Être demandé en rendez-vous par le Directeur du Département de Justice pouvait ne pas être bon signe pour la plupart des sorciers. En faisais-je partie ? Non. Après tout, je ne travaillais pas pour le Ministère. Je n’étais qu’un pion parmi tant d’autres pour le Magenmagot. Ou plutôt une punaise, plantée sous le pied et bien désagréable pour la plupart des juges. Une description peu appréciable, certes, mais qui me convenait et m’amusait plus que de raison.

Ainsi étais-je arrivé par transplanage dans le hall du Ministère, habillé d’un costume des plus classieux, pour me rendre à mon rendez-vous prévu sur les coups de dix heures. J’avais sous mon bras la pochette du futur procès qui aurait lieu. Sûrement la raison exacte de ma convocation en ces lieux, d’ailleurs. Ce que désirait le Directeur Avery ? Cela ne m’intéressait pas foncièrement pour m’en inquiéter. Je gèrerais cette affaire comme il me semblait. S’il s’agissait d’une demande pour la faire descendre et la perdre… J’espérais que l’homme puisse avoir des arguments en béton. Je n’aimais pas perdre mes affaires. Jamais.

Frappant à la porte de son office dans le Département de Justice Magique, j’attendis patiemment, droit, que sa secrétaire me mène à lui et ce fut ainsi dans un sourire entendu, poli et plus courtois qu’on ne l’aurait imaginé sur un homme aussi froid que je ne l’étais, que je m’avançai, main tendue, vers le Directeur de la Justice Magique anglais.

-Monsieur Avery. Saluai-je en lui serrant la main. Un plaisir de vous revoir. Que me vaut donc le plaisir de votre demande ? J’ose espérer que mes anciens clients se tiennent à carreau.

Pour la plupart, je connaissais la réponse : c’était faux et entièrement faux. Beaucoup avaient rejoint les rangs d’Abadone. D’autres, encore, s’étaient remis aux larcins et très peu avaient décidé de « rejoindre les rangs ». Grand bien leur fasse. Je n’étais pas là pour juger de leur vie. Simplement pour leur éviter Azkaban.

M’installant sur le siège qui m’était présenté pour les invités, je posai ma serviette sur le côté de ma chaise. Nul besoin de sortir de documents que l’on ne m’aurait pas demandé. Il s’agissait pour la plupart de mes propres recherches, de quoi gagner, donc, un procès… Autant dire que le Directeur ne pourrait les voir qu’avec de très, très bons arguments… Evidemment.

Evidemment. Ce n’était pas pour me parler de mes anciens clients. Lui comme moi savions pertinemment ce qu’il advenait de ces derniers. Inutile, donc, d’en discuter. Non. C’était pour une raison dite plus « complexe » que le Directeur m’avait fait venir. Mmh. Intéressant. Mais cela ne répondait fondamentalement pas à ma question malgré tout : pourquoi ? Quelle était donc cette raison plus complexe ?

Il ne me fallut heureusement pas attendre trop longtemps pour en avoir la réponse. J’étais effectivement au courant de la demande de Barty Croupton Junior. Un champion dans sa catégorie, je devais l’admettre. Arquant un sourcil, je croisai les bras, observant le dossier que posa bientôt le Directeur Avery, un sourire amusé aux lèvres.

- Vous attendez mon avis… Répétai-je avant que mon dos ne se sépare du dossier pour m’avancer sur la chaise. Monsieur Avery… Vous rendre service me serait parfaitement agréable, vous n’en doutez certainement pas. Néanmoins… Pourquoi vous donnerais-je un avis lorsque, comme vous l’avez si bien dit, « il pourrait se tourner vers » moi ?

Me réinstallant convenablement, je pris néanmoins les pièces entre mes mains pour les lire rapidement… Meurtre. Séquestration. Torture… Rien ne manquait. Rien… Mis à part une pièce importante pour tout dossier, une pièce que j’avais déjà utilisé lors de procès passés, d’ailleurs… Idiots d’Aurors… Incapables de faire leur travail correctement.

