Pourquoi lui avais-je envoyé cela ? Non… Plus précisément… Pourquoi lui avais proposé une telle chose dans cette lettre ? Quelle idée idiote… D’une part car je lui faisais transgresser le règlement et d’autres part parce que… Enfin… C’était ridicule ! Par tous les mages, que m’avait-il pris ?!
Le collier autour du cou, je vins porter ma main sur le pendentif, fronçant les sourcils. Il m’avait pris de court. Je ne m’y attendais pas. J’avais pris une décision sans réfléchir. Mais pourquoi celle-ci ?!

Il fallait dire que depuis mon entrevue avec « l’ami » de ma sœur, quelque chose avait changé. Un poids s’était, petit à petit, éloigné de moi, comme soufflé par les mots que le sorcier m’avait intimés. Je n’avais, depuis lors, pas réellement pu m’éloigner de Poudlard, souvent demandée par les Aurors et les différents enquêteurs. D’ailleurs Ayden en avait-il « pâti ». Nous avions dû cesser nos soirées le temps de l’enquête. En ayant risqué de nous faire surprendre par la venue d’un collègue qui désirait me trouver pour me faire part de la venue d’un Auror… J’admettais être quelque peu plus frileuse. Mais ce n’était pas cela qui m’avait « convaincu » de ce coup de tête. Non. C’était cette envie qui était revenue, cette envie dénuée de peur réelle qui avait lentement mais sûrement refait surface. Une envie qui avait ainsi fait écho à la demande d’Ayden quelques semaines auparavant concernant une plage particulière dont il avait pu entrapercevoir la beauté.

Ainsi me trouvais-je à la gare de Pré-Au-Lard, là où j’avais donnée rendez-vous à Ayden pour dix-huit heures trente, une fois les cours terminés. Mon sac sur les genoux, j’étais anxieuse. Pas réellement pour ce que je voulais lui faire voir, mais bien car j’agissais de manière irresponsable. Pour autant, c’était de toutes les manières bien trop tard pour me soucier réellement de cela… C’était bien pour la lettre que je devais me fustiger. Rien que pour cette satané lettre. Allait-il, d’ailleurs, venir ? Je n’avais eu aucune confirmation… Avec un peu de chance, l’étudiant serait bien plus responsable que sa professeur.

Quelle idée. Evidemment, Ayden ne le fut pas et c’est avec un plaisir dissimulé par cette angoisse de la responsabilité que je l’accueillis, un sourire malgré tout présent sur les lèvres.
Depuis que Magnus était intervenu… Ayden n’avait pu réellement voir les « progrès » qui avaient découlés. Je ne lui avais d’ailleurs rien expliqué, restant même flou quant à la présence des Aurors dans le Collège et mon implication. S’inquiétait-il ? Peut-être… Mais je n’avais pas eu de réelle occasion de lui parler, cela serait peut-être le moment… Mais pas tout de suite.

- Bonsoir. Lui soufflai-je alors que mon regard se posait autour de nous.

Quelques personnes étaient présentes. Ce n’était pas grand-chose, mais trop pour que je prenne le risque de l’embrasser comme j’avais pris l’habitude de faire quand nous nous retrouvions seuls. Soit. Hé bien… Cela attendrait.

- Tu me fais confiance ? Lui murmurai-je doucement sans vraiment l’accueillir réellement.

Mieux valait ne pas rester aux abords de Poudlard et profiter que personne ne nous ait encore remarqué pour quitter les lieux. Ainsi, une réponse positive donnée, j’attrapai sa main et transplanai immédiatement.

Nous nous retrouvâmes sur une plage déserte. La nuit était bien plus avancée que Pré-Au-Lard. Evidemment. Au vu de la chaleur… Nous n’étions plus en Angleterre. Non. Nous étions sur cette plage que la Salle sur Demande avait recréée. Là où l’eau devenait luminescente. La lune était à peine visible mais les étoiles, elles, faisaient briller le ciel au-dessus de nos têtes.

- Nous n’aurons que jusqu’à 7h00 en Angleterre, soit midi ici mais… Enfin… Tu voulais voir les Maldives ? C’est fait…

Je ne savais pas comment présenter la chose, ni si cela allait lui plaire d’ailleurs. Avais-je bien fait ? Était-ce un bon cadeau ? N’était-ce pas trop étrange que de le faire le jour de la Saint Valentin ? Et… Peut être aurais-je du le prévenir… Lui qui savait la peur que j’avais ressenti de quitter Poudlard… Il venait de se faire catapulter en plein milieu de l’Océan Indien sans crier gare…

Plus tendu qu’un… Oh Merlin. Je ne me ferais définitivement pas à cette façon de parler… Pas qu’elle me dérangeait véritablement mais… Enfin… C’était… C’était du Ayden… Au moins étais-je certaine de la personne qui se trouvait en face de moi. Aucun autre élève en ce collège n’aurait pu me parler de la sorte. Tant mieux. Je ne l’aurais pas accepté d’une autre personne. Quant à comment j’allais ? Hé bien… Je préférai pour le moment éluder cette question. Cela irait… Plus tard. Pour le moment pas réellement.

Avait-il confiance en moi ? Cela avait donc été ma seule réponse à cette question. Une réponse qui n’en était donc pas une. Evidemment. Mais il acquiesça. Parfait. Je n’en doutais pas vraiment, c’était un fait.

- Promis, c’en était une. Lui soufflai-je avant de prendre sa main.

Et sans prévenir, je nous fis transplaner. Loin, très loin de Poudlard. Relâchant sa main, sans un mot, je le laissai doucement revenir à la réalité, à celle à laquelle je nous avais conduit pour la nuit, en plein milieu de l’Océan Indien. Et j’admis que son regard valut bien toutes les réactions du monde. Esquissant, enfin, un sourire, je soupirai d’aise… Avant qu’un cri de surprise ne m’échappe tandis que le sorcier venait me serrer dans les bras. Riant alors à sa réaction inattendue, j’enroulais mes bras autour de son cou avant qu’il ne me repose, finalement, au sol. Fermant les yeux au contact de sa main, je soufflai alors, doucement, un léger sourire aux lèvres.

- Je ne me suis pas sentie « obligée ». Lui indiquai-je doucement. Enfin... ça ne vaudra jamais ton cadeau de toutes les manières. Mais… Avec tout ce qu’il s’est passé, je n’ai pas pu vraiment tout t’expliquer, j’admets.

Cela allait être le moment. Mais avant cela… J’esquissai un sourire. Oui. Il n’y avait personne. Effectivement et c’était bien fait exprès. Je préférais ne pas avoir le Code International de Secret Magique à dos en cas de rencontre avec un ou des moldus.

- Je préférais que l’on soit tranquille. On a pas vraiment souvent de nuits tranquilles en ce moment. Admis-je avant de souffler tandis qu’il retirait ses vêtements. Pour tout t’expliquer… Ma sœur a trouvé judicieux de me faire rencontrer l’un de ses amis. Un homme charmant, d’ailleurs. Enfin au premier abord qui… Qui m’a aidé à… Disons… Relativiser sur ce qu’il m’était arrivé. J’ai eu du mal à le comprendre, à admettre qu’il n’y avait pas de risque au moindre couloir mais… Enfin je ne sais pas trop comment il a fait, j’ai même l’impression que tout est un peu flou. Et… J’ai réussi à sortir hier seule à Pré-Au-Lard, à la Tête de Sanglier…

Pour dire la nette progression que j’avais pu faire en presque deux semaines. J’avais eu une crainte, certes, une légère, une appréhension, devrais-je dire, mais je l’avais fait. Et j’avais bu une bièraubeurre avant de repartir, comme si de rien n’était, à Poudlard.

