Deux jours. Cela faisait deux jours que j'étais arrivé en Angleterre. Deux jours que j'avais plus ou moins passé enfermé dans cette chambre que l'on m'avait attribuée. Étais je heureux d'être ici ? En un sens, oui. Moins acculé, plus "libre" quoique cette liberté soit toute relative, j'étais, ici, en sécurité et surtout loin des risques de devenir paria.
Arrivé le matin du samedi, je n'avais pas encore vu mes cousins. Tant mieux, en un sens. Ne pas voir Hyun Su et Min Ho me permettait de me sentir encore un peu plus… hors de portée. Ainsi avais je préféré sauter quelques repas afin de profiter de cette tranquillité que je devrais trop rapidement briser afin de suivre les règles édictées par ma famille afin de me laisser venir jusqu'ici. Profitant de ma dernière soirée de solitude, j'admettais avoir été quelque peu heureux d'avoir découvert une chambre vide, mon colocataire absent pour le week-end.

Assis au dessus de ma couette, le dos appuyé contre la tête de lit, je lisais alors l'histoire de Poudlard, l'idée de m'avancer et de ne pas etre perdu en tête. Ce fut ce moment précis, entre la présentation du château et celle des maisons, qu'arriva… Mon colocataire donc. Un jeune garçon de "ma" maison, donc. Et visiblement… bavard. Bavard et dont l'accent m'empêchait de le suivre pleinement. Sourcils légèrement froncés, je l'écoutai ainsi.

- Bonjour… Répondis-je à sa suite sans plus prononcer de mots alors que "Mika" de ce que j'avais compris reprenait parole et…

Que… Qu'est ce qu'il faisait ? Clignant les yeux, je l'observais se changer devant moi sans la moindre gêne, venant même me faire face torse nu, m'obligeant à détourner le regard, chassant la pensée impure, celle qui me soufflait que ce colocataire avait une plastique agréable, vint me traverser l'esprit.

- Je… Heu… Non. J'aime bien être… Seul. Hésitai-je alors que mon anglais peinait à montrer le bout de son nez.

Ouf. Enfin. Habillé. Retournant mon regard vers lui, je l'observais étaler sa nourriture sur le lit alors que mon estomac se fit légèrement entendre. Les deux derniers repas sautés… il fallait admettre que la faim commençait a me tirailler. Pour autant et malgré sa proposition… Devais je en prendre ? La bienséance m'obligea à secouer négativement la tête sans même parler. Ca irait. J'attendrais demain.

- Je comprends l'anglais. Soufflai-je. Tu parles juste… Trop… Enfin… Rapidement. Et… avec un accent que j'ai du mal à comprendre. Mais je comprends. Enfin je crois. Et… Tu as bien prononcé.

Que pouvais je dire de plus ? Pas grand chose. Et son geste me fit cligner des yeux quelque peu perplexe. Que je goûte au sandwich qu'il venait de manger ?

- Je ne veux pas t'enlever ta nourriture. Répondis je simplement. Et… On ne doit pas partager ce genre de choses.

J'admettais être quelque peu nareux. Certes. Mais ce n'était, de toutes les manières, pas acceptables. Pas lorsque l'on ne connaissait pas. Pas avec quiconque d'ailleurs.

- Mais merci. C'est… gentil.

Oh. Heu. Sur mon lit donc. Soit. Enfin. C’était peut-être une coutume au Royaume Uni. Pour dire toute la vérité, mon envie de m’échapper avait été telle que je ne m’étais pas réellement renseigné sur ce qu’était la vie sur ce continent. Alors… Soit. Mieux valait ne rien dire, ne pas m’insurger ou être trop tendu. Quoique cela était un peu trop tard pour ce dernier point. J’étais tendu. Indéniablement. Peu de personnes, si ce n’était pratiquement personne, avait un jour fait preuve de familiarité avec moi. Outre mon nom, l’éducation que nous avions reçu nous empêchait bien souvent de faire preuve de trop de proximité. Est-ce que cela me gênait donc ? Bien sûr. Mais c’était à moi de m’adapter. Définitivement.

- Merci. Soufflai-je ainsi lorsqu’il accepta de parler moins vite.

Cela serait déjà ça de pris. Je n’avais pas de difficulté à comprendre l’anglais en temps normal. J’avais étudié cette langue. Et si l’accent que nos professeurs et mes camarades avaient étaient bien différents, je connaissais la langue et sa grammaire à la perfection. Mais cet accent, là… J’admettais qu’il compliquait les choses. Donc… Australien. Soit. Je n’aimais pas leur façon de parler. Ils mâchaient bien trop les mots pour être tout à fait compréhensible. Pour autant, au moins devais-je admettre leur hospitalité. A moins que cela ne soit propre à ce Mika. Enfin… Cela ne changeait pas grand-chose puisque je refusai la nourriture. Nareux et peu habitué à ce genre d’échange, les efforts avaient leur limite là où mon éducation commençait. Chose qui ne convainquit néanmoins pas le jeune homme qui insista alors, reposant même de nouvelles denrées sur le lit alors que mon ventre se mettait de nouveau à gargouiller.

Ainsi l’entente passait donc par le partage de nourriture ? Laissé perplexe, j’observai tantôt la nourriture, tantôt ce colocataire quelque peu exubérant. Je désirais évidemment une bonne entente. Je ne comptais pas réellement beaucoup sortir de cette pièce alors… Autant, effectivement, s’entendre avec son deuxième occupant puisque nous risquions de beaucoup nous croiser. Alors… Soit. Doucement, je vins attraper un petit sandwich. Qu’il ait vu gros ne devait pas être pris en compte : m’imposer en prenant plus deviendrait malgré tout impoli. C’était ainsi, à mon sens, un jeu d’équilibre qui se jouait entre son partage et mon acceptation. Rien d’autre. Comme toutes les relations à vrai dire.

Grignotant un bout de ce que je tenais entre les bras, une nuée de questions vint soudainement me frapper en plein visage, me laissant surpris alors que mon cerveau traitait difficilement toutes ces informations demandées, traduisant et retraduisant les phrases dans les deux langues.

- Heu…

Oui. Il s’emballait. Et je n’en avais pas l’habitude. D’un calme olympien, j’avais désormais l’impression d’être pris dans une tornade de parole et de mouvement. De mouvements ? Ecarquillant les yeux alors que le jeune homme chutait du lit, je posai rapidement mon sandwich pour quitter ma place et m’accroupir près de lui.

- Tout va bien ? M’enquis-je quelque peu inquiet de l’avoir vu tomber de la sorte. Tu as mal quelque part ?

Hyperactif oui… C’était définitivement le terme adéquat. L’aidant à se relever et à se rasseoir sur le lit en faisant attention à ce qu’il ne puisse pas chuter aussi lamentablement dans la seconde qui suivait, je me réinstallai face à lui, reprenant mon sandwich. Bien. Si je voulais qu’il reste tranquille, peut-être devrais-je commencer à ouvrir les lèvres et à répondre à ses questions. Si je parlais, il ne pourrait plus parler et devrait être attentif à mes réponses… Qu’avait-il demandé déjà ?

- Je vais essayer de tout te répondre. Soufflai-je ainsi finalement dans un anglais glissant. Je suis en septième année. Je suis en option Droit et Etude des Moldus. Je n’ai pas de club et je ne connais pas vraiment le Quidditch. Je ne suis pas vraiment très doué en vol sur balai. A Mahoutokoro, je maîtrisais beaucoup plus l’Hiko Ryu Taijutsu.

Et ensuite… Mmh… Mon cerveau fonctionnant à mille à l’heure, je tentai de ne pas laisser trop de blanc de peur de le revoir s’emballer… Et chuter de nouveau au risque de se faire réellement mal cette prochaine fois.

- Ah. Oui. Je suis né le 20 avril. Je n’ai pas besoin de cadeau. Et je suis arrivé samedi matin. Donc… Hier.

Là. Avais-je oublié quelque chose ? Peut-être… Il avait posé tellement de questions…

Chat ou wallaby… Ce garçon était surtout un phénomène qui ne s’arrêtait jamais, riant de ses chutes et semblant plus heureux qu’un soleil. Cela changeait de mon entourage habituel. En mieux ou moins bien ? C’était juste… Un peu trop différent pour que je me fasse un avis. Ainsi l’aidai-je malgré tout à se réinstaller sur le lit, lui qui n’avait visiblement pas vraiment conscience du mal qu’il pouvait se faire. Un coup à la tête peut être… L’idée me vint, effectivement. Mais je n’étais pas médicomage… Ni psychomage d’ailleurs. Inutile, donc, de faire des théories. Alors, afin de le garder calme le temps, au moins, qu’il se remette de sa chute, je pris le parti de répondre à ses questions innombrables, tentant de me souvenir de tout ce qu’il m’avait dit, ratant mon anglais de temps en temps mais restant malgré tout quelque peu… Direct.

- Ho. Heu. C’est une sorte de… De Jujitsu. Si tu connais. Je suppose que ça n’existe pas en Australie ou… Ou en Angleterre. C’est exigeant.

