Octobre… Voilà que la première période de l’année jusqu’aux vacances est bientôt terminée. Un peu de vacances ne fera pas de mal. Vacances… C’est un bien grand mot pour ma part. En tout cas, depuis la rentrée, ça s’est globalement bien passé. Par contre, je m’inquiète un peu. Octobre, Halloween, quoi de mieux que le 31 octobre pour faire des farces et… Jeter des sorts ? Nous verrons bien ce que les élèves qui restent sur place auront imaginé cette fois. Parce que je me doute qu’il va se passer quelque chose. Je suis passée par là lorsque j’étudiais à Poudlard. La bonne vieille époque.

Le dernier cours de la journée venait de se terminer. Un peu de rangement s’imposait mais j’allais bientôt pouvoir rejoindre ma chambre. Pour une fois, j’ai envie de me reposer un peu. Il le faut bien de temps en temps. Je range correctement les costumes sur leur portant avant de plier les quelques tissus que nous avons utilisés. Je fais une pile que je soulève sans trop de difficulté puis je me dirige vers l'armoire dans laquelle je dois les ranger. J’ouvre la porte et…

Je sursaute, lâchant ma pile de tissu qui tombe en pagaille au sol. Je pousse un hurlement strident. Je me vois… Enterrée vivante… Enfin... Une autre moi ou... Je ne sais plus trop, je suis un peu perdue. J'ai l'impression que c'est moi mais c'est une autre moi... Bref... Un épouvantard… Cela faisait très longtemps que je n’y avais pas été confronté… Je vois mon autre moi entourée de sable, celui-ci qui la recouvre peu à peu, et pourtant c'est moi qui ai la sensation d’étouffer. Ma respiration devient saccadée. Je suffoque, je panique. J’essaye de me concentrer au maximum pour garder l'esprit le plus clair possible mais j’avoue avoir du mal à ne pas succomber à la panique. Mince… Je savais neutraliser des épouvantards avant mais aujourd’hui, ce que j’ai appris semble avoir disparu. J’essaye d'attraper ma baguette dans mon pantalon mais... Mince, je l'ai posé, je ne l'ai pas à portée de main... J'essaye de lutter de toutes mes forces mais sans y parvenir. Toutes ces années chez les moldus m'ont rouillé… Et je le paye aujourd'hui…

La nouvelle année scolaire avait commencé fort et s’en étaient suivis des jours plutôt paisibles. Les visites à l’infirmerie se passaient bien. Je n’en avais pas beaucoup, c’était plutôt bon signe. J’utilisais mon temps libre pour étudier divers sujets, notamment les loups-garous ou les sortilèges et potions combinables avec la médecine moldue. Quand je trouvais un moment calme, je me servais d’un mannequin pour m’entraîner à faire des points de suture. Je me débrouillais plutôt bien. Mais j’espérais ne jamais avoir à le faire. L’anesthésie existait aussi dans le monde des sorciers, par le biais de potions ou onguents. Toutefois, il fallait s’en servir avec parcimonie car elle présentait des effets secondaires quand elle était générale : nausées, vomissements, troubles de la concentration… Cela ne devait pas être pris à la légère.

Bref, je menais mes petites expériences et, parfois, j’allais simplement me balader lorsque les horaires officiels de l’infirmerie étaient terminés. Officiels car les maux et blessures pouvaient arriver à toute heure. Mais, pour le moment, je n’avais quasiment pas de travail supplémentaire. Il valait mieux. Cela prouvait que les élèves se tenaient à carreau…

En ce mardi soir particulièrement doux pour un mois d’octobre, j’étais en train de descendre les escaliers du grand hall pour me rendre au dîner quand un cri me parvint, au loin. Je m’arrêtai, regardai autour de moi. Cela n’avait pas l’air de venir de la Grande Salle car la rumeur des conversations battait toujours son plein. Je me dirigeai vers la porte qui menait à l’extérieur, jetai un coup d’œil dehors. Rien. C’est en rentrant à nouveau que j’entendis un deuxième cri, en direction des salles de classe du rez-de-chaussée.

Je me précipitai, me retrouvai devant la porte du cours d’arts scéniques. Je l’ouvris avec tellement d’énergie qu’elle claqua contre le mur. Je vis alors quelque chose de très étrange. Ruby se tenait devant moi, complètement tétanisée. Face à elle… une autre Ruby.

- Was ist… commençai-je, interloqué.

Une pile de tissus colorés étaient étalés au sol entre les deux femmes. La première Ruby était allongée au pied d’une armoire dont l’une des portes demeurait entrouverte, et une montagne de sable l’engloutissait peu à peu. Elle disparaîtrait bientôt totalement… Je devais agir, et vite ! Mais pourquoi voyais-je double ? Qui était la vraie Ruby ? Pas le temps de réfléchir ! Je dégainai ma baguette de ma ceinture et les rejoignis.

