Si j’avais connu bien des temps durs dans ma famille, nous avions atteint aujourd’hui le summum. En deux semaines, j’avais vécu un premier week-end normal, m’étais fait fiancée à Nicholas, enlevée par Matthew puis ma liberté avait été négociée au prix de la sienne… Ajoutons à cela le départ du Professeur Mackelled qui m’avait donné l’occasion de prendre un intérim inespéré… Mes journées étaient désormais bien loin d’être calmes et sereines. Alix absente, j’avais ainsi dû compter sur Matt que je ne voulais pas déranger plus que je ne l’avais déjà fait, et Amara. Personne d’autres. Et je devais bien avouer que ma meilleure amie me manquait réellement à cet instant.

Mais inutile de penser et de rêvasser. J’avais encore bien trop à faire et notamment parce que j’étais Préfète en chef et Elève directrice du Journal de Poudlard et du club de Potions. Par Merlin… Pourquoi avais-je pris autant d’options ? Ah. Oui. Evidemment. L’opinion publique à mon égard. Au moins n’avais-je pas réellement le temps de penser…
Courant, ou presque, à travers les couloirs, c’était mon heure dédiée au journal qui allait débuter. En l’absence d’Alix, je me devais d’assurer la publication de notre revue mensuelle lorsque l’on me barra la route, m’obligeant un arrêt net.

- Hé, paraît que ça a été le bordel chez t…
- Tu as deux secondes pour disparaître. Pestai-je contre le Serdaigle qui s’imaginait assez intéressant pour que je veuille écouter son avis ou sa remarque.
- Fais pas ta…
- Une seconde. Et je te déconseille de jouer avec mes nerfs. Dégage. De. Mon. Chemin.

Je ne pouvais pas être plus claire. Et cet imbécile de 6ème année fit demi-tour sous mon regard particulièrement courroucé. Soufflant profondément, j’allais reprendre ma marche lorsqu’une voix m’arrêta de nouveau. Par tous les mages ! Que me voulaient-ils aujourd’hui ?! Faisant volteface pour, de nouveau, incendier l’étudiant dont je n’avais pas reconnu la voix, je m’arrêtai alors net. Ted Lupin. C’était mon jour de chance. Définitivement. Serrant les dents alors que les liens se faisaient dans mon esprit, je soupirai de nouveau profondément, tentant de ravaler le venin auquel il avait échappé de justesse.

- Bonjour Ted. Répondis-je plus poliment qu’à la normale malgré mon timbre de voix pincé.

Si je n’avais encore jamais eu à faire réellement aux proches de Matthew jusque-là, je devais admettre que Ted tombait particulièrement mal. Je n’avais aucune envie de faire la conversation. Pas maintenant. Mais avais-je réellement le choix ? Visiblement pas. L’homme, lui, semblait vouloir me parler. Soit.

- Tu peux. Répondis-je ainsi. Suis-moi.

Quitte à discuter, autant se trouver dans un endroit plus confortable après tout. Ainsi lui fis-je parcourir le Hall d’Entrée jusqu’aux deux salles réservées au Journal de Poudlard et plus particulièrement à la salle de la direction redécorée au goût des Queens, bien évidemment.

- Installe-toi. Tu veux boire quelque chose ?...

C’était là une première. Proposer à Ted Lupin une boisson. Si mon ton était toujours froid et distant au moins faisais-je un effort. Après des mois à partager le poste de préfets en chef… Mieux valait tard que jamais, n’est-ce pas ?

M’installant face à lui, je retins un nouveau soupir avant de toussoter, secouant la tête de gauche à droite.

- Donc. Je suppose que tu es venu me parler de Matthew. Commençai-je en croisant les jambes. Si c’est pour me mettre en garde que « tu me casseras la gueule si je ne le rends pas heureux », ce n’est pas la peine. Son frère s’en est chargé pour toi, rassure-toi. Et si c’est pour m’insulter de tous les noms pour avoir osé l’obliger à se fiancer à moi, ce n’est pas la peine non plus. Je peux le faire seule, je te rassure.