Sûrement plus que le Quidditch quoiqu’il valait mieux que je ne critique pas ce sport dont les livres anglais encensaient l’existence. En attendant, je repris les réponses à ses questions, précisant que je ne désirais pas de cadeaux. Mes parents m’en enverraient peut-être un. Ou pas. Je n’en savais rien et j’admettais que cela m’était entièrement égal. Ce n’était qu’un an de plus à m’ajouter. Il n’y avait pas réellement de quoi fêter. Mon nouveau colocataire, néanmoins, ne sembla pas l’entendre de cette oreille.

- Non je ne rigole pas. Avais-je rétorqué, prenant sa première exclamation au tout premier degré.

Non. Définitivement. Je ne voyais pas en quoi cela pouvait être important parce que je venais d’arriver. Arquant un sourcil, j’écoutai ainsi son explication. Une explication qui s’avéra longue et surtout… Sans réel sens. Enfin… Si. Cela avait du sens. Un sens gentil, d’ailleurs, je devais l’admettre, sûrement aidé par le sourire qu’il gardait au visage.

- C’est gentil. Mais je ne suis pas seul. J’ai… Des cousins ici. Deux.

Ce n’était peut-être pas la meilleure excuse du siècle pour ne pas avoir de cadeau mais au moins… Je n’étais réellement pas seul. C’était d’ailleurs la raison principale qui m’avait permis de venir ici.

- Et si tu m’offres un cadeau sans me connaître, je serais obligé de t’en offrir un en retour. Mais je ne sais pas ce qui pourrait te faire plaisir. Alors c’est inutile. Être en Angleterre est déjà un cadeau en soi.

Je partais d’un principe d’équité clair et net entre tous. Un principe qui me forçait souvent à offrir plus que je ne recevais, certes. Mais après tout… Dans le cas présent… Il était vrai que ma présence à Poudlard me suffisait. Plus apaisé que je ne l’avais été en Corée, je ne savais pas réellement ce que je pouvais vouloir de plus.

Enfin… J’allais visiblement devoir vouloir apprendre le Quidditch au vu de ce que me disait le jeune sorcier. Il était donc joueur professionnel ? Dommage qu’il soit tombé avec une personne pour qui le balai se trouvait mieux dans un placard que sous ses fesses.

- Je sais comment cela fonctionne. Il y a plusieurs balles, des buts, et des joueurs qui se passent la balle sur un balai. Vins-je à résumer tout ce que je connaissais de ce sport pourtant adoré de tous. Mais si cela te fait plaisir, tu n’auras qu’à me raconter tes entraînements, dans ce cas.

Je n’étais pas une personne difficile ni désagréable, c’était un fait. Bonne patte, je ne voulais pas faire de vagues à Poudlard. M’intégrer ne m’intéressait pas réellement non plus, à vrai dire. Mais si je pouvais au moins m’entendre avec ce colocataire que j’allais devoir voir tous les jours, hé bien je ferais les efforts pour. D’autant qu’écouter n’était pas un réel effort, il fallait l’admettre, quand bien même je ne comprendrais pas tout.

Mais voilà que le sorcier me surprit. Haussant les sourcils, sa prévenance était agréable. Touchante même. Au point qu’un très léger sursaut vint faire bouger le coin de mes lèvres dans un quart de sourire à peine visible.

- Je suis désolé pour ta mère. Répondis-je ainsi en l’observant avec une certaine attention, finissant ce sandwich pour en jeter le papier. Et je te remercie pour prendre en compte mon pays mais… Ici c’est le Royaume Uni alors vu que nous parlons anglais, appelle moi Hyun Ki. Le jour où tu parleras coréen, peut être que tu pourras utiliser Hyung. Mais ne t’en fais pas. Hyun Ki. Ca me va. Et…

Fronçant légèrement les sourcils, je secouai doucement la tête de gauche à droite avant de reposer mes yeux sur le sorcier. Voilà peut être une chose que j’allais demander… S’il désirait m’apprendre le Quidditch pour m’en parler en long en large et en travers, peut être pouvais-je oser demander cela…

- Ne dis pas que tu es stupide. Personne ne l’est. Surtout que la stupidité, ça serait de ne pas faire attention aux autres. Soufflai-je. Alors… Si c’est possible, pourrait-on dire que dans cette pièce on ne doit pas se… Diminuer ?

J’étais à Poudlard pour fuir les regards, pour fuir le risque de devenir moins que ce que j’étais, à savoir, rien. Ce n’était pas pour me retrouver dans un endroit où chacun se diminuerait, même si cela semblait avoir été dit de manière naturelle, je préférai encore une chambre où chacun se respecterais humainement. Et je serais bien assez suffisant pour me diminuer intérieurement personnellement. Autant être le seul à le faire ici.

- Alors, repris-je en tendant la main vers lui. Enchanté Mika. Et merci pour ce repas.

Je n’avais mangé qu’un sandwich, mais c’était déjà assez face à une personne qui s’était autant entraîné.

Il connaissait donc. Parfait. Cela m'éviterait de lui expliquer quelque chose supplémentaire. Pas que je ne désirais pas en parler mais… À quoi bon, de toutes les manières ? Poudlard ne proposait pas ce genre de choses. Cela ne lui serait donc d'aucune utilité. Comme cela, d'ailleurs, ne me l'était plus. Évidemment.
Dans tous les cas, cela ne changeait rien au fait : je ne voulais pas de cadeau. Je n'étais pas seul, inutile, donc, de viser l'intégration à outrance. Je finirais irrémédiablement par repartir en Corée remplir mon rôle.

- Jeon Hyun Su et Jeon Min Ho. Répondis-je simplement.

Inutile de taire ce qui était connu. D'autant qu'étant sous la responsabilité et les ordres de Hyun Su, il était évident que je serais vu en sa compagnie. J'étais, après tout, officiellement là pour l'aider. N'est ce pas ? Quand bien même avait-il été mis au courant sans même qu'il en ait fait la demande.
Et voilà que Mika revenait sur le sujet anniversaire et cadeau, à mon grand désarroi. Il n'avait pas besoin de cadeau. Soit. L'amitié fonctionnait ainsi. Soi… pardon ? Arquant un sourcil, je l'observai quelque peu surpris de cette remarque.

- L'amitié ?

Il ne me connaissait pas. Je ne le connaissais pas. Et déjà il me parlait d'amitié ? Je n'avais jamais été une personne particulièrement… abordable. Alors me faire des amis n'était pas la chose la plus aisée. Ajouter à cela ma famille qui faisait fuir par sa puissance ou dans tous les cas ne m'aidait pas… J'admettais être… particulièrement… perplexe. Je ne savais, à vrai dire, même pas comment réagir à sa façon d’être. Trop familière et trop directe, elle ne ressemblait en rien à ce que j’avais connu.
Pour une première entrée en matière avec un occidental… Il m’avait au moins fait mettre les pieds dans le plat. Fort heureusement, le voilà reparti sur un autre sujet. Il n’était donc pas très difficile de le faire virevolter d’un sujet à l’autre. Je n’étais pas manipulateur, certes, mais c’était une chose à retenir. Savait-on jamais si un sujet ne me plaisait pas. Au vu de sa capacité à parler de tout et de rien en l’espace de moins de quinze minutes, rien n’était impossible.

Au moins ma définition du Quidditch fut elle plus ou moins bonne puisqu’il ne me rattrapa pas dessus. Ainsi était-il attrapeur. Donc… Celui attrapant (logique) la petite balle volante de mémoire. Soit. Par respect plus que par pure attention je l’admettais, je notai cette information. Mika, attrapeur professionnel, donc, absent les fins de semaines. Et… Visiblement… Casse cou et se définissant comme un labrador ? Clignant des yeux, je fus de nouveau surpris.

- Et… Tu ne te fais jamais mal ?

Question rhétorique, évidemment. Il se faisait sûrement mal. Il était impossible avec de telles pratiques de ne pas se faire mal. Devais-je, donc, un jour devoir le voir revenir avec un bras en moins ? Ou pire, qu’il ne revienne pas ? Je ne le connaissais pas. Cela ne me faisait rien. Pas grand chose du moins. Mais ce n’était pas de l’amitié que de ne pas faire attention à soi pour l’autre me surpris-je un instant à penser avant que ma rationalité ne reprenne le dessus.

Une rationalité que le jeune homme vint de nouveau étioler alors que son attention me touchait, en quelque sorte. C’était gentil de sa part de venir penser à ma façon de faire, d’être et de me comporter de par mes origines. Je ne pouvais le nier. Et son sourire ne manqua pas de me faire réagir, surpris d’une telle lumière avant que ses yeux ne s’arrondissent à ma demande pourtant bienveillante, du moins à mon sens.

- Ce n’est pas de la stupidité, dans ce cas. Repris-je calmement suite à son explication. Tu n’as pas trouvé ta méthode de travail ou alors tu n’aimes pas assez les matières pour te concentrer. L’apprentissage n’est pas une question d’intelligence. C’est seulement une question de concentration et de répétition la plupart du temps.

Or, il venait de me faire part de son manque de concentration, expliquant donc en grande partie, pour moi, les mauvaises notes dont il faisait état. A mon sens la stupidité n’était pas l’éducation. Ou pas l’éducation académique tout du moins. Tout le monde avait ses points forts et ses points faibles. Lui n’arrivait sûrement juste pas à réfléchir de manière structurée. Quant à sa définition de ce qui était important dans la vie ? Je devais admettre que c’était… Disons… Non pas mignon mais… Enfin… Un autre mot du même type. Plus ou moins.

- Gentil et heureux, donc. Répétai-je. C’est… Bien.