- Mais puisque vous voulez mon avis… Je suppose que vous rendre le dossier vous permettra de le connaître. C’est une peine perdue. Un beau palmarès que Monsieur Croupton a là. Que de raisons de le laisser enfermer, n’est-ce pas ?

Et justement, c’était là ma spécialité. Les causes perdues. Il ne m’avait fallut qu’une fraction de minute pour trouver l’angle d’attaque qu’il suffirait pour mettre à mal tout le dossier Croupton. Rien de plus facile. Il suffirait ensuite de convaincre l’accusé de suivre la ligne de conduite que je lui indiquerais. Enfin… Si tant était qu’il me choisisse comme avocat. Dans le cas contraire, je donnerais volontiers mes pistes à ce très cher Directeur.

- Mais dîtes moi… J’ai malgré tout peur de ne pas vous comprendre. Qu’attendez-vous exactement de moi ? La façon de le garder enfermer ? Vous savez que je ne vous la donnerai pas. Alors quoi donc ? Mon avis est certainement celui de bon nombre de confrère et même de l’opinion publique. Je ne vois ainsi pas réellement ce que je pourrais vous apporter ici. Mis à part mes salutations, évidemment. Quoique je doute que je vous manque à ce point pour m’inviter dans votre bureau. Plaisantai-je ainsi dans un demi-sourire.

- Ce que la famille veut est rarement mon souci. Soufflai-je, amusé. L’important n’est-il pas le paiement comme vous l’avez si bien fait remarquer ?

C’était un fait. Tant que mon client payait, je pouvais avoir le monde sorcier à dos, je n’en aurais rien eu à faire. Le monde ne devenait plus mon problème et seul le procès de mon client prenait la place. Le bien, le mal… Je n’en avais plus rien à faire. Je l’utilisais, même, transformant le bien en imbécilité et le mal en folie grâce à ma panoplie du parfait petit avocat.

Pour autant, le Directeur ne semblait pas simplement m’avoir fait venir pour une telle chose. Sûrement, et je n’en doutais pas, savait-il que je refuserais de lui dévoiler tous les atouts dans ma manche. Ne savait-on jamais. Je n’étais pas de ceux qui appréciaient se tirer une balle dans le pied. Evidemment. Ainsi, arquant un sourcil, j’eus l’amusante surprise de le voir me proposer un rôle bien différents de ceux que je connaissais jusque-là.

- Allons Monsieur le Directeur. Il est déjà trop tard pour ce surnom. Vous le savez tout autant que moi. Soufflai-je, un brin amusé par ce dernier pourtant bien véridique. Mais j’admets que votre proposition me surprend. Alors, avant que je ne vous donne une réponse qui devrai, de toutes les manières, être réfléchies… J’aimerais vous poser quelques questions.

Oh oui. J’avais des questions. Des questions qui allaient me permettre de me positionner dans cette affaire car si j’imaginais aisément que l’idée de me placer en avocat du Ministère était simple… Le timing, lui, n’était pas réellement compréhensible à mon sens.

- Tout d’abord, commençai-je en croisant les jambes. Pourquoi ? Et ne vous donnez pas la peine de prononcer la moindre flatterie. Elles ont tendances à m’agacer. Alors si j’imagine facilement que votre idée est celle de renverser ma tendance à trouver les failles dans chacun de vos pathétiques dossiers… Pourquoi maintenant ? Ce n’est pas le premier mangemort qui demande à sortir d’Azkaban et ça ne sera certainement pas le dernier… En avez-vous donc assez de voir vos pauvre prisonniers fuiter de votre prison ? Cela devrait pourtant vous ravir, raillai-je sans l’ombre d’un sourire, le visage bien trop sérieux pour ce que je disais là, des cellules se libèrent et vous permettent de réduire la surcharge carcérale.

Le sarcasme était on ne pouvait plus visible dans mon ton autant que dans mes mots. Mais à vrai dire… La question du pourquoi n’était peut-être pas la plus importante. Non. Il y avait autre chose, une chose que le Directeur avait pointé du doigt quelques minutes plus tôt et que je n’allais certainement pas oublier.

- Ensuite… Repris-je donc. Combien ? C’est après tout le nerf de la guerre. Et je pars d’un principe très simple. Le plus offrant est le plus innocent.