- Il essaie de… J’en sais rien en fait, il essaie de retourner mes pensées et de les rendre viables. Je crois. Tentai-je une explication très peu convaincante. Il n’a juste pas voulu toucher aux souvenirs d’Andrew et à mes pensées… Disons que…

Ayden risquait de s’énerver si je le lui disais, il risquait de perdre ce sourire que j’aimais tant, que je refusais de voir disparaître. Mais ne pas lui dire était, à mon sens, comme un mensonge, d’autant que c’était cela qui l’empêchait de me rejoindre régulièrement ces derniers jours…

- Il m’a fait parler, il m’a demandé de repenser à tout ce que j’avais vécu et quand je l’ai fait, il a vu… Enfin Andrew, à l’hôpital avec… Avec la marque des Ténèbres actives. Ma sœur et lui ont appelé le Ministère et depuis… Une enquête est en cours pour savoir ce qu’il s’est passé, pourquoi la marque était active parce que ça signifie que…

Qu’il était un Mage Noir. Un vrai, un actif. Qu’il ne s’était pas repenti contrairement à tout ce qu’il avait pu me dire, à moi, certes, mais aussi au Professeur McGonagall qui lui avait fait confiance.
Secouant la tête de gauche à droite, je me forçais à esquisser un sourire. Penser à Andrew m’avait rendu mélancolique… Ce n’était pas le moment. Cette nuit, je l’avais offerte à Ayden, pour le remercier de son cadeau et… Et il n’y avait vraiment personne… Observant autour de moi, sachant la propension qu’avait le jeune homme à s’énerver… Je soufflai doucement, une idée en tête.

Et lentement, laissant le sorcier parler s’il en avait le désir, je me déshabillai. D’abord jusqu’à mon maillot de bain, déjà mis pour l’occasion, puis jusqu’à ce que plus rien ne reste sur ma peau alors que mon regard était resté posé sur le coréen. Esquissant un très léger sourire du coin des lèvres, presque timide, j’haussai doucement les épaules.

- Tu l’as dit. Il n’y a pas un botruc ici. Lui murmurai-je avant d’avancer vers l’eau.

Je ne voulais pas qu’il s’énerve, et la meilleure façon de le calmer était peut-être de l’entraîner ailleurs, de faire autre chose, de lui changer les idées… Peut être mon hybridation pouvait-elle avoir quelques intérêts, après tout. Lui lançant un regard par-dessus mon épaule, je lui fis un signe de tête, lui intimant de me suivre. Nous avions une nuit à nous, autant en profiter autrement qu’en se prenant la citrouille…

Si son cadeau m’avait plu ? Enfin… Comment pouvait-il en douter ? C’était un bijou magnifique, je croyais, d’ailleurs bien, que je n’en avais jamais eu d’aussi beau… Alors comment aurais-je pu ne pas l’aimer ? Un sourire éclaircit doucement mon visage.

- Il est magnifique, Ay’… Lui soufflai-je. Evidemment qu’il me plait et évidemment que je n’allais certainement pas ne rien t’offrir en retour, je ne mérite certainement pas un tel cadeau gratuitement…

Pourtant, mon cadeau ne vaudrait définitivement jamais le sien. C’était trop, beaucoup trop pour la personne que j’étais mais je l’adorais, réellement, et cela, il ne fallait pas qu’il en doute.
J’en profitai alors pour lui expliquer tout ce qui avait pu se passer ces deux dernières semaines. De l’intervention de Magnus à mes souvenirs en passant par l’enquête qui en avait découlé. Tout ce que je pus fut passé au crible et lui fut expliquer maladroitement, certes, mais expliqué. Evidemment, il réagit à la marque des ténèbres… Ce n’était pas étonnant, et un soupir m’échappa.

- L’autre « connard » était ton professeur, Ayden… Tentai-je malgré tout de tempérer. Il ne t’a rien fait de mal.

A moi, peut-être, d’accord. Et encore, ce n'était que moral, sentimental. Mais pas à lui alors autant qu’il ne s’en prenne pas à lui… C’était peine perdue, je le savais, mais j’essayai malgré tout. Ne savait-on jamais.

- Et on ne sait pas s’il a fait quelque chose. Il n’a rien fait si ça se trouve.

Je l’espérais, indubitablement, j’espérais qu’Andrew soit totalement innocent. Je n’avais pas pu me faire berner à ce point, c’était… Impensable. Tellement impensable que je préférai balayer ces pensées d’un geste de la tête, nous faisant revenir dans cette réalité qu’étaient les Maldives.

Déshabillée, j’avançai ainsi vers l’eau, dans l’optique claire de lui changer les idées. Objectif visiblement réussi puisqu’il se mit à pouffer de rire, me faisant arquer un sourcil alors que mon soutien-gorge touché enfin le sable, me laissant cette fois entièrement nue.

- Honte ? Non. Jamais, même si j’admets avoir voulu te faire avaler ta langue plus d’une fois. Mais tu aurais préféré, peut-être, que quelqu’un d’autre me voit ? M’enquis-je dans un léger sourire.

Le rire du jeune homme provoqua le mien, soudain suivi d’un souffle de surprise alors qu’il venait m’attraper dans ses bras. Enroulant mes bras et mes jambes autour de lui, je soufflai doucement tandis qu’il avançait vers l’eau chaude de la mer.
Enfouissant mon visage dans son cou que je venais, instinctivement, mordiller avec amusement, je fus arrêtée par son commentaire. Un commentaire qui m’arracha un sourire alors que je me redressai sans même quitter ses bras, mes yeux se posant sur le pendentif à mon cou.

- Ca me plait énormément. Lui répondis-je dans un souffle. Je te l’ai dit. Il est magnifique. Merci.

Sur ces mots, je vins, doucement, tendrement, prendre possession de ses lèvres. Nous étions seuls, au grand air, loin de tout et pour la première véritable fois depuis fin décembre, je me sentais revivre, plus sereine et calme que je ne l’avais été jusque-là.

- Et ça me plait de te montrer cet endroit aussi. Admis-je alors, mon front posé contre les siens et mes lèvres à peine séparées des siennes. A ta hauteur, aussi beau que t…

M’arrêtant alors que j’allais lui faire un compliment sur son physique, je me rendis compte de la chose, trop gênée pour continuer alors que je secouai la tête de droite à gauche, légèrement avant de me dégager de ses bras pour reprendre pied à terre ou plutôt pied dans l’eau, dans un soupir d’aise tant l’eau était à une température idéale. Esquissant malgré tout un sourire, je vins prendre la main du sorcier pour l’entraîner plus loin dans la mer, jusqu’à ce qu’aucun de nous n’ait pied.

Dès lors que ce fut le cas, mes bras s’enroulèrent autour de la nuque du coréen et mes lèvres se scellèrent aux siennes. L’envie était là. L’envie de le toucher, de rester contre lui, sa peau contre la mienne. Je n’avais encore jamais fait ça. Nager nue, je voulais dire. Et encore moins en compagnie d’un homme et dans la mer. Et Merlin… J’adorais ça. J’adorais voir son regard sur moi alors que seul son cadeau venait briller sur ma peau. J’adorais venir le toucher, passer ma main sur son corps, entremêler nos lèvres et nos mains sans réussir à m’éloigner de lui.
Ce que je ressentais ? Je ne cherchais pas à comprendre, à savoir. Pour la première fois depuis toutes ces semaines, je profitais seulement, sans penser ni à hier ni à demain. Seulement à maintenant. A ce qu’il se passait.

- Tu n’as toujours pas répondu à ma question. Lui fis-je néanmoins remarquer entre deux baisers. Pourquoi m’avoir offert un cadeau ?

C’était la Saint Valentin, évidemment, je le savais. Tout le monde le savait. Mais nous n’étions pas en couple. Il n’était pas amoureux, et moi je… J’étais responsable. Enfin… Bref. Alors pourquoi ? Qu’est-ce qui l’avait poussé à me faire ce si beau cadeau ?

C’était idiot, certes, mais je ne pus que sourire à sa remarque sur… Mon sourire. C’était agréable. De s’entendre dire ce genre de choses, je voulais dire. Bien sûr n’était-il pas avare en attention mais… Non. Définitivement, cela restait agréable à l’oreille.
Malheureusement, d’agréable, je finis par soupirer, le reprenant sur l’insulte proféré à l’encontre d’Andrew. Pourquoi diable se comportait-il de la sorte avec une personne qui ne lui avait rien fait ? C’était, après tout, un bon professeur, un bon sous-directeur, un bon… Non. Je ne devais pas y penser. Ainsi, je ne fis que froncer les sourcils, secouant la tête de gauche à droite.