Gentil, je n’avais pas de doute, c’était un fait. Il était gentil, cela transpirait de son être sans même que l’on ait besoin de le connaître, et c’était pourtant mon cas. Quant à heureux… Sûrement devrais-je dans ce cas le jalouser un peu. Mais ce n’était pas mon cas alors… Tant mieux pour lui.

Tendant la main pour la lui serrer, je fus de nouveau marqué par son sourire qui ne le quittait donc visiblement jamais alors même que je le remerciais pour le repas… Qui le surprit. Ma main coincée dans la sienne, je l’observai, légèrement interdit, sans trop savoir quoi faire pour récupérer mon membre.

- Je…

Je n’eus pas le temps de répondre à sa question. Le voilà reparti vers les plaines immenses de son esprit, perdu dans un flot de paroles que je peinais de nouveau à suivre. Il était question d’un Capitaine de Quidditch dans une maison coréenne je crois… Avec un petit ami Bulgare ? Non… Je n’avais pas compris. Dans tous les cas, ils étaient allés à Busan pour le nouvel an asiatique ou pas je ne l’avais pas compris. Le sujet était cool mais il (était-ce le capitaine ?) ne mangeait rien. Oh. Mais son copain, lui, ne grossissait pas en mangeant trois fois plus. Donc… Un couple… Non. N’y pensons pas. D’autant que cette pensée fugace m’arracha ma concentration et m’empêcha de comprendre totalement Mika… Qui continuait sa course effrénée. Les elfes de maison pouvaient me faire à manger ? Mais… Secouant négativement la tête, complètement perdu, je tentai de reprendre le fil de sa pensée - peine perdue. Il était question de piments qu’il ne mangeait pas ? Ou qu’il mangeait ? Que… Qu’est-ce que…

Mon air perplexe et son manque de souffle durent lui mettre la puce à l’oreille alors que sa moue désolée me faisait presque de la peine.

- Je n’en doute pas. Soufflai-je pour toute réponse. Et… Je n’ai pas besoin de manger. Enfin… Non. J’aime bien la nourriture chez vous. Un peu. Mais je doute que vos elfes de maison soient capable de me faire un Sigeumchi namul.

C’était pourtant mon plat préféré, ce qui me faisait du bien lorsque je me sentais seul, mal ou… Loin, comme maintenant. Car j’avais beau avoir eu envie de venir, j’avais beau être “heureux” de me trouver à Poudlard, cela n’empêchait pas la réalité de venir me frapper : je ne connaissais rien, ici. Pas même ce qui était “normal” pour les adolescents, adolescents dont je faisais partie.

- Au moins tu n’es plus seul maintenant. Terminai-je de manière tout à fait rationnelle alors que je ne désirais que lui effacer cette moue du visage, me sentant presque coupable de lui avoir effacé son sourire.

Et il repartit. Encore. Allais-je finir par m’y habituer ? Bonne question… J’en doutais. Sa demande, néanmoins, me surprit.

- Je t’apprendrais le coréen si tu en as envie… Mais cela demande de la concentration. En avait-il suffisamment ? Mais ne le fais pas pour moi, alors, mais parce que tu en as envie. C’est important si tu veux y arriver.

C’était même la base de tout apprentissage, à mon sens. Le faire pour les autres, et je l’avais bien souvent fait, n’apportait que de la frustration et un manque de motivation. Bien sûr, certaines personnes, comme moi, pouvaient facilement apprendre sans motivation, par simple désir de bien faire, mais les personnes comme lui, ceux que j’estimais presque plus authentique, à vrai dire, n’en étaient pas capables, et ce n’était pas une critique, non, seulement une observation rationnelle.

… Mes cousins étaient dans l’équipe ? Ici ? Ah. Hum. Mieux valait que je fasse comme si je le savais, à vrai dire… Preuve que je n’étais pas grand-chose dans la famille ou que je peinais à m’intégrer au « haut du panier », le fait était que je ne m’y étais jamais intéressé. Ainsi, hochant la tête, feignant d’être au courant, je soufflai doucement.

- Oui. Ils sont… Ils sont très bons.

Je n’en savais rien, c’était un mensonge et je détestais mentir. Mais c’était cela ou prouver que ma famille n’était pas soudée. Tout sauf ça. Pas de mon fait, tout du moins. Ainsi préférai-je mentir. Ce n’était, après tout, qu’un petit mensonge bien qu’hésitant.
Cela n’empêcha pas le sorcier de parler d’amitié de façon bien trop spontanée pour que cela ne me surprenne pas. Au moins admit-il que cela était effectivement tôt. Enfin… Sûrement avait-il raison. Nous allions vivre ensemble… Nous allions donc devoir nous entendre. Être… Amis. Certes. Mais dans ce cas, nous n’aurions pas choisi de devenir amis puisque nous le devenions du fait de notre colocation forcée par l’école… Cela en devenait paradoxal. Enfin. Je supposai qu’il voulait me dire là que j’étais libre de mes choix malgré tout. A moins qu’il soit parti sur toute autre chose. Encore.

- Tu as bien fait. Répondis-je à sa petite explication pour une fois rapide de cet ancien mentor.

Les personnes toxiques n’étaient pas acceptables. Trop dangereuses pour soi, pour les autres, c’était le genre de personne qu’il valait mieux garder loin de soi. Je ne pouvais qu’être d’accord avec ce fait.

- Gentils, travailleurs et fidèles ? Répétai-je quelque peu perplexe.

C’était donc de la sorte que ce vieux chapeau m’avait vu ? J’admettais ne m’être posé aucune question, j’avais bien lu le chapitre sur les maison mais je ne pensais pas que cela était complètement réel. Visiblement, si. J’étais donc… Dans une maison de gentils travailleurs loyaux… Je n’étais pas certain que cela me corresponde. Mais qu’est-ce qui pourrait me correspondre autrement sinon ? Non. A vrai dire… C’était ce qui me correspondait le mieux. Peut-être une « honte » si mes deux cousins se trouvaient à Serpentard. Mes parents n’étaient pas encore au courant, peut être valait-il mieux que je ne leur dise rien sur ma maison d’attribution.

- Et… Les autres maisons, elles sont… Quoi ? Butai-je sur les mots en cherchant malgré tout à en savoir plus, connaître le degré de tare qui risquait de m’être attribué.

Il allait peut-être me prendre pour un inculte mais… Autant que je lui pose la question. A lui. Même s’il risquait alors de partir dans de nouvelles plaines emplies d’explications en tout genre.

Explications qui revinrent avec le Quidditch, m’obligeant à m’enquérir du risque de blessure… Un risque visiblement constant. Fronçant les sourcils, j’admis ne pas être enchanté de savoir que mon colocataire risquait de se retrouver blessé. Je n’étais pas médicomage, s’il avait un problème post entraînement, comment pourrais-je, moi, gérer ? Enfin… Non. Il y avait l’infirmerie. Bien sûr. Mais le temps que les secours arrivent et… Non. Je devais arrêter de penser et de m’inquiéter pour quelqu’un qui semblait en avoir l’habitude, quoique cela soit une habitude des plus étranges et dangereuses comme il l’admit ensuite. Grimaçant à l’idée d’os cassés, je soufflai doucement.

-  Fais attention. Quand même.

Ce n’était qu’un conseil sans valeur mais puisque nous étions colocataires… Hé bien puisque nous l’étions, nous allions faire de cet endroit un lieu de sérénité, à commencer par sa capacité, que je découvrais bien vite, à se diminuer. Du moins à mon sens.

- Ce n’est pas grave… Enfin…

« Si tu n’es pas le meilleur, ne sois rien ». Cette phrase me trottait en tête. Habituée à l’exigence de ma famille, je m’étais moi-même créé cet adage, comme pour obtenir une pression supplémentaire là où ma famille ne faisait pas assez attention à moi. Idiot ? Peut-être. Sûrement. Mais réel.

- Je suppose que nous avons deux façons d’aborder les choses. Finis-je par admettre, peu désireux de me battre sur une peine qui semblait déjà perdue. Mais si tu es heureux, alors tant mieux. Finis-je par prononcer d’une voix bien plus éteinte.

Qu’est-ce que ça faisait d’être aussi heureux, solaire, que lui ? Je me le demandais. Sans que cela ne me rende envieux, je me demandais réellement quelles seraient mes pensées si le bonheur venait s’inviter dans ma vie. Pensée que je chassai rapidement, préférant me concentrer sur ce qui était réel que sur toute autre utopie. Ainsi le remerciai-je pour le repas, pour ce qui était tangible avant qu’il ne s’insurge du peu de nourriture avalé.

Le laissant parler, sans que je ne puisse saisir tout son discours, espérant ne pas m’emmêler, plus tard, les pinceaux si le sujet revenait sur le tapis, je soulignai malgré tout qu’il était peu probable que des elfes de maison anglais puissent préparer mon « plat » préféré.

- Du Sigeumchi namu. Répétai-je. Ce sont… Mmh… Des… Je cherchai le mot, profondément, dans mon esprit. Des… Des légumes verts, des feuilles que l’on fait cuire… Excuse-moi, je n’arrive pas à retrouver le mot en anglais. Grimaçai-je presqu’honteux de ne pas savoir m’exprimer correctement. Enfin… Ces légumes sont préparés avec du sésame. J’en mangeais souvent avec… Pratiquement tous les plats, à vrai dire, chez moi.

