Who cares? We're having fun

D'habitude, Sienna aimait le mois de mai. C'étaient souvent des semaines où les beaux jours revenaient, où la nature s'éveillait. Le soleil pointait le bout de son nez, les journées s'allongeaient... C'était la renaissance, le printemps. Mais cette année... Ce mois de mai avait une saveur très amère. Sienna avait perdu ses repères. Son pilier. Déboussolée, triste, il lui fallait puiser dans ses réserves d'optimisme et auprès de ses proches, pour continuer à voir la lumière et ne pas laisser un froid hivernal la saisir... Un blizzard soufflé par un abandon violent auquel elle ne s'attendait absolument pas. Et pourtant, elle s'était très peu confiée aux autres, n'aimant pas les importuner avec ses soucis et préférant plutôt se tourner vers eux afin de diluer sa propre peine en occupant son esprit. Cela fonctionnait... Jusqu'au moment où la carapace se fissurerait.

Alors passer du temps avec son amie lui ferait le plus grand bien. C'est dans ces moments là que la jeune femme fuit le plus possible la solitude. Car être seule la renvoie à de trop tristes pensées. Elle fait la fermeture du magasin, range un peu et rentre en vitesse se rafraîchir et s'habiller en conséquence. Toujours un vaste problème. Il faut se décider sur la tenue à emprunter... Et pour cette fois, elle opte pour une combinaison d'un rouge éclatant, le dos nu. Les escarpins sont noirs, classiques. Quant à ses cheveux, ils sont remontés en un chignon lâche, et pourtant sophistiqué. Satisfaite de l'image que lui renvoie son message, elle se hâte, étant déjà un peu en retard.

Et pourtant, elle parvient encore à arriver avant son amie. Oh, parfait, elle pourra la culpabiliser en disant quelle prenait racines. Enfin, la culpabiliser... Non, bien sûr. Plutôt la taquiner. Sienna s'installe. Leah n'arrive que quelques minutes après et elle se lève pour la saluer, étreignant son amie avec force. Peut-être même davantage que d'habitude, comme s'y accrochant fugitivement, avant de la relâcher et de l'observer attentivement. La vie de Leah n'a rien de simple. Avec son mari revenu dans la partie... Sienna veille au grain. « Alors tout dépend de la tenue... » Elle souffle avec une œillade malicieuse. Sienna aime les hommes, mais avec des femmes aussi belles que Leah, elle pourrait réviser son jugement. Bien sûr que la Serdaigle a déjà eu quelques aventures avec des femmes. Quand elle a besoin de douceur et d'un tout autre type de relation, c'est très réconfortant. Mais sa préférence va toujours aux hommes. « Tu sais m'amadouer. » Elle réplique dans un sourire, avant de commander un mojito, l'été approche, c'est le moment de commencer à s'habituer. Et puis, la soirée ne fait que commencer et Sienna a bien l'intention de s'amuser et d'entraîner Leah dans ses folies. Elle est trop responsable et sérieuse. « Des trucs croustillants ? Hum... Rien de très nouveau. Je fréquente toujours Marcus Avery. » Elle lui en a déjà parlé bien sur, dans les premiers temps de la relation. Et c'est que cela commence à chiffrer depuis Noël. Sienna n'a pas envie de parler de l'abandon d'Amos alors elle change de sujet. « Bon et c'est qui ce patron que je lui botte les fesses de t'avoir lâché en retard ? Ce serait à lui de payer la tournée en fait. »