Les efforts avaient ainsi leur limite. Enfin… Au moins avais-je perdu de ma hauteur au vu de la situation actuelle. Cela n’ajoutait certainement pas de chaleur à ma façon d’être, mais Ted pouvait désormais se targuer de m’avoir parlé sans que je ne l’agresse directement.

- Comme quoi, tout arrive. On pourrait même croire que le Père Noël existe. Rétorquai-je ironiquement dans un sourire oh combien hypocrite face à sa pique bien placé.

Bien sûr, Ted n’avais pas tort, bien loin de là et je ne serais pas la dernière à l’admettre. Je n’avais jamais considéré cet homme autrement que comme un fils de monstre, un sang mêlé qui n’avait sa place à Poudlard que parce qu’il fallait de la « diversité ». Et cela s’était toujours ressenti dans nos échanges. Professionnels, certes, il n’y avait jamais eu un mot plus haut que l’autre, mais très peu cordiaux.

Enfin… Cela n’enlevait en rien, malgré tout, l’agacement que je pouvais actuellement ressentir. Je n’avais pas le temps pour ce genre de chose et ainsi lui fis-je remarqué qu’il était tout à fait inutile de me rabâcher ce que je savais déjà.

- Au moins es-tu galant. Répondis-je à sa première remarque dans un ton quelque peu acerbe avant qu’il ne reprenne parole.

Mmh. Peut être n’aurais-je justement pas dû lui laisser le temps de parler. Fronçant les sourcils, je me trouvais face à une personne « inquiète » pour son meilleur ami. Et pourquoi était-il inquiet ? Ah ! Une joie absolue à entendre. Plus Ted parlait, plus mon regard s’obscurcissait, laissant place à des éclairs de colère jusqu’à ce que…

- Un parti acceptable ? Répétai-je entre la surprise et le mépris. Tu penses qu’il n’est qu’un parti acceptable pour moi ?

La boisson. Il n’avait pas répondu, certes, mais il en avait demandé une. Afin de ne pas exploser en vol, je me retournai brusquement pour me diriger vers un meuble que nous avions rempli de boissons, sans alcool, évidemment. Remplissant deux verres de jus, prenant une longue et profonde inspiration suivi de la même expiration, cherchant à rester calme par tous les moyens… Ce fut… Un échec. Et cuisant. Ainsi retournai-je vers lui, posant avec une colère à peine maîtrisée son verre sur la table, un sourire méprisant et narquois aux lèvres alors que je me redressai pour lui faire face.

- Que tu ne m’aimes pas est une chose. Réciproque d’ailleurs, ça tombe bien. Et oui. Je suis une Gaunt. Je suis une descendante d’un des fondateurs de cette école. Je suis héritière de ma famille aussi détestable puisses-tu la trouver. Est-ce que j’en suis fière ? Oui.

Oh. Je n’étais certainement pas fière de ce qu’il se passait actuellement. Je n’étais pas réellement fière de Tom Jedusor ni de sa mort ni de sa vie d’ailleurs, je ne l’étais pas de mon père. Ni de ma mère. Mais pour le reste… Je savais qui étaient mes ascendants, quand bien même il y avait eu quelques… Ratés au sein de la généalogie.

- Mais ne dit jamais que Matthew n’est qu’un parti acceptable pour moi. Repris-je cette fois avec une colère que je ne cherchais même pas à cacher.

Bien loin de l’éducation qui m’avait été donnée, de la maîtrise dont j’avais toujours fait preuve, ce Sang-Mêlé avait eu l’audace de toucher un point qu’il ne fallait pas.

- Je n’ai jamais et ne demanderais jamais à Matt de couper les ponts avec qui que ce soit. Je ne demanderais jamais à ce que vous m’acceptiez toi comme les autres. La seule chose qui m’importe, c’est lui et ce qu’il pense. Méprise-moi autant que tu veux, Lupin. Repris-je sèchement. Pense ce que tu veux, que je suis une garce, une manipulatrice, une salope même si tu en as envie. Je m’en moque. Mais je t’interdis de penser une seule seconde que Matt n’est qu’un « parti acceptable » pour moi.

