, à observer et à jauger des autres. Je ne me laissais que peu avoir par mes émotions… Sauf quand cela le concernait lui… Soupirant à cette idée alors que je me rendais compte de mon manque de contrôle quant à mes émotions, je me forçai à détendre mes traits pour reprendre.

- Il sera toujours une priorité absolue, Madame.

Il était ma raison de vivre, celui qui avait su me sauver de moi-même autant que de ma famille, que de ce qu’ils entraînaient.

Sursautant soudain fortement à une musique que je ne connaissais pas sortie de nulle part, renversant quelques gouttes de mon americano sur moi, j’observai avec un brin de panique dans le regard l’écran de la voiture changer et faire apparaître le nom de Mika. Qu’est-ce que… Il allait sortir de ce carré ? Ou comme sur son téléphone ? Non. Juste sa voix. Une voix rauque alors que je tournai mon regard d’incompréhension vers Madame Wilde qui semblait vouloir gronder Mika. Il avait… Il s’était réveillé pour moi ? Clignant des yeux, j’observai son nom sur le rectangle avant que je ne l’entende s’adresser à moi. Me redressant, je mis une seconde avant de répondre, très, trop, peu habitué à ce genre de communication. Mais c’était lui, vraiment lui et… Les émotions reprirent le dessus dès lors que je dus lui parler. C’était plus fort que moi, impossible de faire autrement. Pas face à lui.

- Moi aussi, Hae. Soufflai-je alors en anglais, le ton anxieux, autant de cette façon de communiquer que du reste. Fais attention à toi. S’il te plait.

Et son nom finit par disparaître non sans que sa mère ne l’ait houspillé une nouvelle fois. Les yeux fixés sur le rectangle désormais vide de son prénom, je relevai le regard dès lors qu’elle reprit parole. Il s’inquiétait des raisons de mon arrivée et… A nouveau je baissai la tête. Elle aussi. Ou du moins, à défaut de s’inquiéter, elle désirait savoir mais…

Il me fallut quelques minutes pour enfin oser relever la tête. A nouveau, il me fallait choisir entre mensonge et vérité… Et je n’étais pas un menteur. Pas plus que je ne pouvais masquer mes sentiments dès lors que Mika apparaissait autour de moi.

- Je sais exactement de quoi est capable votre grand-père. Commençai-je avant que je ne secoue la tête, conscient que je commençais bien mal mon explication lorsqu’elle m’avait demandé de ne pas attirer la lumière sur Mika. Rassurez-vous. Il n’est pas au courant pour votre fils et moi… Il… A nouveau, je me tus. Il y a un an, mon cousin, le troisième héritier de notre famille est mort. Il… C’était quelqu’un de bien, de solaire, tout le contraire du reste de ma famille. Il était jeune… C’était par un loup garou. Je… Nous avons… Notre famille… Il était le seul qui en était réellement. Tentai-je difficilement d’expliquer. Et avant-hier… Nous avons su ce qu’il s’était passé. Je… Nous avons maîtrisé… Arrêté, corrigeai-je alors que je me refusais d’admettre mes actes face à elle tant ils étaient indignes de tout sorcier, tant le risque était grand, le meurtrier… Il nous a donné le nom de son commanditaire, de son grand père… Kim Seung-Joo. A nouveau, je me tus. Le poing serré à m’en faire mal sur ma cuisse. Je sais donc exactement ce qu’est capable de faire votre grand-père. Je sais qu’il est capable de tuer un adolescent pour anéantir une famille. Je sais qu’il aurait tué tous les héritiers des Jeon s’il avait pu le faire. Je sais qu’il n’hésiterait pas à utiliser Mika ou à le tuer si cela lui apportait plus. Repris-je plus férocement. Je… Je ne suis pas venu pour le plaisir. Pas pendant qu’il n’est pas là. C’était évident alors que mon manque de sociabilité était criard. Seulement… J’ai eu peur pour Mika. Et chez mes parents, je ne suis pas libre de mes mouvements. Ils ne savent pas, ils n’ont aucune idée de ce qu’il s’est passé avec Taehyung Rehbehn. Je sais aussi que le chef Kim n’est au courant de rien mais… Je voulais être quelque part où je pourrais partir au moindre risque. Alors… Lorsque je dis que je n’hésiterais pas à m’opposer à Kim Seung-Joo… Je pense savoir exactement ce à quoi je pourrais m’attendre, sauf votre respect, Madame. Soufflai-je, baissant de nouveau la tête. Je… Je sais à quoi je dois être prêt pour protéger Mika.

J’avais fini par tout lui avouer ou du moins une grande partie. La mort d’Ho-Seok. Le responsable de cette tragédie. La conscience que j’avais de la réalité des choses. Je n’étais pas venu pour rencontrer ses parents avant qu’il n’arrive. J’étais seulement venu pour être libre de mes mouvements, pour pouvoir agir si quelque chose se passait et… Et parce que j’étais incapable de faire face à mes parents lorsque l’inquiétude, lorsque l’angoisse que je ressentais pour Mika s’élevait à ce niveau. Ils auraient su, ils auraient trop vite compris que quelque chose se passait. Je ne pouvais pas me le permettre. Une angoisse qui rebondit alors lorsque sa mère m’indiqua connaître le meurtrier. Ce n’était pas un mauvais garçon disait-elle… J’admettais avoir du mal à y croire. Pas après ce qu’il avait fait.

- Si je n'avais pas été appelé à temps, il aurait réussi à tuer un autre Jeon. Voire deux. Murmurai-je ainsi avant que je n’hoche la tête. Je connais la valeur de Mika aux yeux de ces gens.

Ils le sacrifieraient sans le moindre doute. Mika n’était rien pour eux, une poussière gênante tout au plus, un objet utile pour atteindre d’autres plus importants.

- Ils ne le toucheront pas.

Cela, je m’en faisais la promesse, j’en faisais la promesse à qui voudrait l’entendre et… Au nom d’Ho-Seok, je me tendis de nouveau, hochant la tête, l’air triste alors qu’il me semblait devoir recommencer tout un processus de deuil difficile.

- Il ne méritait pas ça. Pas lui… Soufflai-je pour toute réponse alors que je me fustigeai bientôt intérieurement pour me reprendre.