- Ruby, ne…

Mais je me tus en voyant soudain la Ruby allongée me regarder d’un œil malveillant. L’instant d’après, elle se leva comme si le sable ne la retenait plus et avança dans ma direction comme si elle avait envie de m’étriper. Je levai ma baguette. Mais là, tout changea. Le sable disparut, l’étrange Ruby aussi. A la place, une vive lumière m’aveugla. Quand je pus ouvrir les yeux, je vis avec horreur qu’une porte se trouvait devant moi. La lumière venait des flammes monstrueuses qui entouraient l’encadrement. Je reculai d’un pas en faisant face au souvenir qui allait me hanter toute ma vie : celui de la porte de la chambre derrière laquelle Elizabeth était prise au piège, avant de mourir sans que ni moi ni personne n’ait pu rien y faire…

Un épouvantard. C’était un foutu épouvantard et je n’y avais pas été préparé. C’était la première fois que j’en affrontais un. Je ne savais absolument pas ce qu’il me montrerait et, effectivement, ce que je voyais aujourd’hui était la pire chose qui était arrivée dans ma vie. Je savais comment le vaincre mais là, j’étais figé par la peur et l’angoisse. Je devais bouger ma main…

- Ri…

Avec l’impression que je soulevais un poids de cent kilos à bout de bras, je levai ma baguette et la pointai sur la porte.

- Rid… Ridi… baffouillai-je.

Je clignai des yeux devant les flammes qui grandissaient.

- Riddikulus !

Rien. Au moment où je rouvris la bouche, de grands cris firent bondir mon cœur d’effroi. Ceux d’Elizabeth… Ses hurlements, longs et déchirants, mêlés de terreur et de pleurs, me glacèrent sur place.

- Constantine ! A l’aide ! Constantine !

Un énorme frisson me parcourut tout entier et je sentis mes jambes céder. Je me retrouvai au sol, le regard rivé sur cette porte, incapable d’agir, tiraillé par les cris d’Elizabeth.

- Constantine ! CONSTANTINE !

Les flammes s’étendirent. Une poutre enflammée se matérialisa au-dessus de ma tête. Par réflexe, comme ce jour-là, je fermai les yeux et levai l’avant-bras devant mon visage, espérant me protéger de cette intense chaleur sur ma peau, et de la poutre qui s’effondrerait bientôt. C’était comme si j’y étais. C’était tellement réel… Les cris et les pleurs d’Elizabeth résonnaient, je ne savais plus s’ils étaient bien distincts ou simplement dans ma tête…

Ruby, il faut que tu arrives à vaincre ta peur, toi seule peut te sauver, essayais-je de me convaincre. Non, ceci n’est pas un compte de fée, non, le prince charmant ne viendra pas te sauver. Non… ?

La porte claque, finalement le prince charmant est arrivé. Je reconnais la personne à sa voix: Constantine. Je n’arrive cependant pas à détourner mon regard de ce spectacle. Je suis comme paralysée… Mais la suite se passe très vite. Tout change. Je ne me vois plus être enterrée vivante, je peux reprendre mon souffle et mes esprits mais à la place, c’est une porte entourée de flamme qui nous fait face. J’ouvre de grands yeux en découvrant l'épouvantard de Constantine. Est-ce qu’il a été dans un incendie ? Un traumatisme de jeunesse ? Récent ? Il sort sa baguette et je me dis qu’il va nous débarrasser de cet épouvantard mais…

Non ? Il prononce la formule mais rien ne se passe. S’en suivent les cris d’une femme. Sa femme ? Est-ce qu’elle est…. ? Mes yeux se tournent vers Constantine, une poutre enflammée apparaît au-dessus de sa tête. La situation empire. Ni une ni deux, je bondis sur ma baguette que je récupère sur une table à côté puis je cours pour me mettre debout, bras écartés entre Constantine et l’épouvantard. C’est à moi de le sauver cette fois ! L’épouvantard changea de forme pour redevenir… Moi, qui se fait ensevelir. Mais je ne me ferais pas avoir, j’ai ma baguette et sans une once d’hésitation, je la brandis devant cette vision.

Riddikulus !

A présent, ce sont des pétales de fleurs qui tombent, beaucoup moins effrayant ! J’agite une nouvelle fois ma baguette et les pétales s'évaporent. C’est fini. Je me retourne alors pour faire face à Constantine et m’accroupie devant lui, je viens le serrer dans mes bras comme une mère qui vient rassurer son enfant après un horrible cauchemar.

C’est fini, tout va bien. Merci d’être venu, sans toi… Eh bien je ne sais pas ce que je serais devenue !

Parce que même si c’est moi qui ai fait disparaître l'épouvantard, s’il n'était pas arrivé, je ne serais jamais sortie de cette situation !

Quand cet enfer allait-il prendre fin ? Je ne savais plus quoi faire. J’étais si pétrifié que j’en avais lâché ma baguette, et mes deux bras couvraient mon visage, comme s’ils pouvaient me protéger. Alors que cela ne servait strictement à rien… Je sentais la chaleur des flammes chauffer de plus en plus ma peau. Puis cette chaleur s’abaissa soudain, et je crus voir une ombre surgir entre la porte et moi. Là, j’entendis Ruby, beaucoup plus proche que je le pensais.

- Riddikulus ! s’exclama-t-elle d’une voix forte.

J’abaissai un bras et jetai un coup d’œil à l’épouvantard. Les flammes se rétractèrent et le peu qu’il en restait se transforma en milliers de petits pétales de fleurs, tout comme la porte. Un mouvement de baguette de la part de Ruby fit s’évaporer le tout, et le silence tomba. Essoufflé comme si je venais de courir un marathon, il me fut impossible de me relever. Je tremblais de tout mon corps, et je me sentais fiévreux. Ma collègue vint s’accroupir devant moi, entre mes jambes, et me serra doucement dans ses bras. Je tressaillis.

