La veille des week-end, tout était un peu plus difficile. Les élèves, trop pressés de finir leurs cours, ne se concentraient plus et je peinais à garder toute leur attention alors même que l’histoire ne demandait qu’à être partagée. Cela pouvait être frustrant, en un sens, mais je savais que lundi, tout serait plus facile, alors par gentillesse, par désir de rendre ces étudiants déjà assaillis de cours, je leur permettais de quitter ma salle plus tôt, de profiter de leur week-end et de revenir, je l’espérais, plus frais le lundi.
Qu’allais-je faire, moi, ce week-end ? C’était une bonne question. Je ne l’avais pas encore décidé. Sortir ? Sûrement pas. Voir Ayden ? Peut-être. C’était une forte possibilité alors que l’étudiant passait bien trop de temps avec moi pour que je puisse refuser ce qui était devenu une évidence : je fréquentais un étudiant. Et j’admettais aisément que le pauvre ne devait pas être plus à l’aise que moi dans cette situation. Je n’arrivais pas à garder la moindre constance. Passionnée une minute, je revenais à la raison la seconde d’après avant de replonger dans ses bras comme si rien ne devait exister. Une oscillation que je ne pouvais éviter tant le contexte ou notre position respective était instable. Est-ce que je l’aimais ? Oui ? Non ? Peut-être ? En si peu de temps ? Difficile à dire, à admettre ou même à penser de manière lucide. Tout était allé vite et pourtant il me semblait que cela faisait longtemps que nous avions « dérapé ». Une ambivalence difficile à accepter pour moi qui avais, jusque-là, toujours été droite et respectueuse de la moindre règle.

- Entrez…

Perdue dans mes pensées trop intrusives pour être ignorées, je n’avais fait que répondre d’une voix automatique, sans trop réfléchir, jusqu’à ce que la porte ne se referme sur un jeune homme qui ne me disait que trop de choses. Matthew Gimhae était le frère aîné d’Ayden. Il était inutile d’avouer que j’avais pris connaissance de ceux qui étaient le plus proche de l’étudiant. Et le regard de ce proche-ci, lui, ne mentait pas. Même pour quelqu’un qui peinait à lire en les autres. De la colère, de la fureur pensais-je même. Et je n’étais certainement pas assez naïve – quoique la question pourrait se poser -pour ignorer ce qui me valait une telle entrée. Ce que je craignais était arrivé. Il savait. C’était certain.

Le laissant approcher de moi, toujours debout, les yeux fixés sur le visage du jeune botaniste, je l’écoutai. Sans un mot. Sans un geste.

- Bonsoir Monsieur Gimhae. Repris-je à sa suite en tentant de garder mon calme alors que mon esprit n’avait qu’une envie, celle de reculer. Asseyez-vous, je vous en prie.

Attrapant ma baguette, je vins faire approcher deux chaises, positionnées devant mon bureau, pour prendre place sur l’une d’elle. J’aurais certainement besoin de cela. Autant user de politesse pour le faire. Politesse dont le Gimhae semblait, à cet instant, être dépourvu. Je ne pouvais pas l’en blâmer. La situation était… disons bien assez complexe pour que je sois tatillonne à ce sujet. Ainsi le laissai-je s’exprimer sous la forme de trois questions… Silencieuse, muette, même, je l’observai.
La première question… Ne m’étonna pas. Voilà une remarque que je lui avais faite. Une relation pansement. Ce risque existait plus que de raison. Alors… Soit. La seconde question, elle, me fit froncer les sourcils. Mettre dans la tête des idées de famille ? L’avais-je fait ? Quand ? Comment ? Je n’avais rien demandé de telle, au contraire, je lui avais dit que nous avions besoin de temps pour être certains de ce qu’il se passait, qu’on ne se trompait pas alors… Comment ?! Par tous les mages… La dernière question, quant à elle, ne fit que me rendre davantage muette, comme si cela était encore possible.

Il me fallut de longues minutes pour, enfin, réussir à prononcer un mot. Je ne savais pas réellement quoi dire, rien ne pouvait me défendre. J’étais coupable, j’étais la seule coupable à avoir entraîner un étudiant dans cette histoire, inutile de le nier. Cette culpabilité que j’avais, jusque lors, mis de côté sous les demandes d’Ayden me revenait en pleine figure sans que je ne puisse la retenir.

- Je… Commençais-je à répondre avant de baisser la tête.