Il ne fallait pas que je me laisse aller. Pas maintenant. Encore moins face à elle et surtout alors qu’elle reprenait parole. Ne rien lui cacher lorsqu’il s’agissait de la sécurité de son fils. Je… La menace était directe et… Serrant les dents. Je baissai davantage la tête. Je ne pouvais pas imaginer ne plus pouvoir partager ma vie avec Mika. Cette simple pensée me secouait bien plus que je ne l’aurais voulu et de façon bien trop visible pour que je n’arrive à maintenir mon masque de neutralité.

- Je suis désolé… Prononçai-je, le poing serré. Je… Je ne veux pas vous poser de problèmes ou…

Je ne voulais pas me faire détester par ceux qui étaient le plus important pour Mika. Cette idée me paniquait presque alors que je déglutissais, difficilement. Je ne voulais pas rater, je ne voulais pas être un poids, j’en étais déjà bien assez un. Avais-je réellement bien fait de venir ? N’aurais-je pas dû trouver le moyen d’un hôtel plutôt que de me réfugier là où il parlait de sécurité ?... Mon regard s’était figé sur le sol de la voiture. Je tentai de réfléchir, de me remettre d’aplomb alors que la peur, que l’angoisse, que la honte se faisait sentir. Je n’avais pas l’habitude de ce genre de situation, pas l’habitude de devoir parler face à une inconnue – face à quiconque d’ailleurs, pas l’habitude de sentir une réelle inquiétude de la part de quelqu’un pour son fils. J’avais l’habitude de devoir paraître ferme, droit, de rester silencieux et de me faire bien voir. Pas d’être honnête.

- Je suis désolé pour Taehyung Rehbehn. Finis-je par dire, plus doucement, honteux. Il… Il est vivant mais… Nous avons… Il ne sera plus en capacité de faire… Quoique ce soit. Je ne pouvais pas lui dire que j’étais capable de magie noire, cela me semblait impossible qu’elle puisse accepter qu’un sorcier capable d’aussi mauvaise chose puisse approcher Mika, je ne pouvais pas mais… Je ne pouvais pas non plus lui cacher la vérité quant à ce membre Kim qu’elle connaissait. Nous ne l’avons pas tué. Soufflai-je alors. Il nous faut encore la preuve publique qu’il est responsable… Mais… Je suis désolé Madame Wilde… Je… Relevant la tête pour l’observer, sourcils froncés, bouleversé autant par l’angoisse que par tout ce qui avait pu se passer, je continuai. Si vous estimez que je suis trop dangereux pour Mika, je le comprendrais. Avais-je fini par articuler, plus difficilement que jamais alors que j’entrevoyais bien trop clairement la finalité d’une telle décision, que je savais vers quoi cela m’entraînerait. Je vous promets que… Que je ne l’approcherais plus. Que… Je vous promets de redemander mon transfert à Mahou… Je ne pouvais plus retourner à Mahoutokoro… Ailleurs. Je le protègerais. Je… C’est tout ce que je désire. Le protéger.

Même si cela signifiait ne plus le voir, même si cette simple pensée me faisait trembler, même si je n’imaginais pas pouvoir le supporter réellement, je l’accepterais. Elle était sa mère et… Je ne savais pas comment se comportait les parents, pas vraiment. Mais si elle le demandait, je le ferais. Si cela pouvait le protéger lui. Parce qu’il était tout pour moi, toute ma vie. Parce que je préférais qu’il puisse avoir une vie heureuse sans moi qu’une mort précoce qui le priverait de tout ce qu’il pourrait avoir. Je n'étais rien ni personne pour lui faire risquer cela…

Apprendre à me reconstruire… Peut-être. J’apprenais déjà beaucoup de choses au contact de Mika. Cela ne ferait qu’une chose supplémentaire. Me figeant soudain sur place, je relevai les yeux vers elle. Elle ne pourrait pas non plus retourner là-bas si elle en avait l’occasion ? Est-ce que… Baissant de nouveau les yeux, je comprenais ce que cela voulait dire. Elle avait compris et elle avait aussi… Elle ne me jugeait pas. Même si à notre place, elle n’aurait pas gardé le meurtrier en vie.

- Mon cousin n’a pas voulu que je m’occupe de sa vie. Soufflai-je honnêtement.

Cela m’aurait fait pourtant du bien, presqu’autant que de le voir souffrir. Mais je ne devais rien faire de stupide, pas quand tuer leur chef ne ferait qu’en nommer un autre. Pas quand le risque de perdre était plus important que celui de gagner sur ce terrain. Je le comprenais et hochai-je ainsi la tête. Je ne ferais rien de stupide. Pas quand il y avait autant en jeu. Pas quand je pouvais moi-même être un danger pour Mika… Ce qu’elle ne jugeait pourtant pas.

- Cela ne sera jamais le cas. Répondis-je calmement.

Voilà une chose dont j’étais certain. Je préférais encore perdre mon nom que me retourner contre Mika. Pas contre lui. Jamais. Je préférais encore sauter de la tour d’astronomie si une telle chose m’était demandée. Il en était hors de question et je ne pouvais pas en être plus sûr. Je ne le ferais jamais. Comme j’avais refusé, face à Min-Ho, de le quitter. Je me plierais à leurs désirs. Tant que cela ne toucherait pas Mika.

Et enfin, la voiture s’arrêta, terminant ma torture alors que je me rendais compte que la nausée commençait à me prendre l’estomac. Je devais donc m’attendre à ce que des choses me soient expliqués dans le bazar de la chambre de Mika ? Cela ne m’étonnait pas vraiment. J’étais plus ordonné que lui, nous le savions et… D’accord. Heureux, très heureux, de retrouver la terre ferme, j’attrapai ma valise pour suivre Madame Wilde jusqu’à la maison où je pénétrais avant d’y retirer mes chaussures, une habitude à laquelle je ne pensais plus sans même savoir si cela était normal ici.

Etais-je prêt à cela ? Non. Non vraiment pas. Arrivé à la hauteur de la mère de Mika, je me figeai soudainement, une pluie de confetti apparaissant autour de nous. Les yeux légèrement écarquillés de surprise, j’observai autour de moi. Il y avait… Beaucoup de banderoles et…. Et un homme. Le père de Mika, supposai-je qui… Qui sautillait sur place avec une pancarte souhaitant la bienvenue à… Hein ? Une suspension ? Clignant des yeux sans un mot, mon regard se porta de nouveau sur toutes les banderoles et… Mais… Je… Je ne savais pas où me mettre, quoi dire ou quoi faire. Vraiment pas. Et ce fut pire lorsque l’homme s’approcha de moi pour me prendre dans ses bras en m’appelant « fils », me figeant immédiatement sans que je ne puisse prononcer un mot, avant de m’entraîner à sa suite. Que… Je… Il… Rester calme et serein. Je devais au moins faire semblant. C’était son père et… Il fallait que je reste calme. Et que je le suive. J’étais… En sécurité ici. Mika l’avait dit. Et… Enfin… C’était… Leur façon de faire.