- C’est fini, tout va bien, assura-t-elle.

Les rôles auraient dû être inversés. A la base, je venais pour la sauver de cet épouvantard de malheur. Et, finalement, c’était moi qui me retrouvais en mauvaise posture…

- Merci d’être venu, ajouta Ruby. Sans toi… Eh bien, je ne sais pas ce que je serais devenue !

Je ne le savais pas non plus. Tout comme j’ignorais complètement ce qui me serait arrivé si j’avais été à sa place sans personne pour m’aider. Bon sang… C’était… inattendu. J’aurais préféré me casser la figure dans l’escalier plutôt que de faire face à ce genre de créature magique. Au moins, j’aurais pu me soigner. Là… j’avais la tête en feu et le cœur battant à tout rompre, et je n’arrivais pas à me calmer. Les maux du cœur et de l’esprit…

Je voulus parler mais aucun son ne sortit de ma gorge. J’inspirai par le nez et expirai par la bouche plusieurs fois. Épuisé, je laissai mon front reposer sur l’épaule de Ruby et fermai les yeux, les bras le long du corps, les mains tout aussi molles sur le sol de pierre froid. J’avais perdu toutes mes forces.

- E… excuse-moi, réussis-je à dire au bout d’un long moment, à voix basse.

Je me raclai la gorge, repris.

- Ce n’était pas… censé se passer de cette façon…

Je ne relevai pas la tête, ni n’ouvris les yeux. Je ne me sentais même pas la force d’agir pour si peu. La chaleur de Ruby me faisait du bien. Son parfum, surtout. Elle sentait bon. Si cela pouvait me permettre de me ressaisir, alors je voulais en profiter encore un peu.

C’est fini, l’épouvantard n’est plus, on va pouvoir se détendre. Du moins je l’espère. Constantine est toujours sous le choc et je le comprends. Enfin non… Mais oui, j’imagine disons. Je sais ce que ça fait de se retrouver devant un épouvantard. Je ne sais exactement quel trauma il a subi mais aujourd’hui, à mon échelle, je vais le soutenir comme je peux. Le voyant tout tremblant, je viens m’accroupir à ses côtés, je tente de le rassurer et surtout je le remercie parce que c’est lui qui m’a sauvé la mise au départ ! J’entends son cœur battre à tout rompre. Il n’est pas bien et je ne sais pas quoi faire à part le serrer contre moi pour lui offrir un peu de chaleur et une épaule sur laquelle il peut se poser. Son front vient d’ailleurs se poser dessus et je ne bouge pas, lui laissant le temps dont il a besoin pour se reprendre.Il y a un silence, silence que je respecte alors qu’il semble tout juste commencer à se détendre. Il s’excuse. Hein ? Mais pourquoi il s’excuse ? Il ajoute que ça ne devait pas se passer de cette façon…

Oh non… Il culpabilise parce qu’il n’a pas pu me sauver jusqu’au bout ? Mais non ! Il n’a pas à s’excuser pour ça ! Je resserre un peu l’étreinte, une de mes mains venant se poser à l’arrière de sa tête, dans ses cheveux pour la caresser avec douceur.

Chuuuut…

Dis-je à son oreille telle une mère le ferait à son enfant après que celui-ci ai fait un cauchemar. Je lui laisse encore un peu de temps dans un silence presque religieux puis doucement, je m’écarte pour planter mon regard dans le sien. J’ai un doux sourire sur les lèvres qui se veut rassurant.

Tu n’as pas à t’excuser pour quoi que ce soit. La façon dont ça devait se passer n’était pas écrite. Dans tous les cas tu m’as sauvé et je suis heureuse d’avoir pu le faire en retour. Tu m’as sauvé là, tu m’as sauvé lorsque je m’étais blessée à la cheville. Tu es un vrai chevalier en armure.

Dis-je avec une petite note d’humour pour détendre l’atmosphère. Une de mes mains vient délicatement entrelacer ses doigts. Mes yeux ne quittent pas les yeux et mon sourire reste sur mon visage.

Constantine, tu veux m’en parler de… De ce qu’on a vu ?

Parce qu’il s’est forcément passé quelque chose. J’ai envie de savoir, j’ai envie de lui permettre de se libérer aussi. Je respecterai bien entendu son choix d’en parler ou non.

Je sentis ses bras se resserrer un peu plus sur moi, et ses doigts aller caresser mes cheveux à l’arrière de ma tête. J’eus un frisson. Un long silence s’installa entre nous, seulement rompu par ma respiration qui peinait à se stabiliser, et les doux « Chut » de Ruby qui tentait tant bien que mal de m’apaiser. Puis elle finit par se reculer un peu, et planta son regard dans le mien. Malgré ce qu’il venait de se passer, le sien avait retrouvé sa flamme, le pétillant de sa bonne humeur habituelle.

- Tu n’as pas à t’excuser pour quoi que ce soit, dit-elle avec assurance. La façon dont ça devait se passer n’était pas écrite. Dans tous les cas, tu m’as sauvée et je suis heureuse d’avoir pu le faire en retour.

