Papa, je dois te parler...
Zoé Moreau & Jean-Michel Moreau
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Si c'est une première pour Zoé d'agir de la sorte, c'en est une aussi pour Jean-Michel. Car Jean-Michel n'a jamais éprouvé le besoin de la réprimander. Il pensait que cela durerait. Parce que Zoé est comme lui, responsable, sérieuse, sans vague... Zoé passe son temps à lire, c'est une érudite, pas une bagarreuse encore moins une chercheuse d'embrouilles. Elle n'a pas l'âme d'une voyageuse intrépide que rien effraie, elle a l'âme d'une savante et d'un brillant avenir plein de savoir. Alors oui, le père s'emporte, comme il le fait avec ses enfants quand ils sont dans leur tords, particulièrement Lyam, il s'en rend compte. Mais, et même s'il s'agit de son ainée la plus respectueuse, il ne peut laisser passer un tel comportement. Elle en sera choquée, peut-être pas sur le coup, mais plus tard dans sa chambre, il le sait, lui-même en sera attristé malgré la nécessité de la situation. Mais il est dans son droit, cela il le comprend très bien. Il agit en père et Zoé en enfant qui ne veut rien entendre, elle doit se remettre à sa place, ne pas inverser les rôles, certainement pas ça. Il ne regrette pas un instant sa voix qui porte et le vouvoiement glacial, il le fait à ses frères et sœur aussi bien, pas d'exception. A présent, elle sait qu'il se comporte équitablement envers tous. Ou qu'il essaye tout du moins.
Il se radoucit cela étant dit, un peu, considérant l'état de santé de sa fille, épuisée par un ensemble de causes à effets dont elle aura été l'épicentre. Il ne peut la forcer sans risquer de la briser. Alors il se décide à sortir feuille de parchemin neuve, enveloppe et reprend sa plume après l'avoir trempé dans son encrier. Il dit, il confie, elle doit se reposer, lui entreprendra de savoir par une autre source. Il le doit, c'est dans son devoir de père de savoir. D'une façon ou d'une autre et tant pis si cela ne lui plait pas. Mais à peine les premières lettres de banalité et salutation posées qu'il entend des sanglots, qu'il relève son visage émacié par le sérieux et suspend son geste.
Zoé pleure.
Zoé pleure devant lui.
Zoé révèle ses sentiments.
Zoé lui révèle ses sentiments.
C'est une première qui le désarçonne.
Les barrages de sa retenue ont cédé,
Vois ton enfant dans son entièreté.
Et tandis que Zoé émet un pourquoi étranglé, tandis qu'il lui semble qu'elle peine à présent à respirer, Jean-Michel se lève, contourne son bureau, et vient enlacer sa fille. Une première, encore une fois, pour ces deux-là, car Jean-Michel peine à montrer son amour pour ses enfants, mais quand l'inquiétude l'emporte, il ne réfléchit plus, son corps agit de lui-même. Comme quand Natan a pleuré après sa tentative d'enlèvement et comme il le fait maintenant. Et il lui répond, frottant son dos, déposant un baiser dans ses cheveux, puis s'écartant doucement pour croiser son regard mouillé de larmes et rougit par la tristesse comme par la détresse.
« Parce que je suis ton père, Zoé. Et qu'il est de mon devoir de savoir ce qu'il s'est passé pour te protéger. C'est une nécessité absolue qu'est la protection et le bien être de mes enfants. Et tant pis si pour cela et par mes décisions et mes actes, il me faut durcir le ton et passer pour un tyran. Il lui embrasse le front, reprend après un soupir. Tu comprends ? Si pas, un jour elle le comprendrait. »