- Mais tu n’es pas moi. Lui rectifiai-je sérieusement. Alors ne t’en fais pas.

Je gérais. J’avais toujours géré. Et même si mon cœur était toujours particulièrement lourd et surtout inquiet de ce qu’allait donner l’enquête, les jours passant ayant au moins permis d’apaiser mon âme et de me faire quelque peu oublier ce qu’Il était, je ne voulais pas m’attarder sur ce sujet. Pas une minute de plus.
Pour cela, pour lui changer les idées, il me fallait quelque chose de choquant ou… D’intéressant. Pour lui. Du moins je l’imaginais et l’espérais, même, me mettant ainsi nue pour avancer vers l’océan. Le fait qu’il m’imite m’étonna-t-il ? Non. Evidemment que non. Pas venant de lui. D’ailleurs son compliment me fit-il rire alors que je secouai de nouveau la tête négativement.

- Je ne sais pas où tes flatteries t’emmèneront, mais elles t’emmèneront loin. Plaisantai-je alors. Et tu sais pertinemment pourquoi tu me vois comme ça.

Mon sang. Toujours ce sang que je détestais malgré tous les compliments qu’il entraînait chez Ayden comme chez bien trop d’autres hommes.
Mais évidemment, l’étudiant ne fut pas en accord avec moi et vint me prendre dans ses bras par surprise, me permettant de me lover contre lui alors qu’il avançait droit dans l’océan, nous immergeant lentement dans cette eau chaude et agréable.

J’étais sereine. J’étais… Bien. Tout simplement. Ici, au milieu de l’Océan Indien, en sa compagnie. Je me sentais grisée par l’aventure, par le retour aux sources, à mes sources de voyageuse, de baroudeuse. Presque désinhibée, je vins prendre ses lèvres en otage, profitant de ses caresses que je n’avais encore jamais connu à l’air libre, sans que nous ayons la crainte de nous faire surprendre. Je n’avais pas le droit. Evidemment, je le savais, je m’en rappelais, bien trop souvent, d’ailleurs. Mais à cet instant, plus rien ne comptait autre que le moment présent. Et ce moment, je le passais avec Ayden Gimhae. Un sorcier, tout comme moi. Juste… Un peu plus jeune. Et encore. Je ne le voyais même plus vraiment.

Ou presque. Ma conscience, de temps à autres, faisaient quelques apparitions, m’empêchant de le complimenter sur son physique que je trouvais pourtant diablement à mon goût. Me dégageant alors de ses bras, je l’entraînai plus loin encore, comme si j’avais l’espoir que l’eau me débarrasse des pensées trop… directes que j’avais à son encontre. Peine perdue. Evidemment. Je revins vers lui. Encore. Avec une envie bien différente de celle que j’avais pu démontrer à Poudlard. Là-bas, nous étions professeur et élève, tout était interdit. Ici… Tout était au contraire permis. Nous étions libres. J’étais libre, libérée même, de toutes les entraves que l’Angleterre et surtout la société nous imposaient.

Une chose, pourtant, demeurait un mystère… Notre présence ici. Pas que je ne sache pas pourquoi je l’avais amené, non. Mais je ne savais pas pourquoi j’avais dû l’y emmener, ou plus précisément, que me valait le cadeau aussi onéreux qu’il m’avait fait le jour de la Saint Valentin. La question posée, je le suivis alors jusqu’à ce que nous touchions terre, me pressant contre lui alors que son front se poser sur le mien et que ses lèvres m’appelaient au contact sans que je ne puisse les posséder.
Heureusement, d’ailleurs, car je n’aurais pas entendu son explication.

- Dire quoi ? Soufflai-je doucement alors que je luttai pour ne pas l’embrasser.

Peut-être n’aurais-je pas du poser cette question. Sûrement, d’ailleurs… Ses mots tombèrent comme un couperet. « Je t’aime ». « Je suis réellement amoureux ». « Je n’arrête pas de penser à toi ». Figée, comme ensorcelée par un sortilège d’entrave, je l’observai presqu’interdite face à ces mots qui me semblaient bien trop fort pour ce qu’était la réalité. Mais d’ailleurs… Quelle était-elle, cette réalité ? Sans me séparer de lui, incapable du moindre geste, je fronçai néanmoins les sourcils. Doucement. Sûrement. Avant de secouer la tête. Encore.

- Ay’… Janvier c’est… C’est proche. Très proche…

Voilà. J’avais trouvé mon angle d’attaque et il ne me venait absolument pas à l’idée que devoir avoir un angle d’attaque voulait tout dire… Et surtout le contraire de ce que j’allais dire.

- C’est trop tôt pour… ça. Enfin… Tu es jeune… Tu as toute ta vie à tracer… Et… Et pas avec une professeur de 30 ans – puisque je les avais eu le mois dernier – hybride, irresponsable et… Enfin…

A force de lui sortir ces arguments qu’il venait à me déconstruire à chaque rencontre ou presque, je finissais par être à court. Je ne savais plus quoi dire, quoi rétorquer pour le faire revenir à la raison. Mais… Avais-je réellement envie qu’il revienne à cette raison ? Mon esprit se tordait, se balançait d’une réponse à une autre alors que j’étais incapable de répondre correctement, d’imaginer que ce qu’il disait été vrai. Non. C’était forcément la lubie d’un jeune homme. Un complexe de Trollipe (l’Œdipe des Sorciers) version professoral. Une idée folle qui lui était venue pour… Pour quelle raison ? Il m’avait résisté. Il aurait pu ne pas le faire. Mais il l’avait fait alors… Merlin ! Pourquoi rien ne coïncidait dans ma logique ?

Plusieurs choix s’offraient à moi. Mettre immédiatement un terme à cette nuit aurait certainement été la chose la plus raisonnable à faire. Qu’il se rende compte de la réalité : il n’était pas amoureux. Il l’avait peut-être été de son ex, mais de moi ? Et « pour la première fois de sa vie » ? Non. Impossible. Pas de moi. Je n’étais pas une femme que l’on aimait. La preuve avec Andrew. Cette pensée, elle, me revint en pleine figure alors que mon regard se figeait de nouveau le temps de quelques instants. Impossible. Personne ne pouvait m’aimer. J’avais attendu quatorze ans… Lui ne pouvait pas être tombé amoureux en un mois. Ça n’existait pas. Alors que faire ?

Était-ce de la bêtise ? De l’irresponsabilité ? De la folie ? Avais-je perdu la tête ? Peut-être devrais-je aller consulter un psychomage ? Peut-être, oui, car au lieu de me reculer. Au lieu de lui dire « stop », de l’arrêter, d’arrêter tout… Mes lèvres se scellèrent aux siennes avec avidité. Je ne répondais pas. Je ne pouvais pas répondre à ce qu’il m’avait dit. Mais je n’arrivais pas à avoir envie de stopper là. L’égoïsme à l’état pur, voilà ce que c’était. De l’égoïsme… J’utilisais ses sentiments… Du moins ses idées de sentiments, car il était tout bonnement impossible que ce soit la réalité, me criait mon esprit bien trop rationnel. J’étais un monstre. C’était définitif.

- Tu ne peux pas... Soufflai-je néanmoins entre deux baisers, comme des soubresauts de cette responsabilité qui me revenaient.