C’était évidemment faux et même souvent l’inverse mais… Quand bien même, j’avais prouvé cette petite phrase à chacun de mes derniers procès, après tout.

Arquant un sourcil, je dus admettre que l’explication du Directeur avait un quelque chose de convaincant. Pas tant dans les compétences dont je pouvais faire preuve, je n’avais pas besoin que l’on me brosse dans le sens du poil pour en avoir conscience. Mais bien dans le fait que me piquer sur mon père était une bonne idée. Evidemment. Elegius Carrow était une pointure que je pouvais dépasser en si peu de temps, quand bien même mon but était là, et je connaissais les quelques murmures qui se déroulaient sur mon passage. « Piston », « Rien sans son père », « Juste aidé par son nom ». Ah. Quelles belles paroles. Songeai-je à chaque fois. Il n’en était évidemment rien. Mon père m’avait aidé, certes, à intégrer son cabinet. Mais pour le reste, je me faisais seul. Il ne me faisait pas de cadeau puisque je les refuserais tous, de toutes les manières. Je voulais me créer seul. Je voulais être détenteur du titre d’avocat par mes capacités et non par un nom, quel qu’il puisse être et en cela… Je me devais de me battre pour sortir de l’ombre de Maître Elegius Carrow. Arquant un sourcil, je dus ainsi admettre que ce cher Directeur était un peu plus réfléchi que je ne pouvais l’imaginer. Voilà que je me retrouvais dans l’un de mes tors pourtant corrigé depuis longtemps : sous-estimer mes adversaires.

Pour ce qui était de la seconde question, un léger sourire étira mes lèvres alors que mes bras se croisaient. A vrai dire… Au vu de mes résultats ces derniers mois, il fallait admettre que bien des mages noirs commençaient à se sentir impunis. Je ne m’étais pas encore attaqué au fait d’éviter les peines de prison, préférant, pour le moment, faire sortir les sorciers d’Azkaban. Mais le Directeur Avery n’était sûrement pas un idiot. Pour le moment l’apanage de mon père, il viendrait un jour, très bientôt, où je commencerais à marcher sur ses plates-bandes. Faire de moi un allié plus qu’un ennemi était donc potentiellement une bonne idée. Encore fallait-il que le Ministère ait les moyens de payer car je n’étais pas homme généreux. Bien loin de là. Il ne s’agissait pas là de vénalité, de désir de richesse ou que savais-je. Seulement… Je ne faisais pas vraiment dans le don de ma personne. Et tout travail avait un prix. Un prix qu’Avery ne désirait pas discuter.

- Je vois que vous êtes prêt à tout pour que cet homme ne sorte pas d’Azkaban. Soufflai-je, malgré tout amusé par la situation. Que vous a-t-il donc fait personnellement, dites-moi ? Je crois bien peu en la bonté d’âme s’offrant à l’humanité alors… Je suppose, dans le cas contraire, que vous préférez, par cela, rester dans les papiers dorés de notre Ministre.

Une plaisanterie teintée, je le croyais, d’une certaine vérité alors que je croisais les bras. Ma réputation de sauveur de mage noir serait effectivement des plus vraies si je refusais la proposition du Directeur et certainement les contrats pleuvraient-ils de ce côté. Pour autant… Si cette réputation, aussi vraie que vérifiée, ne me dérangeait pas le moins du monde… Le Directeur avait effectivement tiré juste et pour ne plus être dans l’ombre de mon père, j’allais devoir redoubler d’efforts… Sur tous les tableaux.

- Le double suffira. Répondis-je finalement. Je n’oserais pas vider les caisses de l’Etat pour un « simple » mangemort. Mais il va me falloir l’accès à toutes les pièces du dossier sans aucune exception ainsi qu’au département des mystères pour les pièces à conviction. Je reprendrais chacun des témoignages, chaque preuve et chaque oubli que l’ancien Ministère a pu avoir fait et croyez-moi, il y en a bien trop dans ce dossier pour qu’un avocat digne de ce nom n’en joue pas. Il serait très simple de le faire sortir de prison, il le sera certainement moins de l’y faire rester. Du moins s’il se trouve un avocat assez intelligent pour ce faire.

