Je courais à droit à gauche, faisant tout mon possible pour aider un maximum de personnes. C’était le chaos total, un chaos comme je n’en avais jamais vu auparavant, même à Ste Mangouste. Le jour se levait en ce 5 mai frais et humide. Et l’infirmerie était pleine à craquer. Il avait même fallu installer des lits supplémentaires dans la Grande Salle. La raison ? Sans que personne comprenne comment ni pourquoi, une multitude d’élèves et membres du personnel furent victimes d’un étrange phénomène : durant la nuit, ils devinrent extrêmement violents, au point de s’en prendre à n’importe qui, verbalement, mais aussi physiquement. Comme si un virus avait soudain touché ces gens habituellement inoffensifs, un désordre s’était installé au sein de l’école lorsqu’ils commencèrent à attaquer les personnes les plus proches d’eux. Fait encore plus curieux, les « contaminés » demeuraient seulement les hybrides, c’est-à-dire les demi-géants, demi-vélanes, demi-gobelins ou demi-elfes. Il y en avait peu à Poudlard. Mais cela avait suffi à créer une confusion monumentale lorsque les élèves s’enfuirent de leur dortoir et que les hybrides suivirent le mouvement pour s’en prendre à tout le château.

Cela avait duré toute la nuit. Et, à six heures ce matin, le calme était revenu. La rage qui animait les hybrides disparut, et le château fut plongé dans le silence. Enfin… pas tout à fait. Il y avait beaucoup de blessées. Heureusement, aucun mort fut à déplorer mais il fallait à présent rafistoler les victimes. Les hybrides se trouvaient à l’infirmerie, attachés à leur lit pour les empêcher de bouger. Les autres sorciers occupaient la Grande Salle, traumatisés par ce qu’ils venaient de vivre. J’allais et venais, aidé par les professeurs et étudiants qui avaient des connaissances en médicomagie. Tandis que Ted Lupin m’assistait à l’infirmerie, Merindah s’occupait des élèves de la Grande-Salle. De temps à autres, j’allais voir si tout allait bien et si elle arrivait à se débrouiller, récupérant au passage des élèves choqués et perdus qui avaient besoin de soutien.

A l’infirmerie, l’ambiance était lourde. Si, dans la Grande-Salle, tout le monde se remettait doucement de ses émotions, ici, c’était autre chose. Les hybrides à présent calmés étaient tous dans un état de trouble intense mêlé de culpabilité, en plus d’être plus gravement blessés. Quelques parents étaient là, au chevet de leurs enfants, tout aussi déconcertés qu’eux. Les cris avaient laissé place aux pleurs.

Pour un début de carrière à Poudlard, je ne m’attendais sûrement pas à ça. Et finalement, mon arrivée tombait à point nommé. Certains blessés auraient mérité de faire un tour à Ste Mangouste. Mais j’étais là pour mettre tous mes talents de médicomage à profit. Je ne connaissais pas encore les noms des élèves. Cela prendrait un certain temps car Poudlard accueillait des centaines d’adolescents et jeunes adultes. Toutefois, j’avais cette chance d’être très physionomiste. Dans mon métier, c’était une des choses les plus primordiales afin de soutenir le patient, pour qu’il se sente le mieux possible, en confiance et rassuré, de son entrée en soins jusqu’à sa sortie.

Ainsi, eu fur et à mesure que je passais d’élève en élève, je commençais par leur demander leur nom. En plus d’établir un premier contact avec eux, cela me permettait aussi de vérifier leur état de santé mentale. Si l’un d’eux ne se rappelait même pas de son propre nom, son cas serait à traiter avec encore plus d’attention. Heureusement, tout le monde put me décliner son identité, même si certains digéraient les événements avec beaucoup plus de difficulté que d’autres.

Les heures défilèrent ainsi, dans l’atmosphère morose de l’infirmerie, et même de l’école toute entière. Quand la grande horloge sonna dix heures, j’avais passé tout le monde en revue, et il ne leur restait plus qu’à se reposer. Épuisé, je me laissai tomber sur une chaise et soupirai. J’avais besoin de quelques secondes de pause avant de me rendre à la Grande-Salle pour voir si Merindah s’en sortait toujours.

Mais soudain, une horde de gens du Ministère entra dans l’infirmerie, précédée par la directrice qui avait l’air grave. Je savais ce qui allait se passer avant même que le responsable prenne la parole. Ils allaient emmener les hybrides pour des examens et des soins plus poussés afin de découvrir ce qu’il s’était réellement passé cette nuit. Et je n’aimais pas ça. Quoi de mieux que ce genre d’intervention pour effrayer les élèves ? Je venais de consacrer toute mon énergie à les soigner et faire en sorte de les déstresser, et il fallait que le Ministère débarque maintenant.

Toutefois, je ne m’y opposai pas, au vu du visage fermé du professeur McGonagall. Elle avait sûrement déjà tenté d’arranger les choses avant de capituler. Alors, tandis que chaque hybride suivait les membres du Ministère en direction de la sortie, je suivis le mouvement pour m’arrêter près de la porte, à côté de la directrice. Elle prononça quelques mots d’encouragement à l’égard des jeunes, leur assurant que l’école les accueillerait de nouveau quand tout cela serait fini. Et elle s’en alla en bout de file, bien décidée à les accompagner jusqu’au train qui les attendait à Pré-au-Lard.

Je les regardai s’éloigner, inquiet à l’idée de ne pas les voir revenir. Ce qu’il s’était passé n’était pas de leur faute. Rien ne pouvait les accuser, peu importait leurs mots et leurs gestes envers les autres résidents de Poudlard. J’espérais avoir des nouvelles bientôt, surtout concernant les hybrides les plus fragiles.