Bien sûr je m’entendais parler. Bien sûr je savais pertinemment ce que je disais, je connaissais mes paradoxes autant que mes vérités et mes mensonges. Je savais que rien n’était suffisant, que rien ne serait acceptable ni à ses yeux ni aux miens. Je ne pouvais pas répondre ouvertement à ce qu’il venait de me dire. C’était trop tôt, trop difficile d’admettre une chose qui me semblait impossible et effrayante. Mais… Je n’arrivais pas non plus à faire comme si ce n’était rien, comme si je pouvais passer outre ou même arrêter tout cela d’un claquement doigt. Cela m’était tout bonnement impossible. Et ce n’était pourtant pas faute d’essayer… Mais j’étais revenue à la charge, l’embrassant de tout mon soûl.
Tout ce que j’avais dit n’était que foutaise, des excuses que je lui sortais depuis que nous avions commencé à nous « fréquenter » contre le règlement, des excuses dont je tentais de me convaincre pour rendre les choses plus difficiles, à vrai dire, qu’elles ne l’étaient, refusant la potentialité que je puisse me tromper à se point sur ma vie. Et il avait raison. Si c’était une chose que je refusais, si je voulais nier ses avances, sa déclaration – car c’était bien de cela dont il s’agissait – je ne serais pas en train de l’embrasser de la sorte. Bien au contraire. J’étais tout à fait assez sur la défensive et indépendante pour réagir et ce n’était ni sa taille ni sa carrure bien différente de la mienne qui m’effraierait. J’étais une sorcière puissante, comme tous els professeurs de Poudlard, d’ailleurs. Alors pourquoi agissais-je de la sorte ?

La question était aussi facile que difficile. Facile car toute personne dotée d’un minimum d’intelligence et de réflexion saurait ce qu’il en était. Difficile car même en étant dotée de cette réflexion, je tentais désespérément de faire reculer ce moment, cet instant où je devrais dire quelque chose de bien plus intelligent que ce que je n’avais sortit au pauvre homme jusque-là.
Il ne s’agissait plus, cette fois, de deux corps cherchant le contact ou de petites attentions mignonnes – quoique bien indicatrices, je le savais tout autant. Non. Il s’agissait de sentiments, ces mêmes sentiments qu’on m’avait brisé deux mois auparavant… Ou presque. C’était pire, à vrai dire… Ou peut-être mieux ? Ce que j’avais ressentis pour Andrew n’était pas pareil. Là où j’avais toujours cherché son approbation, son regard et ses compliments, il ne me semblait pas nécessaire de le faire avec Ayden qui m’apportait, du moins était-ce l’impression que j’avais, un soutien sans faille, quoique je puisse faire. Je ne craignais pas qu’il me rabroue, pas qu’il me critique ou qu’il ne soit que le pantin de mon sang… Enfin… Plus maintenant. Alors… Tout cela ne faisait que m’embourber davantage dans des tourbillons d’incompréhension et surtout de crainte.
Céder à l’appel de son corps avait été une chose. Une chose difficile à admettre pour la femme particulièrement respectueuse du règlement que j’avais toujours été. Mais j’avais fini par l’admettre, poussée par ses avances, ses appels et tout ce qui l’entourait autant que par mon désespoir. Un désespoir dont j’étais aujourd’hui presqu’exempt. Il me restait les souvenirs d’Andrew, certes, mais sans compter la crainte d’avoir été manipulée… J’avais cette impression que les sentiments, eux, ou du moins l’admiration que je pouvais avoir pour lui, finissaient par s’éloigner. Doucement mais sûrement. Céder à des sentiments était néanmoins beaucoup plus compliqué. Je lui faisais confiance, évidemment, puisqu’il avait ma vie entre ses mains d’après les lois de Poudlard. Mais… Cela induisait aussi que je doive me faire confiance et que je cesse de me battre contre moi-même, cherchant des explications chez moi qui ne le satisferaient jamais… Qui ne me satisferaient jamais.

Ainsi… Sans parler, incapable de répondre à la moindre de ses questions, je répondis à son baiser avec une avidité sans précédent. Je n’arrivais pas à parler autrement que pour lui donner des excuses impossibles à accepter, ni pour lui, ni pour moi, finalement. Le laissant dévier dans mon cou, je me serrai de moi-même contre lui, contre ce corps que j’apprenais à connaître alors que son souffle me faisait frissonner et que ses mots… Fronçant les sourcils, je n’arrivais pas à me détacher de lui alors que mes mains s’engouffraient dans ses cheveux.

- Ce n’est pas ça dont j’ai peur… Lui murmurai-je pour toute réponse. Enfin…

Si. Bien sûr. Ce serait mentir que de dire le contraire. Mais ce n’était pas SEULEMENT cela. Il y avait bien d’autres choses. D’autres choses que j’avais la possibilité de dire, d’annoncer mais les annoncer ne signifiait-il pas que j’acceptais sa déclaration ? Et étais-je réellement prête à l’accepter ?

- Est-ce que tu es sûr ? Soufflai-je finalement en m’écartant, presque à regret, de lui pour l’observer avec attention, tentant de réfléchir de manière logique et factuelle comme j’en avais pourtant l’habitude. Je ne suis pas une femme de ton âge et surtout… On a pas le droit de faire ça, Ay’… Dis-je enfin. Si on fait ça… ça va devenir encore plus compliqué. Ça veut dire que tu acceptes de te cacher, de risquer tes études si tes parents l’apprennent, de passer à côté de ce que vivent les étudiants à 20 ans de… J’en sais rien de… Sortir entre couples, d’aller voir un match de Quidditch avec des amis et ta petite amie, de te faire prendre par le concierge entre de te bécoter dans un coin de couloir ou de te faire virer de la bibliothèque pour t’être imaginé seul avec ta petite amie… Est-ce que c’est vraiment ça que tu veux ?

La réflexion factuelle m’allait bien, finalement. J’arrivais à remettre les choses en ordre et si je ne parlais pas de ce que moi je risquais, je craignais, au moins arrivais-je à expliciter certains de mes doutes, quand bien même je connaissais presque déjà la réponse du coréen. Posant ma main sur son torse que je caressai lentement, aussi distraitement qu’avec attention, je soufflai alors doucement.

- J’ai aucune envie de te repousser. Admis-je finalement, confirmant ce que mes questions précédentes avaient pu induire. J’ai pas envie de te gifler ou… Ou autre chose. Mais…

Il y avait toujours ce « mais », cette petite bête qui s’insinuait entre nous et qui me faisait reculer à chaque pas que je pouvais faire en avant.

- Si je réponds clairement… Les conséquences… Relevant les yeux vers lui, sourcils froncés, ma main vint alors glisser sur sa joue. Je m’en moque d’être renvoyée. Admis-je finalement avec une certaine crainte malgré tout qui relativisait ce fait. Je… C’est pas parce que j’ai envie que tu me caresses… Enfin… Si bien sûr… Corrigeai-je par honnêteté, mais… Ay’… Je… C’est… J’ai rien de plus que les autres pour te faire tomber fou amoureux… Au contraire… J’ai pas envie de gâcher ta vie ou de profiter de toi… J’ai juste envie que tu sois… Enfin… Heureux… Comme je le suis quand tu…. Quand tu es là.

Baissant les yeux, ça ne faisait pas « mal » d’admettre cela. C’était l’entière vérité. Mais la peur de lui gâcher la vie, d’être responsable d’une grave erreur de parcours était telle que je ne pouvais lui répondre. Et si je n’arrivais pas à exprimer les différences de ressenti entre lui et Andrew, au moins pouvais-je m’exprimer sur les craintes que j’avais à son sujet. C’était déjà un grand pas de gagné, non ?

Ayden était clair. Il m’affirmait ce qu’il désirait, tentant de me convaincre qu’il se moquait des normes et de ce qu’un « jeune » pouvait attendre de la vie. Ce que je lui avais dit ? Il s’en moquait. Il n’en voulait pas. Mais… Il disait cela maintenant, mais plus tard, serait-ce encore vrai ? Il semblait être réellement sûr de lui… En un sens, cela me rassurait. Il n’hésitait pas, comme si c’était une chose normale. Mais malgré tout… Il me voulait moi… Mais cela durerait-il ? Risquai-je de me prendre un « mur » si je lui faisais confiance ? Si j’osais lui… Nous laisser une chance ? Je le craignais. C’était plus fort que moi.