L’homme parlait vite, très vite, avec un accent que je peinais à comprendre. Mika lui avait demandé quelque chose avec l’ordinateur… Il… Des fiches, il y avait des fiches. Heureusement. Des fiches avec l’écriture de Mika, un simple fait qui m’apaisait très légèrement alors que je tentais désespérément de comprendre ce que me disait son père.

- Est-ce que… Pourriez-vous parler un peu plus doucement, s’il vous plait ? Avais-je même fini par demander à mi-voix, incapable de tout saisir.

Mika ressemblait à son père. C’était… Je ne pouvais définitivement pas l’ignorer. Et en un sens, c’était… Une bonne chose. Ou presque. Cela le fut jusqu’à ce qu’il ouvre le tiroir de la table de chevet de Mika… Des préservatifs et du lubrifiant et… Mes joues se teintèrent d’un rouge pivoine presqu’instantanément, me faisant fuir son regard. Ce n’était pas un discours « chiant », c’était… Terriblement gênant. Mais Mika lui racontait tout et… Il voulait répondre à mes doutes et mes questions ? Je… Non. Non, non. Je… Non. Impossible. Mais il savait et cette simple idée me fit davantage baisser la tête, plus gêné que jamais.

- Je… Je fais toujours attention à… à Mika. Balbutiai-je difficilement, l’envie de me cacher dans un trou de souris bien plus présente que toute autre chose.

Relevant la tête en sentant sa main me tapoter l’épaule, il semblait ne pas être gêné de cette conversation. Il était presque… Pire que Mika et… Et il avait soif. J’en étais presque soulagé alors qu’il me laissait seul dans la chambre. Seul… Et…
Je ne m’étais jamais retrouvé dans cette situation, chez des inconnus, quand bien même étaient-ils les parents de Mika, et si loin de chez moi et… Un vide. Je me sentais vide, vidé de toute émotion. La fatigue, sûrement, l’épuisement des derniers jours, des dernières semaines. Mais j’étais chez lui. Il allait arriver d’ici peu de temps et… Je me laissai bientôt tomber au sol, assis le dos contre un mur, les genoux repliés sous moi avant que je ne me laisse pleurer quelques instants. J’étais fatigué. J’avais été questionné. A raison, certes, mais cela n’avait fait que faire monter mon angoisse. J’avais failli tuer quelqu’un, même un meurtrier. Je ne comprenais pas tout ce que l’on pouvait me dire en anglais. J’étais dans un endroit inconnu. J’étais angoissé et… J’étais définitivement épuisé.
Le visage caché, j’avais mis quelques minutes à me redresser, à me reprendre alors que je me fustigeai intérieurement. J’étais chez des inconnus. Je devais montrer le meilleur de moi-même. Je devais… Je devais être un Jeon. Me redressant, je soufflai alors difficilement. D’abord… Faire le tour. Puis l’ordinateur.

Suivant toutes les notes de Mika, je tentai de m’imprégner des lieux, de comprendre les choses jusqu’à l’ordinateur dont je lus attentivement les notes, tentant des manipulations… Cela n’allait pas être aussi facile que prévu mais… Au moins l’ordinateur s’allumait-il. Entre les notes et ce que m’avait dit son père… Je… J’allais peut-être réussir.
Mes affaires déposées dans un coin, je sortis enfin Rainy de son sac, caché dans ma valise, pour prendre une large respiration. Bien… Je… Je devais me montrer poli, respectueux et digne. Ce qui n’était qu’un rappel paradoxal de ce que m’avait dit ma mère en partant… Ainsi, quittant la pièce, mon lapin, effrayé par le voyage, dans les bras comme pour me raccrocher à quelque chose de connu et rassurant, je me rendis de nouveau dans le salon, face aux parents de Mika, gêné malgré tout par ma propre présence.

- Je… Puis-je faire quelque chose pour vous aider ? Soufflai-je, conscient que je ne savais, finalement, pas faire grand-chose. Je ne voudrais pas m’imposer davantage… J'abuse déjà de votre hospitalité...

J’avais eu un peu de mal à reprendre toute ma contenance. Epuisé, angoissé, je m’étais permis, seul, de craquer, juste un peu, juste le temps que j’arrive à reprendre pied. Cela avait été difficile mais… Je n’étais pas seul. Je devais rester digne. Je devais être un Jeon. Et c’est sous cette impulsion que je réussi à me lever, à sortir Rainy de sa cage pour le prendre contre moi.
Il avait toujours été mon meilleur ami, mon meilleur soutien. A cet instant, j’avais besoin de le serrer contre moi, de me calmer en le caressant et c’est avec un lapin en boule contre moi, cherchant à se cacher de tout ce qui l’entourait que je quittai enfin la chambre pour rejoindre les parents de Mika afin de proposer mon aide. Et… Ce ne fut pas une réponse que j’obtins.
Sursautant lorsque le ramasse poussière atteignit le sol, autant que Rainy d’ailleurs qui leva la tête, le père de Mika s’approcha de nous et notamment du lapin qui se recroquevilla presqu’immédiatement, la tête collé à mon torse alors que j’observai le moldu, surpris. Il avait eu… Presque la même réaction que Mika quelques mois auparavant et… Un léger sourire s’afficha sur mes lèvres. Un léger sourire qui se fana dès lors qu’il partir pour… Que… Approchant à sa demande, j’observai, interdit, un nombre d’objets qui me semblait infini être déballé devant mes yeux. Il y en avait… Mais… C’était…

- Vous n’auriez pas dû… Prononçai-je entre surprise et gêne. Ce… J’avais ce qu’il faut pour Rainy…

Mais nous fûmes bien rapidement interrompus par un son qui me fit, comme dans la voiture, sursauter. Autant que Rainy, à nouveau. A croire que j’étais d’ailleurs aussi froussard qu’un lapin face à l’inconnu. Clignant des yeux, j’entendis soudain mon beau père raccrocher aussi vite qu’il avait répondu, surprenant tout autant son épouse. Mika ? C’était Mika ? Et… Observant l’échange entre Monsieur et Madame Wilde, il était inutile de dire combien j’étais surpris. C’était… Monsieur Wilde était naturel. Autant que son fils. Et… Ce n’était pas protocolaire. Ses parents agissaient… Comme… Enfin… Je ne savais pas comment. Mais… C’était différent, très différent de ce que je connaissais. Plus simple, à vrai dire et… Etrange. Très étrange.

