Depuis ma discussion avec Amalia, bien des choses avaient changé… Ou presque. Du moins… Certaines choses avaient changé, dirons-nous. Déjà, je n’étais plus seule les jeudis. La venue d’Erskin chez moi me permettait de « voir du monde » et surtout de ne pas me retrouver entièrement seule dans cette maison vide. Paradoxalement à son comportement, il me faisait l’effet d’un rayon de soleil. Sans compter les… Bref.
D’autres choses, a contrario, n’avaient pas changé. J’étais toujours sous potions prescrites par le Docteur Taylor. Et c’était d’ailleurs à cause de cela que je devais me rendre chaque semaine à l’infirmerie, pour y recevoir ma « dose », avec cette impression d’être une droguée en besoin de cocaïne ou de je ne savais quelle autre substance. Enfin… Au vu de ma facilité à prendre trop de potions pour rester éveillée, je n’avais pas réellement eu d’autres choix que de me plier aux désirs de l’infirmière et du médecin, à savoir de réduire la dose que l’on me fournissait. Soit. Cela serait donc ainsi.

Je profitai donc de ma fin de journée alors que bien des collègues étaient déjà rentrés chez eux pour me rendre à l’infirmerie. Peut-être aurais-je du vérifier, d’ailleurs, la présence d’Amalia avant toute chose. Je ne l’avais pas fait. Tant pis pour moi. Car il s’avéra que ce n’était pas mon amie et collègue qui se trouvait en lieu et place mais l’une de ses propres collègues, Miss Alister.

- Bonsoir. Soufflai-je alors malgré tout légèrement hésitante.

Je n’aimais pas avoir à me justifier de tout traitement et j’aimais encore moins que l’on puisse être au courant de ce dernier tant il me semblait honteux que de devoir compter sur des potions pour continuer de vivre normalement.

- Je… Amalia n’est pas ici ? Demandai-je alors avant qu’une réponse négative ne me soit fournie.

Soit. Deux solutions. Rester et demander ou partir et revenir… Mais revenir signifiait ne rien avoir pour le week end alors… Bien…

- Hum. Il… J’aurais besoin de la délivrance de quelques potions. Expliquai-je. Amalia les a peut-être laissés dans votre bureau ou… Enfin…

Enfin je n’avais pas vraiment envie de m’étendre à ce sujet, entourée de quelques étudiants qui n’avaient certainement pas à entendre le pourquoi de ma venue.

Amalia n’était donc pas là. Evidemment. Ça aurait été trop beau. Pourquoi fallait-il que j’aie oublié de prendre mes potions la veille lorsque je l’avais vu ?... Soupirant profondément, je tentai malgré un tout un coup de poker. Avec un peu de chance, cette dernière aurait laissé les potions dans le bureau des infirmières…

Manquai-je autant de chance que cela en ce jour ? Possiblement car si Nathanaëlle alla vérifier la présence de potions, elle revint bredouille. Grimaçant malgré tout, je fronçai les sourcils alors que mon regard déviait sur le jeune élève que l’infirmière avait terminé de soigner.

- C’est que…

C’est que je ne voulais pas parler de ce genre de chose devant la moindre personne. Refusant de faire état de ma dépression et de ma « dépendance » aux potions pour dormir et me maintenir éveillée en journée devant les élèves, je ne pouvais décemment pas lui expliquer ce qu’étaient mes potions. A moins que ?...

- Je ne doute pas que vous êtes là pour m’aider comme l’est Amalia mais…

Non. Définitivement. Je ne pouvais pas discuter de cela devant l’étudiant qui nous fixait. Ainsi, fronçant les sourcils, je lui esquissai un sourire tandis qu’il me répondait par une salutation orale avant de proposer à l’infirmière de nous enfermer dans le bureau pour plus de discrétion.

- Excusez-moi. Soufflai-je alors lorsque la porte fut refermée. Je… Je préfère ne pas parler de ce genre de choses devant n’importe qui. Que vous me les fassiez ne me pose pas de problème mais… Je n’ai pas la prescription du Docteur Taylor sur moi. Peut être Amalia l’a-t-elle laissé quelque part, elle en a une copie conforme. Je n’ai juste plus aucune potion et… Enfin… Je peux repasser s’il y a besoin aussi. Votre collègue a l’habitude, je ne voudrais certainement pas vous déranger auprès des élèves…

La peur de déranger était-elle plus forte que la honte ? Pas vraiment… je savais néanmoins que j’avais besoin de ces potions pour cette fin de semaine et, craignant qu’Amalia ne revienne pas, j’allais visiblement avoir besoin de l’aide de Miss Alister…

Quelle bonne idée l’infirmière avait-elle là, je devais l’admettre, ainsi hochai-je simplement la tête. Oui. Je préférais que nous puissions aller dans le bureau des infirmières afin de nous octroyer un peu plus de discrétion face aux élèves alors présents au sein de l’infirmerie. Soupirant, je pris donc le pas d’aller vers ledit bureau.