Je n’avais plus rien d’une professeur à cet instant. L’avais-je déjà réellement été, en un sens ? Me mordant la lèvre, honteuse, Matthew Gimhae était, à cet instant, bien plus adulte et responsable que je ne l’étais. Un comble au vu de ma position.

- Je vais répondre à vos trois questions. Repris-je en tentant de contenir ma voix chevrotante.

Reprenant ma baguette, je verrouillai la porte avant de lancer un sort de silence. Mieux valait être prudents… Quand bien même ma carrière était sans doute désormais déjà terminée. Je ne chercherais, d’ailleurs, même pas à le convaincre de ne pas en parler. Cela serait son droit, son devoir, même.

- Pour ce qui est de la première… J’en ai conscience. Et…

Comment dire que j’étais désolée, que je m’en voulais ? Comment le faire accepter alors que la logique aurait voulu que je ne fasse qu’arrêter ou mieux, ne pas commencer ? Je n’avais aucune excuse, aucune façon de me faire pardonner.

- Je suis désolée. Dis-je néanmoins. Je n’ai pas fait ce que j’aurais du en tant qu’adulte et responsable… Je…

Je me suis laissée emporter, je n’ai pas réfléchi, je n’ai pas VOULU réfléchir, était la réalité mais une réalité qui me semblait fade, impossible à prononcer et surtout à faire comprendre car j’étais la responsable, et je n’avais rien fait.

- Je n’ai rien d’autre à ajouter. J’ai commis une chose que je n’aurais jamais dû commettre par faiblesse d’esprit et manque de réflexion. Je suis consciente de cela. Je… Je suis désolée.

Si ma voix tremblait davantage, si l’envie de me pendre avait surpassé l’envie de me cacher, je ne cherchais pas réellement à me faire pardonner, à donner une explication car je ne trouvais même pas les mots pour le faire. J’avais fait une chose qui m’avait fait du bien sans réfléchir aux conséquences. Et si je réfléchissais toujours après coup, si je ne faisais qu’avancer pour mieux reculer au contact d’Ayden, rien n’excusait ou ne pouvait expliquer que je n’ai pas tout arrêter car il était évident qu’il était bien plus fragile qu’il ne le disait, bien plus que moi qui n’avait fait que profiter de lui.

- Pour ce qui est de votre deuxième question… Ce sera la seule chose sur laquelle je me défendrais. Dis-je à mi-voix. Je n’ai jamais mis ce genre de choses dans la tête de votre frère. Je ne suis en rien coupable de cela. De tout le reste, oui. Entièrement. Mais pas de ça. Au contraire… Je… Je voulais du temps, de la réflexion. Je voulais être certaine qu’il ne s’agissait pas d’une relation déraisonnée et entraînée par un mal être d’un côté ou de l’autre.

Or, il était évident, par la première question de Matthew, que c’était le cas, que je ne m’étais visiblement pas trompée. Ayden s’était laissé entraîner par une passion, poussé par une fragilité dont je m’étais servie.

- Enfin, votre dernière question…

Et c’était là, peut-être, le plus difficile. Valait-il ma carrière et sa scolarité ? A vrai dire… ma réponse pouvait se décomposer en deux parties bien distinctes. Ainsi relevai-je la tête, fronçant les sourcils.

- Rien ne vaut sa scolarité. Expliquai-je cette fois clairement. Et jamais je ne me mettrais sur sa route. Mais ma carrière…

Ma carrière était, de toutes les manières, terminée.

- Je suis désolée… J’en accepterais évidemment toutes les conséquences.

Inutile de tergiverser. Il m’était déjà difficile de maintenir le regard de l’aîné des Gimhae, difficile de faire face à ces vérités que je connaissais pourtant pour les avoir, moi-même, prononcées… Mieux valait aller droit au but.

Avais-je réfléchi aux conséquences ?... Hé bien… La vérité était que non. Pas en ce sens et je ne pouvais pas mentir. Je ne savais pas mentir. Je n’en avais aucune envie. Pourtant, en mon sein, je désirais me défendre, défendre ce qui était indéfendable. J’avais commis l’irréparable, engageant un adolescent, l’un de mes étudiants, sur un chemin dont il ne se sortirait pas indemne. C’était là la dernière chose que je désirais, la dernière chose à laquelle j’avais pensé. Poing serré sur ma cuisse, je tentai de rassembler mes idées, de réfléchir rapidement. Pas à la façon de m’en sortir, non, car je ne le désirais même pas, à vrai dire, mais bien à tout ce qu’il se passait et s’était passé.
Matthew Gimhae avait raison. Entièrement raison et plus ses mots me frappaient, plus mes mots s’échappaient, m’empêchant tout simplement de répondre… Mais l’aurais-je même pu sans cela ? Je n’en étais pas convaincue tant les vérités n’attendaient aucune réponse.