En temps normal, je n’aurais pas cherché à argumenter. Je l’aurais certainement insulté sans même user de vulgarité, je lui aurais rappelé quelle était sa place de créature inférieure s’il avait fallut et… Oh. J’aurais peut-être même rappelé la mort de ses parents par simple désir de vengeance au vu de la colère qu’il venait de provoquer mais… Rien. Je n’en fis rien. Bien au contraire. Me redressant, le toisant alors, je repris.

- Imaginer que ton ami puisse se faire manipuler… Tu as visiblement peu de considération pour son intelligence et sa réflexion. A moins que tu surestimes mes capacités. J’en serais presque flattée si je n’aimais pas Matthew plus profondément que tu ne pourrais l'admettre.

Je ne chercherais même pas à le convaincre. C’était inutile. Je n’en voyais pas l’intérêt. Après tout avait-il été parfaitement clair avec sa façon de me voir et je ne m’étais, d’ailleurs, pas battues là-dessus, il n’était pas réellement loin d’une certaine vérité. Une vérité changeante, je pouvais l’admettre, mais une vérité malgré tout.

- Mais alors qu’est-ce que tu veux ? Repris-je finalement. Tu es simplement venu pour m’insulter ?  Toi qui parles de tolérance, il me semble paradoxalement que tu en es très loin. A moins que tu cherches à prouver à tous que je ne suis que cette garce manipulatrice. Dans ce cas réessaie encore. Tu n’as pas été creusé assez loin dans les insultes. Soufflai-je l’air agacé, m’asseyant dans le canapé pour l’observer avec attention.

Voulait-il vraiment commencer un jeu de qui aurait le plus de patience ?

- Grand bien te fasse. Commentai-je amèrement. Mais dis-moi, c’est censé me rendre malheureuse ou me choquer que tu détestes ma façon de penser ? Ironisai-je à nouveau en l’observant.

Je m’en moquais. Ni plus ni moins. Il pouvait me haïr, m’insulter, me dénigrer autant qu’il le désirait… Il n’était rien et ne serait jamais rien pour moi. Ou presque. Dans cette pensée il n’y avait qu’un « léger » problème que je me devais, même difficilement, de prendre en considération. Et ce problème avait un nom : Matthew Gimhae. Lupin était l’un de ses meilleurs amis. Que je le veuille ou non. Et si je ne lui imposerais jamais la moindre relation autant que je ne lui imposerais pas d’en couper… J’allais devoir apprendre à mettre de l’eau dans mon vin, même si cela rendait ledit vin imbuvable. Ainsi, en quelques sortes, Lupin n’était plus « rien »., il était devenu… Disons… Une poussière un peu moins insignifiante.
Mais même ce nouveau statut de poussière ne lui permettait pas certaine chose, dont l’affront d’imaginer que Matt n’était qu’un « parti acceptable » pour moi. Je le lui interdisais… Chose qui ne manqua pas de le faire tilter. Un elfe de maison… Tss. Non. Il était pire mais… Du calme… Me rappelai-je à l’ordre avant de soupirer, levant les yeux sur lui.

- Les elfes de maison ont au moins le mérite d’être obéissant et bien élevés. Crachai-je avec un mépris que je peinais à dissimuler, me fustigeant pour ce manque de contrôle face à la corde sensible qu’il avait précédemment toucher.

Au moins avais-je fini par être claire. Sans même chercher à l’en convaincre, je n’avais pas caché ce que je pensais et ressentais pour Matthew. Je l’aimais. Bien plus profondément qu’il ne pouvait même l’imaginer. Etions-nous mutuellement aveuglés ? Possiblement, c’était un fait que ni l’un ni l’autre ne pouvions rationnellement écartés. Pour autant… Je ne me pensais pas irrationnelle, bien loin de là. Réfléchie, terre à terre, je n’étais pas une jeune fille innocente et naïve et je savais reconnaître la vérité d’un mensonge ou au moins d’un aveuglement. Et ce n’était pas le cas. Ainsi accueillis-je sa remarque d’un haussement de sourcil dédaigneux, ne prenant même pas la peine de répondre à une telle bêtise. Il était inutile de me fatiguer.

