- Parce que les légumes ne servent qu’à avoir la ligne ?

Ce n’était pas ce que je savais, ce que je croyais mais je n’étais rien ni personne pour le convaincre du contraire. Ni un médicomage, ni même proche de lui pour me le permettre. Alors… Soit. Il n’en mangerait pas. Quand bien même il s’agissait du meilleur accompagnement existant sur cette planète. Au moins fut-il convaincu de ce que je disais : il s’entrainerait, comme au Quidditch. Peut-être d’ici quelques années saurait-il comment s’en servir à la perfection.

Mais plus que son enthousiasme face à cette comparaison, ce fut sa bienveillance qui me frappa rapidement, cette bienveillance qu’il m’offrit en réponse à ma solitude pourtant bien désirée. Une solitude qu’il semblait vouloir maintenir dans une juste mesure, me proposant de manger encore demain dans la chambre. Pour autant, cela signifiait qu’il mangerait avec moi. Dans les faits, cela ne me dérangeait pas. Même bruyant et trop actif, Mika ne semblait définitivement pas méchant mais… Cela l’empêcherait, lui, de profiter de ses amis. Et cela, il en était hors de question. Mais le jeune sorcier vint rétorquer que cela ne changerait rien pour lui. Était-ce suffisant pour me rassurer ? Je ne savais pas trop. Je craignais tellement de devenir un poids…

Et puis je ne fus pas capable de lui répondre. Pas capable de lui expliquer en quoi ma famille n’était pas méchante. Je ne le connaissais pas, je ne savais rien de lui. Dire les choses serait me mettre en porte à faux, accepter que ma famille avait raté quelque chose avec moi qui ne correspondait pas réellement à leurs attentes, des attentes auxquelles je désirais pourtant répondre juste pour en pas être oublié, pour ne pas être renié. Mais malgré ce manque de réponse, malgré ces silences que je laissais s’installer, peut être même le frustrer après tout, Mika restait tout ce qu’il y avait de bienveillant. Là où je n’avais connu que les regards jugeant et ne désirant qu’élever la famille au travers des enfants, je me retrouvai face à une personne dont la générosité semblait sans limite, sans besoin de réponse. Et ce fut cela, en particulier, qui vint me toucher au point qu’une larme s’échappa de mes yeux. Une seule. C’était déjà tellement rare en face d’autrui… Tentant de l’effacer pour que rien ne soit remarqué, j’acceptai sa promesse, malgré tout. Dans la condition que je ne voulais pas l’ennuyer. Encore.

Il fut alors désolé. Mais désolé de quoi ? Relevant la tête, quelque peu surpris, je l’observai quitter sa place pour faire le tour de la table et… M’entourer de ses bras. Figé sur place, je ne bougeai plus, ne sachant pas comment réagir. La chaleur de son corps me frappait, une chaleur douce, aussi bienveillante que sa personnalité, que je n’avais jamais encore ressenti mais que je ne savais pas accepter ou apprécier à sa juste valeur tant la tension dans mon corps se faisait ressentir. Baissant de nouveau la tête alors qu’il indiquait ne connaître que cette façon de faire, je le laissai resserrer ses bras autour de moi sans objecter.

- Ca sert à ne déranger personne et à ne pas risquer de n’être plus rien à un moment en le faisant. Soufflai-je pour toute réponse dans un murmure.

Car après tout… Le fait de ne pas respecter les ordres, les demandes de ma famille ou celui d’ennuyer une personne avaient finalement le même effet. Celui de finir par être renié, abandonné, nié dans son existence même. Et c’était là tout ce que je craignais. Mais je ne l’ennuyais pas. Il me l’affirmait.

Mon corps se détendit lorsqu’il me relâcha. Le laissant se rasseoir, je l’observai avec une attention toute différente alors que son rire tout autant que sa remarque me fit soupirer. Un humain shiny… C’était une bonne définition de ce qu’il était. En effet.

- Apprendre à sourire avec les yeux ? M’enquis-je.