- Merci… Murmurai-je néanmoins alors que la banane avait volé sous mes yeux médusés. Je… Je vais dans sa chambre, dans ce cas…

Sans me faire prier, je fis volteface pour reprendre le chemin en sens inverse et… L’ordinateur émettait un bruit. D’accord… Alors… D’accord. Tentant de trouver la fiche qui indiquait comment faire avec la machine, l’ordinateur arrêta. Ah… Je… D’accord. La fiche.
Il me fallut deux sonneries de plus pour enfin trouver comment faire, ou du moins réussir à appuyer sur un bouton sur l’écran allumé, faisant retentir la voix de Mika qui me surpris. On voyait mal… Me penchant en avant, n’osant pas vraiment toucher l’ordinateur, il fallait que j’incline l’écran ? Ah. J’inclinai l’écran. Donc. Bien trop, d’ailleurs. Voilà qu’il faisait face au plafond. Et je ne voyais presque plus rien… Peut-être un peu moins… Ah. Là. Je voyais Mika et… Mon regard, immédiatement, sembla plus apaisé. Il était là. Face à moi. Je ne comprenais pas trop comment mais je le voyais et ce simple fait me faisait du bien. Beaucoup de bien.

- Je…

La question tombait malgré tout bien mal alors que je baissai les yeux un instant, un court instant pour me laisser le temps de me reprendre.

- Ton père te ressemble. Finis-je par souffler, refusant de répondre à sa question. Il est… Il y a beaucoup de choses pour Rainy.

A son nom le lapin leva la tête, reniflant l’ordinateur sous mon léger sourire avant que je ne lui gratouille la tête.

- Et… J’ai pu discuter avec ta mère en arrivant. Merci pour… Pour le café. Tu n’étais pas obligé de le lui demander…

Je parlais doucement, bas, incapable d’être réellement enthousiaste alors que je me doutais fermement que mon silence suite à sa question allait soulever des questions.

- Je suis content de te voir. Lui soufflai-je alors. Tu m’as manqué… Tu me manques... Une vérité que je ne pouvais pas nier alors que je relevai les yeux vers l’écran, vers son image. Est-ce que tu vas bien ? M’enquis-je alors, masquant à peine mon inquiétude. Il… Tout se passe bien ?

Les paroles de sa mère m’avaient inquiété d’autant, malgré moi. Son arrière-grand-père pouvait-il être au courant ? J’étais sûr que non mais… Son inquiétude m’avait fait douter et… Allait-il bien ? C’était le plus important.

Fut-ce sa voix ou ce qu’il voyait à l’écran ? Je n’en avais aucune idée, mais Rainy me sembla réagir, s’agitant légèrement dans mes bras lorsque Mika s’adressa à lui, jusqu’à m’obliger à le poser au sol pour lui permettre un quart d’heure de folie sous mon regard légèrement attendri. Relevant la tête sur le conseil de Mika, j’hochai la tête. Protéger les ouvertures donc… D’accord. Je… D’accord. Rainy ne sortirait donc même pas. Ce pays semblait être un peu risqué pour lui.

Passant à sa mère, à la discussion que nous avions eue sans lui en donner les tenants et les aboutissants, je le remerciai alors poru le café. Fait pour me détendre un peu… Cela avait fonctionné, un peu. Quant à sa mère…

- Pas vraiment… Elle n’a dit que des vérités. Admis-je.

Après tout, j’étais en accord avec ses mots même si j’avais eu du mal à parler, à lui expliquer les choses. J’avais compris ce qu’elle cherchait et j’avais accepté d’être honnête. Plus ou moins. A vrai dire, je n’avais pas eu besoin de tout dire pour qu’elle comprenne et même si j’admettais que j’aurais pu préférer qu’elle ne comprenne rien… Au moins ne lui avais-je plus rien caché. Comme elle me l’avait demandé.

Mais cela ne changeait pas. Il me manquait. Terriblement. Le voir sans pouvoir le serrer dans mes bras avait, finalement, un quelque chose de frustrant. Mais il voulait arriver plus tôt… Parce que j’étais arrivé plus tôt. Et puisqu’il allait bien… Je soupirai de soulagement, malgré tout.

- Tu n’es pas obligé. Soufflai-je. Tes entraînements sont importants… Ne te presse pas pour moi. Enfin… Je ne dirais pas non plus non si tu peux mais… Je ne veux pas être… Un poids. Juste… Enfin… Je…

Que se passait-il… Baissant la tête, je fronçai les sourcils. J’avais l’air pire ? Vraiment ? Autant que ça ?

- Tu exagères. Soufflai-je, tentant de dédramatiser mon visage fermé. Je fais en plus beaucoup plus attention à ma peau à cause de toi. Je ne dois pas avoir l’air aussi « pire ».

Quant au fait d’être arrivé plus tôt… Toussant légèrement, je fis bientôt dos à l’ordinateur pour rattraper Rainy qui n’avait rien demandé pour le serrer contre moi, soufflant avant de me figer. Il pouvait me voir. Il voyait tout dans la chambre et… Relâchant le lapin, je me tournai de nouveau vers le bureau pour l’observer un instant.

- J’ai eu… Un problème. Admis-je. Enfin… Je… Ne t’inquiète pas. C’est… C’est personnel, d’accord ? Ils ne savent pas pour nous… Hyun-Su sait. Maintenant. Mais… Il fallait que je parte et que… Que je sois sûr que tout va bien pour toi. Je… A nouveau, je me tus, baissant, encore, le regard. Ça va. Finis-je par souffler. Enfin… Je… J’ai fait quelque chose de mal. Et… Parce que je l’ai fait… Je… Je ne pourrais plus revenir au Japon. Mieux valait commencer par la « bonne » nouvelle, non ? Je dois rester à Poudlard. On ne risquera plus d’être séparé… Mais quelque chose n’allait pas, définitivement, c’était inutile de le nier, je n’arrivais pas à mentir. Pas à lui. Min-Ho-ssi et Hyun-Su-ssi ont… Trouvé le meurtrier d’Ho-Seok. Murmurai-je. Ce… Je t’expliquerais quand tu arriveras… J’ai… Tu me manques. J’avais besoin de ses bras pour en parler, pour lui expliquer, pour ne pas trop me laisser aller. Mais tu as entendu tes parents ? Je suis vivant. Tout va bien. Et… On restera ensemble. Se concentrer sur cela me semblait être la meilleure des solutions. Alors… Ca va.