Pour autant, une question demeurait en suspens : que voulait-il ? Car rien de ce que nous venions d’échanger, si tant était que cela puisse être appelé échange, n’était constructif. Nous ne nous apprécions pas. C’était un fait déjà établi. Lui pour ma façon de penser et d’agir, moi pour… Lui. Alors quoi ? Que voulait-il de plus ?

- Par peur de perdre contre moi ? Ironisai-je quant à son manque d’envie de jouer et pour la première fois sans aucune arrière-pensée autre qu’un tacle placé par plaisanterie.

Mais non. Ce n’était pas ça. Ainsi désirait-il réellement que l’on se tolère. Sans être pour autant naïf quant à une potentielle amitié qui ne serait très certainement jamais d’actualité, il ne voulait que la paix. Comme Matt m’avait dépeint ? Mmh. J’avais quelques début de réponses à cette question mais… Mieux valait que je n’en sache rien. Il était évident que le botaniste avait des éléments descriptifs bien loin de ce que la plupart des autres élèves de Poudlard pouvaient me donner.

- Je n’ai aucun intérêt à mentir sur ce que je suis à Matthew. Soulignai-je malgré tout en attrapant délicatement mon propre verre. Ce serait contreproductif.

Son argent ? Sa notoriété ? Valait-elle réellement que je me mette en porte à faux de ma famille et de tous les Sangs Purs ? Eux savaient que non. Lui et tout ceux de sa race… Mmh. Ils ne comprendraient rien. Inutile, donc, de tenter de les éduquer à la ques… Heather ! Me rappelai-je à l’ordre alors que les insultes recommençaient à fuser dans mon esprit. Yeux fermés le temps de quelques courtes secondes, je soupirai alors.

- Si tu as peur que je ne m’intéresse à Matthew que pour son nom et ce qu’il représente, commençai-je calmement allant à l’encontre de toute mon envie de l’envoyer balader, pose toi la question de savoir si un nom, quel qu’il soit, te vaut ta réputation, ta famille et toute ta vie.

Cela n’allait peut être pas le rassurer, certes, et en un sens, je pouvais entendre que ça ne serait pas suffisant. Quoique je pense de lui, Matthew restait son amis et si Alix m’avait fait part d’un fiancé, enfin mari désormais, aux mœurs différentes des nôtres… Sûrement me serais-je inquiétée pour elle… C’était un fait que je ne pouvais décemment pas ignorer.
Quant à recommencer… Silencieuse le temps de quelques instants, j’observai la main tendue, l’air froid avant qu’un sourire, enfin, moins vindicatif et même quelque peu amusé, n’étire mes lèvres alors que je me levai du canapé.

- Je t’ai déjà dit que je me moquais foncièrement de ce que tu pouvais penser de moi. Soufflai-je ainsi plus doucement en glissant ma main dans la sienne pour la lui serrer. Mais soit. Recommençons alors. Me taisant quelques secondes, je relâchai sa main pour l’observer de haut en bas. Et à défaut que je te l’interdise, évite d’imaginer le pire immédiatement, s’il te plait. Je suis une garce. Pas un monstre.

Entre plaisanterie, pique et autre douceurs, je venais, à mon sens et même si cela ne paraissait rien pour le commun des mortels, de faire un immense pas en la direction de Ted : j’avais été polie et lui avais demandé une chose sans ordre ou autre forme d’autorité. Seulement… Avec un s’il te plait. Le Père Noel existait. C’était un fait. Et ma parole aussi. Recommencer, avait-il dit… Et donc faire les efforts qui allaient avec, que ces derniers me pourrissent la langue ou non. Pour Matthew. Et rien que pour lui.