Qu’est-ce que ce cela voulait dire ? Pouvait-on sourire de la sorte ? L’avais-je, si cela était possible, déjà fait d’ailleurs ? Soupirant de nouveau, je vins malgré tout à reprendre une bouchée de mon accompagnement parfait pour me détendre davantage.

- Mais… Merci…

Il ne me connaissait pas, je n’étais rien pour lui, rien pour qui que ce soit ici et pourtant il acceptait de m’offrir de son temps, de m’aider quand et si j’en avais besoin, de ne pas manger avec ses amis pour moi. Et tout cela… Tout cela n’appelait qu’aux remerciements.

Sûrement aurions-nous dû continuer à parler légume. Mika s’était perdu dans un long discours, je réfléchissais au sens de chacun des mots et tout allait pour le mieux. D’autant que je comprenais finalement sa logique. Nous aurions donc pu continuer à parler sur ce sujet, à débattre des protéines et des vitamines mais… Ce ne fut pas le cas. A la place, un sujet plus difficile s’imposa dans notre conversation, un sujet auquel je ne pouvais pas réellement apporter de réponse, me contentant bientôt de verser une larme. Une seule larme que je tentai de camoufler d’un revers de la main mais qui n’échappa pas au jeune sorcier. Ce dernier, venant m’entourer de ses bras, sa tête contre mon omoplate, tenta de me faire comprendre son point de vue, un point de vue que je partageai très difficilement.
Cette peur de déranger, cette peur d’être oublié ou renié si je faisais un pas de trop ou de côté était bien trop réelle pour que je puisse m’en défaire par quelques mots pourtant vrais. Et d’ailleurs Mika continua-t-il de vouloir me convaincre que cela ne serait pas le cas. Que je ne serais jamais rien.

- Hyun-Ki sans Jeon ce n’est pas Hyun-Ki… Murmurai-je d’une voix si basse que je doutais que Mika puisse m’entendre.

Mais c’était une vérité, pourtant. Cette vérité que je craignais tant et qui m’avait fait venir jusqu’en Angleterre, à près de 9.000 km de chez moi. Bien sûr, l’expliquer était trop compliqué, trop hasardeux face à une personne que je ne connaissais que depuis quelques petites heures. Pire, il pourrait croire que ma famille était, justement, « méchante », comme il avait pu me poser la question. Ce n’était pas le cas. Ma famille était juste… Comme elle était. Exigeante et désireuse de nous voir tous à notre place. Or, je connaissais ma place, je savais qu’il me fallait servir ma famille et notamment mes cousins, plus « hauts placés » que moi dans notre hiérarchie, qu’il me fallait leur obéir, me rendre utile et leur offrir non pas réellement une descendance, je n’étais pas assez important pour cela, mais leur offrir une nouvelle place, un nouveau lien qui renforcerait notre famille. Alors… Si par une erreur de ma part, par trop de demande, par un pas de travers j’en venais à ne plus être digne de cela, de mon nom… Que serais-je ? Que ferais-je alors que mon avenir était aujourd’hui tracé ?
Être gentil n’était pas ce qui importait. Pas dans mon monde. Pas pour ceux qui m’entouraient. La gentillesse était presqu’une tare, une chose qu’il valait mieux effacer au profit de la droiture, de l’honneur et de la famille.

- Les actions sans honneur ne valent rien. Soufflai-je ainsi sans même augmenter le volume de ma voix.

Sans honneur, je ne valais rien.
Et enfin, ou seulement, Mika se décida de me relâcher. Cela me détendit, je l’admettais. Revenant à sa place, j’observai le jeune homme sans réellement comprendre ses mots. Sourire avec les yeux… Qu’est-ce que cela signifiait ? Analysant sa démonstration, il ne me fut pas difficile de comprendre ce qu’il voulait dire par là. Si son second sourire lui ressemblait, m’éclairait même, son premier semblait terne, sans substance… Ainsi hochai-je la tête. Oui. Je voyais. Je comprenais. Et je fus même surpris de savoir que sa mère, elle aussi, souriait de la sorte… Lorsqu’elle n’était pas heureuse.
Et moi. L’étais-je ? Quelle question. Non. Evidemment que je ne l’étais pas. Mais ce n’était pas non plus mon rôle de l’être, à vrai dire. Alors à quoi bon chercher ce qui ne m’était pas destiné ?

