Anne n'avait peut-être pas l'air d'être très concentrée où très observatrice, mais s'il y avait bien quelques personnes qu'elle connaissait par cœur, c'était le carré d'as. Elle avait bien vu que, depuis le début de l'année, Zoé semblait différente. Il ne s'agissait pas de ses amis et Anne ne se sentait pas lésée mais elle avait l'impression que Zoé avait quelque chose sur le cœur et cela ne lui plaisait pas, d'autant que la Serdaigle n'avait pas jugé bon de leur en parler. Dans un sens elle comprenait. Rose et Albus n'avaient pas forcément les épaules pour partager tout ce qu'il pouvait y avoir de difficile dans leurs vies. Mais Zoé savait qu'elle était là pour elle et qu'elle le serait toujours. Anne aurait bien voulu qu'elle se confie à elle.

Elle avait donc l'intention de profiter de la sortie scolaire pour la prendre entre quatre yeux et la pousser à s'expliquer, à cet endroit où elle ne risquait pas de se faire surprendre ou écouter par mégarde. Elle avait laissé Camille et Rose dans la chambre qu'elles allaient partager toutes les quatre et avait entraîné sa meilleure amie dans un coin du château où elle était certaine que ni les professeurs ni leurs camarades ne se rendraient. L'avantage d'être la cousine de la petite Camille, c'était qu'elle avait accès à des parties du château que les autres ne pouvaient pas atteindre.

« C'est cool hein ? Ce château. Je suis toujours impressionnée quand je viens ici. Je suis pas venue aussi souvent que Camille mais elle m'y a invitée deux ou trois fois. »

Oui, elle avait commencé par lui montrer la beauté des lieux et par en parler avec elle d'une manière plutôt tranquille. Elle ne voulait pas là brusquer en l'attaquant de plein fouet. Elle l’entraîna dans la salle de jeu avec des canapés confortables qui avaient été installés pour Camille et les autres enfants de la famille du château, ainsi que leurs invités. Là, elle posa un regard sur Zoé et se décida à évoquer ce pourquoi elle avait tenu à rester seule avec elle. Elle la fixa d'un air sérieux et il était clair que non seulement Anne ne plaisantait pas mais qu'elle n'était pas en train de s'amuser comme elle le faisait parfois avec l'adolescente qui était sa meilleure amie.

« Bon, maintenant qu’on est tranquilles, tu vas lâcher le morceau ? Il t'arrive quoi ces derniers temps. Et me dis pas rien, ça se voit trop que t'es bizarre. »

Elles se sont installées dans leur chambre et avec Anne, elles sont parties promener pour visiter le château. Son amie connait l’endroit et cela leur permet d’accéder à des endroits où les autres ne peuvent pas. Elle est contente d’être seule avec son amie mais a des regrets. Elle ne lui a pas dit ce qui s’est passé cet été avec son frère. Elle ne veut pas en parler avec Rose et Albus car elle n’est pas convaincue qu’ils puissent porter cela sur leurs épaules. Mais elle n’a pas eu l’occasion de se retrouver seule avec Anne pour tout lui raconter. Et même si des occasions s’étaient présentées, elle aurait eu beaucoup de mal à lui dire. Cette histoire est difficile pour elle à raconter mais elle a eu l’occasion depuis le mois de septembre de travailler dessus. Mara l’aide énormément à progresser et s’améliorer. Et elle a eu une grande discussion avec le professeur Wheeler à ce sujet également. Elle commence à doucement dépasser le sentiment de culpabilité qui l’anime même s’il faudra encore du temps pour qu’il disparaisse totalement. Elle accepte qu’elle a fait de son mieux dans une situation compliquée. Et son entraînement avec Mara lui permet de s’améliorer, de gagner en force et en capacité de combat. Elles sont donc en train de marcher dans le château et Anne les emmène dans ce qui ressemble à une salle. Elle est d’accord avec Anne ce château est cool.

-Oui c’est vraiment magnifique comme endroit. J’ai vraiment envie de visiter toutes les pièces de cet endroit sublime. C’est un endroit magique.