Effectivement, cela signifierait une chose fausse. Si je me moquais de l’avis de tous, ceux qui m’était inférieur méritait certainement bien moins mon attention. Le tout était de savoir qui est-ce que je pouvais juger inférieur et… J’admettais que Ted devait le savoir, en en ayant fait quelque peu les frais depuis que nous nous connaissions.

Sa remarque suivante, néanmoins, vint m’arracher un certain mépris, quand bien même j’acceptais de faire des efforts, Lupin semblait vouloir me pousser dans mes retranchements. Mauvaise idée, à mon avis, car ma patience avait beau être certaine, elle avait des limites que l’on pouvait atteindre bien trop aisément si l’on savait où frapper. Et cet idiot avait visiblement très vite compris sous quel angle me piquer pour me faire réagir… Ou plutôt surréagir, je l’admettais aisément tant je me fustigeai pour mon manque de contrôle.

- J’aime quand le respect est réciproque. Corrigeai-je néanmoins. Ne me fait pas regretter ma tolérance.

Inutile de lui faire imaginer une potentielle amitié. Il devait, d’ailleurs, lui-même se refuser d’admettre cela possible, et certainement à raison. Cela serait de la tolérance. Point barre. En attendant, et malgré cette seule tolérance, j’avais réussi à le taclé de manière « plaisante », sans arrière-pensée, sans chercher à blesser, juste en réponse à ses remarques. Un exploit, presque. Et sa question… Me laissa pantoise.

- Pourquoi ? Esquissant un sourire cette fois amusée, je croisai les bras en l’observant. A quoi bon ? Je ne resterais que la fille consanguine et descendante de Voldemort pour 99% de la population de ce château. Alors à toi de me répondre : pourquoi est-ce que je le ferais ? Pourquoi est-ce que je risquerais de mettre mon père en colère pour avoir fait ami-ami avec des créatures "indignes" ?

Car là était aussi le fond du problème. L’une des plus grande raison de mon comportement : ils ne connaissaient pas mon père, sa colère, son comportement. Et Merlin seul savait que si Ted Lupin la connaissait, il comprendrait par là ce que je voulais dire. Mais ce n’était pas le cas. Et si je ne le dirais pas, par respect pour ma famille et parce qu’à défaut de penser cela normal, je m’y étais habituée depuis tout ce temps.

Quant à d’éventuel regret… L’observant en fronçant les sourcils, je n’eus aucun mal à répondre.

- Jamais.

Non. Je ne le regrettais pas et je ne le regretterais jamais. Parce que Matthew m’avait offert ce qu’aucun sang pur ne pourrait jamais me donner : la liberté, parce que malgré la niaiserie de ce fait, j’étais tombée amoureuse de lui. Plus que je ne l’aurais imaginé.
Enfin… Au moins nous étions nous mis d’accord sur le fait de recommencer à zéro, de passer outre les relations que nous avions eu auparavant, à défaut d’oublier. Et c’est m’autorisant un sourire du coin des lèvres que j’écoutai sa question.

- Ce qui a fait que je suis tombée sous son charme… Répétai-je. Vaste question. Je dirais que c’est d’abord sa personnalité, celle qui le pousse à ne pas s’imposer mais à accepter autant qu’à discuter, le fait qu’il soit passionné aussi, qu’il ne juge rien, sans aucun apriori, qu’il cherche à découvrir, qu’il ne critique pas… Le fait qu’il puisse parler de tout, et de rien, s’intéresser à un nombre de sujets assez important pour que rien ne soit jamais ennuyant avec lui… Son sens de l’humour aussi, son regard, sa concentration quand il travaille… Je fronçai doucement les sourcils, secouant doucement la tête en me rendant compte que mon débit de parole s’accélérait, comme à chaque fois qu’un sujet me passionnait ou m’était particulièrement agréable. Me reprenant donc, je continuai. Je pourrais t’en citer pendant longtemps. Il y a beaucoup de raison qui font qu’à défaut d’être une évidence immédiate, ça a finit par s’imposer à moi. Et ce, même si je suppose que ça va te paraître niais et impossible qu’une « fille comme moi » s’intéresse à « quelqu’un de bien comme lui », je suppose. Soufflai-je doucement. Tu aurais cela dit au moins raison sur une chose. Matthew est quelqu’un de bien. Pas parfait, certes, mais un homme qui mérite ce qu’il y a de meilleur.