Du moins lorsque rien n’allait. Comme une nourriture doudou, cela me réconfortait particulièrement. Et à nouveau, alors que je ne faisais qu’une remarque logique sur le fait qu’il ne serait plus seul, ce qui était normal puisque je venais d’arriver, son sourire vint me frapper. Il était définitivement lumineux. C’était, d’ailleurs, certainement la première personne aussi lumineuse que je rencontrais dans ma vie… Lumineux au point qu’un sourire étira légèrement mes lèvres face à cette sincérité qui transparaissait comme un éclat sur son visage. Un sourire léger, discret, qui disparaîtrait très vite, certes, mais un sourire malgré tout.

- Alors je pourrais t’apprendre. Répondis-je simplement alors que mon sourire, doucement, s’étiolait, laissant réapparaître cette obscurité qui me suivait où que j’aille. C’est d’accord.

S’il le voulait, qui étais-je pour ne pas le lui permettre ? Que cela soit pour me faire plaisir ou pour lui-même. Cela ne me posait pas de problèmes. Même si j’admettais que l’idée qu’il veuille me faire plaisir… Avait un quelque chose d’agréable. En quelques mots, quelques monologues aussi, j’admettais ne plus me sentir aussi seul que lorsque j’étais arrivé. Ce n’était pas grand-chose, bien sûr, juste des mots échangés, mais il fallait admettre que cela réchauffait le cœur.

L’observant se lever pour commencer à tourner en rond, j’hochai doucement la tête à sa question avant de siffler légèrement entre mes dents alors qu’un petit lapin faisait son apparition sur le côté de mon lit, jusque-là complètement caché, craintif et isolé, un peu comme son maître, à vrai dire.

- Il s’appelle Rainy. Indiquai-je en attrapant l’animal tremblant. Il n’est pas vraiment très sociable.

Ce n’était peut être pas la peine de l’expliquer lorsque l’on observait la pauvre boule de poils recroquevillée sur elle-même, mais tout de même.

- Il se fera à toi. Je suppose. Soufflai-je néanmoins en gratouillant l’animal bien plus confiant lorsque j’étais le seul dans son champs de vision. N’est-ce pas ? Murmurai-je à son encontre. C’est… Mon meilleur ami, en quelque sorte. Mais… Enfin je te montrerais sa cage si c’est quelque chose qui te plait.

J’aimais m’occuper de Rainy, évidemment. J’aimais prendre tout mon temps avec lui. Mais si Mika voulait s’occuper d’un animal… Pourquoi pas, après tout. Sous ma surveillance bien sûr. Et voilà qu’il recommença à se perdre… Plus clairement alors que je l’observai bientôt se mettre à bouger ses bras imitant… Le furet ? Réellement ? Resté fixé sur lui, je pouffai de rire un instant, surprenant même le lapin qui s’enfuit se cacher de nouveau, avant que le sérieux ne revienne.

- Tu as… Tu as beaucoup observé le furet, visiblement. Dis-je alors que sourire et rire s’étaient de nouveau échappés.

« Mer » était donc une personne qu’il considérait comme sa sœur, qui le soignait et qui était donc l’ancienne petite amie de son mentor. Bien. Il fallait donc que je retienne cela, autant par politesse que par respect. D’autant qu’il fallait admettre que s’il tombait régulièrement comme j’avais pu le voir… elle devait être une bonne soignante. Autant, donc, l’avoir dans mes connaissances, quoique je ne compte absolument pas me blesser un jour.

En attendant, ce fut le premier monologue que je permis, de moi-même, à Mika de réaliser. Ainsi me parla-t-il des maisons, de chaque maison, et de leur caractéristique. Au moins fit-il l’effort – certainement surhumain pour lui – de parler distinctement et doucement, me permettant de comprendre chacun de ses mots sans trop de mal, hochant la tête à ses paroles. Ainsi… Serais-je donc potentiellement une honte. Soit. Merveilleux. Même mon arrivée à Poudlard ne se ferait pas sans risque de fracas. L’idée que mes parents puissent bien se moquer de ma maison ne m’effleura, à vrai dire, même pas l’esprit alors même que je n’avais aucune idée de ce qu’ils pensaient de cette répartition. Seul un fait persistait : je n’étais pas dans la maison de mes cousins, que j’étais censé suivre, ni dans celle des nobles, donc, par extension.

- Merci pour l’explication. Soufflai-je finalement lorsqu’il eut terminé.

Cela ne faisait que confirmer mes doutes, bien sûr, mais au moins avait-il eu la gentillesse de m’éclairer sans me prendre pour un idiot.

Notre conversation déviant sur le Quidditch, je vins néanmoins à le mettre en garde. Mieux valait qu’il fasse attention. Je n’étais pas médicomage, incapable de soigner les lourdes blessures. Mais les attrapeurs mourraient donc visiblement rarement. Ce n’était pas… Réellement rassurant, admettons-le. Rarement ne voulait pas dire jamais et n’empêchait pas d’être blessé. Arquant un sourcil à sa proposition, je baissai rapidement les yeux, perplexe. Je n’étais que rarement sorti faire ce genre de « choses ». Peu enclin à la foule et à la liesse, par manque d’habitude je l’entendais, je n’étais pas convaincu que cela soit bien vu.

- Merci pour ta proposition.

Je n’acceptais pas mais je ne refusais pas. Sans doute la manière la plus polie de faire pour me permettre de reculer la décision de venir un jour. Je venais, de toutes les manières, d’arriver. J’admettais que ma priorité n’était pas d’aller voir un match de Quidditch entouré d’européens en liesse.
Dans tous les cas, casse-cou comme peu enclin aux études, ce garçon n’était pas stupide et ce fut là ma seule remarque sur ce point, me faisant aligner plus de quatre mots d’affilés. Nous n’avions pas la même façon de voir les choses, c’était un fait. Mais malgré tout. Je préférai ne pas l’entendre parler de lui de la sorte. Ou n’importe qui, d’ailleurs. Je n’appréciais pas cela. Et… Il accepta. Heureusement.

Passant à ce qui semblait l’animer le plus pour le moment, nous échangeâmes quelques mots sur ce que je désirais manger, en plus de ce sandwich… Mais impossible, du moins je le supposai, pour moi d’avoir ce que je préférais. Je n’étais pas certain que les elfes connaissent la moindre recette coréenne. Alors… Mieux valait ne pas se déranger.

- Epinard, oui. Acquiesçai-je alors que le mot m’était donné. C’est ça. Des épinards.

Me répétant ce terme plusieurs fois pour l’ancrer dans mon esprit, je fus quelque peu surpris de le voir désireux d’apprendre ma langue, je préférai m’assurer qu’il en avait réellement envie. Faire les choses par simple désir de faire plaisir n’apportait jamais rien de bout et… Sa réponse fut… Mmh. Il arrangeait particulièrement bien ce qu’il en était pour que cela fonctionne, je devais l’admettre. Mais plus que cela, plus que sa réponse arrangeante, ce fut son sourire qui me marqua. Depuis qu’il était arrivé dans la chambre, dans sa chambre, il n’avait cessé de sourire. Hormis cette moue pour laquelle je m’en étais presque voulu, Mika n’avait pas cessé de rayonner. C’en était… Je n’avais pas réellement de définition pour cela, à vrai dire. Mais son sourire avait réussi à étirer mes lèvres, doucement. Pas de quoi en faire un sourire, certes, mais… Cela mit du baume à mon cœur avant que l’obscurité ne revienne se poser sur moi. Acceptant finalement de lui apprendre cette langue qu’il désirait, je l’observai sauter littéralement de joie. Solaire était définitivement un mot qui lui allait comme un gant.

Et passant du coq à l’âne ou plutôt du coréen au lapin, je lui présentai Rainy, timide et asocial petit lapin bélier qui vint se positionner sur mes genoux, fixé sur moi comme pour oublier ce qu’il ne connaissait pas et qui l’entourait.

- Les pommes séchées. Dis-je doucement en attrapant ma baguette dans l’optique faire venir à nous un petit paquet, rangé dans ma valise pas encore totalement vidée.

Je n’eus néanmoins pas le temps d’exécuter mon sort que le jeune homme se reprit d’amour pour la parole venant jusqu’à imiter le furet de ses bras. Pouffant de rire à cette vision des plus… Amusante ? Grotesque ? Je n’en savais rien, mais Rainy vint à fuir, visiblement lui-même surpris de ma réaction bien peu habituelle. Réaction qui rapidement se ternit alors que le rire du jeune homme attirait de nouveau mon attention. Mmh. Soit.

L’observant prendre place sur le lit sans sourciller, sans même bouger d’un iota, comprenant qu’il ne faisait que chercher le pauvre lapin prostré dans un coin sous le lit avant qu’il ne se rasseye convenablement.

- J’admet préférer ne pas penser aux abandons des animaux. Soufflai-je alors que le petit lapin réapparaissait de l’autre côté du lit en observant Mika avec attention.

Reprenant ma baguette en main, je lançai un « accio » rapide pour que le paquet de pomme séchée se dépose finalement sur les genoux du sorcier.

- Mieux vaudrait, tout de même, que tu aies tes BUSEs. Répondis-je. Mais… Vas-y. Donne lui.