- C’est gentil…

C’était effectivement bienveillant et gentil de sa part que de vouloir nous apaiser au moins le temps d’un moment. A vrai dire, je n’en demandais même pas tant. Seule la tranquillité m’attirait. Au moins pour quelques temps, le temps, donc, de finir mes études pour rentrer en Corée. Le reste ?... Ce ne serait qu’un bonus auquel je ne m’attendais pas. Mais il désirait visiblement réellement m’apprendre ce genre de choses, avec des moyens qui… Soit. M’arrachèrent un sourire malgré tout tant cela me semblait naïf, alors que je baissai la tête comme pour le cacher.

- J’ai confiance sur le fait que tu arriveras un jour à parler Coréen. Notai-je à sa suite en relevant la tête. Je tâcherais d’être un bon professeur. Pour les baguettes ou pour ça…

Mais il refusait mes remerciements immédiats. Une épreuve ? Oui. Il l’était. Je l’avais remarqué dès son entrée dans notre chambre. Il parlait bien trop, bougeait bien trop, se concentrait de manière inversement proportionnelle à ses mots et gestes… Oui. Mika était une épreuve à lui tout seul et notamment pour une personne aussi solitaire et calme que moi. Pour autant, Mika était aussi un soleil. Il était inutile de le nier. Et si je n’étais rien ni personne pour juger d’un tiers… Il m’avait bien assez éclairé de sa lumière ce soir pour que je puisse conclure cela.

- Vouloir essayer et… Te comporter comme ça avec quelqu’un que tu ne connais pas et avec qui tu n’as rien vécu… Rien que ça, cela appelle à remerciement. Alors… Je réitère… Merci, Mika… Je tâcherais d’être digne de ce que tu m’offres.

A savoir… Sa lumière, son sourire et son temps. Définitivement.

L’honneur de ma famille valait tout. Quoique Mika puisse dire, quoique n’importe qui puisse penser, l’honneur de ma famille passerait toujours avant tout, avant moi. Mais au moins Mika me libéra-t-il, me soulageant d’un contact qui bien que chaleureux, commençait à durer. Le laissant rejoindre sa place, il vint à vouloir m’apprendre à sourire « avec les yeux », un sourire que je ne comprenais pas jusqu’à ce qu’il me l’explique dans une démonstration bien trop parlante pour que je ne le comprenne pas.

Mais si lui désirait m’apprendre à sourire, ne doutant visiblement pas de sa réussite alors même que je peinais à m’imaginer capable d’une telle chose, j’étais sûr d’une chose : il réussirait à parler Coréen. Je serais le professeur dont il avait besoin pour cela. Je n’étais pas certain qu’un bon prof pouvait effectivement « tout » changer, mais avec un élève motivé, j’étais certain qu’il était possible de tout faire… D’autant que son enthousiasme n’avait d’égal que sa bienveillance, une bienveillance que je remerciai alors sans qu’il ne l’accepte. Hors de question pour ma part. En quelques heures, il m’avait montré plus de bienveillance que durant presque toute ma vie…

Et il continua ses propositions. Je ne serais pas obligé de me mêler aux autres demain et je pourrais, malgré tout, manger quelque chose. Que pouvais-je espérer de plus pour ce troisième jour au sein de Poudlard ? Je devais admettre que tout se passait, pour le moment, mieux que je n’aurais pu l’espérer…
Notre chambre rejointe, j’hochai la tête alors qu’il me disait devoir se doucher. Parfait… Cela me permettrait de me changer, chose que je fis dès lors que Mika quitta la pièce. Me glissant sous les couettes, je soupirai en observant le plafond de notre chambre. Arriverais-je réellement à m’adapter à l’Angleterre ? Et aux autres étudiants ? Et… Comment allais-je pouvoir rendre visite à mes cousins alors même que l’envie me manquait fortement…

Les questions fusaient dans mon esprit sans discontinuer. Seul le retour de Mika me sortit de mes pensées.

