Cela ne faisait que 4 jours que j’étais arrivé. Quatre jours bien trop courts pour que je puisse être habitué à ces lieux. J’avais passé les trois premiers jours enfermé dans mon dortoir où j’avais fait la connaissance du jeune sorcier qui allait être mon colocataire le temps de mon séjour en Angleterre. Un jeune homme tout en couleur mais dont la bienveillance m’avait touché, me permettant même de ne pas être obligé de me mêler à la foule des élèves lors de ce jour férié de Pâques.
Sûrement mes cousins se posaient-ils des questions, il aurait été idiot d’en douter et j’étais tout sauf idiot. Mais cela ne changeait rien. Je reculais l’instant fatidique où la raison de ma présence serait actée : j’étais là en « soutien ». Je devrais bientôt rendre des comptes, jouer mon rôle. Mais… Pas maintenant. Le moins possible. Je n’étais pas prêt ou plutôt je ne voulais pas me préparer. Je n’allais malheureusement pas réellement avoir le choix…

La journée de cours s’était passée. Plus ou moins difficilement. L’anglais n’était pas difficile mais le décalage horaire, les cours, le bruit… Tout compliquait les choses et ainsi avais-je fini par avoir un mal de tête qui ne me donnait qu’une seule et unique envie : rentrer me coucher dans mon dortoir. C’était alors la mine basse, l’air fatigué que je traversai les couloirs, évitant soigneusement les endroits supposément fréquentés par les Serpentard jusqu’à arriver à la porte de ma maison… Où m’attendait une personne que j’avais justement tenté de ne pas croiser…

Figé sur place, j’observai alors mon cousin sans réellement savoir quoi dire, pas même un « bonjour » dont il ne me gratifia pas. A raison. Outre sa froideur certaine, j’avais commencé à faillir à ma tâche ici, à peine arrivé sur place…

- Pardonne moi, Jeon Min-Ho-ssi… Articulai-je en coréen, en m’inclinant, la tête basse. Je…

Je n’avais pas réellement d’explication à lui donner, bien évidemment. Mais je ne pouvais pas non plus mentir ou inventer quelle qu’excuse que ce soit, cela n’aurait pas été respectable alors… Une seule vérité restait…

- J’ai eu du mal avec le décalage horaire… Je… J’allais venir vous voir dans la semaine.

Je n’aurais pas eu le choix, je le savais. J’avais seulement besoin de temps. De temps pour moi, pour respirer, pour être seul. Un temps qui était visiblement déjà terminé.

- Comment allez-vous ? Je… Nos grands parents désirent que je sois là pour vous alors… Tu sais où me trouver… Visiblement. Soufflai-je à mi-voix. Qu’est-ce que… Qu’est-ce que je peux faire pour vous ?

Autant savoir immédiatement ce qui allait m’attendre… En espérant que leurs attentes ne seraient pas trop élevées…

Il n’avait pas tort. Mon excuse, mon explication n’était pas valable. Trop éloigné de ce dont j’avais l’habitude, du comportement que j’avais en temps normal, cela devait sûrement paraître trop étrange. Et il s’approcha. Ne bougeant pas d’un iota, je l’observai, désirant être calme ou tout du moins le paraître. Il ne me croyait pas. C’était évident. Et il avait raison. Je mentais. Du moins à moitié. Avalant ma salive alors que ma tête cognait de nouveau, je tentai de reprendre contenance, de reprendre mon rôle, celui que je jouais depuis ma naissance même.

- Ils n’interfèreront pas. Comme mon père n’interfèrera pas.

Je ne le voulais pas, je n’avais pas les épaules pour me dresser contre quel que membre que ce soit de ma famille.

- Je ne veux pas vous faire de l’ombre ou quoique ce soit d’autre. Articulai-je le plus froidement qu’il m’était possible de faire. Je suis là pour vous soutenir et vous aider si vous en avez besoin.

Il avança de nouveau. Si je désirais être froid, si je désirais être fier, je me sentais plus minable que jamais alors que je tremblais intérieurement sans pouvoir m’arrêter. Pourtant, je lui fis face. Sans bouger. Sans le moindre mouvement de recul. J’étais un gentil soldat. C’était à n’en pas douter. Je l’avais toujours été. Dans une moindre mesure face à lui, comme en témoignait ma présence à Poudlard.