Ainsi son père était pompier… Fronçant les sourcils en tentant de comprendre et de retenir, je le laissai s’installer face à l’animal pour tenter, à mon tour, de faire la conversation. Je n’étais pas réellement doué dans cela, ni habitué mais… C’était aussi à moi de faire des efforts… Un peu.

- Alors… Ton père était firemage ? Soufflai-je en le pensant naïvement sorcier. C’est courageux… Du coup… Tu comptes rentrer en Australie, plus tard ?...

Ce n’était pas réellement probant comme conversation, je l’entendais, mais c’était le mieux que je pouvais faire pour le moment.

- Ce qui montre que tu n’es pas stupide. Soufflai-je à mi-voix.

Quelqu’un de stupide ne réfléchirait pas de la sorte. Quelqu’un de stupide, d’ailleurs, ne prendrait pas en compte le bien être animal tout court. Levant la tête alors que j’avais prononcé ces mots, je le fixai de nouveau un instant alors que de soleil, il était passé à douceur. Secouant la tête doucement pour m’enlever cette image des yeux, Rainy apparut au meilleur moment.

- Est-ce qu’au Royaume Uni les colocataires… S’entraident pour les examens ? M’enquis-je alors.

J’admettais avoir davantage eu l’habitude de travailler seul et uniquement seul qu’avec quelqu’un mais les BUSEs semblaient réellement importantes pour lui alors si je ne pouvais décemment pas lui promettre de l’aider pour ses ASPICs ou ses examens supérieurs, n’étant même pas certain d’être encore en Angleterre, peut être… Potentiellement… Je pourrais l’aider pour l’examen de cette année. Car voilà une chose que j’avais compris. En cinquième année, les anglais passaient leurs BUSEs. En septième, c’était les ASPICs. J’avais d’ailleurs un immense programme à rattraper pour être tout à fait à niveau. Enfin. J’y arriverais. C’était certain. Le sport serait peut être la seule chose qui allait d’ailleurs me manquer ici…
En attendant, j’allais permettre à Mika de s’occuper un peu de mon lapin. Lui fournissant les pommes séchées, je l’observai s’installer au sol sans bouger afin que Rainy ne soit en aucun cas attiré par mes mouvements. Tentant de faire la conversation, je fronçai les sourcils à ses réponses.

- Un moldu ?... Répétai-je.

C’était donc… Un sang mêlé ? Oh. Je n’étais pas réellement raciste. Pas vraiment. Habitué à ne fréquenter que des Sangs Purs ou presque, j’admettais être malgré tout curieux de connaître la vie d’un moldu. Ou d’un sang-mêlé.

- Je suppose que… Ce que ta mère a fait est courageux. Soufflai-je en baissant la tête, mon timbre de voix trahissant mon trouble bien malgré moi.

Voilà une chose que je ne pourrais jamais faire, dont je n’aurais jamais la force. Je m’étais même enfuit pour ne pas avoir à supporter les regards alors même qu’ils ne savaient rien. Alors assumer, m’enfuir, refuser leurs attentes alors que j’avais toujours tout fait pour m’y plier ? Non. Je ne m’en sentais pas capable. Je ne m’en sentirais sûrement jamais capable, car ce n’était pas un séjour à Poudlard qui pourrait changer mon avenir. Quoiqu’il en soit. Un jour. Bientôt peut être, je devrais retourner en Corée, épousée une femme du pays, une Sang Pure avec qui j’aurais des enfants. Que je sois attiré, que je l’aime, que je l’apprécie même, n’aurait aucune espèce d’importance aux yeux de ma famille. L’importance serait son rang, son sang et nos enfants. Rien d’autre. Un triste tableau qui se dressait ainsi devant moi, me laissant quelques instants dans un léger silence tandis que le jeune australien reprenait parole, me ramenant à la réalité.

- Oh… Soufflai-je ainsi. Ton père est donc… Vraiment courageux. Tu… Tu tiens de lui ton côté casse-cou ? Osai-je ainsi demander sans le quitter des yeux.

Il était… Étrange comme garçon, je l’admettais. Solaire, doux et complètement et définitivement impossible à suivre à la fois. Au moins était-il concentré, même trop, pour donner à manger à Rainy, de plus en plus intéressé.

- Et toi, demandai-je alors en me redressant légèrement, sentant Rainy un peu plus confiant. Tu as envie de rentrer ou de rester ici ?

En tout cas, quoiqu’il puisse désirer, Mika semblait actuellement heureux avec un « simple » lapin, quoique je n’aime pas réellement définir Rainy de « simple » tant j’aimais cet animal. Glissant au sol, à mon tour, le lapin s’approchait encore de celui qui semblait devenir déjà un nouvel ami, pour finir par… Le chatouiller ?
Clignant des yeux, un sourire étira mes lèvres. C’était bien plus souvent le cas lorsque le lapin était dans la course, je l’admettais. Il était le seul à connaître mes états d’âmes et mes pensées… Alors je lui devais, après tout, bien des sourires.

Me penchant vers eux, j’attrapai délicatement l’animal, frustré de ne pas avoir pu finir sa friandise, pour le poser directement sur Mika, déposant sur lui deux pommes séchées.

- Tu dois être quelqu’un de confiance. Murmurai-je doucement en observant le lapin. Il semble t’apprécier plus rapidement que d’autres. C’est rare.

Sûrement Rainy sentait-il, tout comme moi, la lumière naturelle et agréable émaner du sorcier, après tout…

- Si… Si un jour tu veux un animal. Je pourrais m’en occuper le week-end. Dis-je à mi-voix. Peut-être…

Après tout, j’aimais les animaux, c’était un fait dont personne ne pouvait douter, alors un animal de plus dans la chambre n’allait certainement pas me déranger… Et si cela pouvait faire de la compagnie à Rainy… Pourquoi pas. Puisqu’il avait semblé être tant déçu de ne pouvoir en avoir un.

- Bien. Acquiesçai-je. Alors si tu as besoin… Je pourrais peut-être t’aider.

Si c’était la norme ici, autant que je m’adapte, non ? J’étais, après tout, là pour me fondre dans la masse. Mais s’il ne le voulait pas… Je n’allais pas non plus le forcer. Ce n’était pas ma façon de faire. Je n’aimais pas m’imposer.

- Comme tu veux.

Une réponse, simple, claire, nette et concise, peut-être même un peu trop froide en réponse à son rire mais… Enfin c’était au moins une réponse.
Autre question, autre réponse, de sa part cette fois, je fronçai soudainement les sourcils. Sa mère ? Une Kim ?

- Ah.

De tous les élèves de Poudlard, je devais donc tomber avec un descendant des Kim ? Bon. De façon rationnelle… Non. J’étais seulement en train de devenir irrationnel. Ce nom de famille était courant, très courant. Et la probabilité de tomber sur “ces” Kim était faible, Inutile, donc, de s’inquiéter. Bien qu’il fallait admettre que l’inquiétude faisait partie de moi, autant que mon sérieux, par exemple.

- C’est beau de penser comme ça…

Je ne partageais pas cette pensée, bien sûr, mais je devais admettre que mon esprit restait attiré par la romance, la destinée et tout ce dont je n’avais pas accès, pas vraiment tout du moins. Alors savoir que, pour certains, cela était réalité… En un sens, cela me permettait d’avoir un peu de baume au cœur. Pour eux. Tout du moins.

Dans tous les cas, la profession de son père était dangereuse. Faite pour un homme courageux, sans nul doute, et un homme casse-cou comme son fils ? Peut-être. Mais pas au sens de Mika qui complimenta son père sur ses réflexions avant de me faire part d’une anecdote.

- Jeté dans un feu ? Répétai-je alors que mon regard se posait sur ses mains dont les marques ne m’avaient pas échappées. Je vois…

Je me refusais à poser toute question de curiosité concernant ces marques bien que les questions ne manquent pas. Mais la politesse et le respect de son intimité passaient par ce silence auquel je me tenais fermement.

- L’été sera peut être plus ensoleillé. Fis-je ainsi remarqué dès lors qu’il répondit à ma question, soulevant le “problème” soleil.

Il était vrai que le temps était maussade depuis mon arrivée. Preuve de cette dernière ? Peut-être, au vu de mon tempérament.
Mais plus que le soleil, la pluie ou le vent, l’attention même du sorcier semblait être totalement tournée vers Rainy, dont le nom, d’ailleurs, semblait parfaitement adapté à l’Ecosse. Ainsi, alors que je sentais l’animal curieux et intéressé par notre colocataire, je me glissai au sol l’attraper et le déposer, tout simplement, sur le ventre de Mika, accompagné de quelques friandises.

- Si. Répondis-je tout à fait honnête. Mais regarde.

La preuve m’était donnée par la confiance que semblait prendre le lapin, bien trop sûrement dû aux friandises - en trop grandes quantités - qui lui étaient proposées, je n’avais que trop peu de doutes quant au stress de Rainy qui effectivement, commençait à grignoter.

- J’admets tester les gens que je rencontre. Soufflai-je à sa remarque. J’aime les voir lutter contre eux mêmes.

Une plaisanterie prononcée dans un sourire si léger que je peinais à penser qu’il ait pu le voir mais puisque Rainy semblait se détendre… Peut-être pouvais-je le tenter à mon tour… Ne serait-ce qu’un peu. Un peu, au point que je vins lui proposer de prendre soin d’un potentiel animal le week-end. Une annonce qui sembla lui plaire bien plus que je ne l’aurais imaginé alors qu’il venait s’agacer sur son immobilisme forcé. Mais une proposition qu’il refusa pour des raisons logiques, rationnelles et même particulièrement matures.