- Tu as froid ? Demandai-je bien plus comme une affirmation que comme une question.

Il semblait surtout particulièrement fatigué… Et à vrai dire, je l’étais tout autant…

- Bonne nuit… Murmurai-je alors en réponse avant de me retourner dans les draps.

Il me fallut plus d’une heure pour trouver le sommeil, tournant et virant dans le lit alors que je peinais à faire cesser mes pensées… La nuit, elle, fut difficile. Courte. Bien trop courte, alors que j’ouvrais les yeux avant même que le soleil ne se lève. Assis dans mon lit, je laissai Rainy s’installer entre mes jambes pour profiter de son contact, gratouillant l’animal tendrement. J’avais encore envie de dormir mais… Je n’y arriverais pas, de toutes les manières. Et il allait me falloir chercher un petit déjeuner… Plus tard. Bien plus tard. Aussi tard que je n’avais toujours pas bougé lorsque les mouvements de mon colocataire me firent lever les yeux du lapin.

Arquant un sourcil en l’observant alors que son coréen m’arrêtait dans mes pensées, j’hochai doucement la tête.

- Annyeonghaseyo. Soufflai-je doucement pour toute réponse.

Le pauvre semblait abattu, fatigué au possible alors qu’il était désormais assis sur le sol. Et je n’étais même pas allé lui chercher une boisson chaude malgré sa gentillesse de la veille… Laissant Rainy quitter mes genoux et approcher doucement de Mika, j’observai alors le jeune homme avant de me redresser, posant mes pieds au sol.

- Tu… Tu as bien dormi ? Tentai-je de faire la conversation avant de secouer la tête, la mine quelque peu basse. Désolé… Je suis réveillé depuis plus de deux heures mais je n’ai pas été te chercher de quoi manger.

Lui m’avait pourtant proposé un repas, la veille. Il m’avait, même, emmené mangé dans les cuisines…

Il faisait froid d’après lui. Je ne le pensais pas. Pas vraiment. Il fallait dire que cet endroit me paraissait bien plus chaleureux que tous les autres endroits où j’avais été jusque lors. Pour autant, je n’allais pas me battre, pas quand il semblait plus qu’épuisé. Il avait besoin de dormir et il le méritait, pour m’avoir accueilli dans ce château comme je ne l’aurais pas espéré. Et si ma nuit ne fut pas des plus reposantes, la sienne sembla au moins complète.
Me réveillant bien avant lui, j’en avais profité pour câliner Rainy, appréciant le calme et ce qui me semblait être une véritable sérénité qui imprégnait les lieux. Attiré par les gestes puis la voix de mon colocataire, je m’enquis rapidement de sa nuit, espérant qu’elle eut été plus reposante que la mienne. Et sa réponse n’amena, justement, aucune réponse. J’aurais définitivement dû apporter quelque chose si sa nuit n’avait pas été bonne… Cela aurait été la moindre des politesses.

L’observant sans plus un mot, il se déplaça à nouveau, cette fois vers sa table de chevet. Il y avait toujours à manger ici. Cela, à vrai dire, ne m’étonnait pas réellement. Au vu de la tonne de nourriture qu’il avait pu ramener la veille, qu’il en ait toujours un peu était une chose presque logique. Mais il semblait encore plus fatigué… Me redressant, je me demandai, un instant, s’il ne valait pas mieux que je l’aide, que je suive ses indications pour sortir ce qu’il désirait des meubles afin qu’il se repose un maximum. Mais il me prit de court. Cela me semblait pourtant si évident…

- Tu as été gentil hier alors que tu étais fatigué. Et ce matin, il me semble que tu es toujours aussi fatigué puisque tu n’as pas répondu à ma question, analysai-je bien trop la situation. Alors… Cela aurait été la moindre des choses de te remercier en t’apportant quelque chose. Du chocolat, du café ou… Cette chose que tu tiens entre les mains et qui semble être à la vanille.