Ma main désormais sur son cœur, j’observai le jeune Gimhae avec attention. Lui dire que je craignais d’être de nouveau abandonnée ? Cela me semblait hors de propos. Je devais lui faire confiance, bien sûr. Malgré tout. Je devais lui faire confiance… Et je lui faisais confiance. A vrai dire, il ne s’agissait pas tant d’une peur de l’abandon que d’une peur de le pousser à partir. Une peur de le faire fuir, en quelques sortes. J’avais envie qu’il soit heureux, c’était définitif. Il le méritait. Il méritait même bien plus, j’en étais convaincue.

Lui, par contre, était convaincu que j’étais la seule manière de le rendre heureux. Comment pouvait-il dire cela quand je n’avais été qu’un poids ivre ou égoïste jusque lors ? Il semblait pourtant, à nouveau, particulièrement convaincu de ses dires. Ses compliments auraient dû me faire plaisir, évidemment et en un sens, c’était le cas. A ses côtés, j’avais l’impression d’être exceptionnelle, d’être la plus belle femme du monde, sans même qu’il ne me le dise, sans avoir besoin de compliments à tout va, il suffisait que je l’observe pour me sentir belle et importante.

- Je…

Je ne savais plus quoi dire. Je n’arrivais plus à réfléchir convenablement, comme une personne sensée et réfléchie aurait pu le faire. Non. A la place, je l’observai, presque bêtement, les lèvres entrouvertes. Je n’avais rien à dire ou du moins rien à rétorquer cette fois. Et ce n’étaient même pas les compliments qui m’avaient rendu muette. Non. C’était son honnêteté, ou du moins ce que j’imaginais être de la franchise… Quoique non. J’en étais sûre. Ayden avait toujours fait preuve d’une franchise sans précédent… Pourquoi cette nuit serait-elle différente des autres jours ? Pire… Pourquoi ferait-il cela en mentant ? Pourquoi dirait-il de telles choses ? Il m’avait eu… Physiquement parlant, du moins. Il avait eu ce qu’il désirait alors… Cela n’avait aucun sens. Et parce que cela n’avait aucun sens, je me retrouvais contrainte et forcée à le croire et à lui faire confiance.

- C’est toi qui es la mienne. Lui soufflai-je finalement en baissant les yeux.

Il était ma lumière. Il l’avait été depuis la première fois qu’il m’avait récupéré ivre dans l’entrée de Poudlard. Depuis lors, ses attentions, ses gestes, ses paroles n’avaient eu de cesse que d’essayer de me rendre le peu d’estime de moi que je pouvais encore avoir. Tout était compliqué. Ni lui ni moi ne pouvions nier ce fait. Tout était presqu’impossible et pourtant Ayden avait insisté, il s’était évertué à me rendre un sourire que je n’avais plus sans attendre réellement quelque chose. Je savais qu’il n’en avait pas qu’après mon corps. Il l’avait eu. Il lui avait résisté. Il me menaçait même de ne plus me toucher. Il ne m’en fallait pas réellement plus pour le croire.

Mais il y avait une différence entre le croire et savoir ce que je désirais. Enfin… Non. Je savais ce que je désirais. Je ne savais seulement pas jusqu’à quel point, préférant reléguer cette question au dernier rang que de risquer de m’avouer des choses pour lesquelles je n’étais pas encore prête.

- Et tu n’es pas un connard. Lui répétai-je, bien plus sûre de moi. Tu es tout le contraire. Tu es un homme impressionnant par ta force de caractère, attentif… Particulièrement têtu. Dis-je dans un rire surmonté soudainement d’un léger sanglot. Ay’… Je peux pas te répondre ce que tu veux entendre. Avouai-je subitement. Pas maintenant… J’y arriverais pas mais… Enfin… Je comprendrais que tu veuilles arrêter mais… J’ai envie que tu restes avec moi… J’ai envie de me réveiller le matin et t’entendre râler à côté parce que c’est trop tôt pour les cours… J’ai envie de t’attendre le soir avec un jus de citrouille et t’expliquer à toi que mes élèves ont été affreusement pénibles… Et j’ai envie de profiter de cette nuit avec toi. Et de plein d’autres encore…

Ce n’était peut-être pas la déclaration qu’il attendait, ça n’en était presque même pas une, à vrai dire. Seulement des vérités dites, des envies certaines que j’avais. Mais je n’arriverais pas à lui dire ces quelques mots qu’il semblait désirer. C’était trop tôt. Ou plutôt… Cela m’effrayait. Les dire… J’avais cette impression que cela signerait le début de la fin. Or, c’était tout ce que je ne voulais pas alors… Je préférais les nier, refuser cette éventualité en me cachant derrière des désirs qui ne faisaient qu’admettre ce qui était pourtant vrai et ce qui ne faisait donc que répondre à ses attentes…

L’attrapant par la main, lentement, je l’emmenai alors de nouveau sur la plage, sortant un drap de mon sac pour m’y allonger, l’entraînant avec moi pour que ma tête puisse se poser sur son torse. Il pouvait me repousser, bien sûr, je ne chercherais pas à l’en empêcher. Mais s’il ne le faisait pas… Je me permettrais de caresser son bras et sa main, tendrement.

- On peut essayer… Finis-je par souffler à mi-voix. Je veux essayer mais… Si c’est trop dur. Si tu en as marre… On arrête tout.

J’ouvrais une porte, une petite porte, certes, mais une porte malgré tout. La crainte qu’elle se referme était forte, immense même mais je n’avais que deux choix… M’autoriser à ouvrir cette porte ou être, de toutes les manières, triste de le voir partir… Alors… Autant espérer un tant soit peu, n’est-ce pas ?

Je ne pus m’empêcher de rire doucement à sa remarque. Un gosse de riche… Oui. Mais bien éloigné des idées que l’on pouvait se faire de ces derniers. Quoique… Après tout était-il particulièrement entêté lorsqu’il désirait quelque chose, effectivement… En un sens, il n’avait donc pas tort. Mais il savait aussi que ce qu’il demandait ne pourrait se faire en quelques jours ou heures. C’était impossible. Pour moi, tout du moins. J’avais encore bien trop de choses à régler pour lui accorder ce qu’il désirait. Est-ce que cela viendrait ? Mmh. En un sens… Je savais que c’était déjà là, enfoui sous une couche de doute, de peur et de recul.
Répondant à son baiser avec douceur, je me laissai guider à califourchon sur lui pour me pencher doucement au-dessus de son visage avant de lever les yeux au ciel, un sourire amusé aux lèvres.

- J’y suis allée. Et je doute être sa réincarnation même si le compliment me va droit au cœur. D’autant que… Je te rappelle que Diane a obtenu de garder la virginité perpétuelle. Je crois que c’est un peu raté de mon côté. Plaisantai-je à mi-voix.

Le laissant caresser, effleurer ma peau nue, j’observai le sorcier avec une douceur certaine avant de prendre possession de ses lèvres. Penchée sur lui, j’ouvris doucement les yeux, frôlant son nez du mien en silence. Cet instant avait quelque chose de solennel, comme si je savais que je n’oublierais pas cette nuit, qu’elle marquait un passage net dans nos vies respectives. Après tout… Qu’étions-nous réellement maintenant ? Il avait été mon élève, mon ami puis mon amant. Et maintenant ? Je n’avais pas réellement envie de lui poser la question. La réponse à cette dernière viendrait bien assez vite de toutes les manières.

- Je suppose que cette nuit ne se passe pas exactement comme prévu. Soufflai-je ainsi.

Mais qu’était-il prévu exactement ? Je n’en savais moi-même pas grand-chose. Je n’avais, à vrai dire, rien décidé, l’ayant invité sur un coup de tête, je n’imaginais juste pas que les choses se passent de la sorte. Était-ce mieux ou pire que ce que je pouvais imaginer ? Bonne question. En un sens, je me sentais sereine. Inquiète mais paradoxalement sereine à cet instant, là, sans que rien ne nous dérange. Pourtant, je ne pouvais effectivement pas m’empêcher de m’inquiéter pour notre retour à Poudlard… Un retour que je préférais mettre en arrière-plan, me redressant pour finalement me relever, lui tendant la main pour l’y aider à son tour avant que je n’attrape ma baguette pour une simple vérification.