- Je n’ignore aucune réputation. Soulignai-je malgré tout, tentant de garder, en vain, l’esprit clair et la voix posée. Je préfère seulement penser que les réputations ne font pas la personne.

C’était une vérité qui ne suffirait certainement pas mais une vérité malgré tout. Depuis ma jeunesse, je passais au-dessus de toutes les réputations. Preuve en était, Andrew était un mangemort et j’avais cru en lui. Fausse bonne idée, il me l’avait prouvé et… Cette situation me le prouvait de nouveau. Ah. Douce ironie que j’admettais ne pas avoir vu venir. Trop aveuglée par ma propre souffrance, je n’avais pas fait attention, c’était un fait. Je m’étais laissée portée par le courant, freinant bien trop peu pour que je puisse l’admettre, le dire. J’étais coupable, c’était indéniable. Et je m’étais servi de lui.

Je relevai pourtant la tête aux mots du sorcier, sourcils froncés.

- Il veut quoi ? Soufflai-je quelque peu surprise.

Ayden voulait arrêter ses études ? Pourquoi ? Enfin… Non. Question idiote. Il était presqu’évident d’en deviner la raison. Mais quelle qu’elle puisse être, elle ne serait jamais une raison suffisante. Pas à mon sens. Était-ce d’ailleurs pour cela qu’il ne m’en avait pas parlé ? Ayden savait ce que représentaient les études pour moi, il savait que j’étais professeur et amoureuse de cet emploi et que ce n’était certainement pas pour rien. Comment imaginait-il pouvoir m’annoncer cela ? Enfin. Il n’aurait au moins pas à le faire. D’ailleurs fronçai-je les sourcils à imaginer qu’il aurait dû le faire. C’était faux. Il n’avait rien à voir, à me devoir. Evidemment.
Quant au fait de tout perdre pour une relation. Je savais pertinemment ce que je risquais. Je le savais depuis le début, depuis que j’avais cédé, depuis que j’avais accepté ce que je n’aurais jamais dû accepter. Revenir sur ce fait serait mentir. Sans l’admettre, je l’avais accepté, je l’avais craint, mais j’avais continué. De la stupidité ? Peut-être. Sûrement, au point où nous étions. J’étais stupide, c’était un fait, mais plus que cela, j’étais irresponsable.
Sa menace, elle, me fit de nouveau baisser les yeux. Evidemment. Sa mère aurait plus de pouvoir mais… C’était inutile. Totalement inutile. Elle n’aurait certainement pas le pouvoir de me faire descendre plus bas que terre et à cet instant c’était là où j’étais.

- Je lui enverrais un hibou. Soufflai-je en fronçant les sourcils. J’assume ce que j’ai fait. Sans dire que c’était une bonne chose. Sans dire que je n’ai pas de remords. Sans dire que j’en suis fière. Votre mère sera au courant, tout comme la direction. Dès demain.

Qu’avais-je donc d’autre à faire, après tout ? J’avais fait du mal, beaucoup de mal, mais c’était peut-être encore la seule façon de me sauver, non pas par réputation, mais bien par honneur, en un sens. Cela ne serait certainement pas suffisant pour calmer sa colère et c'était normal mais... Au moins cela serait-il fait sans l'obliger à le faire lui même.
Il était trop tard pour être désolée, disait-il. Certes. Il avait raison. Le mal était fait. Et s’il n’avait pas tort quant à l’obstination de son frère contre laquelle je n’avais presque pas lutté, ou du moins certainement pas assez fortement, je fronçai de nouveau les sourcils.

- Ce n’est pas un cas de conscience. Répondis-je. Mais seulement une vérité. La faute est commise, mais cela n’empêche à rien de se sentir coupable. De l’être, du moins. Et d’en être désolée.

Relevant la tête à sa question, je l’observai quelques instants en silence. Amoureux… Ces mots, venant d’un autre qu’Ayden, me frappaient violemment alors que j’ouvrais les lèvres pour répondre.