J’étais une personne attentive, observatrice face à ce qui l’entourait. Habitué à ne devoir faire aucune faute, j’avais toujours tenté d’anticiper toutes les demandes et besoins de ceux qui m’entouraient afin de ne laisser aucune place à l’erreur. Une erreur que je venais de commettre.

- Je n’avais pas besoin de savoir. Anticiper ton réveil m’aurait permis de t’apporter ce qu’il fallait. Et je n’aurais eu qu’à réchauffer les boissons chaudes avec un sort ou deux.

Il n’y avait rien de bien compliqué là-dedans. Bien au contraire. Mais je ne l’avais pas fait. Je n’avais pas eu le courage de devoir faire face aux autres élèves et avait bien trop tardé pour avoi, finalement, le temps de le faire. La lâcheté avait visiblement le prix de ne pouvoir remercier les autres…

Toujours assis sur le bord du lit, je remontai mes yeux sur le sorcier avant de secouer la tête.

- Non. Je n’ai pas l’habitude de dormir beaucoup. Admis-je. Je n’ai pas fait de… Comment vous dites… longue matinée ? Enfin… Je ne me suis pas réveillé tard depuis mes huit ans je suppose. Ou moins peut-être. Enfin… Non. Tu ne m’as pas réveillé. J’ai eu surtout peur du contraire.

Applaudissant intérieurement le lancer direct de la boisson terminée dans la poubelle, je me laissai rapidement glissé près de lui, au sol, installé sur mes genoux avant d’hocher la tête, lisant rapidement ce qu’était cette nouveauté, j’acceptai de partager cette boisson quoique l’idée de boire dans le même contenant que quelqu’un d’autre ne soit toujours pas ma panacée.

- Infernal ? Demandai-je malgré tout en prenant doucement la petite bouteille. C’est ce que je préfère, de toutes façons. Le café quand il est au caramel. Je ne l’aime pas vraiment autrement. Merci. Donc.

Alors que je n’avais rien été cherché, alors que je n’avais pas, déjà, pu le remercier de la veille, voilà qu’à nouveau, Mika faisait preuve de générosité et de gentillesse. Et si j’avais retenu la leçon que je devais accepter la nourriture et les boissons qui m’étaient tendues… Il allait falloir, malgré tout, que je fasse quelques efforts concernant les remerciements…

- Tu as quelque chose de prévu aujourd’hui ? M’enquis-je finalement.

Car après tout, même si je me souvenais qu’il ne m’en avait pas parlé hier, cela restait la moindre des choses de m’assurer que je ne le bloquerais pas, moi, insignifiant nouvel arrivant, ici…

Il aimait le lait à la vanille. Je le notais, intérieurement. Cela pourrait être utile. Y avait-il du lait à la vanille au petit déjeuner de Poudlard ou était-ce quelque chose que lui seul avait ? Il faudrait que j’étudie la question... Sans la lui poser puisqu’il vint m’expliquer les raisons de sa gentillesse. A vrai dire, je n’avais pas réellement besoin de raison. Le simple fait me suffisait amplement. Et même si j’étais à nouveau surpris de l’entendre me dire qu’il « m’aimait » bien, le reste ne me semblait que logique. Seulement… Cette logique n’était pas donnée à tout le monde. J’étais bien, très bien placé pour le savoir. Alors… Sa gentillesse restait une chose qu’il me fallait remercier. C’était la moindre des choses.

Et si je ne pouvais prédire l’heure de son réveil, j’aurais pu, pour remercier sa personnalité, au moins faire quelque chose. Il y avait des solutions pour cela. Des décisions que je n’avais pas prises. Je ne voulais pas croiser quelqu’un, et surtout pas mes cousins qui étaient, je le savais maintenant, non loin d’ici. Et si je m’étais perdu ? Si j’avais dû demander mon chemin et que l’on m’avait emmené à Hyun-Su ou Min-Ho ? Non. Définitivement non. Je n’avais pas pu. J’avais préféré rester lâchement caché et ne pas faire ce que mon devoir m’ordonnait de faire. Et à nouveau, Mika trouva à redire. Il n’attendait rien de moi… Ces simples mots provoquaient en moi quelque chose de paradoxal… Cela était logique, plus que logique même, en un sens. Nous n’étions rien l’un pour l’autre que des colocataires. Mais… Il était aussi la première personne à me dire cela. Le premier sorcier à ne véritablement rien attendre car, contre toute habitude, je le croyais. Sans commune mesure, il me semblait que je pouvais lui faire confiance.