Me forçant à esquisser un sourire, j’hochai doucement la tête, tentant de paraître lus… Vivant ? Oui. C’était cela. Vivant.

- Au moins, je n’ai pas eu de problème de décalage horaire, cette fois. Soufflai-je, changeant à nouveau le sujet. Même s’il fait plus froid que je n’aurais pensé. J’ai dû sortir ma cape d’hiver. En plein été chez moi… C’était un peu étrange mais… Enfin… La maison de tes parents est agréable. Et tes parents sont accueillants. Avais-je soufflé alors, le ton aussi rassurant que je le pouvais et surtout bien loin du sujet initial.

Je n’avais rien dit et j’en avais trop dit. Je savais que Mika n’allait pas s’en contenter mais… Pas d’aussi loin. Pas comme ça. J’avais besoin de ses bras, besoin de me rassurer, besoin qu’il soit là. Et s’il me fustigea pour craindre à nouveau d’être un poids… Je n’insistai pas plus. Et lui non plus. Il ne me posa dès lors plus de question, se contentant de s’enquérir de mon état, de son père avec moi. Il m’avait même envoyé un t-shirt…

A vrai dire… Je n’avais pas vraiment bougé les jours suivants le premier appel. Ne sortant que pour proposer mon aide, par politesse, je ne faisais que ce que l’on me disait de faire, restant enfermé le reste du temps, inquiet, épuisé.
Chez lui, je dormais mieux, beaucoup mieux que chez mes parents mais… Ce n’était pas encore cela, pas encore de véritables nuits alors que je me réveillais trop souvent, trop longtemps. Au moins arrivais-je à faire quelques siestes de temps en temps. C’était déjà cela et quoique je passe la plupart du temps assis sur son lit, j’avais fini par me sentir un peu plus reposé. Assez pour que sa chambre ne soit plus un bazar alors qu’elle avait été rangée de fond en comble par mes soins, incapable d’apprécier le désordre. J’étais, d’ailleurs, tombé sur quelques objets que j’avais rapidement remis à leur place. Des objets, des vêtements auxquels… Ils ne valaient mieux pas que je pense trop longtemps. Fort heureusement, j’avais bien d’autres choses à penser pour me concentrer sur cela.

Et ce jour avait ainsi été comme les autres. Assis sur le lit de Mika, sans rien faire, j’observai Rainy faire son nid dans les couettes. Cela m’apaisait. Observer le lapin me calmait lorsque mes pensées se faisaient trop douloureuses, comme maintenant. Comment allaient Hyun-Su et Min-Ho ? J’avais fui la Corée et… Comment allaient-ils ? Les jours passant, j’avais fini par me poser la question, par m’inquiéter pour eux alors que pris dans mes propres tourments je les avais oublié l’espace d’un instant. Mais il n’y avait pas que cela… Je n’avais pas été capable de me comporter convenablement avec les parents de Mika, alors que pensaient-ils ? Et qu’allait penser Mika ? Qu’allait-il dire ?

Cette question… Je ne me doutais pas vraiment pouvoir y répondre aussi vite. Plongé dans mon observation minutieuse de Rainy, je levai soudain la tête alors que la porte de la chambre s’ouvrait et que le lapin, pris de panique, fuyait à l’autre bout de la chambre.

Mika…

Il était là. Il était vraiment là. Et il me rejoignit, sans même prononcer un mot, je pus le sentir contre moi, ses lèvres posées sur les miennes alors que mes bras s’enroulaient autour de lui. Instinctivement, j’avais froncé les sourcils, comme si la chappe de plomb qui m’enfermait depuis des jours maintenant venait de me quitter douloureusement. Il était là. Il était contre moi. Et…

- Je t’aime… Avais-je répondu à ses mots, me serrant fortement contre lui, enfouissant mon nez dans son cou comme pour reprendre un shoot de cette drogue qui m’avait affreusement manqué.

Ma main s’était refermée sur son t-shirt alors que je me refusai au moindre geste, que je me refusai à me séparer de lui. Il était là. Il était vraiment là. Je pouvais le sentir, je pouvais l’étreindre…

- Tu m’as manqué… Me plaignis-je alors.

C’était même pire que cela. Son absence avait été une torture de chaque instant, me faisant doucement mourir à petit feu sans que je ne puisse rien y faire. Et il me fallut plus que du courage, plus que des efforts pour, enfin, le relâcher, glissant ma main sur sa joue. Il était là et… Mon regard se figea, presque voilé, soudainement.

- Hae… Murmurai-je en l’observant avec bien plus d’attention que je ne l’avais fait jusque-là. Tu… Tes cheveux ?...

Il avait changé sa couleur de cheveux. Pourquoi ne l’avais-je pas remarqué lorsqu’il m’appelait ?... Fondant sur ses lèvres de nouveau, j’étais partagé. Difficilement partagé. Il m’avait manqué. Son corps m’avait manqué et… Les vêtements, au pire moment, venaient de me revenir en tête alors que je l’embrassai encore davantage. Mais… J’avais surtout envie de me serrer contre lui, de ne plus le laisser partir. J’avais envie de sa présence. Juste. De sa présence et…

- Tu es magnifique… Avais-je malgré tout murmuré contre ses lèvres, perdu entre deux eaux, incapable de décider ce que je devais faire, ce que je devais dire. Je t’aime… Je me répétais. Je le savais. Mais c’était au moins la seule chose qui ne changeait pas, quoique je fasse…

Et à nouveau, le besoin de me sentir contre lui se fit plus fort que tout. Glissant de nouveau ma tête contre lui, je fermai les yeux, m'imprégnant de tout ce qu'il représentait autant que de son corps. Mon coeur s'apaisait à son contact, je le sentais, autant que mon esprit se faisait plus calme. A cet instant, plus rien d'autre n'avait d'importance que lui, que sa présence. Il était là... C'était ce qui comptait le plus.