- Je m’excuse de vous déranger. Soufflai-je à mi-voix. J’espère ne pas vous empêcher de travailler malgré tout.

Le fait était que je n’admettais certainement pas être malade ou avoir besoin de telles potions pour vivre. De ce fait, il me semblait faire preuve d’égoïsme en empêchant les infirmières de travailler pour la « simple » raison d’une recherche de potions. Prescription ou non du médecin, je ne me sentais pas légitime à les arrêter dans des tâches qui, très sûrement, d’après moi, étaient plus importantes que le traitement de mon cas.

- Alors… Commençai-je dès lors que la porte fut fermée derrière nous. Je ne sais pas trop ce qu’Amalia a pu vous dire mais j’ai besoin de deux potions. Une de jour et une de nuit pour… Enfin ce sont des potions qui… Disons qui m’aident.

Qui me faisaient vivre, tout simplement. Mais à nouveau, je ne l’acceptai pas.

- Est-ce qu’elle aurait laissé la prescription ? Je n’ai plus les doses en tête… Soupirai-je.

Faux. Je les avais. Je les connaissais pour me fustiger à chaque fois que je voyais ses potions, me demandant souvent pourquoi l’on ne m’avait pas augmenté les doses ce qui m’aurait certainement permis de mieux aller plus rapidement.

C’était son rôle, certes… Mais tout de même. Je ne voulais pas déranger pour si peu. Ce n’était que quelques potions. Je pouvais m’en passer si je le désirais, non ? Non. Et je le savais. Je ne l’admettais pas. Mais je le savais. Ainsi étais-je venue sans attendre qu’Amalia ne soit là. Il était pourtant particulièrement difficile de me retrouver ici, face à quelqu’un qui ne pouvait pas me donner mes remèdes de manière immédiate et sans question, face à des élèves alors que je ne désirais pas que la moindre personne sache ce qu’il se passait dans ma vie personnelle.

Ainsi avais-je préféré que nous nous rendions dans un endroit clos, un endroit sans oreille indiscrète surtout, pour parler plus librement. Mais plus librement ne signifiait pour autant pas que je me sentais à l’aise pour cela… Grimaçant au mot dépression, je secouai négativement la tête.

- Non. Il ne s’agit pas de dépression. Rectifiai-je. Seulement de… D’une fatigue passagère.

C’était faux. Le diagnostic du médecin avait été clair et si je le refusais éhontément, il n’en restait pas moins factuel : je souffrais d’une dépression. Mais l’entendre dire… Non. Il me fallait, il m’était nécessaire de le corriger, ne serait-ce que pour le bien être de mon déni personnel. Mais l’infirmière Alister chercha. Elle ne connaissait pas la composition, moi oui, et je refusais de la donner. Alors… Je la laissai chercher. Avec un peu de chance, par ailleurs, l’ont aurait augmenté mes doses, qui pouvait le savoir ? D’autant que je connaissais une chose dans le domaine médicale : la parole du patient n’était rien, seuls les écrits faisaient foi. J’avais eu connaissance de cette règle lors du décès de mon mari et le manque de confiance que je pouvais avoir en la médecine magique n’avait en rien évolué depuis.

- Heu… Dis-je alors un peu surprise des actes de l’infirmière. Vous… Vous n’allez pas laisser mes informations à terre tout de même ? M’étonnai-je, inquiète en voyant les documents tomber à terre sans que Nathanaelle ne fasse un geste.

Ma principale peur ? Puérile, sûrement, mais c’était bien que quelqu’un tombe sur ces informations que je ne voulais divulguer à personne, expliquant d’autant plus mon « attachement » à Amalia. Et au vu de comment agissait sa collègue face à mon dossier, j’admettais aisément que la maigre confiance que je pouvais lui offrir était en train de s’étioler, doucement mais sûrement, je finissais même de douter de ses capacités professionnelles… Pourquoi diable Amalia n’était-elle pas là ?

Non était la réponse attendue. Evidemment que j’espérais qu’elle ne laisse pas tout cela par terre. Outre le manque de professionnalisme qui m’aurait poussé inévitablement à prévenir Amalia, je ne l’aurais pas accepté : mes documents étaient confidentiels et absolument confidentiels. Les laisser à terre aurait été… Non. Je ne voulais pas y penser. Je refusais d’imaginer que quelqu’un d’autre que les infirmières de Poudlard puissent être au courant.
La laissant les ramasser, je soufflai alors. Hé bien voilà où étaient ces maudits papiers. Parfait, il n’y avait plus qu’à la laisser me préparer les potions.

- Je vous en prie, faites. Soufflai-je en croisant les bras, m’installant sur la chaise en attendant qu’elle fasse ce qu’elle devait. Ca prendra combien de temps ? Je ne peux pas rester encore très longtemps sur place. Mes enfants risquent de m’attendre.