- Merci…

C’était étrange de remercier à cet instant, je l’entendais parfaitement. Remercier quelqu’un d’avoir été gentil sans rien attendre en retour était certainement une chose bien peu commune ici, et peut être même dans les autres familles du monde, je n’en savais rien. Mais c’était bien la seule chose qui m’était venue. Je le remerciais. A nouveau, à vrai dire.

Et il allait aussi falloir que je le remercie pour ce partage qu’il m’imposait presque… Esquissant un léger sourire à sa remarque autant qu’à son rire concernant le café, j’hochai doucement la tête.

- Alors, si je veux te comprendre et ne pas te faire répéter les phrases plus lentement, mieux vaut que l’on définisse un nombre de gorgée de café maximum. Plaisantai-je alors que mon sourire, à nouveau, disparaissait.

Mais alors qu’il baillait, me faisant faire de même d’ailleurs, je fus surpris. A croire que je ne me ferais jamais à ses sourires, quand bien même leur chaleur irradiait dans la pièce. Mais plus que cela, il me remerciait. Pourquoi ? Qu’avais-je fait pour mériter le moindre remerciement ? Je n’étais même pas allé chercher quoique ce soit… Quand bien même Mika n’était pas d’accord quant à ce point. La réponse vint rapidement, fort heureusement, ne me laissant pas perplexe trop longtemps.
Il me remerciait pour lui avoir dit quelque chose que j’aimais ?... Non. Cela n’aidait en rien mon incompréhension et, d’ailleurs, mon regard trahit cela alors que je l’observai.

- Pourquoi… Me remercier pour ça ?

Et pourquoi sembler si heureux de cela ? Je n’avais rien dit de si joyeux, il ne s’agissait que de café au caramel… Mais… A vrai dire, si ce café le rendait heureux, peut-être valait-il mieux s’en contenter et en profiter. Sa chaleur et sa lumière inondait la chambre et je me refusai à l’éteindre par de simples questions d’incompréhension. Mika était visiblement quelqu’un de simple. C’était à moi de m’adapter pour ne pas l’entraîner dans ma complexité, surtout si nous partagions notre chambre.

Vint alors son programme de la journée… La première partie m’était consacré. Était-il donc certain que je ne le dérange pas ? Peut-être… Mais il avait aussi ses devoirs et ses leçons à faire.

- Je pourrais commencer à t’aider si tu veux.

Il n’attendait rien de moi, m’avait-il dit, mais je tenais à trouver le moyen de le remercier, malgré tout. D’autant qu’à nouveau il allait prendre du temps pour moi, et se priver de ses amis, quand bien même cela ne le dérangeait pas.

- Oui. Soufflai-je en hochant la tête pour répondre à sa question. Je commence mardi par le soin au créature magique, puis la métamorphose et les défenses contre les forces du mal. Et mercredi, ce sera potions et sortilèges… Donc…

Donc je n’aurais pas grand-chose à faire avant de commencer les cours. Ne m’étant pas mêlé à la foule des élèves de mon année, je n’avais eu aucun contact et donc aucun cours pour me permettre d’avancer. Il allait falloir que je fasse les choses par moi-même…

- Je ne sais même plus le nom des professeurs… Soufflai-je doucement malgré tout.

C’était un comble… Mais il y avait eu tant de changement… Je n’avais pas pu tout retenir, malgré tous mes efforts.