Elle est contente que son amie ait l’occasion de venir d’autres fois. Elle sait bien qu’Anne est très proche de Camille. Zoé l’aime bien aussi mais elles ne sont pas aussi proches. Elle ne se sent pas jalouse. Anne a le droit d’avoir d’autres amis. Le regard d’Anne devient beaucoup plus sérieux subitement. Elle a quelque chose à lui dire et d’ailleurs, elle ne tarde pas à lui dire ce qu’elle a sur le cœur. Elle veut savoir ce qui se passe pour Zoé. Il est vrai qu’Anne est observatrice même si cela ne se voit pas toujours. Elle ne peut pas lui cacher plus longtemps. Elle est surprise d’arriver à y penser sans s’effondrer en larme. Une grande première. Lorsqu’elle en a parlé à Mara et au professeur Wheeler, elle était en larme et il était insupportable d’en parler.  La elle se sent capable d’aborder le sujet et d’expliquer à son amie. Son regard est sérieux également

-J’aurais dû t’en parler Anne mais je n’arrivais pas à le faire. Je sais que je peux te faire confiance et je te demande que cela strictement entre nous Anne. Cet été nous avons obtenu la permission avec Natan de nous promener que tous les deux sur le chemin de traverse. Tu connais ma mère qui est hyperprotectice avec nous. Notre mère m’a fait confiance cédant à l’argument que j’ai quinze ans et que je suis responsable. Sauf que voilà, un homme a tenté de l’enlever. J’ai lancé un sortilège de stupéfixion qui a été à moitié réussi ne paralysant que ses jambes. Je n’ai jamais loupé un sortilège ainsi et sous la pression j’ai été un peu paralysé. Natan a réussi à se dégager et s’est enfui. Je l’ai retrouvé et c’est là ou je suis devenue totalement ridicule dans l’histoire. Je nous ai perdu. Oui Anne, j’ai réussi à nous perdre. Nous nous sommes retrouvés dans des rues sombres à tourner en rond. Natan était totalement paniqué et il n’était pas en état de m’aider. Je ne me suis jamais sentit aussi impuissante. Je ne savais plus quoi faire et finalement j’ai fini par retrouver la rue principale. Mais cela a duré longtemps et depuis Natan est traumatisé. Le reste de l’été, il a fait des cauchemars et je ne savais plus comment le rassurer. Je ne pouvais pas dire comment je me sens, ni en parler. J’ai tout enfoui en moi pour inquiéter personne. Je n’avais jamais rien vécu d’aussi terrifiant. Et j’avais honte pour en parler. Je pensais que je n'étais pas à la hauteur et j'ai mis du temps à comprendre et accepter que j'ai fais de mon mieux sous l'effet du stress.

Les émotions ne sont pas loin tout de même. Elle ne pleure pas mais elle sent qu’elle n’a pas encore parcouru tout le chemin nécessaire pour en parler sereinement. Elle comprendrait si Anne lui en veut de lui avoir cacher cela. Mais cette fois, elle lui a raconté ce qui s’est passé et ce qui la travaille autant. Elle lui dit avec beaucoup de sincérité :

-Je comprends si tu m’en veux Anne.

Anne avait toujours aimé le château des Hastings. Quand elle s'y trouvait, elle avait l'impression d'être une princesse d'un soir, une Cendrillon des temps modernes qui n'était pas obligée de faire des mamours à un prince charmant pour pouvoir visiter le château. En effet, sa tante avait toujours été très proche de la famille de son oncle et quand elle n'avait plus été là pour l'emmener avec elle, c'était Camille qui avait demandé à ce qu'elle soit invitée en même temps qu'elle. Elle avait malheureusement moins vu Camille depuis que sa nouvelle maman avait décidé que leur famille n'était pas assez présentable, même si Anne savait que la vraie raison, c'était qu'elle aurait voulu faire disparaître sa tante de la vie de Camille.

Mais ce n'était pas de sa cousine qu’elle comptait s'occuper aujourd'hui. Elle avait décidé de réserver ses premiers moments dans le château à une personne qui comptait beaucoup pour elle. Le carré d'as était un groupe dans lequel tout le monde était important, mais Zoé était différente de Rose et Albus. Elle comprenait mieux les notions de danger et la nécessité de devoir se protéger parce que c'était parfois nécessaire. L'adolescente lui parlait avec plus de franchise qu'elle ne le faisait pour les deux autres et elle ménageait moins ces mots avec elle. Tout n'était pas parfait, mais elle avait le sentiment que Zoé entendait davantage que les autres la voix de la raison quand Anne l'exprimait.