- Il n’a jamais s’agit de me faire oublier un autre. Articulai-je, la voix de nouveau chevrotante.

J’avais, pour cela, utilisé bien des moldus et rien d’autre. Non. Pour dire toute la vérité, il avait s’agit de me redonner confiance en quelqu’un. Ce n’était pas plus glorieux cela dit.

- Et il a évidemment de l’importance. Beaucoup d’importance. Admis-je. Votre frère a beau avoir la réputation qu’il peut avoir, c’est une personne intelligente, une personne sensible et dévouée. Repris-je en fixant l’étudiant. Il apporte bien plus à son entourage que ce qu’il peut penser. Et par tous les mages jamais il n’a s’agit de me faire oublier Andrew ! Avais-je fini par m’exclamer, soudainement. Je n’ai rien pour me défendre, je ne veux pas même chercher à me défendre mais par Merlin, votre frère m’a aidé, m’a rassuré, il m’a offert ce dont j’avais besoin par sa simple présence et jamais je n’ai désiré et ne désire lui faire le moindre mal ! Ayden est quelqu’un de bien. Finis-je par baisser le ton. Croyez bien que je n’ai jamais voulu profiter de lui.

Et je l’avais pourtant fait. Inconsciemment, me fustigeant de céder à ses bras, certes, mais je l’avais fait. Et ce n’était donc pas pour me défendre, à nouveau, de cette situation dans laquelle j’étais bien coupable et indéfendable. Je voulais seulement remettre les choses en ordre, admettre que je n’avais pas fait cela avec la moindre idée derrière la tête. Il m’avait aidé, je n’avais pensé à rien d’autre et j’avais apprécié chaque moment, chaque conversation que j’avais pu avoir avec lui, quoique l’on puisse en penser.

- Jamais je ne lui aurais même soufflé l’idée d’arrêter ses études ! Repris-je à sa suite. S’il faisait ses études pour son ex petite amie, il peut toujours en changer, faire quelque chose qui lui plait mais les arrêter…

Non. Il était hors de question qu’il les arrête. Quelle que soit la raison qu’il apporterait à cette idée, elle ne pourrait pas me suffire. Il avait les capacités pour faire des études, il devait les continuer, ou en changer, trouver sa voie, mais certainement pas les arrêter.
Où l’avais-je donc conduit, sur quel chemin avais-je entraîné le jeune homme pour qu’il en arrive à de telles idées ? Si je n’avais pas besoin de ça pour me condamner, cela ne faisait que prouver ce que je craignais : rien ne pouvait aller, finalement, dans cette situation.
Pour autant, le jeune homme refusa nettement que je puisse envoyer tout hibou à sa mère afin de lui faire part de ce qu’il en était. Ce qui m’apparaissait pourtant comme étant la chose la plus raisonnable à faire ne l’était pas à son sens.

- Il est hors de question que votre frère soit enlevé de cette école. Posai-je néanmoins.

Je n’aurais pas beaucoup de poids, évidemment, au vu de cette histoire, mais quoiqu’il puisse en être, quoiqu’il se passe, je me battrais pour cela, pour qu’Ayden puisse continuer sa scolarité dans les meilleures conditions, entouré de ses amis et de sa famille. Que je sois renvoyée était une chose logique, presqu’inévitable. Qu’Ayden soit exclu pour avoir cédé à ses démons et à cette monstruosité que j’avais fini par construire en était une autre.

Pourtant, bien que la finalité n’apporte de toutes les manières rien de bon, cela en devenait presqu’une évidence, j’en vins, enfin, à me défendre d’un point. Andrew et Ayden étaient différents et le second n’avait pas servi à oublier le premier. Cela, je ne pouvais décemment pas le lui laisser dire. Plus que faux, cela serait dégradant pour son frère. Ce n’était pas ça. Définitivement. Pourtant, l’étudiant m’avait indéniablement aidé, soutenu malgré un état déplorable et bien loin de l’adulte responsable que je devais effectivement être. Je n’avais été en rien responsable. Au contraire. Était-ce une raison pour imaginer que je reculerais lorsque ce qui n’était qu’une passion me soulageant serait passé ? En un sens, oui. Mais pas si l’on me connaissait. Or, Matthew Gimhae ne me connaissait pas. C’était à moi de le dire, à moi de le prouver sans que je sois convaincue que mes mots puissent suffire.

- Il est hors de question, il sera toujours hors de question que je ne soutienne pas votre frère. Avais-je ainsi répondu, sérieusement.