- Hominum revelio. Soufflai-je doucement.

Personne. Outre Ayden et moi évidemment. C’était ce dont je voulais être sûre. Calant ma baguette dans ma main, je fis signe à Ayden de me suivre, glissant ma main libre dans la sienne.

- Nous avons encore tout le reste de la nuit pour nous occuper. Lui murmurai-je en l’entraînant vers l’eau. Et j’ai tout un tas de choses à te montrer sous l’eau. Lumos.

Ma baguette s’allumant, je laissai Ayden nous faire profiter de son don pour nous envelopper dans une bulle d’air et l’entraîner avec moi un peu plus loin afin d’observer la véritable faune et flore marine, lui expliquant tout ce que je pouvais savoir sur l’histoire du lieu, bien plus que sur la biologie océanique, évidemment.

- La prochaine fois, si tu veux, je te montrerais la Sicile. Enfin… Si tu as envie de défier à nouveau le règlement… Quoique nous ne sommes plus à ça près, j’imagine. Admis-je dans une grimace amusée bien malgré moi.

Il fallait se rendre à l’évidence. Je n’avais jamais été aussi en dehors du règlement que maintenant. Et pourtant, je ne m’étais rarement sentis aussi complète qu’à cet instant. Loin de tout et avec une personne que… Enfin avec lui.
Refaisant surface, d’ailleurs, je m’approchai de nouveau de lui, frôlant ses lèvres des miennes, les yeux fermés, profitant tant de la sensation de l’eau que de son odeur que j’aimais toujours autant.

- Un bain de minuit dans l’océan… C’est un cadeau de Saint Valentin suffisant ? Lui soufflai-je doucement.

Après tout, si mon cadeau était en réponse au sien et que le sien était dû pour la Saint Valentin et la vraie… Cela faisait par la force des choses de mon cadeau un cadeau de Saint Valentin…

- Et… J’espère que ton chantage ne tient plus… Je n’ai pas tout dit pour l’empêcher mais… Mais j’admet que ça me manquerait. Lui soufflai-je bien plus bas alors que ma main caressait lentement son dos et ses côtes.

Il n’avait pas tort. Nous commencions à arriver dans le top des infracteurs au règlement de Poudlard. Et le pire était peut-être le fait que je sois professeur. Moi qui étais censée maintenir l’ordre et la loi au sein du Collège… Je me retrouvais à enfreindre toutes les lois en sa compagnie… C’était, à vrai dire, comme vivre une adolescence tardive, là où la mienne avait été studieuse et particulièrement renfermée.
Enfin. Au moins ne disait-il pas non à la Sicile. L’idée de partager ce voyage avec lui me plaisait autant que celui que nous étions en train de faire, bien que ce dernier ne dure que le temps d’une nuit. Et effectivement, il ne se plaignait pas. Ou presque. Blottie contre lui, caressant distraitement son dos, je fronçai alors les sourcils. Il n’avait fait que modifier son chantage… Et j’admettais que ce dernier était presqu’aussi dur que le précédent.

Ayden savait pertinemment que je ne pouvais pas lui répondre maintenant. Il savait ce qui bloquait toute pensée de la sorte. Non pas que mes sentiments pour Andrew étaient trop forts et encore présents mais la peur qu’il avait causée en partant était, elle, restait intacte. Nous venions de nous installer ensemble, nous venions d’officialiser les choses, de nous avouer nos sentiments respectifs et… Plus rien. C’était comme si mon « je t’aime » avait entraîné la fin précoce de la relation. Alors le lui dire, à lui ?
Sans même réfléchir s’il s’agissait d’amour ou d’amitié, de passion ou de tendresse, je ne pouvais pas. C’était impossible. Je ne voulais pas prendre ce risque. Je préférais encore ne plus le sentir en moi. Enfin… Mmh…

- C’est vraiment tout ce que tu veux ? Soufflai-je alors à mi-voix.

A nouveau, il venait de me prouver que ce n’était pas mon corps qu’il désirait réellement et… En un sens, cela me soulageait de nouveau, comme si une autre petite partie du poids de mon hybridation s’envolait à cette vérité. Petit à petit, le coréen réussissait, avec beaucoup de patience je l’admettais, à me libérer de cette chose qui pourrissait mon existence, car il n’y avait pas d’autres mots pour le dire. Je savais que c’était difficile, pour lui comme pour moi. Il devait faire avec mes peurs, mon passé, mon caractère pas réellement des plus faciles à apprivoiser. C’était un travail de longue haleine, un travail qu’il prenait pourtant à cœur, quand bien même j’admettais que cette idée de chantage, en fin de compte, me déplaisait malgré tout.

D’ailleurs ma main se fit-elle plus mutine, passant doucement sur sa cuisse alors que mes lèvres reprenaient leur place contre les siennes. N’avait-il pas dit que cette nuit serait la dernière ? Dans ce cas… Dans ce cas, j’avais encore une question, à vrai dire.

- Pourquoi moi, Ay’ ? Soufflai-je. Enfin… Pourquoi est-ce que tu t’es mis en têt… Non. Pourquoi est-ce que tu es tombé amoureux d’une professeur que tu as « rencontré » saoule et malheureuse ? Lui demandai-je, me rattrapant comme pour lui prouver que je lui faisais confiance quant à ses dires et à ses sentiments exprimés.

Qu’avais-je fait pour mériter une telle attention ? Je n’étais pas grand-chose, une simple femme, demi-vélane, professeur qui tentait seulement de nager à la surface d’une eau sombre dont elle avait peur. Et si cette eau commençait à s’éclaircir, si le soleil revenait doucement dans mon ciel, ce n’avait pas été le cas jusque-là alors… Pourquoi ?
Lui m’avait apporté la chaleur, la confiance, la tendresse aussi dont j’avais eu besoin. J’avais appris à connaître un jeune homme intéressant aux multiples facettes et à la conversation agréable et même amusante. Il m’avait offert son corps, ses bras pour que je puisse m’y reposer, m’apaiser, même, à son contact. Mais moi, que lui avais-je réellement apporté ? Le voir comme quelque chose d’autre qu’un connard ? Ce n’était rien. Parce qu’il n’en était pas un. C’était définitif. Quoi d’autre ? Ne pas le juger sur son passé ? J’estimais que personne n’avait à juger le passé d’autrui. Ce n’était rien. Alors que lui apportais-je réellement ?
Venant caresser sa joue de nouveau, je soupirai pour l’embrasser doucement, tendrement.

- J’ai juste pas envie que tu t’en ailles. Lui soufflai-je. Pas envie de tout gâcher en… Enfin je sais pas en faisant quoi mais j’ai pas envie de tout gâcher… Parce que je me sens vivante et… Et avec toi ça fait terriblement du bien. Admis-je alors, mon front contre le sien.

Et s’il comprenait cela, s’il acceptait ma peur, peut être arriverait-il à comprendre que je ne puisse pas lui donner, pour le moment, ce qu’il désirait. Je ne savais pas si cela viendrait ou plutôt reviendrait un jour mais… Peut être que… Un instant, je me mis à réfléchir… Magnus… Je savais que l’enquête était encore en cours mais… J’avais témoigné plus de fois qu’il ne fallait pour le dire… Alors… Peut être pourrait-il m’aider à nouveau… Secouant la tête pour chasser cette idée, me gardant en mémoire de le demander à ma sœur, je soufflai doucement.

- On a encore tout le reste de la nuit pour profiter d’être tous les deux. Lui soufflai-je doucement avant de plisser les yeux. Comme un… Comme un couple. Ajoutai-je dans l’idée de lui faire comprendre que j’acceptais ce fait sans réussir à dire les choses. Tu ne veux pas… En… En profiter ? Soufflai-je doucement.