Elle avait raison. Mais…

- Tu m’as sauvé là, tu m’as sauvé lorsque je m’étais blessée à la cheville, renchérit-elle. Tu es un vrai chevalier en armure.

Je n’eus qu’un demi sourire tandis que l’une de ses mains glissait sur la mienne pour entrelacer nos doigts.

- Constantine, tu veux m’en parler de… de ce qu’on a vu ? proposa-t-elle.

Je rompis le contact, bien trop gêné par cette proximité que je ne me sentais plus capable de tenir avec une femme depuis la disparition d’Elizabeth. Je secouai négativement la tête.

- N… nein, je n’ai pas besoin d’en parler, répondis-je, catégorique. C’est juste…

Je réfléchis.

- C’est une peur comme une autre.

Je n’avais vraiment pas envie de m’étaler sur le sujet. S’il y avait bien quelque chose que je voulais oublier, c’était bien ce souvenir. J’aurais tout donné pour que ce ne fut qu’une peur, et revoir Elizabeth à chaque fin de journée, heureux de constater qu’elle se portait bien. Une peur banale comme celle des araignées, de tomber d’une falaise ou d’être poursuivi par des Détraqueurs… Mais pas ça. Définitivement pas ça. Je me raclai la gorge, essayai de me mouvoir pour me remettre de bout. Je m’appuyai contre l’assise d’une chaise qui se trouvait juste derrière moi, et me redressai à l’aide de la table qui était à côté. A la base, je descendais pour aller dîner. Mais là… je n’avais plus faim du tout. J’avais juste envie d’aller me coucher et me réveiller demain en me disant que cette soirée n’avait été qu’un mauvais rêve.

- J… je dois y aller, dis-je à Ruby en tournant les talons.

Je me baissai pour ramasser ma baguette. Et, sans attendre de réponse, je quittai la salle. L’ascension jusqu’à l’infirmerie me parut durer une éternité. Quand je pus enfin rejoindre mon lit, je m’étalai dessus sans même me déshabiller et sombrai aussitôt.

Quand je me réveillai quelques heures plus tard, au beau milieu de la nuit, j’étais en sueur. Je me levai, faillis chuter en avant à cause d’un vertige. Je me rattrapai à la table de chevet mais fis tomber un bougeoir et sa bougie heureusement éteinte. Je ne pris pas la peine des les ramasser et me rendis à la salle de bain. En me regardant dans le miroir, je grimaçai. J’avais une sale tête. On aurait pu croire que je sortais tout droit d’un asile de fous avec mes cernes sous les yeux, la pâleur de ma peau et mes cheveux en bataille. J’avais aussi l’impression d’avoir pris dix ans de plus… Si Elizabeth me voyait…

Tremblant comme si je venais de faire d’énormes efforts, je me passai un coup d’eau sur le visage mais cela ne me rafraîchit même pas. Au contraire, je me sentis encore plus mal. J’avais des bouffées de chaleur et, quelques secondes plus tard, la sensation de me trouver en Antarctique. Désorienté, je retirai mon pull pour ne me retrouver qu’en tee-shirt. Je le laissai par terre et retournai auprès de mon lit. Cette fois, je pris le temps de retirer mes chaussures. Et je m’affalai une nouvelle fois sur le matelas en remontant les couvertures jusque sous mon menton.

Je fis plein de rêves bizarres et perturbants, me réveillai plusieurs fois durant les quelques heures qui précédèrent le lever du soleil. Lorsque la lumière du jour éclaira les rideaux de mon appartement, je me dis que j’allais avoir beaucoup de mal à faire mon travail aujourd’hui. C’était le comble : l’infirmier malade ne pouvait pas soigner les gens… Je devais prévenir quelqu’un, la directrice ou un professeur. Cependant, je ne me sentais pas la force de sortir du lit, ni d’écrire un message rapide à envoyer par hibou. Peut-être qu’après une journée entière et une nouvelle nuit de sommeil, j’irais mieux…

Constantine… Je ne t’ai jamais vu ainsi, si vulnérable, si déboussolé et je ne suis pas sûre de trop savoir comment réagir. Néanmoins, je tente de te rassurer comme je le peux face à cette situation qui nous met finalement tous les deux mal à l’aise. Je te montre ma présence par une accolade chaleureuse, par des mots et en te proposant une oreille attentive. Mais ce n’est pas ce que tu veux. Tu romps le contact et je me retire sans poser de question m’adaptant à toi, à tes besoins. J’accepte. Tu ne veux pas en parler et je ne t’y forcerai pas, si un jour tu dois m’en parler, tu le feras quand tu seras prêt, en attendant, je ne poserai plus de question sur ce qu’il s’est passé. Comme si, je n’avais rien vu. Tu me dis que c’est une peur comme une autre mais je ne te crois pas, il y a un gros traumatisme derrière mais je te respecte et je respecte le fait que tu veuilles garder tout ça pour toi.

 Devant partir, tu récupères ta baguette et t’en vas, sans un regard. J’entrouvre mes lèvres mais c’est trop tard, tu as déjà quitté la pièce. De toute façon, qu'aurais-je bien pu dire de plus ? Rien.