C’était hors de propos, sans commune mesure. Quoiqu’il se passe, Ayden aurait mon soutien. Je n’étais peut-être pas la plus responsable au vu de notre conversation actuelle, de ce qu’il s’était passé. Je n’étais certainement pas la personne la plus recommandable de ce château mais s’il y avait une qualité qui pouvait me caractériser, c’était bien la dévotion. Et si cela était vrai pour chacun des habitants de ce château, si je pouvais aider chaque sorcier de Poudlard qui en aurait le besoin, cela l’était encore bien plus envers Ayden à qui je devais plus que sa « simple » existence.

- Je ne mentirais pas en vous disant que je connais et comprends chacune de ses insécurités, repris-je néanmoins. Ayden est particulièrement doué pour les masquer.

Et je devais bien admettre que je n’avais pas creusé, que, plongée dans mes propres démons, je n’avais fait que rester en surface, que comprendre ce qu’il me disait et seulement ce qu’il me disait sans avoir ni la force, ni le courage, ni l’idée même de creuser.

- Pour autant… Ce n’est pas parce que je ne les comprends pas que je ne l’aiderais pas à les combattre, que je fuirais au moindre problème. Vous me voyez peut-être comme un monstre ou au moins une imbécile et c’est certainement le cas. Mais malgré ça, jamais, par tous les mages, jamais je ne laisserais Ayden sans faire ce qu’il faut pour l’aider.

Que cela passe par un arrêt définitif de toute relation, de toute rencontre même de loin… Ou par ma présence à ses côtés. Si cela était encore possible et… Et j’admettais en un sens qu’imaginer ne plus jamais revoir Ayden à cet instant venait provoquer un pincement en mon cœur. Un pincement que je préférai refouler, tentant de garder cette tête froide qui n’était pourtant qu’apparence. Et ce fut davantage le cas, encore, lorsque Matthew remit cette relation pansement que je craignais réellement sur le tapis, me prouvant, alors, que mes craintes étaient effectivement fondées. Baissant les yeux, allais-je pour autant reculer ? Ce n’était pas la raison qui manquait pour cela, mais… Je n’en avais pas envie. Assumer, oui. Être forcée de tout arrêter, oui. Mais le faire de moi-même ? Je n’arrivais pas à me faire à cette idée pourtant raisonnable.

- J’aimerais pouvoir vous assurer de l’avenir. J’aimerais pouvoir vous dire ce que vous voulez entendre mais c’est impossible. Je peux seulement vous assurer que je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour qu’Ayden soit heureux. Pour qu’il ne se trompe pas et qu’il ne fasse pas… Enfin… Qu’il ne fasse pas d’autres mauvais choix.

Car j’en étais un, définitivement. En avais-je les épaules ? La question pouvait être posée. Je ne saurais pas y répondre. J’avais encore bien des choses à combattre, à accepter pour retrouver celle que j’avais été, mais malgré tout ce qu’il pouvait se passer dans ma vie, cela ne changerait rien aux faits. Jamais je ne viendrais risquer la vie de quelqu’un d’autre et certainement pas celle de l’homme qui m’aidait à traverser la passe la plus difficile que j’avais pu connaître dans ma vie jusque lors.

- Je ne vous demande pas de me croire. Terminai-je. Je ne vous demande pas de me laisser une chance. Seulement… Je sais beaucoup de choses sur les dégâts d’une relation, sur le manque de confiance, sur le chaos ou même sur le fait de reculer. Alors… Je vous assure que j’aurais tout fait et je ferais tout pour qu’il devienne une personne saine, sereine et… L’homme qu’il doit être. Avec toute les qualités qu’il détient déjà.

- Evidemment que non. Me défendis-je en fronçant les sourcils.

Bien sûr que je ne pousserais jamais Ayden à arrêter ses études, pour n’importe quel projet au monde, je ne le ferais pas. Tout projet pouvait attendre. Ses études étaient une chance. Il devait les saisir, les continuer. Jamais je n’irais contre ce fait et certainement, même, me battrai-je pour lui permettre de terminer ses études dans les meilleures conditions, à savoir, entouré de sa famille. Ici. A Poudlard. Mais Matthew n’avait pas tort. Cela ne serait pas de mon ressort. Bien sûr. Est-ce que cette évidence m’arrêterait pour autant ? Bien sûr que non. Ayden ne méritait pas de souffrir d’être exclu d’un environnement qu’il connaissait pour mes propres erreurs. Même si… Je devais admettre, en un sens, qu’au vu de la façon dont il avait de se voir… Cela ne serait pas un mal non plus. Recommencer à zéro, sans cette réputation dont il jouait et souffrait en même temps… Soit. Enfin… Nous n’en étions, heureusement, pas encore là, quand bien même je sois prête à me dénoncer dès le lendemain, lorsque mes affaires seraient mises en ordre, ne connaissant que trop bien les conséquences de cela.