Aurais-je un jour assez de lui ? Non. Jamais. Alors… Je comprenais. Je comprenais cette envie de rester contre lui, avec lui, alors qu’il m’emprisonnait entre ses cuisses, que je me serrai davantage contre lui avant que je ne me recule, que je ne fige sur son visage, sur ses cheveux… Besoin de repos… Oui… Peut-être… Je… Cela ne changeait rien. Il était magnifique. Plus que jamais il était… J’avais envie de… Beaucoup trop de choses qui s’opposaient à cet instant. Cédant à mes instincts, j’avais malgré tout rejoins ses lèvres avec envie avant que mon esprit plus rationnel ne reprenne le dessus, j’avais besoin de lui. Mais sa présence était à cet instant le plus important, celle qui m’apaiserait le plus… Quoique… Je… Non. Je ne pouvais pas. Pas maintenant alors que je fermai de nouveau les yeux.

Je pouvais parler… Vite. Pour qu’il puisse me refaire sourire… Cette idée me fit me serrer davantage. Était-ce réellement ce que lui voulait ? Ne voulait-il pas faire autre chose que m’écouter ?...

- Tu es sûr ? Soufflai-je, cette impression d’être de trop toujours présente.

Jagiya… Soufflant doucement, je me laissai bercer contre lui, son cœur apaisant le mien plus que je ne pouvais l’imaginer. A chaque fois. J’avais envie de plus. De beaucoup plus mais… Je me sentais bien. Malgré tout, j’étais soulagé… Alors parler ?...

- J’ai failli tuer quelqu’un… Commençai-je. Je… Avant que j’arrive, deux jours avant, à peine… J’étais dans le jardin de mes parents quand Min-Ho m’a demandé en urgence… Je devais venir seul et je savais où ils étaient alors j’ai seulement transplané dans notre maison… Min-Ho et Hyun-Su avaient trouvé… Ils avaient attiré le meurtrier d’Ho-Seok mais… C’était un loup garou. Tout était… La pièce était couverte de sang, tout avait été détruit et… J’ai dû soigner Hyun-Su, j’ai dû… J’ai eu peur de le voir mourir. Admis-je en tremblant, repensant à sa forme de loup que je taisais soigneusement malgré mon envie de tout lui dire, de me confier sur tout. Il saignait à la gorge et Min-Ho… Il ne pouvait pas le soigner sans couper son Doloris… Mais… Lui aussi a été blessé et… Fronçant les sourcils, je me serrai davantage contre son corps. Au Japon, à Mahoutokoro… Les élèves usant de magie noire sont immédiatement arrêtés. Expliquai-je, coupant mon histoire. Leur uniforme devient blanc. C’est automatique et c’est comme ça qu’ils peuvent être jugés… Alors… Min-Ho m’a demandé si je désirais rester avec toi, ne plus te quitter et… Je n’ai pas hésité. Soufflai-je à mi-voix, entre la honte et un certain soulagement. J’ai… J’ai torturé le meurtrier d’Ho-Seok… J’aurais pu le soumettre immédiatement mais… J’ai eu besoin de le voir souffrir comme il nous avait fait souffrir, comme il avait failli tuer Hyun-Su et… Les blessures de Min-Ho étaient trop graves alors… Après lui avoir posé une question, je l’ai assommé à la demande de Hyun-Su pour pouvoir soigner son frère… Je… Je l’aurais tué si Min-Ho ne l’avait pas refusé. Mais ce n’était pas le plus important. Enfin. Hormis les sorts impardonnable, ce n’était pas là où je voulais en venir… Je ne lui ai posé que deux questions… Qui il était et pour qui il travaillait.

Cette fois, je me tus. Me redressant, je caressai doucement la joue de Mika. Il était là. En bonne santé. Je devais me raisonner, calmer l’angoisse qui était remontée à la pensée des réponses du meurtrier.

- Il s’agissait de Taehyung Rehbehn. Repris-je glissant ma main dans celle du sorcier. Il a agi sous les ordres de… Déglutissant ma main se serra sur la sienne. Sur les ordres de son grand père, Kim Seung-Joo. C’est… Ton arrière-grand-père. Murmurai-je. C’est lui qui a tué Ho-Seok…

Et cette vérité me blessait autant qu’elle m’angoissait…

- J’ai eu peur pour toi. Ce n’était pas… Ce n’était pas rationnel. Personne ne sait à part mes cousins et Merindah. Mais j’ai eu peur qu’il ne t’arrive quelque chose et… Je ne pouvais pas rester face à mes parents sans paraître angoissé. Il fallait que je parte, que je puisse bouger s’il y avait un problème, que je les fuie, eux qui ne respectent même pas Ho-Seok. Expliquai-je. Et… J’ai repensé au fait que tu m’avais dit que… Ici on serait en sécurité… Alors j’ai voulu venir… Et… Je ne sais même pas ce qu’il m’a pris. Soufflai-je, passant ma main sur mon visage. C’était irrationnel mais j’avais peur… Au point que… Je crois que je n’ai jamais été aussi insolent avec ma mère… Elle était tellement certaine que j’allais voir le père de Merindah, qu’il y avait un espoir d’union… Je n’ai pas réussi à ne rien dire, à rester neutre et à ne rien dire avant de partir… Et… Ta mère est au courant de tout… Elle… Elle m’a questionné. Elle voulait la vérité… Au risque qu’elle refuse que je gravite autour de toi. Soufflai-je, honnête. Et elle a raison. Je lui ai dit que si elle me trouvait dangereux pour toi, je quitterais Poudlard. Mais… Ce n’est visiblement pas le cas. Pas pour le moment. Soufflai-je, malgré tout soulagé que cela ne soit pas encore le cas.

Voilà… J’avais pu tout dire, j’avais… Je lui avais tout révélé, tout dit, sans m’arrêter, dans un long monologue qui m’avait presque asséché la gorge tant je n’en avais pas l’habitude.

- Je ne pouvais pas te le dire avant… Repris-je plus bas. Je… Je sais que… Je n’aurais pas du utiliser la magie noire… Encore moins dans l’optique de ne plus jamais te quitter mais… Mais j’avais besoin de le faire souffrir et ne plus risqué d’être renvoyé au Japon… Cela m’a soulagé…

Etais-je donc un monstre ? Allait-il me voir comme tel ?... Ma main n’avait pas quitté la sienne, la serrant davantage, comme le suppliant de ne pas penser une telle chose mais… Je ne pourrais pas décider pour lui. Je ne pourrais pas changer son regard maintenant que je lui avais fait part de tout ce qu’il s’était passé.