En doutais-je ? Mmh. Je connaissais mes confrères et certains étaient de véritables requins mais… J’avais toute confiance en ma capacité à être bien plus féroces qu’eux. Tendant la main vers le Directeur pour la lui serrer, signe de notre accord, je soufflai alors doucement.

- Maintenant dîtes-moi. Quand doit avoir lieu le jugement et connaissez-vous déjà le Juge qui en sera le responsable ?

Cela aussi aurait son importance. Chaque juge avait sa faiblesse et c’était à l’avocat d’en jouer pour gagner sa faveur.

- Vous agissez donc pour le bienêtre de ces anciennes têtes blondes devenues adultes ? M’enquis-je dans un sourire. Bien. J’en prend bonne note quoique j’admets qu’agir dans l’unique intérêt commun me semble toujours bien peu réaliste.

Que cela soit par vengeance personnelle, par haine individuelle ou pour le bienêtre collectif, à vrai dire, cela ne me regardait pas et ne m’intéressait en rien. Seul le but, l’objectif final pouvait m’intéresser : allais-je ou non accepter cette affaire ? Et si oui, quel prix serait le mien.
A vrai dire, je dus admettre que le Directeur de la Justice avait, malgré tout, trouvé un biais intéressant pour me faire pencher de son côté. Je n’étais ni jaloux de la popularité de mon père ni même désireux de réellement le dépasser. Au contraire, j’admirais l’homme qu’était mon père et ce n’était pas par compétition mais bien par indépendance que je désirais être le meilleur avocat qu’il puisse être. Je n’étais pas seulement le fils de, j’étais Maître Carrow, et je pouvais et devais le prouver.

Ainsi acceptai-je. Tout simplement. Je serais payé le double de ce que m’aurait payé Croupton. L’argent n’était pas réellement le nerf de la guerre, mais je n’allais certainement pas refuser une offre de la sorte.

- Rassurez-vous. Je sais exactement quel biais utiliser pour arriver à mes fins. Je vous remercie néanmoins de la confiance accordée en mes capacités. Soyez convaincu que je ne décevrais certainement pas le Ministère.

Plus qu’une promesse, c’était un fait. Je ne perdais jamais mes procès et je n’allais pas commencer aujourd’hui. Croupton pourrirait en prison temps que je serais avocat pour le Ministère de la Magie. Lorsque ce ne serait plus le cas, soit à la fin de cette demande de nouveau jugement, cela serait leur problème. Pas le mien.

Attrapant la convocation tendue par le Directeur Avery,

- Deux semaines et le Juge Parkinson, possiblement. Soit. Répétai-je.

Cela ne laissait que peu de temps pour tout éplucher mais ce serait suffisant. Je ne comptais, de toutes les manières, pas mes heures et cela me servirait d’excuses pour éviter un repas de famille en compagnie de ma grand-mère qui ne ferait que me rappeler que mon emploi n’était certainement pas le but de ma vie.

- Le Juge Parkinson et moi-même sommes de vieilles connaissances. Soufflai-je en me relevant. Je ne compte plus le nombre de jugement prononcés en la faveur de mes clients. Cela devrait donc nous faciliter la tâche malgré les quelques gallions qui ont pu s'ajouter sous le dossier.

Je connaissais la façon de faire de ce juge, je connaissais ses biais autant que ses aspirations, il ne me serait, au moins, pas difficile d’en jouer. C’était toujours cela de gagné. Prenant l’enveloppe glissée jusqu’à moi, j’hochai ainsi la tête dans un sourire entendu, poli et parfaitement professionnel.

- Bien. Je n’hésiterais pas.

Me levant, je saluai le Directeur.

- Je vais donc de ce pas travailler sur votre dossier, Monsieur Avery. En vous souhaitant une bonne journée.

Je n’avais rien d’autre à lui demander. Rien d’autre à voir avec cet homme qui n’avait fait que me fournir une affaire pouvant m’être potentiellement utile pour mon avancement, je n’avais désormais plus qu’à faire le nécessaire pour la gagner.