ft. Leah

Who cares? We're having fun

Le rire de Leah n'a pas de prix. Après ces années de galère, et même si c'est encore difficile, c'est toujours un régal de la voir sourire. C'est une très belle femme, que la vie n'a pas épargné, mais qui n'a pas non plus laissé de traces visibles sur elle. Pas facile de devoir élever une adolescente, surtout que Kathleen n'est pas des plus faciles non plus. Taquine, l'italienne ne peut que laisser imaginer à son amie dans quelle tenue de soubrette elle l'imagine. « Quelque part, c'est sans doute préférable, ou l'atmosphère risque de se dégrader. » Mieux vaut ne pas agiter sous le nez de certaines personnes des attributs féminins, au risque de voir des gentlemen se transformer en voyous pervers. Prise de fantaisie, Leah se permet un cocktail, imitant son amie, ce qu'elle ne manque pas de noter dans un coin de son esprit. Sienna ne voit pas d'un très bon œil le retour de l'époux de son ami. Il a commis des erreurs, cela arrive bien sûr, mais Leah en a beaucoup souffert. Elle ne va tout de même pas retomber dans ses filets n'est-ce pas ? « D'ailleurs, il manque un peu de confort mon dos s'en souvient. » Elle ajoute avec un rire, se joignant ainsi à Leah, le regard pétillant. La différence de fortune, d'origine, n'a jamais été un frein dans leur relation. Après, même si Sienna est issue d'une famille riche et prestigieuse, elle est un mouton noir, qui n'a pas accès à cet argent et qui ne se vante pas non plus. Même si elle aime le luxe et s'apprêter quand elle sort, elle n'écrase pas les autres d'une quelconque supériorité. Et il en va de même vis à vis de la pureté de son sang. Qu'importe que Leah ne soit pas une Sang Pure, cela ne la rend pas moins intéressante et ne diminue en rien sa valeur. Au contraire, elle est précieuse dans la vie de l'italienne. Leah est une sorte de grande sœur bienveillante, sérieuse. Sienna, la petite sœur excentrique et sans complexes. L'une apporte de la stabilité à l'autre. L'autre amène de la folie chez l'une.

Quand vient le moment des potins, Sienna n'a malheureusement pas grand chose de neuf à confier à son amie depuis la dernière fois. Sa vie est étonnamment stable depuis quelques mois. Enfin... Niveau relation. Toujours le même amant, dont elle n'est pas lassée. Pour le reste, si, elle a connu de profonds bouleversements, qu'elle essaie d'oublier en se tenant occupée. Ou en épuisant Marcus. C'est aussi une excellente thérapie. Elle rit quand Leah note que Marcus est un sujet croustillant. « Ah mais ne m'en parle pas ! J'imagine beaucoup trop bien toutes ces élèves qui sont plus occupées à le regarder qu'à écouter ce qu'il dit. Il trouve que beaucoup de ses élèves sont médiocres, je crois que je sais pourquoi. J'aurais été nulle en métamorphose si je l'avais eu comme prof... » Elle marque un arrêt, songeuse, avant de renchérir : « Ou j'aurais été exceptionnellement douée pour qu'il me remarque et je serais allée le draguer. » Et elle aurait pris un vent monumental, parce que Marcus n'est pas le genre de professeur à batifoler avec ses élèves, il a une morale et il s'y tient. C'est ennuyant et en même temps ce qui fait aussi son charme.

Elle change de sujet en râlant sur le patron de Leah qui l'a lâchée en retard. A la mention de Samaël, elle éclate d'un rire cristallin. « Samaël est un amour en réalité. Ne lui dis pas que je t'ai dit ça. Il est charmant et drôle, avec un esprit acéré. » Maintenant, elle le connaît comme ancien amant et ami, Sang Pur comme elle. Leah est son employée, sans doute ne lui montre-t-il pas la même facette, mais Sienna ne l'imagine pas odieux ou tyrannique. Caustique, oui, parfois. Mais si Leah travaille bien et fait tout comme il le désire, elle doit être bien lotie et peu embêtée. Les boissons arrivent alors et Sienna lève son verre : « A nous alors ! » Elle trinque et trempe les lèvres, savourant le fraîcheur de la boisson, avant de demander à son tour : « Et toi ? Rien à me dire ? » Bon évidemment... Sienna a très envie qu'elle lui parle de Lawson et qu'elle lui assure qu'elle ne laisse pas ce crétin entrer de nouveau dans sa vie.