Et même si j’étais très certainement loin d’être la meilleure au vu de ce que je lui imposais, je ferais tout pour qu’il soit heureux, pour le rendre heureux et lui donner ce qu’il y avait de mieux sur cette terre. Cela n’effacerait pas son sacrifice mais j’espérais au moins que cela apaise son âme un minimum.

- Mais dis-moi, puisque nous jouons dans la zone curiosité… J’aimerais bien connaître ta réaction lorsque tu as su que ton meilleur ami entretenait une relation avec moi. Soufflai-je, malgré tout légèrement amusée. Était-ce du dégoût, du mépris ? Ou de l’inquiétude peut être ?

Au moins savais-je faire preuve d’un minimum d’autodérision.

Mmh. Bonne répartie. Effectivement. Il n’avait pas tort. Les Sangs-Purs finissaient tous dans une certaine consanguinité à se marier entre eux et uniquement entre eux. Cela eut même le mérite de m’arracher un très léger sourire du coin des lèvres. Un sourire qui s’effaça dès lors que je mentionnai mon père, devenant même une moue lorsque Ted reprit ?

- Est-ce que Matthew t’a donné la réponse pour laquelle il s’est interposé ? Soufflai-je alors en détournant le regard, quelque peu honteuse de ce que j’allais faire et surtout dire. Mon père a eu la généreuse idée de me frapper devant ses invités, quoiqu’il n’avait pas franchement remarqué qu’ils pouvaient voir… Alors pour répondre à ta question : « rassure-toi ». Il était déjà bien assez « furax » avant que Matt ne me prenne avec lui.

Et sûrement aurais-je été ramenée à la maison et battue de toute ses forces s’il n’avait pas été alité depuis lors. Chose que je tus. Evidemment. Je venais déjà bien assez de mettre à mal la « réputation » de mon père, quoique cette dernière soit bien malheureusement connue de la plupart des Sangs-Purs. Mais est-ce que, pour autant, je regrettais tout ce qu’il se passait autour de Matt et moi ? Non. Evidemment que non. J’aurais, bien sûr, préféré que cela se passe autrement, moins vite, plus calmement, mais… Tant pis. Cela s’était ainsi fait. Et je ne pouvais pas le regretter. Impossible.

Au moins Ted eut-il la brillante idée de me poser une question plus légère afin de dépasser cette conversation bien peu appréciée de mon côté. Qu’est-ce qui me plaisait chez Matthew ? Vaste question à laquelle je répondis de la manière la plus succincte possible, permettant à Lupin de trouver une faille dans mon discours. Une faille bien paradoxale, d’ailleurs, je l’admettais.

- C’est peut-être parce que je n’avais l’habitude que de ça que j’aie tout de suite apprécié cette façon de faire. Soulignai-je dans un léger sourire. Et parce qu’il ne cherche pas à me faire changer à tout prix. Même si nous ne partageons pas forcément les mêmes idées, il est tout aussi libre que moi d’agir comme il le souhaite et inversement.

Le plus important était que nos agissements ne blessent pas l’autre. Et c’était bien pour cela que je ne reculerait devant aucun effort, même pour supporter ses amis qui, je l’admettais pour cet instant là (et cet instant seulement, n’exagérons rien), n’était pas plus idiot que d’autres. Au contraire. Preuve en fut le fait que Ted ne rebondisse pas sur ma remarque du « meilleur ». Intelligent.

- Inutile de mâcher tes mots avec moi. Soufflai-je pour toute réponse. Je ne t’en voudrais pas et quand bien même, tu t’en moquerais. Pour autant, je suppose que le fait que nous discutions tous les deux, maintenant, est une bonne preuve, ou au moins un début de preuve, de mon désir de « faire ce qu’il faut pour ».