Pourtant, avant d’en arriver là, le jeune homme fin s’enquérir de bien autre chose. Etais-je prête à soutenir son frère ? La réponse était évidente. Pour moi, tout du moins. Bien sûr que je le serais. Quand bien même je ne pouvais ni comprendre ni entrapercevoir tous ses démons, il était évident que je le soutiendrait, que je serais là pour lui autant qu’il en aurait besoin. Baissant les yeux, je dus malgré tout admettre qu’une nouvelle fois, le jeune Gimhae avait raison. Ayden était doué sur bien plus de choses que de masquer ses ressentis. Et Seigneur qu’il pouvait être convaincant… Mais… mieux valait ne pas partir sur un tel sujet.

Relevant les yeux lorsque sa prochaine question vint à mes oreilles, je ne fis que lui répondre le plus sincèrement possible. Quand bien même il allait être particulièrement difficile de me croire, quand bien même cela allait demander du temps, je tentai d’être la plus sincère et véritable possible. Je ne ferais pas plus de mal que j’en avais déjà fait ou du moins… Je tenterais de ne pas en faire, quoique cela puisse paraître difficile.

- Oui. Répondis-je cette fois sans aucune hésitation. Le soutenir ne veut pas dire être accrochée à lui. Je m’adapterais à ce dont il a besoin. Que cela soit avec ou sans moi. Si cela doit être sans moi, jamais je ne m’y opposerais. Au contraire.

Au contraire oui, cela serait peut-être un bien pour lui. Tout serait plus facile si je n’étais pas entrée dans l’équation. Mais il était trop tard pour faire marche arrière. Il fallait désormais s’adapter, se réinventer et se modifier pour convenir à la situation sans nous briser malgré tout.

- Je ne vous demande ni de me faire confiance, ni de me voir comme une enseignante. Répondis-je finalement dans un sérieux qui ne laissait que peu de doute quant à mes pensées. Dans le premier cas, cela serait idiot et dans le second je ne le mérite pas.

Au moins étais-je réaliste quant à ce que j’étais, ce que je montrais. Je n’étais pas une professeur. Une belle imbécile, peut-être. Mais plus une professeur responsable, ni même une femme digne de ce métier.

- Mais je vous demande de ne pas mettre mes collègues dans le même panier. Une citrouille pourrie ne vaut pas tout un chargement. Soufflai-je sans même baisser les yeux, assumant d’être cette citrouille pourrie jusqu’à la moelle. Sachez seulement que les intérêts d’Ayden me tiennent à cœur autant qu’à vous. Quand bien même ce n’est pas l’impression que j’ai pu donner, et même si je l’ai entraîné sur une pente qu’il n’aurait jamais dû connaître. Jamais je n’ai voulu et jamais je ne voudrais lui faire le moindre mal. Votre frère est une personne exceptionnelle qui s’ignore. Et si je ne suis pas quelqu’un de « bien » dans le sens qui devrait être le mien, je me refuse d’être entièrement mauvaise malgré tout. Ayden mérite ce qu’il y a de meilleur. Quoiqu’il en soit. Et si je vous remercie de nous laisser cette chance malgré tout… Je ne m’opposerais à aucune condamnation, à aucun fait de votre part si cela s’avérait être néfaste pour Ayden.

Et j’étais sérieuse. Il avait beau être, dans les faits, un élève, un étudiant… N’ayant plus rien d’une professeur, je me refusais à la moindre tentative d’ascendant sur lui. S’il désirait venger son frère. Je le laisserais faire. Il en avait tous les droits et toutes les raisons.

- J’admet que savoir Ayden aussi entouré… Terminai-je finalement. Me soulage en un sens. Il ne sera jamais entièrement perdu. Malgré tout.

C’était une réalité. Certes une réalité dangereuse pour moi, mais une réalité qui me rassurait pour Ayden et c’était bien là le plus important.