 Le silence et le calme règnent de nouveau dans la pièce et je suis là, au milieu de celle-ci, sur les genoux, fixant la porte de longues minutes. Finalement je me lève, tout ceci m’a chamboulé et j’avoue ne pas avoir très faim. Trop d’émotions en trop peu de temps. Je soupire, allant rejoindre ma chambre. Je passe par une bonne douche bien chaude avant de finalement rejoindre mon lit, je me plonge dans un livre avant de m’endormir en pleine lecture, jusqu’au lendemain.



18/10/2023

Une nouvelle journée commence et j’espère que celle-ci se passera mieux que la fin de la journée précédente. En tout cas, c’est motivée et pleine d’énergie que je vais assurer mon cours particulier et c’est après celui-ci que je vais prendre un bon petit déjeuner avant d’attaquer mon cours de la matinée. Une fois celui-ci fait, arrive l’heure du déjeuner. Ce qui m’étonne, c’est que je n’ai pas du tout croisé Constantine de la matinée et après la soirée d’hier, je ne peux m’empêcher de m’inquiéter. Alors sans prendre le temps de manger et ayant constaté son absence, je ne réfléchis pas plus longtemps et je file à l’infirmerie. Je me permets tout de même de lui prendre des petites choses à grignoter et à boire au cas où même s’il n’aura peut-être pas faim, je préfère être prévoyante. Arrivant pas loin de l’infirmerie , j'entends un élève dire que l’infirmier n’est pas apte à faire son travail aujourd’hui.

Constantine…  

Soupirais-je à moi-même, inquiète. Alors sans réfléchir, je me rue dans l’infirmerie puis à son bureau et comme je m’y attendais, il n’y est pas alors je me permets de venir frapper directement à la porte de son appartement.

Con-Constantine… C’est Ruby…  

Sans doute peut-il entendre mon inquiétude dans ma voix et à la fois je me dis qu’il n’a sans doute envie de voir personne. Je me doute qu’il est là, j’en suis sûre mais je me dis qu’il ne va pas m’ouvrir. Peut-être n'en n'a-t-il pas la force ? Je ne sais pas trop quoi faire, je reste devant la porte à réfléchir puis je me dis que je vais enter pour le tout. Alors doucement, j'ouvre la porte qui nous sépare et je la referme derrière moi. Il est allongé sur sont lit, immobile. Je viens le rejoindre, m'asseyant sur le bord de celui-ci, une main chaleureuse vient caresser son dos. Je ne dis toujours rien, essayant de me montrer la plus douce possible et attendant de voir s'il accepte ma présence.

Les heures défilèrent et pourtant, rien ne changea. Plus la matinée avançait, moins bien je me sentais. Quand l’horloge de l’école sonna midi, je me demandai si quelqu’un s’était rendu compte que je n’étais pas à mon poste. Cette pensée s’envola très vite de mon esprit quand un violent frisson me parcourut, m’arrachant un léger gémissement. Mon corps tout entier me faisait mal. Ma peau était devenue d’une sensibilité telle que le frottement infime des couvertures me faisait mal. J’avais très certainement de la fièvre. Et je pouvais la soigner, j’avais quelques potions personnelles dans ma table de chevet. Mais le simple fait de penser à bouger ne fut-ce qu’un doigt me parut être insurmontable. Je m’y essayai tout de même. J’eus l’impression que mon corps pesait des tonnes, et ne parvins qu’à me tourner sur le flanc. Je lâchai un long soupir rempli de souffrance et restai dans cette position. Dans quelques minutes, je réessayerai peut-être…

Cependant, il se passa une bonne demi-heure sans que j’aie pu bouger d’un seul centimètre. J’avais la tête si embrumée et le corps si faible que je n’arrivais même pas à ouvrir les yeux. Je dus me concentrer sur mon ouïe quand il me sembla percevoir une voix féminine qui disait mon prénom derrière la porte. J’entendis celle-ci s’ouvrir, et des pas approcher. Un doux parfum parvint à mes narines, un parfum que je connaissais mais je ne pus me souvenir de son propriétaire. Ou plutôt sa propriétaire. Le bord du matelas s’affaissa un peu. L’instant d’après, une main se posa contre mon omoplate. Je tressaillis et grimaçai de douleur. J’avais l’impression de sentir la sueur couler sur ma peau, dans mon dos et sur mon front. Ce n’était peut-être pas une impression, en fait…

Je frissonnai violemment avec un nouveau gémissement, priai pour que la personne près de moi eut l’idée de me couvrir parce que je crevais soudainement de froid. Je mourais de chaud il y avait à peine une minute… Je voulais lui dire pour les potions dans le tiroir de la table de chevet, je voulais aussi lui dire que j’avais très soif et que je rêvais d’un grand verre d’eau. Mais je ne me sentais même pas la force de parler.

L’obscurité emplie la pièce et il me faut un peu de temps pour que mes yeux s’y adaptent. Assise aux côtés de Meyer, je reste silencieuse, ayant seulement posé une main chaleureuse dans son dos. Sa réaction est imminente:  il tressaille. Son corps est bouillant à travers son tee-shirt, il est tout transpirant. Il a sûrement de la fièvre. Il n’y a pas besoin d’être médecin ni d’avoir un thermomètre pour s’en rendre compte. C’est l’évidence même.