C’était, à mon sens, indéniable. Je l’avais peut être insulté de manière détournée à deux ou trois reprises depuis le début de la conversation, certes, mais il nous fallait l’un et l’autre admettre une chose : nous n’avions jamais eu de conversation aussi longue depuis que nous nous connaissions. Même en temps que préfets en chefs.
En attendant, c’était à mon tour de faire preuve de quelque peu de curiosité : comment avait-donc été prise la nouvelle ? Secouant négativement la tête à sa question, je laissai Ted s’expliquer, riant même légèrement à la façon de l’annoncer. Directement au saut du lit… C’était au moins un moyen de coincer l’autre. Effectivement.

- Rien ne t’as jamais permis de penser le contraire. Soufflai-je, appuyant ses dires sans le moindre mal.

A quoi bon avoir honte ? Ce n’était pas le cas. J’avais suivi ce que l’on m’avait appris et encore aujourd’hui, si je pouvais potentiellement admettre que certains sorciers avaient la possibilité de faire exception, je doutais toujours de pouvoir un jour serrer la main d’un elfe de maison, par exemple. Pour autant, une chose attira mon attention, me faisant légèrement froncer les sourcils, l’air désapprobateur.

- Si je peux comprendre toutes tes réticences, ta façon de penser, ta haine ou ton mépris… Et même si tu ne me croiras pas d’ailleurs… Sache que jamais je ne demanderais ou je ne pousserais Matthew à s’éloigner de ses amis. Il en est hors de question. C’est à moi de m’adapter. Certainement pas l’inverse.

Et si je ne demanderais pas non plus à Matt de supporter mes amis, quoique pour le peu que j’en avais, cela n’allait pas être bien compliqué, il me semblait important, pour moi, de faire l’effort inverse. D’accepter les proches de l’homme à qui j’étais fiancée.

- J’admet néanmoins une chose, Ted. Soufflai-je avec quelque peu plus de douceur. Tu es un ami sincère pour Matthew. Et en cela… Je ne peux que te respecter.

Parce que nous étions d’accord sur cela : Matthew Gimhae méritait le meilleur. A tous les points de vue. Et même si ce n'était qu'un respect de surface, dû à un autre, cela restait, à nouveau, un pas immense en sa direction. A mon sens, évidemment.

- Il vous gardera. Je n’ai jamais pensé que j’étais la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Mais il vous gardera. Terminai-je simplement, admettant de la sorte que je n’étais pas naïve quant à ma position.

- Irréfléchis… C’est le terme. Soufflai-je avec, malgré tout, un brin d’amusement.

Oh ça… Cela avait été particulièrement impulsif, et pourtant, finalement et avec un peu de recul, Matthew avait peut-être pris la décision qui nous avait permis d’être plus libre, aussi paradoxalement que nos fiançailles pouvaient nous enfermer l’un avec l’autre.
A la remarque de Ted sur mon père, je ne pus m’empêcher d’esquisser un sourire léger du coin des lèvres sans y répondre. Je ne pouvais pas lui donner raison, du moins pas ouvertement. Mon éducation et mon nom me l’interdisait. Mais intérieurement… C’était une autre histoire. Et… A vrai dire je n’étais pas non plus d’accord avec lui. Mon père n’était pas un idiot. Il était pire que ça. Bien pire. Je relevai néanmoins les yeux sur lui lorsqu’une question claire fut posée. Deux choix s’offraient alors à moi. Dire la vérité au risque de pénaliser davantage ma famille, ou me taire et mentir…

- Sans vouloir te manquer une nouvelle fois de respect, ironisais-je, je préfère garder cette information pour moi.

J’avais donc choisi une troisième solution. Evidemment, cela sonnait comme une réponse positive puisque je me refusais de mentir pour protéger mon géniteur. Mais je ne le faisais seulement pas ouvertement, protégeant donc ma famille… Du moins autant que je le pouvais et quand bien même cela n’était que factice.