« Je suis contente que la visite te plaise. J'avais vraiment envie de partager un moment juste avec toi. »

La preuve que Zoé était elle-même consciente de la différence d'attitude de Anne et des deux autres, c'est qu'elle lui demanda que ses confidences restent strictement entre elles sans en parler aux autres membres du groupe. Ce n'était pas pour rien si elle n'avait pas emmené les deux autres en partant en balade avec sa meilleure amie. C’était justement le genre de moment de confidences qu'elle voulait lui offrir. Elle n'hésita donc pas une seule seconde. Elle hocha la tête pour rassurer immédiatement sa meilleure amie sur le fait de sa discrétion.

« Compte sur moi. »

S'il y avait bien une émotion dont le cœur de Anne se gorgea aussitôt alors qu'elle entendait les confidences de son amie, ce ne fut pas la colère ou la déception, mais bien la compassion. Elle se mettait à la place de Zoé et si elle avait été responsable de Camille et confronté à une telle situation, elle s'en voudrait aussi d'être la source des cauchemars de la petite fille. Bien entendu, elle n'estimait pas que Zoé soit en faute, mais elle connaissait la façon de penser de la jeune fille et elle était certaine qu'elle ne voyait pas les choses de la même façon.

« Je ne t'en veux pas du tout, voyons. Je m'inquiétais juste pour toi. Ça peut se comprendre, n'est-ce pas ? » lui dit-elle avant de marquer une pause. « Vu comme je vois les choses, je comprends très bien que tu te sentes coupable, mais il n'y a pas de raison. On ne peut pas savoir comment les autres auraient réagi dans ces circonstances. Tu n'as peut-être pas réussi à pétrifier complètement l'agresseur, mais tu as quand même réussi à ce que Natan ne soit pas enlevé et c'est déjà beaucoup, tu sais. Je sais bien que tu te sens coupable pour ses cauchemars, et je comprends. Je réagirai pareil s'il m'était arrivé la même chose avec Camille. Mais tu as fait tout ce que tu as pu. Il faut te convaincre que tu n'as pas de reproche à te faire. Je sais que ce ne sera pas facile, mais c'est important. »

Zoé fait face à Anne et lui raconte tout ce qui s’est passé cet été. Sa meilleure amie n’était pas au courant mais maintenant elle l’est. Elle n’avait pas eu l’occasion de lui dire et en parler était très compliqué pour Zoé. Mais elle a réussi à lui dire sans s’effondrer, à lui partager ce qu’elle a pu ressentir à ce moment-là. Elle commence doucement à surmonter cet événement. La discussion avec sa directrice de maison l’a aidé ainsi que les entraînements avec Mara. Elle n’est plus aussi faible. En tout cas, elle est capable de se défendre désormais et de pouvoir défendre ses proches si ceux-ci se font agresser. Elle espère juste que sa meilleure amie comprendra et ne lui en tiendra pas rigueur. Elle ne lui a dit malgré la confiance qu’elle a en Anne. Elle est rassurée que sa meilleure amie accepte de garder cela pour elle. Albus et Rose n’ont pas besoin de savoir. Ils doivent être protégés de ce genre de nouvelles. Elle lui explique aussi qu’elle ne lui en veut pas mais qu’elle s’inquiétait. Elle sourit car Anne est la seule à avoir remarquer des différences. « Tu es la seule à avoir compris que je cachais quelque chose. Merci de t’inquiéter pour moi ». Anne comprend ce qu’elle a pu ressentir et compare avec Camille. Elle tente de rassurer Zoé en lui disant qu’elle a fait de son mieux. Zoé lui adresse un sourire « Je commence à comprendre que j’ai fait de mon mieux et que le principal est que Natan ait réussi à s’enfuir. Mais je déteste ce sentiment d’impuissance lorsqu’il fait des cauchemars et que je ne peux rien faire pour lui. J’aimerais tellement pouvoir être certaine de pouvoir le protéger si une telle situation devait se reproduire ». Zoé ne compte pas lui parler des entraînements avec Mara. Personne n’est au courant et cela doit rester ainsi.