Soudain, un énorme frisson le parcourt suivi d’un gémissement. Il ne va pas bien du tout. Tremblant comme une feuille, je ne peux pas le laisser ainsi. Je dépose la nourriture et la bouteille d’eau sur la petite table de chevet. Ensuite, je me relève et file à l’infirmerie pour récupérer des couvertures supplémentaires puis je retourne dans la chambre de Meyer. Je me permets de laisser légèrement ouverte la porte pour laisser passer un filet de lumière pas trop fort pour ne pas embêter Meyer mais suffisamment pour me permettre de mieux voir.

Constantine… Je vais t’aider, je suis là, ça va aller.  

Je dispose une deuxième couverture au-dessus de Meyer pour qu’il ait moins froid, j’en laisse une troisième à portée de main au cas où. Elle est rabattue aux pieds du lit. Je reviens m’asseoir auprès de lui mais plus proche de sa tête cette fois. Je pense qu’il doit être complètement déshydraté, boire lui fera sûrement du bien. Je le préviens à chaque étape.

Je vais t’aider à te redresser, j’ai une bouteille d’eau, je vais te faire boire.  

Ainsi, pas de mauvaise surprise. Pour commencer, je débouche la bouteille puis comme dit, je viens passer mes bras sous son dos pour le forcer à se redresser puis je le mets en appuie sur moi, contre mon buste. Je prends la bouteille que je dirige vers ses lèvres, la relevant et la rabaissant pour lui laisser le temps de boire. Je la repose sur la table de chevet, aidant Meyer à se rallonger. Pour finir je vais chercher un gant imbibé d’eau froide que je viens poser sur son front. Bon… Qu’est-ce que je peux faire de plus maintenant… ?

J’ai ramené un peu à manger aussi si jamais tu en as besoin. Je serais ton infirmière attitrée aujourd’hui alors repose-toi, je vais veiller sur toi.

Mes cours sont finis pour la journée et je peux bien me dispenser des quelques répétitions que j’avais de prévues cet après-midi. Je n’ai pas ses compétences mais je vais faire de mon mieux. Je reste attentive à ses réactions pour agir en adéquation.

J’entendis que l’on déposait quelque chose près du lit. Soudain, la présence s’éloigna, à mon plus grand regret. Non, pas aussi vite… J’avais besoin d’aide ! Mais à peine avais-je le temps de me lamenter intérieurement qu’elle revint.

- Constantine… Je vais t’aider, je suis là, ça va aller.

C’était Ruby. Bon sang… depuis hier, je ne me montrais pas sous mon meilleur jour… Je tressaillis une deuxième fois quand elle déposa une couverture supplémentaire sur moi. Elle s’assit de nouveau au bord du matelas, je sentis encore son parfum.

- Je vais t’aider à te redresser, j’ai une bouteille d’eau, je vais te faire boire.  

Bonne idée, ça. Encore fallait-il réussir à me lever. Je pesais lourd pour elle, et il fallait que je fasse un effort colossal pour ne pas l’obliger à soulever tout mon poids. J’eus l’impression de sortir de la tombe tandis que je me hissais péniblement sur un coude, toujours couché sur le flanc. Ruby m’assista et me soutint comme elle put, avant de porter le goulot d’une bouteille jusqu’à ma bouche. L’eau me fit beaucoup de bien, apaisa ma gorge asséchée. J’en avais grandement besoin. Toutefois, cela ne suffirait pas à me soigner. La professeure d’arts scéniques m’aida à me rallonger. Je l’entendis s’éloigner vers la salle de bain et vite revenir. Elle déposa quelque chose d’humide sur mon front, sûrement un tissu ou peut-être un gant.

- J’ai ramené un peu à manger aussi, si jamais tu en as besoin, déclara-t-elle. Je serai ton infirmière attitrée aujourd’hui, alors repose-toi, je vais veiller sur toi.

C’était vraiment gentil de sa part. Dans un soupir, je lâchai un « Danke » à peine audible. C’était comme si j’avais utilisé toute mon énergie pour un simple mot. Pourtant, j’allais en avoir encore besoin, car je devais lui parler des potions dans la table de chevet. A présent allongé sur le dos, je commençai à mouvoir ma main en direction du tiroir mais j’arrêtai mon geste à mi-chemin.

- Potion… tentai-je de dire d’une voix faible. V… verte.

Je n’allais pas lui donner un nom, les fioles étaient sans étiquette. Mieux valait faciliter les choses, autant pour elle que pour moi. Si elle me faisait boire le mauvais breuvage, cela dégraderait mon état.

- Clair… ajoutai-je.

Il y en avait aussi une plus foncée mais elle ne servirait à rien. Gardant toujours les yeux fermés car j’étais incapable de les ouvrir, je laissai Ruby chercher la potion pendant que je portais la paume de ma main droite contre mon front, sur le gant humide. Avec un peu de concentration, une lueur orangée éclaira ma main mais le sortilège ne fut pas aussi efficace qu’habituellement. J’étais bien trop faible pour m’appliquer mes propres soins sans baguette. Au moins, la migraine qui me tiraillait depuis quelques minutes avait disparu…

Voir Constantine dans cet état m’inquiétait pas mal. Je le voyais un peu comme l’intouchable. Un homme grand, fort, qui soigne les autres mais qui ne tombe jamais malade. Je ne sais pas trop pourquoi j’avais cette image de lui, après tout personne n'est infaillible et pourtant c’est comme ça que je le voyais. C’est un peu idiot. Actuellement, je n’ai qu’une envie, c’est qu’il se rétablisse, j’ai envie de prendre soin de lui jusqu’à son rétablissement complet. Il se plie en quatre pour aider chacun, aujourd’hui, c’est à nous de l’aider et je le ferai avec grand plaisir.