ft. Leah

Who cares? We're having fun

Sienna rend une œillade complice à la jeune femme, imaginant très bien la scène. C'est un plaisir de pouvoir dévergonder un peu Leah, obligée d'être sage et studieuse par les aléas de la vie, par ses choix aussi et par l'abandon de son crétin de mari. Il est sans doute difficile d'être insouciant quand on a un enfant à élever, seule. Mais Leah s'en est bien sortie, même si Kathleen n'est possiblement pas la parfaite fille modèle. Alors, Sienna se dit que si elle peut amener un peu de légèreté dans le morne quotidien de son amie, c'est déjà ça de gagné pour alléger, temporairement, le poids sur ses épaules. Et cela force également l'italienne à penser à autre chose que ses propres problèmes actuels. Elle cache bien son jeu, ne semblant guère différente d'ordinaire, alors que son cœur est en miettes, et pas à cause de son amant du moment. Non, c'est bien pire. Le coup de poignard aurait été bien moins violent et douloureux en venant de Marcus. Mais venant de son cousin... Elle ne parvenait pas encore à réaliser l'ampleur de la trahison. Le badinage avec Leah parvient à la sortir du cours tortueux de ses pensées, alors qu'elle esquisse un sourire à l'évocation de dormir avec la jolie brune la prochaine fois. « Je serais sage, tu me connais. » Justement... Elle se fend d'un sourire encore plus large à cette promesse qui n'en est pas vraiment une.

Refusant de laisser venir sur le tapis un sujet qui la ferait replonger dans de noires pensées, Sienna préfère parler de sa relation avec Marcus, acceptant la perche tendue par Leah à ce sujet. Il n'y en a pourtant pas grand chose à dire, la relation se passe bien, sans heurts, sans promesses qui ne peuvent pas être tenues. Tous les deux se voient quand ils le veulent ou en ont besoin et trouvent du réconfort dans les bras de l'autre. Même si il n'y a pas que du sexe entre eux et que des sujets plus profonds sont abordés parfois, les amenant à se connaître et s'apprécier au delà du physique. Cela demeure pourtant une relation sans avenir dans l'esprit de Sienna, alors qu'elle refuse de s'attacher. Elle ne peut cependant que tomber d'accord avec Leah sur le physique avantageux du professeur Avery. Il n'y avait pas des profs aussi sexy à leur époque... « Oh quelle excellente idée... Cela dit, il est du genre à ne pas trop aimer la médiocrité, alors pour la punition... » Elle fait un geste vague de la main.

Elles passent de Marcus au patron de Leah. Ce n'est pas plus mal que Sienna l'ai conseillée auprès de Samaël. Avec un peu de chance, elle pourrait se contenter de ce boulot là, non ? « Je t'en prie. Il n'y a pas moyen que tu travailles totalement pour Sam ? » Et qu'elle soit un peu moins contrainte et plus heureuse ? Est-ce que le salaire est suffisant pour lui assurer un train de vie convenable ? Sienna l'ignore, mais elle peut peut-être en parler à son ami, qu'il fasse la proposition à Leah ? Elles portent un toast sur ces entrefaits et l'italienne met les pieds dans le plat en questionnant son amie sur le retour de son mari dans sa vie. Cela l'inquiète. Elle ne pardonne pas vraiment à cet homme d'avoir abandonné sa meilleure amie. Elle pince un peu les lèvres quand Leah évoque le charme grandissant de Lawson. Cela commence mal si elle le trouve plus séduisant encore. « C'est normal qu'il paie. Il te doit AU MOINS ça. » Elle réplique d'un ton tranchant. Elle soupire cependant quand elle avoue que l'adolescente fait payer à sa mère son absence. « Ce n'est vraiment pas facile d'avoir des enfants... J'espère juste qu'il ne va pas revenir comme une fleur et acheter l'affection de Kath. » Elle claque des doigts pour appuyer son propos, avant de prendre une nouvelle gorgée de son cocktail, songeuse. Elle n'a pas envie de plomber l'ambiance, même si évoquer Lawson est déjà un moyen de faire monter la tension. Mais elle ignore totalement comment parler de ce qu'elle a vécu, ni même si elle en a envie. Cela ne changera rien après tout. Mais Leah a un avis objectif et extérieur après tout... Elle soupire et sombre dans un silence inhabituel chez elle.

ft. Leah