- Je suis désolé…

J’avais parlé. Je lui avais tout dit. Ou presque. Ne taisant que la nature de Hyun-Su, je lui avais parlé de tout, jusqu’aux menaces de sa mère, jusqu’à ma propre mère que j’avais renvoyé dans ses buts. Tout… Même la magie noire que j’avais utilisé, mon bannissement du Japon, celui de Min-Ho… Il me semblait n’avoir rien oublié. J’avais senti Mika se figer au nom de son aïeul. Par quoi était-il choqué ?...
Il m’avait au moins laisser terminer, il m’avait laissé m’excuser avant que… Qu’il ne se recule, qu’il ne descende de mes genoux sans que je ne cherche à le retenir. J’étais un monstre… Avais-je réellement bien fait de lui avouer mes actes ? Non. Je… J’en doutais. Fermement. Mais je ne pouvais pas lui mentir. Je ne voulais pas lui cacher la vérité… Baissant la tête, je ne la relevai qu’à ses mots.

- Si Min-Ho n’avait pas donné l’alerte… Ils seraient peut-être morts tous les trois la nuit où Ho-Seok a été tué… Murmurai-je.

Alors que cela soit une fois ou neuf… Il l’aurait fait. J’en étais convaincu. Mais cela ne changeait rien. J’avais torturé, j’avais soumis, j’avais voulu tuer. Qui étais-je pour cela ? Qui étais-je pour devenir un danger pour lui qui n’avait rien à voir dans cette histoire ?... Personne. Et… Je…

- Je suis désolé… Répétai-je alors, mon regard retombant sur mes genoux.

Je comprenais qu’il puisse être choqué. Cela faisait beaucoup. Vraiment beaucoup. A vrai dire, mon propre état de choc avait été difficilement surmonté alors que je craignais même que cela ne soit pas vraiment le cas. Mais… Je comprenais. Définitivement. Et à vrai dire, je comprenais bien plus son recul que le fait qu’il ne reprenne sa place sur mes genoux, qu’il ne me serre contre lui, me figeant à mon tour sur place.

Enroulant mes bras, instinctivement, autour de lui, je fermai de nouveau les yeux, écoutant ses mots avec attention, avec… Avec soulagement. Il ne m’en voulait pas pour la magie noire. Il… Il ne me prenait pas pour un monstre… Plus. Il était… Fier de moi. Ce furent certainement ses mots qui me soulagèrent le plus alors que je me serrai contre lui avant qu’il ne me pousse à le regarder. Mes yeux plongés dans les siens, je l’observai alors. Il était fier de moi… Il était le premier à me le dire. Le seul… Et même si venait de gronder la façon dont je me voyais… Il restait fier de moi… Me mordant la lèvre, tentant de réprimer les sentiments qui étreignaient mon cœur, je répondis à son baiser avec une ferveur toute différente, un soulagement certain.

- Je ne partirais pas… Murmurai-je en réponse contre ses lèvres.

Pas s’il ne le demandait pas. Pas si sa mère ne s’y opposait pas. J’allais rester. Ils ne pourraient pas me renvoyer à Mahoutokoro. Pas sans risquer un procès. Nous allions rester ensemble et… Fronçant les sourcils à ses mots, je secouai bientôt la tête. Non. Cela… Je ne le voulais pas.

- Il ne m’arrivera rien… Soufflai-je avant que je ne bascule en avant pour l’allonger sur le lit, le surplombant de mon corps, l’observant avec attention. Mais toi… Tu… Ta mère m’a dit que le meurtrier était un bâtard des Kim… Mais que c’était un sang pur. Et ils l’ont sacrifié… Toi… Tu es un sang mêlé, Mika… Murmurai-je difficilement, cherchant ses lèvres comme pour me rassurer. Alors fais attention… Je… Je ne supporterais pas qu’il puisse t’arriver quelque chose… Je ferais tout pour te protéger… Promis-je doucement.

Tout. Sans exception. Je tuerais. Je torturerais. Je me vendrais s’il fallait le protéger. Tout. Je ferais tout. Il était plus important que tout ce qui m’entourait. Il était plus important que moi. Il serait protégé. Quoiqu’il puisse en être. Quoiqu’il puisse se passer.

- Je t’aime Hae… Soufflai-je contre ses lèvres. Je… Il ne m’arrivera rien. Je te le promets. Car je sentais son inquiétude. Je suis là… Je reste là… Comme nous l’avions prévu… Capturant de nouveau ses lèvres, je glissai ma main sous son t-shirt, caressant sa peau avec tendresse avant que je ne me redresse légèrement, un léger sourire aux lèvres.

Il était fier de moi… Cette phrase pulsait en moi alors que je l’observai, tendrement.

- Tu m’as manqué… Articulai-je avant que je ne rejoigne de nouveau ses lèvres, capturant son souffle avec passion. Plus que tout…

J'avais parlé... J'avais eu besoin de lui parler. J'avais eu besoin de lui dire les choses, de me confier... Et comme souvent, comme toujours, à vrai dire, il avait su m'écouter, il avait su m'apaiser... Là, contre lui, je me sentais mieux. Fébrile, toujours, inquiet, encore, mais mieux... Comme si sa seule présence suffisait à mon esprit. Comme s'il était la réponse à chacun de mes maux...

Je ne devrais pas le provoquer… Je devais admettre que l’idée de le tuer était puissante. Très puissante. Mais… Ne pas le provoquer. Pas encore. Hochant la tête, je ne répondis néanmoins pas vraiment. J’attendrais les ordres de Hyun-Su. Mais il n’avait pas besoin de le savoir. Ce n’était pour le moment pas le plus important, pas ce qui m’importait. Pour l’instant… J’étais là. Avec lui. Je l’aimais. Et il me répondit, m’arrachant un léger sourire, tentant de le rassurer autant que je le pouvais, caressant sa peau comme pour m’imposer à son esprit.

Il était fier de moi… Ces mots… J’y avais répondu par un baiser, ma main se refermant sur sa taille.

- Merci…

Sûrement allait-il me dire que je n’avais pas à le remercier. J’en étais presque sûr. Mais cela me semblait… Essentiel. Je le remerciais d’être fier de moi, d’être là, de toujours être là… Et justement. Il était là. Avec moi. Et il m’avait manqué. Bien trop pour que je puisse ne pas vouloir profiter de lui, de sa présence. Sa peau m’avait manqué, ses gestes tout autant et, le laissant retirer mon haut, je soufflai doucement à ses mains sur moi.