- Vous n’avez jamais eu à douter de ma valeur. Rétorquai-je difficilement.

Douter de ma valeur… Non. J’avais toujours tout fait pour être honorable, pour obéir à ma famille, à leurs règles et leurs lois sans jamais me rebeller. Sa menace, elle, me faisait craindre de ne pas être à la hauteur. De ne l’avoir jamais été. Je ne l’avais, à vrai dire, jamais été. Sans doute.

Il voulait que je lui explique, que je sois honnête avec lui mais… Non. Cela était simplement et tout bonnement impossible. Lui expliquerait signerait indubitablement la fin de ma présence dans notre famille. Je ne le voulais pas, je n’y arriverais pas… Ainsi, fixé sur lui, je baissai finalement les yeux, le visage désormais tourné vers le sol. Je n’arrivais pas à mentir. C’était pour cela que j’étais venu ici. Mais je ne pouvais toujours pas dire de vérité. Comme un cauchemar sans fin dans lequel j’étais bloqué, je ne savais plus comment agir et surtout comment ne pas agir.

- Je…

Je n’avais pas non plus beaucoup de choix, beaucoup de possibilités face à Min-Ho. Il ne pouvait pas savoir, il ne pouvait pas imaginer la raison de ma présence mais il savait que je ne disais pas tout… C’était trop évident.

- J’ai demandé à venir ici. Commençai-je bien plus honnête que je ne l’avais été pour le moment. Pour vous soutenir, toi et Hyun-Su… Vous êtes les héritiers des Jeon… Ma place est ici. A votre service, pour notre famille. Chose que nos grands parents et mes parents ont accepté. Sinon… Je serais resté au Japon.

Une vérité mêlée d’un mensonge reprit par une vérité… C’était la seule façon, pour moi, de tenter de me sortir de cette conversation…

Je n’arrivais pas à me dépêtrer de ce qui était en train de se passer. Ce n’était pas faute de tenter de me démener, de mentir sans mentir, de dire des vérités qui n’en étaient pas. Bien sûr, je ne voulais faire de l’ombre à qui que ce soit. A lui, comme à son frère. Je voulais, d’ailleurs, être l’ombre, plus que tout. Mais il avait raison. Ma place était là où le chef de famille – ou ici le futur chef de famille – décidait qu’elle était. J’avais pris la position de me passer de son accord, de sa décision. Une position qu’il allait me falloir défendre à tout prix. Je ne voulais pas retourner là-bas.
Et j’avais l’impression que mon cousin me perçait à jour. Bien sûr. Il y avait bien trop de raison pour venir ici, des raisons qui n’étaient pas liées à eux. Et c’était vrai. Bien sûr, c’était vrai. C’était mon cas et je me refusais de l’admettre, de dire la vérité, de me mettre en lumière là où l’ombre m’allait bien trop.

Et ce fut le choix. Un choix qu’il me donna de manière bien trop claire pour que je l’ignore. Mentir ou avouer une partie de la vérité et risquer de me faire découvrir par la suite… Mais… Après tout, comment pourrait-il deviner qui j’étais ? Non. Il ne le pouvait pas, tentai-je de me convaincre, bien que difficilement. Il ne pouvait pas imaginer toutes les raisons qui m’avaient poussées à demander mon transfert. C’était impossible. Inconcevable.
Baissant la tête, refusant malgré tout de faire un pas en arrière, je fuyai rapidement le regard de Min-Ho, comme percé à jour. Je ne savais pas quoi dire. Ou tout du moins… Je me refusais à le dire, à avouer. Même s’il ne pouvait pas savoir, le risque restait réel et… Bien trop présent à mon sens. Mais… Avais-je le choix ?

Relevant la tête lorsqu’il me présenta la maison qui m’avait été attribuée, je fronçai légèrement les sourcils. Ses qualificatifs faisaient échos à ceux de Mika… Et… Et cela faisait écho à qui j’étais, à vrai dire. Docile. Fidèle… Gentil. C’était ce que l’on attendait de moi. Du moins pour les deux premières « qualités ». J’étais le petit soldat sous les ordres des aînés…

- Je suis loyal à Jeon Hyun-Su-ssi. Articulai-je à mi-voix.