- Tu as raison. Admis-je ainsi.

Il y avait bien des animaux à courte durée de vie, malheureusement, ou le fait que cela lui donnerait une envie supplémentaire d’avoir ses BUSEs mais… Serais-je, moi même, ici l’année prochaine ? Je serais venu seulement pour quelques mois ? C’était possible. Je ne savais pas réellement si mes parents accepteraient de me laisser faire mes études supérieures ici. J’avais pourtant déjà tout préparé, j’avais pris les options en conséquence et je me préparais déjà à défendre mon dossier. Tout. Mais ne pas rentrer.

- Merci… Répondis-je alors que son compliment me touchait.

Intelligent. Obéissant. Droit. Respectueux. Beaucoup de qualificatifs m’avaient été offerts tout au long de ma vie. Des compliments bien sûr, mais gentil ? Jamais. Et j’admettais que cet adjectif là avait bien plus d’impact que ceux dont j’avais l’habitude. J’étais gentil. Oui. Bien sûr que je l’étais, évidemment. Je le savais. J’avais toujours tout fait pour l’être. Mais l’entendre réellement dire… Cela restait plaisant. Vraiment.

Laissant le lapin avancer légèrement sur le ventre de Mika, je l’observai avec attention alors qu’il semblait se retenir plus que de raison, du moins plus que sa raison en avait l’habitude. Alors, laissant la situation perdurer jusqu’à ce que Rainy se tourne vers moi, je finis par prendre l’animal pour le reposer à terre, refusant de l’enfermer lorsque j’étais dans la pièce avant de me retourner vers le sorcier.

- Le garçon le plus hyperactif et excitable de l’école est donc resté plus de dix minutes presqu’immobile. Finis par lui faire remarquer en me réinstallant sur mon lit. Mais… Est-ce que… Est-ce que tu sais s’il y a des groupes de sport ? Demandai-je finalement, osant poser quelques questions tout en m’imaginant gênant par ce même fait. Je… Je n’ai pas eu le temps de me renseigner avant de venir.

Je n’en avais même pas eu l’envie, pour dire vrai. Je voulais partir. C’était le plus important. Et c’était mon départ qui m’avait pris le plus de temps plus que la préparation de mon arrivée. D’ailleurs, une chose, aussi, venait à revenir dans mon esprit…

- Et… Est-ce que tu pourrais, si cela ne te dérange pas, me… Me montrer où se trouvent les élèves de Serpentard ? Demandai-je.

Après tout… Je ne devais pas oublier mes cousins, les “réelles” raisons de ma venue ici.

Je ne savais pas si c’était courageux ou complètement fou… Un peu de deux, peut-être. Certainement, à vrai dire…

- Tu aurais pu mourir. Fis-je remarquer comme si cela n’était pas une évidence.

Evidemment qu’il aurait pu mourir. Mais cela ne semblait pas réellement le perturber. Mais je devais aussi admettre qu’il semblait loyal. Particulièrement loyal, au point d’en mourir donc. En ferais-je autant dans la même situation ? J’en doutais, à vrai dire. Sûrement n’étais-je pas assez proche de quiconque pour faire de même.
Dans tous les cas, il ne voulait pas encore rentrer. Cela l’empêcherait, au moins, de se mettre au feu trop rapidement, bien que le soleil lui manquât. Soit. Était-ce réellement un problème ? Après tout l’été finirait par arriver. Et qui disait été, disait soleil et chaleur. Si ce n’était que ce qu’il voulait, il n’en manquerait pas, du moins je l’imaginais, n’ayant jamais connu le moindre été en Europe.

- Je n’ai pas encore vraiment visité. Admis-je néanmoins.

Sûrement était-ce vert, plus vert que l’Australie même. Je n’en savais rien. Je n’en saurais même peut être jamais rien. Pourquoi irais-je un jour en Océanie, après tout ? Ma vie se trouvait en Corée. Nulle part ailleurs.

Rapidement, la conversation dévia néanmoins sur Rainy et sa confiance, alors que je vins à plaisanter sur les tests que je mettais en place avec mon lapin. Arquant un sourcil à sa propre question, je soufflai doucement, visiblement amusé, malgré mon visage fermé.

- Il me semble que oui. Répondis-je simplement.

C’était vrai. Il restait calme là où il avait paru, et disait être, excité et hyperactif. Preuve, sûrement, que Rainy avait des pouvoirs. Celui d’apaiser les âmes et les corps trop actifs. Mais si Mika avait un corps trop actif, il semblait pouvoir faire preuve d’une immense maturité alors qu’il en venait à refuser ma proposition. Je n’insistai pas. Après tout, il avait raison. Et c’était moi qui avait été présomptueux de proposer une telle chose. Mieux valait que je réfléchisse plus profondément pour la prochaine fois. Me fustigeai-je légèrement avant que son compliment ne me touche. Gentil. J’étais gentil… Cela valait certainement mieux que toute forme de réflexion à cet instant.

Libérant finalement Rainy pour me rasseoir sur mon lit, j’hochai doucement la tête à ses propos.

- Alors c’est toi, qui est gentil. Lui renvoyai-je son compliment quelque peu maladroitement.

Si je n’étais pas un grand habitué à la réception de compliment, en donner était tout aussi compliqué, malheureusement. Mais c’était un fait que je ne pouvais nier. Mika était gentil. Et rayonnant. Cela faisait deux compliments. Un progrès en deux jours de temps à Poudlard.

Ainsi me sentis-je quelque peu plus à l’aise pour poser des questions. Tout d’abord, les clubs de sport. Il y avait donc Quidditch… Non. Cheerleading… Jamais. Duel ? Pourquoi pas et… Club de combat ? Du vrai « sport sport » ? Levant la tête, je fus soudainement particulièrement intéressé avant que le nom de mon cousin de résonne dans la pièce, me faisant de nouveau baisser la tête. Mmh… Si j’avais imaginé pouvoir lui échapper ou du moins ne pas réellement le croiser souvent, usant de la grandeur du château comme explication, cela semblait être soudain bien plus compliqué que prévu…

- D’accord…

Ce Mara allait donc venir me voir, peut-être. D’accord. Ce n’était ni Hyun-Su, ni Min-Ho. C’était… Déjà ça. Je n’avais pas réellement envie de rencontrer du monde, je l’admettais, mais les efforts allaient être nécessaires malgré tout alors. Soit. D’accord.
Bien… Alors puisque je n’allais pas pouvoir échapper à mon héritier de cousin ou à son frère… La prochaine question fut toute trouvée. Pouvait-il me montrer où se trouvaient les Serpentard ?

Surpris, je l’observai se lever d’un bon et me tendre la main alors que Rainy sursautait pour prendre la fuite directement sous le lit, dans sa cachette. L’observant, surpris, lui et sa main tendue, j’admettais ne pas réellement savoir quoi faire. Enfin… Je craignais de savoir. Mais… Je n’allais pas mettre ma main dans la sienne… Était-ce leur habitude, ici ? Et puis… Ce n’était pas pour rencontrer mes cousins que j’y allais. Il y avait là méprise. C’était au contraire pour savoir quel endroit éviter, à vrai dire…

- C’est…

Malpoli ? Pas vraiment. Enfin. Si. Du moins. Non. Trop… Trop direct serait peut-être le mot le plus juste. Mais le jeune homme se ravisa, tentant de s’expliquer autant qu’il le pouvait. Oui. Mika était gentil. Et attentif. Secouant ainsi négativement la tête, je me levai de moi-même, préférant ne pas prendre la main qu’il avait de toutes les manières rétractée.

- Ce n’est rien. Soufflai-je doucement. Je… Je n’ai pas vraiment l’habitude des contacts physiques. Admis-je ainsi en toute honnêteté. Ce n’est pas « malpoli ». Pas vraiment. Je… Je vais m’adapter.

Après tout… Que cela le soit ou non ne devait pas être un problème. J’étais l’étranger. J’étais l’asocial. C’était à moi de m’habituer, de m’adapter à ce que les gens, ici, faisaient ; et certainement pas aux autres de prendre le pli de qui j’étais.

- Mais… Désolé. Je ne saute pas non plus. Soufflai-je alors qu’il admettait que je n’avais effectivement aucun « gène de kangourou ».

Son rire, lui, me fit lever la tête, jusque-là baissée par la honte de ne pas « faire comme tout le monde », de ne pas être assez fort pour m’adapter rapidement à la situation. Un rire franc, sincère, qu’il cacha d’une main pour finalement observer la porte de notre chambre.

- Tu es souvent rabroué ? M’enquis-je alors en fronçant les sourcils.

Bien. Alors… Nous allions sortir et… Soit. Les contacts physiques étaient naturels ici, ou du moins avec lui alors… Posant ma main sur son omoplate, je le laissai quitter la chambre avant moi, fermant cette dernière d’un sortilège rapide par manque de confiance envers tous les autres élèves, je le suivis à travers les couloirs.

- Est-ce que… Osai-je à mi-voix comme pour n’être entendu de personne. Est-ce que les cuisines sont loin ? Finis-je par demander. Et…. Est-ce qu’elles ont… Un sandwich en plus ?