Était-ce réellement une raison suffisante pour être remercié de ce que je venais de dire ? Pas vraiment. Pas à mon sens. Il ne s’agissait que d’un simple café. Quand bien même peu de personne s’intéressait à ma vie et mes goûts, cela ne changeait rien au fait qu’il s’agissait d’un très simple café. Un café que voulait désormais toujours avoir le sorcier sur lui. C’était… Gentil ? Ce serait me répéter. Mais c’était pourtant la seule vérité possible. Mika était gentil.

- Je t’en prie… Répondis-je ainsi, peu désireux de me battre pour un merci qui semblait simple et qui pourtant m’étonnait réellement malgré tout.

Vint alors le programme du jour. Qu’allait-il faire, qu’avait-il envie et besoin de faire. Deux choses. La première me fut dirigée. Il s’agissait de me faire visiter quelques endroits de Poudlard, mais aussi de manger, évidemment. Puis, vers lui, où il devait apprendre et réviser dans l’optique des examens de fin d’année. Hochant la tête après lui avoir proposé son aide, je comprenais ce qu’il désirait avant tout. Il était souvent plus agréable et plus honorable de faire les choses par soi-même sans demander l’aide de quelqu’un d’autre, quel qu’il soit. Mais au moins notait-il que je serais présent s’il avait besoin d’aide. J’espérais simplement que les cours ici ne soient pas complètement différents de ceux appris au Japon. La langue était déjà une barrière, mieux valait ne pas en ajouter davantage.

Lui faisant part de ma méconnaissance des professeurs, je l’écoutai alors attentivement présenter chaque professeur, tentant de retenir leur nom et leur personnalité sans réelle efficacité, il fallait l’admettre. Il y avait trop de nom, trop de professeurs et trop de mots pour que j’arrive à tout capter. Je me rappelai néanmoins du nom du Professeur Mancini qui m’avait accueilli avec la directrice le samedi matin à mon arrivée. C’était déjà cela. Je supposai que les autres finiraient par être connus au fur et à mesure des cours…

- D’accord… Soufflai-je avant de sentir une pression sur mon genou.

Baissant le regard vers ce dernier, j’y croisai la main de Mika, posée sur ce dernier. Était-ce un contact normal ? Je ne le savais pas vraiment mais tout indiquait que oui. Normal pour lui. Loin de l’être pour moi alors que je me tendais légèrement, tentant de garder l’air naturel pour ne pas le lui montrer.

- Je… Heu…

Il était peut-être encore difficile de faire comme si rien n’était face à un contact de la sorte. Mais. Soit. Secouant doucement la tête, je repris alors.

- Oui. Je suis les options Droit et Etude des Moldus pour être admis en Administration.

Car je ne comptais certainement pas m’arrêter aux Aspics. Bien au contraire et notamment parce que cela me permettrait, notamment, de m’assurer une année supplémentaire loin de Corée… Le laissant finalement me libérer de son contact alors que sa chaleur disparaissait de mon vêtement, je l’observai alors avec attention.

- Pour devenir joueur professionnel à temps plein… Tu t’arrêteras aux Aspics ? Demandai-je finalement avant de soupirer. Tu devrais peut-être commencer par tes révisions… Ce serait plus sérieux que de me montrer Poudlard… Nous aurons d’autre temps pour le faire. Conseillai-je finalement, peu désireux de lui faire perdre son temps.

Qu’avais-je envie de faire de ma vie ? A vrai dire, je n’en savais trop rien. Je voulais seulement faire des études pour reculer l’idée de mariage de l’esprit de mes parents, quand bien même cela n’était pas réellement utile ou efficace. Alors je réfléchis. Rapidement. Que voulais-je faire…

- Je suppose un emploi au Ministère Coréen.

Ce n’était certainement pas une réponse convenable, trahissant mon manque de réflexion à ce sujet alors même que mes études étaient déjà toutes trouvées. Mais c’était là la seule réponse que je pouvais apporter au sorcier. La seule idée qui me venait et qui ne soit pas « Je ne sais pas ».

- Je n’ai pas vraiment de rêve. Admis-je alors.