Personne ne pouvait douter de cela. L’ombre que j’étais n’avait jamais fait de vague, jamais cherché à se faire entendre, obéissant aux moindres mots de ses parents, de ses grands parents et de toute autre personne situé au-dessus d’elle.

Mais il voulait toujours la vérité. Il me la réclamait, même… Alors… Baissant de nouveau les yeux, je reculai enfin d’un pas. Je ne tenais plus. Comme écrasé par son aura, je rendais les armes.

- J’ai demandé à être transféré ici… Admis-je finalement. Sous le prétexte de vous soutenir en tant qu’héritiers principaux… Mais… C’était pour être loin de tout ça… J'avais besoin de partir...

Cela voulait tout dire et rien dire à la place. Incapable d’admettre que je n’avais fait que fuir la vie qui devait être la mienne, d’être un lâche, j’admettais au moins que ma présence ici était bien due à une envie, un besoin personnel. Bien loin de là…

- Jeon Min-Ho-ssi… Soufflai-je alors, honteux, soumis même à mon cousin. Ne dis rien… S’il te plait… A personne…

Si notre famille apprenait que je n’étais là que pour mon bon « plaisir »… C’était le retour en Corée assuré…

La menace était particulièrement claire. Prononcée avec un tel sang-froid qu'il m'était tout à fait incapable d'en douter. Mais cela m'atteignait-il réellement ? A vrai dire, pas vraiment. Et pour des raisons simples et pourtant si difficile, sûrement, à comprendre pour la plupart des gens. Tout d'abord, que pouvait-il faire de plus ? J'avais déjà honte, honte de moi, de ce que j'étais. Alors que pouvait-il faire de plus ? Il ne savait rien, personne ne savait. Montrait-il mes parents contre moi ? Cette idée, elle, me glaçait le sang mais... Arrivait la seconde raison de mon incapacité à prendre réellement peur : je ne voulais pas m'opposer à son frère. Jamais. Je n'avais et n'aurais jamais les épaules pour la tâche qui l'attendait. Alors pourquoi vouloir me confronter à lui au risque de devoir, un jour, prendre sa place ? Je n'étais pas aussi idiot... Pourtant, si sa menace ne me faisait rien, sa présence, elle, me tendait au point que je peinais à garder toute contenance. Ecrasé par son regard, j'avais l'impression que mon cousin pouvait me percer à jour sans que je le veuille.

- Je ne ferais jamais rien qui puisse contrarier ou aller à l'encontre de Jeon Hyun-Su-ssi. Assurai-je de nouveau.

C'était définitif.
Ce qui l'était moins était la colère que j'avais cru ressentir en Min-Ho. Relevant la tête, quelque peu surpris alors que sa voix s'adoucissait, je l'écoutai alors avec une certaine attention loin d'être feinte. Nous fuyions tous quelque chose... Lui aussi ? Je n'osais pas lui poser cette question, bien trop indiscrète, mais cette dernière s'imposait à moi. Lui qui m'avait semblait toujours si digne de l'héritage transmis par notre sang, fuyait-il réellement quelque chose comme je le faisais ?

Être impassible semblait être sa solution. Une solution qui me semblait difficile à tenir, presqu'impossible tant je me sentais pris dans mon propre piège. Pourtant... Ses mots avaient un sens certain...

- Mener... Une seconde vie, repris-je à sa suite, hésitant tant quant à la manière de tourner mes mots qu'en le sujet lui même. Mener une seconde vie n'est-il pas lâche et déshonorable ? Demandai-je finalement.

Mes parents me l'avaient répété. Je devais faire honneur à ma famille, vouer ma vie à cette dernière et à son chef. Obéir. Rester digne. Les élever, à mon niveau de dernier héritier. Evidemment, Min-Ho n'avait pas tort, me faisant d'autant plus craindre d'avoir été découvert. Jamais ce que l'on attendait de moi pourrait être compatible avec qui j'étais. Le fondement même de ce que l'on attendait de moi me semblait impossible à exécuter, alors comment pourrais-je ne pas voir la personne même que j'étais devenir un poids ?

- Je comprend...