Car oui. J’avais faim. Mais… Je n’avais pas voulu lui prendre sa nourriture… Alors… Si nous pouvions passer par les cuisines sans que cela ne l’oblige à sortir de la chambre – puisque nous étions déjà sortis – et sans que cela nous fasse faire de détour afin de ne pas le déranger davantage… Autant le faire… Sauf si cela le dérangeait, à nouveau, ou si cela dérangeait les employés du chateau, bien sûr.

- Mais si tu meurs, tu ne pourras plus aider les gens que tu aimes. Soulignai-je malgré tout d’une voix éteinte.

Un jour. Un seul jour j’avais pensé que ne plus exister serait plus facile pour moi. Une idée qui m’était rapidement passée à vrai dire car… Qui me remplacerait si je n’étais pas là ? Ma présence pouvait aider. Ma présence soulageait, en quelques sortes, car il y avait quelqu’un pour être, paradoxalement, rien. Alors je n’avais et n’aurais jamais le droit de faire une telle chose… Comme beaucoup d’autres à bien y réfléchir. La preuve en était, je n’avais pratiquement jamais voyagé. Je n’avais même jamais réfléchi à le faire, enfermé dans un carquois qui m’allait assez pour que je le supporte.
Mais même si je n’avais pas voyagé… L’Australie était venue à moi, comme le disait Mika. Une Australie bien particulière, du moins je l’imaginais. A moins que tous les australiens ne soient ainsi ? Bavards, sautillants et heureux de vivre ? Peut-être. Si c’était le cas, alors il devait y faire bon vivre car cet australien là m’arracha même une plaisanterie sur ce test qu’il avait ainsi réussi.

Réussi, certes, mais avec lequel je ne le torturai pas plus. Le libérant de Rainy, je soufflai de nouveau sa gentillesse. Une gentillesse dont il avait conscience. Tant mieux. Il aurait été dommage qu’il ne le voie pas tant il était solaire.

Plus qu’une plaisanterie, j’en étais même venu à lui poser des questions. Questions auxquelles il répondit dans un long monologue, comme à son habitude visiblement, mais au moins eus-je mes réponses : je devrais me diriger vers Mara et… Et supporter Hyun-Su, donc. Enfin supporter était tout relatif. Je supportais bien évidement mon cousin, mais fuir des regards pour en avoir d’autres n’étaient réellement pas mon objectif principal… Enfin… Je ne pourrais bien sûr toujours les fuir. A moins que je sache où ils résidaient. Ainsi me vint ma question, une question qui provoqua l’enthousiasme du jeune sorcier mais aussi son attention. Non. Ce n’était pas poli. Je n’étais juste pas réellement habitué. Mais je m’adapterais. Je finissais toujours par m’adapter à ce qu’on attendait de moi.

- C’est joliment dit. Fis-je remarquer.

Mais dire ce qui ne me plaisait pas était… Plus compliqué que prévu. Cela pouvait paraître idiot mais j’avais été élevé dans un respect, dans une abnégation si forte à mon nom que j’avais moi-même fini par m’y perdre, préférant accepter contre mon gré plutôt que dire les choses.

- Ca va aller. Répondis-je alors en m’inclinant très légèrement.

Tout irait toujours. Ce n’était pas la pire des choses qui pouvaient m’arriver alors ça irait. Je gèrerais les contacts physiques si c’était quelque chose d’habituel pour lui. J’allais me faire à lui, à ce colocataire assez particulier qui avait un gène tout aussi particulier que son patronus, gène que je ne partageais réellement pas tant mon calme était visible. Mais au moins avait-il le mérite de me faire sourire, un tant soit peu.

Prenant la peine de m’enquérir du nombre de rabrouement qu’il avait, j’hochai doucement la tête. Il parlait donc beaucoup. Bien sûr. Cela ne m’étonnait pas. Quant aux cours… C’était différent.

- Un philtre qui fait signer des trucs ? Répétai-je un tant soit peu perplexe. Je… Je ne suis pas la personne la plus douée en potions mais… Je ne suis pas sûr qu’une potion existe pour ça… Un sortilège peut être et encore… Un impero sera plus efficace…

Mais il s’était rattrapé. Il n’était pas stupide. Il n’avait effectivement pas beaucoup de méthodologie au vu de ce qu’il pouvait me raconter… Mais les professeurs avaient-ils si peu de patience ? Enfin… Bien sûr n’aurais-je jamais posé ce genre de question, préférant rechercher par moi-même que de me faire remarquer de la sorte, mais… N’était-ce pas leur travail que de répondre à toutes les questions ?

- Et tu as fini par comprendre ? Demandai-je alors doucement.

S’il n’avait pas compris… Je pourrais peut-être l’aider. Je connaissais cette potion, nous l’avions étudié au Japon. Au moins ne serais-je donc pas entièrement perdu. L’observant un instant alors que son soleil m’éclairait, je répondis à son sourire. Très légèrement. Avant de poser une main sur son épaule, tentant de « suivre la tendance » européenne autant que je le pouvais et malgré mon malaise apparent.

Ainsi le suivis-je donc jusqu’à ce que je pose une question qui vint le choqué. Baissant la tête, honteux presque de ne pas avoir suivi ce qui devait être fait ici, je la relevai malgré tout bien vite lorsque le bruit d’un choc me surpris.

- Tu ne t’es pas fait mal ? M’enquis-je de nouveau inquiet.

Cette phrase risquait-elle donc de devenir celle que je prononcerais le plus souvent à Poudlard ? C’était une possibilité certaine au vu du comportement de mon colocataire. Au moins ne sembla-t-il pas blessé. Reprenant sa marche en regardant, cette fois, où il se dirigeait, je baissai de nouveau la tête.

- D’accord. Soufflai-je.

J’allais donc devoir accepter cela. Très bien. Je le ferais puisque cela semblait être important pour lui tant il semblait avoir été choqué de ma question. Mais… J’admis être légèrement rassuré à la vue de cuisines alors que mon ventre se tordait malgré moi de plus en plus de faim. Nous installant à une table, j’observai alors l’elfe s’afférer tout en hochant la tête.

- Je n’ai… Je n’ai jamais manqué de respect à une créature. Indiquai-je alors. Ils sont comme nous. Plus ou moins.

Ce n’était pas la façon de penser de la plupart des gens que je cotoyais, je l’entendais mais… Je n’avais jamais compris ce désir de domination. Pourquoi ne pas juste… Tous s’entendre ? C’était naïf et pourtant ce serait bien plus facile pour tous… Enfin. Au moins aurais-je donc toujours « un truc » en venant ici. Un truc qui fut déposé devant moi alors que je remerciais platement l’elfe de maison pour son effort dont elle n’était pas obligée.
Je n’eus néanmoins pas le temps de manger que la voix de Mika attira mon attention autant que ses mouvements.

- Mika… Murmurai-je. C’est inutile de les déranger…

Sûrement avais-je parlé trop bas car l’elfe vint faire apparaître un livre de cuisine que le sorcier me montra. Hochant la tête, je clignai quelque peu des yeux. Ils connaissaient donc cet accompagnement ?

- Oui. Répondis-je donc. C’est exactement ça… Mais il ne faut pas vous déranger pour moi… Répétai-je malgré tout en prenant une bouchée du sandwich tant espéré.

Une vraie bouchée, je l’admettais. J’avais faim, réellement faim. Ne pas manger depuis la veille au soir n’avait pas été la meilleure idée du monde…

C’était effectivement une logique différente qui, je l’admettais, m’échappait un peu. Enfin… A moitié tout du moins. Après tout, il était vrai que cette potion pouvait potentiellement aider à faire signer des traités de paix… Certes… Mais… Enfin…

- Disons que ce n’est pas exactement la base de la potion. Soufflai-je malgré tout. Mais… Ta logique est… Logique, effectivement. En un sens.

Mais pas celui de la professeur, donc. Je pouvais le comprendre. Autant que je pouvais comprendre Mika qui vint se cogner soudainement dans un angle de mur. Bon. Il ne s’était pas fait mal. Fort heureusement. Calmant ma demi inquiétude face à une potentielle blessure, nous pûmes reprendre notre route jusqu’aux cuisines où une elfe de maison nous accueillit gentiment, comme bien souvent chez les êtres de cette race, d’ailleurs. Venant à donner mon opinion sur les elfes, je ne pus qu’esquisser un léger sourire lorsque Mika s’enthousiasma, à nouveau, sur un sujet. Il n’était visiblement pas très difficile de le passionner pour quelque chose. A vrai dire, il me semblait même que tout était sujet à fascination avec lui. C’était, en un sens, rafraîchissant.

- C’est vrai.

D’autant qu’il n’avait effectivement pas tort. Les elfes étaient capables de magie sans baguette et bien plus puissantes que beaucoup de sorciers ne l’acceptaient. Ainsi, quand bien même je n’aurais pas utilisé le même vocabulaire que le jeune australien, j’étais en accord avec lui.
A l’écouter, il était donc heureux que je ne sois pas raciste, au vu du nombre d’espèces qui peuplaient cette partie du monde et notamment l’école.

- Les demi-vélanes… Elles ne posent pas de soucis ? Enfin… Je veux dire à la gent masculine ? M’enquis-je par pure curiosité, n’ayant jamais eu réellement de contact avec de telles personnes et craignant de me voir attiré par une chose, un être, qui ne devrait pas.