Quel qu’il soit, je n’avais jamais eu de rêve, enfermé dans ce que je connaissais, dans mes obligations et mes devoirs envers ma famille. Jamais je n’avais su rêver ou m’imaginer construire des châteaux en Chine. Ce n’était donc pas un métier qui pourrait me faire rêver. Je n’avais pas le temps pour ça. Ce n’était pas mon rôle.
Mais, et lui alors ? La question ne lui fut pas réellement retournée. Son métier rêvé n’étant pas difficile à imaginer, je m’étais concentré sur les seules études et la possibilité qu’il en fasse.

- Une garantie ? M’enquis-je. Ce qui veut dire que si tu l’as, tu auras une place certaine ?

C’était en effet un superflu qui ne l’était pas réellement. Ce ticket gagnant à place assurée, si je comprenais bien de quoi il en retournait, me semblait être la meilleure porte qu’il puisse trouver, effectivement. Mais il fallait pour cela qu’il réussisse tout ses examens…

Et cela ne semblait pas gagner. Alors que dix minutes auparavant il m’avait demandé de lui indiquer ma faim, j’avais hoché la tête. Alors qu’il venait juste de se plonger dans ses révisions, je le vis bien rapidement poser sa tête sur la table. Arquant un sourcil, je ne bougeai que lorsqu’il me sembla que le sorcier ne faisait plus rien, trop peu désireux de le déranger.

Apparaissant à ses côtés, je vins m’installer, à distance respectable de la table pour ne pas le gêner.

- Tu as besoin d’aide ? M’enquis-je. Tu vas finir par avoir mal au front.

Plus qu’une plaisanterie, quoique cela aurait pu être pris pour tel, c’était une affirmation alors que je lui posai un coussin attiré par un Accio devant lui.

- Cela permet peut être à ce que les joueurs ne se retrouvent pas sans rien si quelque chose devait leur arriver. Fis-je néanmoins remarquer.

Après tout, si je n’étais pas expert en Quidditch, bien loin de là même, je savais que ce sport n’était pas non plus de tout repos. Dangereux, diraient certains, je préférais le voir comme un risque potentiel. Sûrement du fait de ma méconnaissance, j’en convenais. Alors… Que pouvait faire un joueur blessé s’il ne pouvait pas remonter sur un balai ? C’était un fait que les équipes, ici, ne devaient peut-être pas oublier.

- J’espère cela dit que tu n’en auras jamais besoin. Me rattrapai-je, secouant doucement la tête. Ce n’était pas pour te porter malheur, évidemment.

Mais quoiqu’il puisse en être, il devait réussir ses examens pour rester ici autant que dans son équipe, si j’avais bien compris. Alors… Les devoirs devenaient essentiels. Des devoirs qui semblèrent rapidement le mettre à l’épreuve, me poussant à m’approcher pour m’enquérir de leur avancée et surtout de ses problèmes face à ces derniers, arquant un sourcil à sa réponse. Il m’aimait bien car j’étais… Gentil ?

- Merci ?... Murmurai-je peu avisé de ce que je devais répondre à cela.

Il refusa néanmoins mon aide, arguant qu’il lui fallait seulement se concentrer. Soit. Hochant la tête, je me reculai alors. Il voulait réessayer avant d’appeler à l’aide. C’était tout à son honneur, à vrai dire. Se débrouiller seul était une preuve de maturité et d’intelligence. Autant que savoir demander de l’aide, d’ailleurs, quoique je ne sois pas adepte de ce dernier fait malgré tout.
Mais s’il refusait que je l’aide dans ses devoirs… J’observai mon coin de chambre avec un intérêt soudain. S’il refusait cette aide, peut être pouvais-je au moins faire cela. Attrapant ma baguette rapidement, je visai la commode qui m’avait été attribuée et sur laquelle une boîte se trouvait. Un sort muet prononcé et la boîte s’ouvrit, révélant une sorte de gramophone qui se mit en route. Un peu de jazz américain. Ma seule fantaisie à vrai dire. Je n’avais jamais été afficionado de musique moderne, préférant le jazz ou la musique classique, douce, de quoi apaiser mon esprit lorsque le besoin s’en faisait sentir alors… J’espérais que cela puisse l’aider. Au moins un peu.