Je comprenais évidemment les mots de mon cousin. Ils n'étaient qu'un écho de plus à tout ce que j'avais appris jusque là. Des choses que je peinais à admettre là où mon désir de vivre s'était fait plus vorace au Japon, là où ma liberté et ma crainte de tout perdre m'avait fait quitter mon pays et mes quelques amis autant que ma famille.

- Je ferais ce qu'il faut pour être digne de notre famille. Nous avois été élevé pour ça. Affirmai-je à mi-voix.

Je n'avais, de toutes les manières pas le choix. Et me rebeller ne servirait à rien de plus que me faire devenir la honte d'une famille que j'aimais et respectais plus que tout. Alors... Soit. Si l'on me demandait de rentrer, je rentrerais...

- Mais ne leur dis rien. Répétai-je malgré tout, conscient qu'un seul mot de sa part et encore plus de son frère me ferait quitter le pays pour ne certainement plus jamais y revenir.

Mais plus que de me dévoiler aux yeux de notre famille, je fus d'autant plus surpris de l'entendre s'enquérir de mon installation. Clignant un instant les yeux, je finis par hocher la tête.

- Oui. Je te remercie. Mon colocataire a été extrêmement bienveillant avec moi lorsque je l'ai rencontré et Mara Yoon m'a proposé son aide pour palier à mes manques puisque j'arrive en fin d'année.

J'avais, ainsi, eu beaucoup de chance. C'était définitif.

- Devrais-je... Me présenter à ton frère bientôt ? Préférai-je ainsi demander. Je ne veux pas m'imposer.

Il savait la vérité, que je n'étais pas là pour Hyun-Su. Et si je me tenais effectivement à sa disposition, je me refusais à faire preuve d'ingérence et de présence indésirable.

L'avais-je déjà vu sortir avec quelqu'un à Mahoutokoro ? Non. Evidemment que non. Nous n'en avions pas le droit, il s'agissait d'une chose qui nous avait été inculqué rapidement : le mariage avant tout, le reste était déshonneur. Alors, lui, second héritier, lui ne pouvait pas "sortir" avec quelqu'un. Et pourtant... Pourtant, il l'avait fait. Plus d'une fois. Et si mon comportement extérieur ne montrait rien, j'étais surpris. Comment avait-il pu ? Comment avait-il caché cela au point que personne ne voie rien ? Bien sûr n'était-il pas plus lâche ou déshonorable. D'ailleurs, ma tête se secoua de gauche à droite. Non. Il ne pouvait pas l'être... Mais, paradoxalement, pour une raison bien différente de celles que j'avais prononcé plus tôt.
Moi, j'avais fui. Par peur que cela arrive, que d'autres sachent, devinent mes pensées les plus sombres, mes désirs les moins naturelles, j'étais venu ici. Lui, avait fait face, vivant sa vie, sachant se cacher. Il était courageux. Bien plus que je ne l'étais.

- Je comprends. Répondis-je alors, le visage légèrement baissé vers le sol.

Bien sûr, je comprenais. Je n'étais pas idiot, bien loin de là. Mais il y avait une grande différence entre comprendre et appliquer cela. Faire ce que je voulais dans mon coin... Comment pourrais-je réellement le cacher ? Surtout lorsque ce que l'on attendait de moi allait à l'encontre même de tout ce que je désirais. Pire... Je n'avais jamais su réellement mentir. Me cacher, oui. Mais mentir ouvertement... Je n'étais pas certain d'en être capable, d'avoir le courage de regarder mes parents dans les yeux dès lors que j'aurais franchi les frontières de l'honneur.
J'en souffrais, pourtant, de cette vision, de cet honneur que je n'arriverais jamais à satisfaire, quoique je puisse faire. J'aurais aimé pouvoir faire ce que je désirais, pouvoir être qui je désirais sans craindre un mariage qui ne serait jamais sans amour ni désir, un objectif que je ne ferais que la mort dans l'âme. Mais nous n'étions rien que les objets de nos parents. Et si cela m'allait, si cela était ma vie, mon obligation, j'admettais, je prouvais par ma présence face à Min-Ho, que je n'arrivais pas à être réellement résigné de ce qu'allait être ma vie. A défaut de ne pas être soumis à mes parents, ma conscience souffrait. C'était définitif. Quand bien même je l'avais caché jusque lors.