Il était étonnant de voir la facilité que nous avions à communiquer une fois les préjugés et le mépris mis de côté. Ce n’était peut-être pas tout à fait fluide, sans confiance réelle mutuelle, certes, mais c’était une avancée certaine alors que j’en venais à lui expliquer ce qui m’avait plu chez son meilleur ami, non sans le faire tiquer quant à une qualité contraire à ma façon même de me comporter. Arquant un sourcil à sa pique, j’esquissai à mon tour un sourire amusé.

- On s’entoure des personnes qu’on mérite, non ? Lui soufflai-je alors, plus encline à l’autodérision que je ne l’avais été jusque lors.

Dans tous les cas, Matthew et moi avions une façon de faire claire : nous vivions pour nous avant de vivre pour l’autre. Et si l’un n’allait plus sans l’autre, nous restions deux personnes indépendantes qui gérions nos vies et surtout nos pensées distinctement de l’autre. Une façon de nous accepter entièrement et sans compromis. Nous n’avions pas besoin de cela. Nous étions bien plus que nos différences.

Esquissant un sourire à sa nouvelle remarque, j’hochai doucement la tête. Je ne doutais certainement pas qu’il oserait me dire ce qu’il pensait. Cela avait toujours été le cas. Et effectivement, il ne risquait certainement pas de me blesser. Peu de personnes pouvaient se targuer d’y arriver. Fort heureusement au vu des angles d’attaque possible pour m’atteindre. Lui n’en faisait pas partie.

- Oh. Soufflai-je, répondant à son espièglerie par un sourire amusé. Je n’imagine pas séparer un couple aussi fort que le vôtre. Je serais un monstre que de diviser un tel duo.

Il fallait dire que Ted était un ami sincère envers Matthew. Et malgré tout ce que je pouvais penser des « gens comme lui », Matt avait une certaine chose d’être entouré par ce genre de personne. A vrai dire, il était un peu pour mon fiancé ce qu’Alix était pour moi. Des personnes sincères et loyales sur qui l’on pouvait compter. Et pour cela, j’admis ne pouvoir que le respecter. Une vérité qui le surprit, certainement, et qui m’arracha un rire avant que je ne retrouve mon sérieux.

- Et tu es intéressant quand… Je plissai doucement les yeux avant de croiser les bras. Mieux vaudrait que je trouve rapidement, je vais finir par croire que ce n’était que de ma faute si les choses se passaient mal jusque-là.

C’était peut-être un peu le cas, je pouvais l’admettre. Je n’étais pas facilement apprivoisable, encore moins accessible pour ce que je jugeais être la « plèbe ». Il en faisait partie, nul doute, donc, que je n’avais pas permis le moindre rapprochement, quand bien même nous étions obligés de « coopérer » dans notre fonction de préfets en chef. En parlant de cela d’ailleurs…

- Instructif, effectivement. Acquiesçai-je. Et peut-être qu’enfin nous allons véritablement pouvoir travailler ensemble pour traquer les élèves récalcitrants. Plaisantai-je en rapport. J’admet avoir par deux ou trois fois tenté de te décrédibiliser en te laissant gérer des cas lourds pour espérer que tu te plantes.

J’étais tout aussi honnête que lui sur ce coup, et ce, même si ce n’était pas vraiment glorieux.

- Mais je te remercie d’avoir initié ce contact. J’admet être… Disons… Plutôt surprise. J’imaginais un combat plus épique entre nous plutôt qu’une discussion aussi… Mmh… Agréable. Sans dire que tu es une personne adorable, évidemment. Le piquai-je néanmoins dans un effort pour contrebalancer mes compliments. Enfin… Dans tous les cas… Je ne mettrais pas les clous sur l’assise de ta chaise que je comptais installer pour toi le jour du mariage. Plaisantai-je finalement.

C’était une façon comme une autre de le remercier pour son geste car une chose était sûre… Ce dont nous venions de parler, ce que nous avions fait aujourd’hui allait faire plaisir à Matthew. Nous avions enterré la hache de guerre, ou du moins enterré la lame de la hache. Le reste… Viendrait peut-être plus tard. Mais c’était déjà beaucoup plus que ce que nous pouvions espérer.