Pour commencer, j’étais à ses côtés et je lui avais ramené de l’eau et un peu de nourriture bien que je ne suis pas sûre qu’il puisse manger quoi que ce soit à l’heure actuelle. Malgré tout, il me semble entendre un “danke” à peine perceptible, peut-être même l’ai-je rêvé. J’esquisse un petit sourire, réfléchissant à ce que je pourrai faire de plus. Je ne suis pas sûre d’être très douée en utilisation de la magie pour apporter des soins. Alors que je réfléchis, je sens Meyer commencer à se mouvoir, je le regarde, m’apprêtant à lui dire d’économiser ses forces mais je comprends rapidement qu’il veut me montrer quelque chose. De sa main, je crois qu’il essaye de de me désigner le tiroir. Apparemment il y a une potion à l’intérieur qui pourrait l’aider. Je dois trouver une potion verte. Alors sans attendre, je viens ouvrir le fameux tiroir et je trouve deux potions vertes. J’ai droit à une précision supplémentaire: c’est la verte claire qu’il lui faut. Je la saisis, revenant m’asseoir à côté de Meyer alors qu’il semble utiliser la magie sur lui.

Je vais te demander encore un effort. Ça va aller Constantine.  

Je l’aide de nouveau à se redresser pour lui faire boire la potion. J’espère de tout coeur que celle-ci va l’aider à se rétablir. Lorsqu’il en a bu le contenu, je l’aide à se rallonger et une main chaleureuse vient caresser sa joue.

Je suis désolée, je suis une bien piètre infirmière. Repose-toi encore, je suis là si tu as besoin de quoi que ce soit.  

Prenant une chaise, je viens m’asseoir à son chevet. Je préfère être dans les parages s’il lui faut quoi que ce soit.

J’entendis le tiroir de la table de chevet s’ouvrir, et Ruby farfouiller dedans. Un tintement de verre plus tard, elle se rassit tout près de moi et dit :

- Je vais te demander encore un effort.

Il le fallait bien.

- Ça va aller, Constantine, m’encouragea-t-elle.

Elle était vraiment gentille. Qu’aurais-je fait si elle n’était pas venue aujourd’hui ? Pas grand-chose, si ce n’était continuer à souffrir… M’aidant une nouvelle fois à me redresser, elle me fit boire la potion, lentement. Elle n’avait pas mauvais goût mais je ne le trouvais pas super agréable non plus. Les potions les plus efficaces étaient souvent les moins bonnes… Je me remis sur le dos en soupirant, épuisé par le peu de mouvements que je venais de faire. La main fraîche de Ruby effleura ma joue.

- Je suis désolée, je suis une bien piètre infirmière. Repose-toi encore, je suis là si tu as besoin de quoi que ce soit.

Elle en avait déjà fait beaucoup. Lorsque j’irais mieux, j’avais intérêt à la remercier à la hauteur de toute l’aide qu’elle m’apportait. Maintenant que j’avais pris la potion, il ne me restait plus qu’à essayer de dormir. Je me sentirais en forme demain. Si j’arrivais à trouver le sommeil... Car malgré l’épuisement, je n’arrivais pas à m’endormir. Ma collègue ne me dérangeait en aucun cas mais je ne voulais pas qu’elle perdît son temps ici. En plus, la chaise sur laquelle elle venait de s’asseoir pour patienter n’était pas confortable. Elle avait sûrement d’autres choses à faire que de rester à mon chevet.

Il s’écoula plusieurs minutes, peut-être une demi-heure, je ne savais pas, avant de ressentir les premiers effets de la potion. J’avais moins froid, me sentais moins fiévreux. J’avais toujours l’impression que la sensibilité de mon corps tout entier était à son maximum mais je savais que cela disparaîtrait bientôt. Il fallait juste un peu de patience. J’ouvris doucement les yeux. Ruby était toujours sur sa chaise, l’air perdu dans ses pensées.

- Tu… tu n’es pas… obligée de rester, dis-je difficilement, à voix si basse que je ne savais pas si elle m’avait entendu.

Je repris ma respiration en même temps qu’un peu d’énergie.

- Je vais aller mieux… bientôt. Grâce à toi…

Faites que cette potion fasse rapidement effet, faites que cette potion fasse rapidement effet, priais-je au fond de moi. Non pas que m’occuper de Constantine ne me dérange mais le voir aussi vulnérable et aussi mal en point me fait mal au cœur. Après l'événement d’hier soir, il mérite un peu de paix et de sérénité. La potion donnée, je viens m’asseoir sur une chaise à ses côtés, observant dans l’obscurité le moindre de ses faits-et gestes, un signe qui me dit que la potion fait effet ou au contraire quelque chose qui m’interpelle pour me montrer qu’il a besoin de moi. Je fais de mon mieux mais je ne suis pas très utile… Je réfléchis à ce que je peux faire de plus, je repense aux événements de la veille et finalement je me perds dans mes pensées…

Une voix faiblarde me sort de mes pensées, je relève la tête, regardant Meyer et portant toute mon attention sur cette toute petite voix qui me dit que je ne suis pas obligée de rester. Je soupire intérieurement.  Bien sûr que je ne suis pas obligée, je ne suis pas attachée à cette foutue chaise mais si je suis là, c’est que j’ai envie d’être là. Je ne vais pas laisser un collègue… Un ami dans la panade. Il reprend sa respiration avant de me dire qu’il va bientôt aller mieux grâce à moi. Je souris légèrement, heureuse finalement de voir que je n’ai pas été si inutile finalement.