Au moins accepta-t-il de ne rien dire, autant que je ne dirais bien sûr rien sur ses "aveux". Outre ma soumission et mon obéissance, Min-Ho avait aussi mon respect. Il était mon sang. Et en cela, je lui étais loyal. Peut être moins qu'à son frère, mon supérieur, celui à qui je devrais presque ma vie, mais le fondement était là.

- Merci... Soufflai-je malgré tout soulagé, au moins un peu.

Et la conversation devint plus légère, si tant était que je puisse me détendre, trop habitué à rester sur mes gardes face à tout membre de ma famille. Il s'enquérait de mon installation, me surprenant malgré moi avant que je ne lui réponde, le remerciant de sa sollicitude.
Me conseillant - si tant était qu'il s'agissait plus d'un conseil que d'un ordre - d'essayer d'avoir de bons rapports avec Mara Yoon, j'hochai la tête. Il pouvait être utile de par son petit ami. Son petit ami... Me figeant l'espace d'un quart de seconde, je repris rapidement contenance, à nouveau, me rappelant qu'il était plus... Habituel ici, d'être ce que l'on désirait être. Soit. Mais les mots de Min-Ho... "Impur", "renié"... Mon visage se ferma davantage. Ses mots me blessaient, sans qu'il ne peuvent savoir pourquoi, sans que je ne l'admette réellement, pourtant conscient de la réalité des choses, ses mots semblaient être comme des couteaux bien trop aiguisés, visant droit mon coeur, ma contenance.

- Très bien. Tentai-je malgré tout de répondre, essayant de ne rien laisser paraître d'autre que ma compréhension de ce qu'il en était.

Je devais seulement retenir qu'ils étaient utiles, qu'il pourrait nous être utile, ou plutôt être utile à Hyun-Su. Si je n'aimais pas réellement parler d'utilité d'êtres humains... Je savais que cela était nécessaire, obligatoire, pour notre famille.

- Yoon Mara ssi ne m'a pas paru difficile. Soufflai-je alors. Je n'aurais pas de problème à avoir de bons rapports avec lui.

C'était peut être l'un de mes plus grands avantages. Si je n'étais pas le plus à l'aise socialement parlant, si je me cachais souvent, fuyant et me soumettant à ma famille, je savais comment communiquer et surtout comment me faire apprécier.

Mais Mara n'était pas la personne la plus importante en ce moment. Pas tant que je ne m'étais pas présenté à mon chef de famille. Devais-je le faire ou attendre ? Il ne viendrait pas vers moi. Evidemment. J'étais son pion. C'était à moi de m'agenouiller. Pas à lui de venir le demander. Hochant la tête, je repris alors à sa suite.

- J'irais le voir demain soir.

Je ne voulais pas qu'il interroge son frère à mon sujet. Je ne voulais pas que Min-Ho lui révèle ce qu'il savait sur ma présence ici. Je ne voulais pas être renvoyé en Asie pour avoir manqué à mon devoir. J'avais besoin que Hyun-Su soit de mon côté. Quand bien même je devais d'autant plus plier l'échine, je le ferais. Il fallait que je reste ici.

- Min-Ho-ssi... Soufflai-je finalement. Est-ce que je peux te poser une question ?

Ma demande n'était pas timide. Prononcée pourtant à voix basse, en coréen afin d'être certain que personne ne pourrait m'entendre, j'avais cette fois observé mon cousin dans les yeux.

- Est-ce que mon oncle et ma tante... Viennent vous rendre visite ?

Devais-je m'attendre à devoir faire face à d'autres de ma famille ? Car là où je restais convaincu que mes parents ne feraient jamais le déplacement jusque Poudlard, qu'en était-il du reste de ma famille ? Des parents de l'héritier ?

- Et... Osai-je de nouveau. Y a-t-il des... Des comportements auxquels je dois m'attendre ici ? Pour... Pour ne pas être stigmatisé ou rejeté ?

Car après tout, si je finissais par l'être, je finirais irrémédiablement par poser problème à ma famille en termes de relations, et donc par poser problème à mon cousin, seul garant de ma présence ici... Mieux valait, donc, que je prenne toutes les informations que je pouvais dès maintenant.