Mon idée était peu claire, même pour moi, je l'admettais. Je voulais simplement profiter de la soirée en sa compagnie, profiter de sa présence et pourquoi pas de... De cette dernière nuit qu'il acceptait, visiblement, de m'accorder. Sans vouloir le brusquer, j'admettais malgré tout craindre que ce chantage ne perdure par mon incapacité à dire les choses...

J’avais du mal à le regarder, à plonger mes iris dans les siennes. J’assumais mes pensées, c’était un fait, il ne pouvait en être autrement, mais assumer devant Ayden était totalement différent. Je n’allais pas dans son sens. Pas parce que je ne le voulais pas, non, mais parce que je ne le pouvais pas. Cela m’était encore foncièrement impossible. Alors le voulait-il vraiment ? Voulait-il attendre ? Garder une patience sûrement déjà étiolée ? Oui. Il vint à me guider jusqu’à son regard qui parla pour lui. Oui. Il en était certain… Et je ne savais même pas pourquoi… Du moins… Je ne le comprenais pas.

Prenant ses lèvres en otage le temps de quelques trop courts instants, je finis par lui poser la question. Que m’avait-il trouvé après tout ce que j’avais pu lui montrer ? L’observant avec attention, je fronçai doucement les sourcils à ses compliments. Si je tentais de faire preuve de compréhension avec tout le monde… Je ne voyais pas réellement en quoi je pouvais être resplendissante… Ni même incroyable d’ailleurs. J’étais juste… Moi. Et pas la moi habituelle, c’était un fait certain. L’embrassant à nouveau, il n’y avait qu’une chose dont j’étais certaine : je me sentais bien avec lui et pour cela, je ne voulais pas qu’il disparaisse… Je ne voulais pas tout gâcher…

Et à nouveau, des compliments. Etais-je réellement comme le décrivait Ayden ? J’en doutais toujours et pourtant… Cela faisait du bien. Beaucoup de bien d’entendre ce genre de paroles. Bien sûr mon côté vélane n’était en rien dans ma personnalité, la « peur » des hommes mis à part peut-être, mais… N’était-ce pas l’affection qui le rendait aveugle ? Je n’avais pas vraiment envie de croire à cela… Je n’avais jamais eu de tels compliments alors… Pour cette fois au moins… J’avais envie d’en profiter. Et un sourire, d’ailleurs, étira mes lèvres.

- Merci… Soufflai-je à mi-voix.

Merci d’être là, de me donner cette impression d’être réellement vivante, de me soutenir et d’être patient. Voilà tout ce que simple « merci » voulait dire. Et c’était effectivement parce que je me sentais vivante et bien plus sereine que je ne l’avais jusque lors été que j’admis, cette fois à voix haute, que nous étions un couple. Ensemble. Tous les deux. Ce qui était… Etrange à dire, et pourtant, malgré tout, libérateur. Mais parce que nous étions un couple… Parce qu’il me faisait désormais chanter au refus de partager mon lit intimement après ce soir… Pourquoi ne pas en profiter, après tout ?

- Quoi donc ? M’enquis-je curieuse autant que désireuse.

Mon esprit s’était aventuré dans des confins que je ne connaissais pas. Perdu, éloigné de toute réalité, je m’étais laissée emportée par les vagues de désir et de plaisir que créaient le jeune sorcier au point de ne plus réfléchir, de ne plus y arriver. J’essayais, pourtant, je tentais de garder toute contenance, de garder une toute petite part de lucidité afin de ne pas sombrer là où je risquais de me perdre. Mais c’était sans espoir. Et ainsi virent être prononcés une chose dont je n’avais pas réellement conscience, comme un rêve, une pensée fugace que j’avais pu avoir. L’avais-je réellement prononcé ? Pourquoi ? Comment ? Enfin… Non. Là n’étaient pas les questions à se poser. Je n’avais ni la force ni le courage de me les poser.
Profiter. C’était ainsi ma seule idée alors que, malgré moi, je frissonnai à sa réponse. Serrée contre lui, j’enfouis ma tête dans son cou, profitant de son odeur, de toutes les sensations que je pouvais encore ressentir, refusant de me séparer de lui, de ce lien qui nous unissait encore.

- Je n’ai jamais dit le contraire. Murmurai-je pour toute réponse.

Je l’avais dit. Sans m’en rendre compte mais il était évident que je ne l’avais pas juste pensé ou imaginé. Je l’avais dit. Merlin. Pourquoi comme ça ? Pourquoi maintenant ? Le pensais-je ? Peut-être. Je n’arrivais pas à réfléchir, je ne voulais pas y réfléchir. Pas maintenant, en tout cas. Et à mesure que je me forçais à y réfléchir, je sentais la panique grimper et mes bras se serrer autour d’Ayden comme pour refuser tout retour à la réalité.

- C’est vraiment réel ? Soufflai-je, malgré tout, à mi-voix.

Car après tout… Était-ce ça, la réalité ? Ce n’était pas la première fois que j’avais ce sentiment de plénitude et… Secouant la tête pour ne pas me perdre de nouveau dans les pensées, je me permis d’esquisser un sourire à sa remarque.

- Tu sais comment m’entraîner. Lui fis-je ainsi remarqué. Je n’ai fait que suivre le mouvement.

Je n’étais en rien dans ce qu’il s’était passé, bien au contraire. Victime bienheureuse de ses avances, il était la seule personne à remercier pour cette nuit qui, je l’espérais, ne se terminerait jamais. Me décalant légèrement, juste de quoi reprendre pied, je caressai alors sa joue dans une tendresse infinie.

- Et de toutes les manières, continuai-je en tentant de reprendre tous mes esprits alors que mes jambes semblaient plus fragiles que je ne l’aurais pensé, les Maldives t’auraient laissé un souvenir impérissable. C’était évident.

Le lieu était fait pour. Tout était fait pour, à vrai dire, ici, pour que nous ne puissions oublier cet endroit. Nous n’avions fait que le rendre encore plus… Chaleureux. Dirons-nous. Glissant ma main dans la sienne, je vins le mener alors plus loin, jusqu’à la plage, afin de me laisser de nouveau tomber sur le drap, trop épuisée pour rester alors debout. Lovée contre lui alors que je l’avais entraîné à ma suite, je fermai les yeux quelques instants avant de reprendre parole.

- Pour ce que j’ai dit… Commençai-je doucement ne sachant pas réellement où je désirais aller. C’est vrai… Soufflai-je comme un aveu que je n'avais plus d'autre choix que de prononcer. C’est juste que… Je veux être sûre… Enfin… Non, c’est pas ça mais…

J’avais peur que ce ne soit qu’un sentiment pansement, une idée due à une fragilité mutuelle, quelque chose qui nous entraînerait l’un vers l’autre dans le seul but de nous « réparer ». Je ne voulais pas de ça. Ni pour lui, ni pour moi. Alors… Même si c’était vrai, même si je pensais ce que je disais n’ayant certainement pas l’habitude de dire les choses sans les penser… Je ne pouvais lire l’avenir pour savoir ce qu’il nous réservait et cela… M’effrayait, je devais l’admettre.

- Je ne veux pas qu'on se trompe. Tentai-je d'expliquer maladroitement.

Il y avait trop en jeu. C'était interdit, impensable alors... Il fallait que nous soyons sûrs de nous. C'était indispensable.

- Arrête de plaisanter ! Soufflai-je dans un rire en lui frappant doucement l’épaule.

Merlin… Ayden restait au moins égal à lui-même et n’hésitait pas à faire la moindre plaisanterie, quelle soit de bon ou de mauvais goût. A vrai dire, si je n’étais certainement pas du style à faire ce genre de blague, le sorcier arrivait, avec ces dernières, à me détendre un tant soit peu, me faisant retourner sur terre.

- Exactement. Lui soufflai-je malgré tout en réponse à sa plaisanterie. Un vile manipulateur qui entraîne une pauvre sorcière comme moi. Monstre !