Constantine… Si je suis là c’est que j’en ai envie. Je ne te lâcherai pas tant que tu ne seras pas sur pied.  

Dis-je sûre de moi, ne laissant place à aucune protestation.

Je suis contente d’avoir pu t’aider un peu.

Dis-je dans un franc sourire, me levant alors de ma chaise. Je viens poser ma main sur son front. La fièvre a un peu baissé mais ce n’est pas encore tout à fait ça. Il va se rétablir doucement. Par contre, il est tout transpirant. Quand il sortira de son lit, je changerai les draps et j’ouvrirai les fenêtres pour laisser rentrer un peu d’air dans cette pièce.

Est-ce que tu crois qu’une douche ou un bain te ferait du bien ? Tu es trempé de sueur… Ne t’en fais pas, je te soutiendrai pour ça aussi.

C’est alors que l’idée de voir Constantine torse nu me fait rougir. Je n’avais pas pensé à celà. Les seules pensées qui avaient traversées mon esprit  étaient son bien-être mais je n’avais pas pensé à ce que ça allait engendrer. J’efface ces pensées essayant de ne rien laisser paraître à ce qui vient de traverser mon esprit.

Elle fit un joli sourire rempli de compassion et de chaleur.

- Constantine… Si je suis là, c’est que j’en ai envie, répondit-elle. Je ne te lâcherai pas tant que tu ne seras pas sur pied.

J’avais donc affaire à une grande têtue. Soit, je ne pouvais pas lui en vouloir, mon état faisait peine à voir. Moi qui, d’habitude, me présentais toujours en pleine forme pour aider quiconque dans le besoin, voilà que je me retrouvais alité, incapable de bouger le petit doigt à cause d’une simple fièvre.

- Je suis contente d’avoir pu t’aider un peu.

Je lâchai un « merci » à peine audible. Ruby se leva alors et vint poser sa main sur mon front. Grâce à la potion, ma température avait déjà pas mal baissé, même si je me sentais encore très faible.

- Est-ce que tu crois qu’une douche ou un bain te ferait du bien ? demanda-t-elle aimablement. Tu es trempé de sueur… Ne t’en fais pas, je te soutiendrai pour ça aussi.

Je me voyais mal aller à la douche accompagné de ma collègue. Elle avait raison, un bon coup d’eau chaude n’était pas de trop. Toutefois, je préférais attendre de pouvoir marcher. Pour le moment, j’arrivais à peine à changer de position dans mon lit…

- Je vais attendre demain, dis-je dans un murmure. Je… ne me sens pas capable de sortir du lit… pour l’instant.

Je tentai de lui rendre son sourire, sans grand succès.

- Merci pour ton aide.

Je soupirai et fermai les yeux, épuisé.

- Vielen dank…

Je n’en fus pas sûr, mais il me sembla sombrer en à peine quelques secondes.

Dans cet état, Meyer est méconnaissable. Certes, je ne le connais pas depuis très longtemps mais je ne l’ai encore jamais vu dans un état aussi pitoyable. Il est toujours en forme, professionnel, prêt à rendre service alors que là… Il est au fond de son lit en train d’essayer tant bien que mal de se rétablir. Je ne sais pas comment j'aurais fait si j’avais été à sa place. Je suis assez dynamique et je déteste rester allongée sans pouvoir rien faire. J’ai toujours tendance à essayer de me surpasser alors à sa place, je serai bien malheureuse. Pourvu que je ne me retrouve jamais dans cet état !

Bref, je me concentre sur cet homme en souffrance, lui faisant bien prendre conscience que je compte l’aider jusqu’à ce qu’il soit rétabli. Il me remercie d’ailleurs, j’aurai pu ne pas l’entendre mais si, son mot est parvenu jusqu’à moi. Pour son rétablissement, je lui propose de l’aider à prendre une douche, estimant qu’un bon coup d’eau lui ferait du bien. Il refuse, préférant attendre un peu. Je suis heureuse de constater que la potion fait son effet: il a retrouvé l’usage de la parole. J’esquisse un petit sourire, satisfaite.

Pas de souci. Je suis heureuse de constater que tu as retrouvé de la voix !

Il me remercie encore une fois et je le vois sombrer. D’une toute petite voix, sachant qu’il ne peut pas m’entendre je m’adresse quand même à lui.

Repose-toi, tu en as besoin.

En attendant, je vais dans la pièce à côté, le laissant se reposer. S’il a besoin de moi, je rapplique, sinon je le laisse tranquille et ce sera ainsi, jusqu’à ce qu’il puisse se mettre debout.