- C’était frustrant… Renchéris-je à sa suite. Mais… Tu es là, maintenant. Murmurai-je contre ses lèvres. Et je ne pars pas… Je reste avec toi…

J’avais parlé, je lui avais tout révélé et cela m’avait fait du bien. Plus que je ne l’imaginais alors que je me rendais compte de son importance, de l’importance de son écoute, de son avis sur ce que je faisais, sur mon comportement. Mais c’était fait. Il l’avait fait. Il avait été là. Avant ou maintenant, cela n’avait plus d’importance. Plus rien n’avait d’importance autrement que son contact.

Quittant ses lèvres l’espace d’un instant, je me redressai, à genoux à côté de lui pour l’observer, un sourire étirant enfin mes lèvres. Il était là… Il m’avait fallut du temps pour réellement m’en rendre compte. Perdu dans mes maux, dans mon angoisse, je réalisai, à l’instant, ce que cela signifiait. Nous étions ensemble… Nous étions vraiment ensemble… Tendant la main vers sa joue, je la caressai lentement, mes yeux perdus sur son visage. Il était magnifique. Il m’avait manqué. Beaucoup trop manqué… Tellement manqué que je ne savais, à vrai dire, plus quoi faire à cet instant.

- J’ai l’impression que cela fait mille ans. Exagérai-je en glissant mes mains sous son t-shirt, le lui retirant pour embrasser sa peau, son torse. Tu es…

Le surplombant de nouveau, j’avais capturé ses lèvres avec envie, avec passion, ma main glissant sur son corps, m’accrochant à lui avant que je ne me laisse tomber à côté de lui, sans même lui rendre son souffle.

- Tu es magnifique… Repris-je contre ses lèvres. Tu es plus que ça…

Il était bien plus que cela, bien plus que magnifique. Il était tout. Mon tout. Il était celui qui m’apaisait, celui qui m’écoutait et me rassurait lorsque j’en avais besoin. Quand bien même il ne se passait pas un moment durant lequel je ne m’en voulais pas de lui infliger cela, quand bien même je me fustigeai bien assez régulièrement d’avoir besoin d’être rassuré… Il était celui qu’il me fallait. Le seul que je désirais.
Mes bras se refermant autour de lui, j’avais ainsi de nouveau volé son souffle avec plus de ferveur, plus d’envie, mes doigts parcourant son dos, chacun de ses muscles.

- Qu’est-ce que tu veux faire ?... Murmurai-je. Je…

Comment pouvais-je avoir envie de lui, envie de son corps après tout cela ? J’admettais que mes pensées me dépassaient alors que son corps m’appelait à mesure que je l’étreignais. Cela me semblait pourtant tellement… Mal venu. Oui. C’était cela. Alors… Retenant mes gestes, retenant ma passion lorsque je retrouvai ses lèvres, je voulais savoir. Que voulait-il, lui ? Que devais-je faire pour lui montrer combien je l’aimais ?...

- Tu préfères que l’on rejoigne tes parents ? Proposai-je alors, convaincu que mes pensées vagabondes ne seraient en rien ce qu’il désirait après notre discussion. Tu… Tu viens de rentrer… Tu veux peut-être… Profiter d’eux ? Soufflai-je alors.

Comme je l’avais prédit. Evidemment. C’était normal pour lui. Bien moins pour moi, vraisemblablement. En quelques semaines, j’avais presqu’oublié combien cela faisait du bien, combien cela me soulageait de savoir que je n’étais pas rien à ses yeux, que mes parents n’étaient pas comme lui. Jamais. Alors… Même si la distance avait été frustrante, même si j’auras préféré être près de lui, ne pas le quitter, pouvoir me confier, me soulager dans ses bras bien avant… Je ne voulais plus y penser. Pas maintenant… Il était là. Je ne partirais pas. C’était ce que nous devions retenir. Une chose qu’il concéda, refusant visiblement l’idée que je puisse partir.

L’observant alors un instant, j’avais fini par lui répéter combien il était beau, combien je le trouvais magnifique ainsi et même plus que cela. Sa remarque m’arracha un rire, secouant doucement la tête.

- Tu ne démordras visiblement pas du fait que je suis comme un prince. Lui soufflai-je alors, reprenant contact avec ses lèvres, avec son corps.

J’avais envie de lui. J’en avais envie depuis l’instant même où je l’avais vu, où il s’était avancé vers moi mais… Après tout cela… Était-ce réellement une bonne idée ? Était-ce une façon de faire ? Ne voulait-il pas se reposer ou même voir ses parents ? Il venait de rentrer, je lui avais déjà pris les retrouvailles avec ses parents, je ne pouvais pas l’obliger à plus. Je n’en avais pas le droit.
Mais ses parents ne nous attendaient pas… Me laissant repoussé sur le matelas, mes mains glissèrent instinctivement sur ses hanches alors que je répondais à chacun de ses baisers, soupirant bientôt d’aise et de cette autre chose qu’il était le seul à éveiller en moi.
Ce fut d’ailleurs avec une frustration certaine, un léger grondement, que je le laissai se redresser, quittant mes lèvres, l’observant avec un désir presque palpable et… Mon souffle se coupa soudain. Que… Avais-je bien entendu ? Il… Il déboutonnait son jean et… Figé sur place l’espace d’un instant, son hésitation suivante eut le mérite de me sortir de mes pensées. Si j’en avais envie…

- Je…

Je ne m’étais pas attendu à tant de clarté de sa part mais… Un sourire étira mes lèvres. Je n’aurais pas pu espérer mieux pour être certain de ce qu’il voulait, au moins. D’un mouvement rapide, je me redressai alors, capturant ses lèvres sans plus retenir mon envie autant que la passion que je ressentais à son égard.

- J’en ai plus qu’envie… Finis-je par murmurer, le souffle coupé par mon propre désir. Depuis que tu es arrivé.

Mais j’avais dû soulager mon esprit avant cela, j’avais dû lui expliquer, le rassurer aussi… Je n’aurais pas pu faire autrement. Et si l’orage n’était pas tout à fait passé, même si je ressentais encore la peine, la douleur et la colère… Sa présence m’avait apaisé, me faisant oublier une partie de ma douleur pour la remplacer par un amour infini.