Un monstre que j’appréciais bien trop, évidemment, la preuve en fut donnée par le baiser que je lui offris avant de me décaler, profitant de l’eau revenant tout autour de moi pour me laisser porter, mes jambes soutenant difficilement mon poids après ce que nous avions fait.
Souriant à sa remarque, j’hochai doucement la tête. Nous y retournerions. C’était un fait certain. J’aimais cet endroit, je m’y étais toujours senti bien et en sécurité… Cela n’allait pas changer ou plutôt… Cela était bien assez revenu pour que mes habitudes renaissent de leurs cendres.

Prenant sa main pour le guider jusqu’à la plage afin de nous réinstaller sur le drap, je me lovai contre lui, trop heureuse de profiter de ce moment jusqu’à reprendre parole. Il fallait que je m’explique, que je dise honnêtement les choses alors…Je le fis. Difficilement, pour sûr. Je bafouillais, je compliquais les choses alors que tout avait un nom qu’il nomma, lui, bien rapidement.

- Une personne sensée te dirait que c’est trop rapide pour que ça soit clair dans ta tête… Soupirai-je doucement en me redressant légèrement. Mais je te crois.

J’avais, de toutes les manières, envie d’y croire. Comme si sa pierre permettait à mon château intérieur de ne pas s’effondrer entièrement, comme s’il sauvegardait une partie de mon cœur rien que par cette pensée. Mais me poser les questions sur ce que je ressentais… Fronçant les sourcils, je me mis à réfléchir. C’était difficile à établir… Je n’avais pas vraiment désiré y réfléchir, ou plutôt… Dès lors que j’y réfléchissais, je faisais marche arrière, ce qui n’aidait en rien.

- Je sais… Je crois savoir ce que je ressens. Soufflai-je. Mais penser au passé…

Ça remuait encore trop de choses, trop d’événements qui se répercutaient dans le présent, comme ces foutus interrogatoires auxquels je ne pouvais pas échapper.

- Quand j’y pense maintenant, soufflai-je ainsi dans toute mon honnêteté, je vois surtout le fait qu’il y a une chance sur deux pour qu’il se soit joué de moi. Et ça… Tu n’imagines pas combien c’est difficile. Je l’admirais, vraiment, Ay’… C’était une idole, enfin… Pas vraiment mais… Il avait été le premier à me témoigner de l’intérêt autrement que parce que j’étais une demi-vélane. Et ça… Posant de nouveau les yeux sur le sorcier, j’esquissai malgré tout un sourire. Et ça tu l’as refait. Et sans potion. Admis-je doucement en venant caresser sa joue. Et j’admet que je n’aurais pas pu rêver plus beau cadeau que celui-ci. Je n’ai pas l’impression d’être un monstre qui t’oblige à t’empoisonner et je n’ai pas peur de te surprendre sans ta potion, pas peur de risquer de te faire perdre la tête.

Et il ne pouvait pas imaginer à quel point cela me soulageait. Je savais qu’il se laisserait aller si et seulement si je le lui demandais. Que sans potion, il serait lui et seulement lui, que je ne risquais, à vrai dire, rien.

- Alors, je crois savoir ce que je ressens. Lui murmurai-je en venant frôler ses lèvres des miennes dans une tendresse certaine. Mais quoiqu'il en soit je veux être débarrassée de mon passé et de mes doutes pour pouvoir avancer. Parce que sans ça… Je ferais du surplace. Je… Fronçant les sourcils un instant alors que ces mots restaient difficiles, je soupirai profondément. Laisse-moi juste mettre de l’ordre. S’il te plait.

Pas de mais, cette fois. Pas de justification, juste une demande, simple, claire, que je venais d’expliquer. Nous avions, de toutes les manières, le temps. Il était étudiant et moi professeur… Autant dire que rien n’était là pour nous faciliter la tâche.

- Je crois que même en te maîtrisant, le monde des sorciers plongera, il faudrait que je te fasse arrêter de parler pour réussir à le sauver et c’est foncièrement impossible. Plaisantai-je dans un rire.

Un rire qui laissa bientôt place à une conversation plus sérieuse. A nouveau, l’étudiant voulu me dire ce qu’il ressentait. Et je le croyais, bien sûr, je n’avais aucune raison de ne pas le croire mais malgré tout, il était nécessaire de lui expliquer que toute personne censée, que je n’étais pas à cet instant, lui dirait que c’était rapide, trop rapide pour que cela puisse être parfaitement limpide.

- Ce n’est pas une question de facilité, Ay’. Soufflai-je malgré tout en essayant de rester lucide malgré tout. Je ne peux pas comparer ce qui n’est pas comparable. En un mois, j’ai transgressé plus de règles qu’au cours de toute ma vie. D’une relation censée être stable avec quelqu’un d’adulte, et qui en fin de compte ne m’aimait visiblement même pas, je suis en train de passer à une relation avec un étudiant dont j’ai la responsabilité. Ce n’est pas une question de sentiments… Et… Et quoiqu’il en soit, je ne veux pas qu’on se précipite. Je ne peux pas faire ça.

Une marche arrière ? Ou seulement un essai de mise au point qui me semblait nécessaire. Oui. C’était plutôt cela, et ainsi vins-je expliquer plus profondément ce qui m’empêchait, par ailleurs, d’avancer réellement. Encore en proie à mon passé, j’avais bien du mal à oublier ce qui avait été fait. J’admirais cet homme, je l’avais admiré des années durant et maintenant, il semblait que tout m’avait laissé un vide béant. Un vide qu’essayait de combler le sorcier, bien sûr, mais cela suffirait-il ? Je n’étais même pas capable de le savoir, de le deviner.
Répondant à son baiser, je secouai doucement la tête, mon front appuyé contre le sien.

- Qui te dit que je te montre mon vrai visage aussi, dans ce cas ? Soufflai-je à mi-voix. Qui me dit que tu me montres ton vrai visage ? Ça va dans les deux sens…

Nous ne pourrions jamais être entièrement sûr de l’autre, c’était peut-être une chose que m’avait prouvé Andrew. Une bonne ou une mauvaise que de ne plus faire confiance aveuglément ? Oh. J’avais confiance en Ayden, il était évident que j’étais plus à l’aise, plus sereine. Il m’avait prouvé que je n’avais pas tout à craindre de l’extérieur, aidé par Magnus, j’avais réussi à dépasser certaines de mes peurs, de mes inquiétudes face à ce que j’étais et ce que les autres étaient. Tout n’était pas gagné, c’était un fait mais… Preuve en était notre présence en ces lieux, je pouvais vivre et cela me faisait un bien infini. Sûrement, d’ailleurs, cela me grisait-il bien assez pour me rendre moins lucide, plus réceptive à toute forme de tendresse, moins soucieuse du règlement qui, à cet instant, n’existait plus. Il fallait, pourtant, que je me rappelle ce qui pouvait être important, que je ne le fasse pas glisser sur une pente que j’avais moi-même savonné sans réellement en avoir complètement conscience…

- En usant de chantage ? Ironisai-je sans une once d’amertume, peu habituée à cela. Nous reverrons la notion de patience en cours. Soufflai-je dans un léger sourire, doucement, en me redressant. Mais je sais que tu es honnête, Ay’. Je te crois. Vraiment. Je veux juste être sûre et que tu ne sois pas juste aveuglé par…

Il n’allait pas forcément bien le prendre. Tentant de redevenir lucide malgré tout, tentant de me souvenir que la nuit allait finir par s’arrêter, que nous allions bientôt devoir revenir à Poudlard, je fronçai les sourcils.

- Par une passion passagère. Et que je ne le sois pas non plus parce que tu m’apportes quelque chose que j’avais peur de ne plus… De ne pas connaître.

Dire que j’avais connu cela avec Andrew qui s’obligeait à boire des potions… C’était faux. D’autant plus faux qu’il n’avait pas été honnête. L’honnêteté d’Ayden était, au moins, une chose dont je ne doutais pas et cela, aussi, me permettait d’être bien plus sereine, c’était un fait certain.

- Tu comprends ? Soufflai-je finalement avant de me relever.