- Tu sais que je n’en ferais pas. Soufflai-je en réponse.

Que Keith soit malléable ou non ne changerait rien. Ce n’était pas moi qui tirerais les fils quoiqu’il en soit. Je n’aurais donc qu’à être respectueux et appréciable. Rien d’autre. Pas de jeux réels comme pouvait le faire, apparemment, Min-Ho. Cela me convenait, en un sens. Je n’étais pas vraiment sûr de pouvoir me jouer des autres. Certainement, d’ailleurs, cela faisait-il de moi quelqu’un de bien moins stratège, bien moins dangereux que ne pouvait l’être mes cousins. Moins dangereux, certes, mais bien plus facilement approchable, ou tout du moins… Non. Je ne ferais pas de faux mouvements. Evidemment.

J’en avais d’ailleurs déjà assez fait concernant Hyun-Su que j’irais voir le lendemain. Mieux valait que j’évite de m’attirer les foudres de ce dernier avant même d’être réellement arrivé ici. D’autant que je serais, à Poudlard, visiblement libre. Du moins de nos parents. Mon oncle et ma tante ne venaient jamais. Tant mieux. Mes parents n’auraient donc à imiter personne et me laisseraient en paix. Du moins je l’espérais.
Il fallait, en revanche, que je m’attende à voir Mary Gimhae. Si je ne l’avais jamais rencontré, je connaissais son nom. Celle qui avait détourné un homme de sa famille en l’épousant. Hyo-Jin Gimhae si je ne m’abusais.

- Très bien. Je resterais en retrait d’Ayden Gimhae. Assurai-je. Mais est-ce que je peux connaître les réputations qu’ont Mara Yoon et lui ?

Mieux valait, malgré tout, que je connaisse les faits. Cela ne me dérangeait pas d’obéir aveuglément. J’en avais l’habitude. Mais sans connaître tous les tenants et les aboutissants, j’admettais que cela devenait plus difficile de trouver quoi dire ou quoi faire pour éviter lesdites personnes ou plus particulièrement Ayden Gimhae.
D’ailleurs, puisque nous parlions là de ce qu’il pouvait se dire à Poudlard même… Y avait-il des comportement auxquels m’attendre ? Arquant un sourcil, surpris de sa réaction, je secouai doucement la tête.

- J’obéis seulement à la famille. Repris-je à sa suite, conscient de l’image que je pouvais donner, conscient de ce que j’étais.

J’étais docile. C’était un fait certain. Obéissant, effacé et soumis au bon vouloir des Jeon. J’avais été élevé de la sorte et cela ne me posait pas réellement de problèmes, pas foncièrement tout du moins. C’était mon devoir. Quand bien même je n’étais pas comme ils le désiraient, je ferais ce que je devais pour ma famille. C’était ainsi. Et justement parce que je ne voulais pas être la honte de ma famille, parce que je me refusais à jeter un voile de déshonneur, quel qu’il soit, sur eux, qu’il fallait que je me renseigne.

Et les conseils plurent. Observant mon cousin sans discontinuer, je prenais note de ses mots, espérant me souvenir de chacun d’entre eux. Ne pas me perdre en formule de respect, comme me l’avait conseillé Mara-ssi ; mais aussi observer et imiter ceux de ma maison, ne pas parler de moi comme une marchandise, quand bien même c’était la vérité, car ils ne comprendraient pas. Hochant la tête, je ne savais pas réellement quoi penser de tout cela. N’avaient-ils donc aucun honneur, ici ? Soit… Dans tous les cas, je ne devais pas paraître soumis, je devais… résister de temps en temps ? Cela risquait d’être compliqué, j’en avais conscience. D’ailleurs baissai-je les yeux, soucieux de ce fait. Je n’avais jamais émis la moindre opposition. A rien. Alors la façon de faire m’échappait…

- Je crois avoir compris. Soufflai-je finalement. Je ferais ce qu’il faut. Alors.

Pas mon maximum, non. Je le ferais. Je n’avais pas réellement d’autre choix. Alors… Même si cela risquait de prendre du temps, je m’adapterais. Si c’était ce qu’il fallait faire.