Au moins mon sandwich vint-il me couper dans ces « inquiétudes », un sandwich arrivant à point nommé tant mon estomac commençait à devenir douloureux. Mais Mika n’allait pas s’arrêter là car il demanda même à la dénommée Dolly, l’elfe de maison, s’il était possible de me faire du sigeumchi namu une fois la recette trouvée. Je n’étais pas réellement d’accord, plus par peur de déranger que par désaccord complet évidemment, et alors que je continuai de grignoter mon plat, l’elfe donna sa réponse : elle allait essayer. D’accord mais… Je ne voulais toujours pas déranger pour mon simple plaisir… Au moins Mika m’indiqua-t-il que d’autres pourraient en profiter… Soit. Je l’espérais en tout cas… Je ne voulais définitivement pas déranger.

- Comment est la Corée ? Répétai-je en reposant mon sandwich. Très différent oui. Les gens sont différents, les villes sont différentes, la culture aussi… Enfin… C’est… Différent.

Et j’admettais sans le dire être perdu dans cette Angleterre que je ne connaissais que de nom et dans lequel il n’existait, pour moi, aucun repère. Bien sûr ! J’étais heureux d’être ici. Heureux, mais malgré tout angoissé de ne rien connaître, de devoir tout découvrir, de ne plus avoir ces repères qui me servaient tant en Asie.

- Vous êtes plus… Moins distants. Plus… Familiers aussi. Soufflai-je à mi-voix en reprenant mon sandwich. Ce n’est pas une critique. C’est votre façon de faire mais c’est…

C’était, à vrai dire, assez violent de passer de l’un à l’autre sans préparation, sans sas de décompression. Cela se faisait, certes, mais j’en avais été surpris, c’était indéniable. Mais alors que je m’apprêtais à reprendre parole, une assiette apparue sur la table, provoquant ma surprise. Les yeux presqu’écarquillés, j’observai le plat et les baguettes qui l’accompagnaient. Dolly avait pensé à tout… Et ce simple fait me fit baisser la tête, honteux d’avoir cette impression de charge, ému, aussi, de voir qu’elle avait réussi à faire ce que j’aimais par-dessus tout.

Remerciant ainsi platement Dolly comme toute personne se devrait de le faire, je pris les baguettes en main pour prendre une bouchée de ce qui s’avéra être un paradis en bouche, une évasion de saveur qui me ramenait là où je me sentais bien : dans ma chambre, en Corée. Soupirant d’aise, fortement, bien trop d’ailleurs à mon sens, j’observai alors Mika tenter de tenir les baguettes. Une fois…

- Oui… Je m’excuse d’avoir douté, fis-je mon mea culpa.

Deux fois…

- C’est que… Commençai-je.

Trois fois…

- Attend… Soufflai-je doucement en reposant les baguettes pour me lever et venir me placer derrière lui.

Bien. Le contact physique. Soit. Il fallait que je lui montre. Lui présentant la première baguette, je le laissai la prendre avant de la positionner correctement, puis ce fut au tour de la seconde. Avec une certaine dextérité dans l’affaire, habitude oblige, je manipulai rapidement sa main pour qu’il soit le plus à l’aise possible… Du moins autant qu’il pouvait l’être avec des baguettes.

- Comme ça. Comme un crayon. Lui soufflai-je en approchant l’assiette de lui. Essaie maintenant, tu vas voir.

Mais je n’avais pas répondu à sa question, évidemment. Retournant à ma place pour reprendre une bouchée de ce plat si spécial à mes yeux, quand bien même il n’avait de spécial que le nom pour les anglais, je soufflai doucement.

- Et… J’ai préféré rester dans ma… notre chambre. Admis-je honnêtement. Je… Je n’avais pas réellement envie de croiser mes cousins ou… Ou d’autres personnes.

Ce n’était pas à mon avantage, la preuve que j’étais totalement différent de lui qui semblait si sociable, mais je détestais le mensonge alors… C’était la seule réponse possible.

- C’est une façon de voir les choses.

De là à dire que ce n’était pas important de tomber amoureux… Mmh… A vrai dire, je n’en savais trop rien. D’un côté, je savais que je ne pourrais pas tomber amoureux de la femme qui serait obligée de partager ma vie. De l’autre, j’en rêvai. Ni plus ni moins. Alors… Je préférai ne pas y penser, quitte à ne pas répondre à sa question qui n’en était pas vraiment, en fin de compte. Ce qui m’ennuya, par contre, était la présence des demi-vélanes qui s’avéraient être, même pour quelqu’un ne semblant pas du tout s’intéresser à ça, un souci… Bon. Hochant la tête, l’air malgré tout soucieux, je repris parole.

- Je vois…

Il me faudrait donc ne pas les regarder. Cela suffirait-il ? Je l’espérais mais j’admettais ne pas être à l’aise à imaginer être attiré sans l’être vraiment alors… Enfin… Bref. Mieux valait, là encore, ne pas trop y penser au risque de m’angoisser.

A la place, Mika choisit alors de me parler de la Corée et des différences que j’avais pu noter. Cela pouvait paraître étrange pour un garçon de famille maternelle coréenne mais… Soit. D’autant que j’admettais que ma réponse était assez vague alors qu’il me demandait des détails supplémentaires.

- Il y a tout là-bas… De la modernité dans les grandes villes, des traditions, la nature aussi, les plages, les forêts. Il y a la neige en hiver, la chaleur et le soleil en été… C’est… C’est magnifique, vraiment.

J’aimais mon pays, bien sûr. Si j’avais pu y rester, j’y serais évidemment resté. Ici, tout me semblait morne et gris. Et la familiarité des gens n’aidaient pas, ou du moins… Elle me rappelait que je n’étais définitivement pas chez moi. Quand bien même les anglais étaient, d’après l’australien « coincés », me laissant, donc, imaginer ce que serait la population d’Océanie… Aurais-je été capable de le supporter ? La question ne se poserait pas. Il n’y avait aucune raison pour moi d’aller en Australie de toutes les manières.

De nouveau, mes pensées furent détournées, cette fois vers quelque chose qui me fit d’autant plus plaisir… Dolly avait réussi. Et vraiment réussi. Ce plat goûtait parfaitement ce que je connaissais. Mais alors que je profitai de ces épinards, une aide fut véritablement nécessaire pour le sorcier qui peinait à maîtriser ses baguettes. Sans attendre, forçant ma nature pour initier un contact, je vins ainsi lui montrer quelle position devaient avoir ses mains afin qu’il puisse se saisir de quelque chose, refusant de manger les épinards.

- Tu n’aimes pas les légumes ? Demandai-je ainsi avant qu’il ne refasse une démonstration de mauvaise utilisation des baguettes, se fustigeant pour cela. C’est un entraînement. Si tu n’en as jamais utilisé, tu ne peux pas savoir. Un peu… un peu comme un balai. Je suppose. Tentai-je de faire une comparaison.

Quant à moi… Je finis par lui avouer les raisons de ma faim. Je n’avais pas « loupé » le banquet, non. J’avais préféré rester dans ma… notre chambre pour ne croiser personne et encore moins mes cousins. C’était donc un choix réfléchi, comme tous mes choix, de ma part. Je l’avais fait consciemment, par asociabilité et surtout par désir de tranquillité.
L’observant alors avec une surprise que je ne feignis pas, je clignai des yeux. Sa proposition était-elle réelle ? Mais…

- Tu as sûrement des amis à rejoindre. Soufflai-je. Ne t’en fais pas pour moi.

Je ne voulais pas inquiéter, je ne voulais pas être un « boulet », un « paria » non plus. Je voulais seulement… Être tranquille et loin des regards. C’était tout. Quand bien même son sourire me frappait de nouveau, mais pas pour les mêmes raisons.
Ce qui me frappa aussi fut sa gentillesse, la bienveillance dont il faisait preuve à mon égard, à l’égard d’un presqu’inconnu.

- Non. Répondis-je doucement. Ma famille n’est pas « méchante ». C’est… C’est juste…

Je ne pouvais pas le dire, pas le lui expliquer. C’était trop compliqué pour moi, trop risqué pour ma famille, trop… Trop peu honorable, finalement. Alors… Je me forçai à esquisser un sourire, un simple sourire que je désirais rassurant malgré mon regard bien trop éteint qui venait s’opposer à cela.
Et Mika ne cessa pas dans sa bienveillance. C’était, finalement, cela qui me frappa le plus. Je n’avais jamais réellement eu, autour de moi, de bonté sans réserve, de gentillesse gratuite et… Et sans réellement savoir comment réagir face à cela, la gorge nouée je l’observai, lui et son petit doigt levé. Une promesse d’enfant ? Que je n’ai pas peur de demander ? Baissant les yeux un instant, je surpris une larme perler le long de ma joue, que je vins effacer d’un revers de la main avant de faire comme il me l’avait demandé. Mon auriculaire croisé avec le sien, j’hochai doucement la tête.

- D’accord… Mais ne fais pas en fonction de moi. Répétai-je alors. Je… Je peux me débrouiller seul et… Et je ne veux pas t’ennuyer.

C’était là quelque chose que je répétais bien trop souvent, je l’admettais. Mais c’était ma plus grande peur, celle qui me soufflait d’être un bon garçon, discret et solide pour tout le monde. Celle qui me hurlait de rester à ma place.