- Et… Combien de temps as-tu mis pour t’adapter, toi ? Et… Observant autour de nous, comme il me l’avait indiqué, pour vérifier l’absence de toute âme qui vive. Et Jeon Hyun-Su-ssi ?

Combien de temps aurais-je pour cela ? Là était la question. Je ne devais pas être moins bon, pas ralentir la famille.

Des garçons… Oh. Soit. Je comprenais. Hochant la tête, j’indiquais à Min-Ho comprendre tout à fait de quoi il s’agissait. Si l’un s’était calmé, l’autre non. Si l’un avait su se lier de quelqu’un de visiblement intéressant pour notre famille. L’autre non. L’un devait donc avoir notre respect et notre sympathie. L’autre non. C’était facile. Et je ne risquais pas de me tromper. Pas lorsque je savais parfaitement où était ma place et quel était mon rôle.

- Certaines choses ne changent donc pas en fonction du pays. Soufflai-je plus à moi-même qu’autre chose.

Enchaîner les relations n’était pas bien vus. Où que nous puissions être. Et en un sens, je pouvais le comprendre. Sans juger ceux qui préféraient ce genre de choses, j’admettais ne pas le comprendre, ne pas imaginer pouvoir, moi-même, le faire.
Pour autant, si je ne devais pas lier la moindre relation avec Ayden Gimhae, je devrais certainement faire face à Mary Gimhae. La tante, donc, de mes cousins. Bien. Je ferais ce qu’il faudrait pour maintenir des liens cordiaux sans me laisser happer par son éducation. Soit.

Mais après tout cela, vint une question. Une question qui me semblait importante pour la suite, pour comprendre ce qui m’entourait et la manière dont je pourrais agir et interagir ici dans une optique constante de protection et de contrôle : qu’avais-je à savoir ? Et combien de temps, eux, avaient-ils mis ?

Plusieurs mois. Donc. Bien. Quand bien même leur arrivée était bien différente et plus difficile que la mienne, j’allais devoir faire mieux. Beaucoup mieux. Un mois et demi. C’était l’objectif que je me fixai à cet instant. Je me donnais un mois et demi pour réussir à m’adapter, à imiter et à m’intégrer.

- Je comprends. Soufflai-je ainsi.

Cette perte avait été difficile à admettre pour toute la famille, mais eux… Que ressentirais-je si je perdais ma sœur ? A vrai dire, je n’en savais trop rien. Nous n’avions jamais été particulièrement proche. Je n’avais jamais été particulièrement proche du moindre membre de famille. Alors… Alors je ne pouvais pas réellement l’imaginer… Comprendre ce qu’il ressentait était donc certainement faux, impossible. Quand bien même je pouvais admettre la difficulté supplémentaire qu’ils avaient eu à gérer en arrivant ici.

Mais avais-je d’autres questions ? Oui. Certainement. Était-ce une raison pour le retenir et les poser alors même que j’avais voulu, jusque-là, l’éviter ? Non. J’avais bien assez dit, bien assez parlé pour vouloir m’éclipser.

- Non. Répondis-je alors. Mara-ssi m’a proposé son aide si j’en avais besoin. Je le solliciterais. Cela me permettra de me rapprocher de lui et de pouvoir approcher son petit-ami. Si tu as besoin de quelque chose, je pourrais ainsi me retrouver utile.

Le calcul, toujours le calcul. Savoir où poser ses pions et surtout savoir comment utiliser le pion que j’étais. Je n’étais pas mauvais à ce jeu. Les illusions avaient été ma façon de vivre, il s’agissait, alors, de continuer.
M’inclinant légèrement, je me redressai rapidement, me souvenant du premier conseil de mon cousin. Ne pas se perdre en politesse. Ils ignoraient nos codes. Bien.

- Je te remercie pour le temps que tu m’as accordé. Repris-je avant de confirmer : Je passerais voir Jeon Hyun-Su-ssi demain. Je compte sur toi pour le prévenir de ma venue.

Et ce fut sans un sourire que je disparus dans l’encadrement de la porte de ma maison, bien trop pressé de retrouver mon dortoir, ma solitude ou… Tout du moins ma demi solitude au vu de l’étudiant qui partageait la pièce avec moi… Cela serait toujours mieux que Min-Ho.