J’adorais faire cours. Définitivement. Bien sûr, certains élèves me donnaient quelques idées de meurtre. D’autres, au contraire, me rendaient fière, autant de leur résultat que de leur progression. Il y avait du bon dans la plupart d’entre eux, j’en étais convaincue. Il suffisait, simplement, de creuser pour beaucoup… Enfin. Les cinquièmes années n’étaient pas les plus problématiques, et c’était une chance car ils étaient mon prochain cours.
D’ailleurs, les voilà qui entraient en salle et s’installaient devant les différentes paillasses. Observant chacun un à un, sans que l’ombre d’un sourire n’orne mon visage, comme d’habitude, j’attendis que tous, ou presque, soit arrivés pour commencer.

- Bonjour à tous et à toutes. Vous connaissez maintenant tous la chanson, n’est-ce pas ? Ouvrez vos livre page 187. Leur laissant quelques secondes pour faire ce qui venait d'être demandé, je repris. Qui peut me dire quelle potion sera étudiée aujourd’hui ?

Inutile de rappeler les règles, après tout. Une mauvaise réponse vaudrait des points en moins et pas de réponse serait encore pire. Tous avaient donc intérêt à répondre sans tarder. Et dès lors que la réponse fut donnée ou corrigée, je pus reprendre.

- Bien. Le philtre de paix. Potion qui pourra vous être utile avant vos examens. D’ailleurs tout élève réussissant sa potion sera en droit de la conserver. Profitez-en. Il ne reste que peu de temps avant vos BUSES. Mais puisqu’il ne faut jamais faire ou utiliser une potion sans en connaître ses effets… Je suppose que vous connaissez déjà la question qui va suivre. Alors allez-y. Répondez-y.

Il fallait être idiot pour ne pas comprendre que je désirais avoir les effets de la potion qu’ils allaient étudiés… Etaient-ils idiots ? Je ne le pensais pas. Pas vraiment tout du moins. Et j’espérais que les quelques cours que nous avions déjà eu ensemble leur avait mis du plomb dans la cervelle et surtout des connaissances en tête.

- Oui Monsieur… Son nom m’échappait. Glissant mon regard sur la liste je relevai la tête. Wilde. Repris-je pour lui donner la parole.

Quelle chose n’avais-je pas faite. Une simple question, toute simple. Et une réponse fausse. Par pure courtoisie, je l’observai, silencieusement, le temps de quelques secondes alors que le coup de son voisin ne m’avait pas échappé. Arquant un sourcil, je me détournai donc, l’air dépité, pour reprendre avant que la voix de l’élève ne s’élever de nouveau dans la salle.

- Effectivement. Le philtre de paix, Monsieur Wilde. Soufflai-je, passant sur cette erreur pour cette fois, preuve que je n’étais pas si « dure » que ça. Des fois.

Bien. Donc. Le philtre de paix. Qu’était-il ? C’était la prochaine question posée aux élèves. Certains répondirent, la plupart avaient une réponse juste, les autres seulement incomplètes. Pas de points enlevés, donc. Une dernière réponse pour vérifier que tous avaient compris… Monsieur Wilde, bien sûr, puisqu’il levait la main. Le laissant prendre parole, je clignai des yeux, surprise. Bien. Une question. Au moins s’intéressait-il à la potion maintenant qu’il l’avait trouvé.

- Monsieur Wilde, repris-je néanmoins en m’approchant de sa paillasse. Que fait l’alcool lorsqu’on le chauffe à haute température ? Demandai-je simplement en le laissant répondre avant de continuer. Je pourrais vous faire boire des litres de cette potion que vous ne seriez ni saoul ni même « pompette ».  Quant au fait de signer des traités de paix…

Donc… Il n’avait même pas écouté ce que ses camarades avaient dits ?... Merlin… Retenant fermement un soupir, je repris :

- Pourriez-vous me répéter la réponse de Miss Beard, s’il vous plait ? A quoi sert le philtre de paix ? A signer des traités ?

Pourquoi diable m’avait-il parlé de traité de paix ? J’admettais que cette question me dépassait un peu… Elle n’avait rien de compréhensible dans ce cours. C’était une question d’histoire de la magie, de droit, pas de potions…

- Il bout ?Répétai-je froidement. Vous en êtes certain ? D’ailleurs, Monsieur Wilde. A combien de degré bout l’alcool ? M’enquis-je alors.

Merlin qu’allait-il répondre. La première question attendait une réponse pourtant si évidente. Bien sûr. En un sens. Il n’avait pas tort. Oui. Porté à haute température, l’alcool allait bouillir. Evidemment. Comme tous les liquides à des degrés différents. Mais ce n’était pas la réponse que j’attendais.
Reprenant sur le fait de pouvoir boire des quantités de potions astronomiques sans ressentir l’alcool, je fus néanmoins circonspecte par la fin de sa question. Que diable venait faire un traité de paix dans ce cous ? Savait-il, finalement, réellement de quoi nous étions en train de parler ? Alors même qu’il en avait lu le titre ?
Lui demandant de répéter les propos de l’une de ses camarades, mon regard se durcit bien rapidement à sa question. « C’est qui ». Outre cette façon de parler qui m’irrita les oreilles, je ne pouvais que conclure à une seule et unique chose : il n’avait strictement rien écouté. Son geste, d’ailleurs, fit pouffer de rire quelques élèves, de nouveau bien rapidement silencieux de par mon regard alors qu’enfin le jeune garçon admettait ne pas avoir écouté.

- Effectivement. Vous n’avez rien écouté. Ce sera donc dix points en moins pour votre maison et je vous demanderais, pour demain, de me fournir un parchemin de dix centimètres sur les effets du philtre de paix. Et ne vous contentez pas de recopier votre ouvrage. Trouvez-moi des exemples.

Bien. La punition donnée pour ce manque de concentration, je pouvais désormais me concentrer sur mon cours à moins que… A moins que Monsieur tête en l’air ne vienne de nouveau poser une question aussi idiote qu’il pouvait le laisser présager. Me retournant lentement vers le jeune homme, je ne pus m’empêcher de pousser un long, très long soupir.

- Bien. Décrétai-je. Puisque Monsieur Wilde semble désireux de ne pas passer à la pratique. Laissons le réfléchir. M’approchant de nouveau de lui alors que je m’étais éloignée, je l’observai un instant en silence. Lisez. Lisez votre livre, Monsieur Wilde. Immédiatement. Et maintenant expliquez moi, avec vos propres mots à quoi sert cette potion et pourquoi il ne s’agit en rien de traités de paix ? Allez-y. Nous vous écoutons.

Il ne comprenait pas. Je pouvais insister et répéter afin de le faire réfléchir, cela ne changeait rien. Son cerveau semblait soudainement être un trou béant, un trou noir qu’il me serait impossible de remplir tant son esprit aspirait visiblement les informations dans un espace intersidéral bien loin de notre monde. Et sa prochaine réponse ne fit que confirmer mes doutes quant à ce trou noir. Très chaud. L’alcool était porté à ébullition à une température égale à… Très chaud…

Mon regard se durcit, lançant des éclairs à ce jeune imbécile qui ne semblait pas réfléchir à la moindre de ses réponses. Merlin. Pouvait-on faire plus idiot ?

- L’alcool s’évapore, Monsieur Wilde. Et la température d’ébullition de l’alcool est de 78°C. Je vous conseille de le noter quelque part. Votre arrivée tardive n’excuse en rien ce manque de connaissance. Ces informations sont la base de vos cours de potion. Des éléments venant tout droit de la première année et je ne doute pas que les enseignements hors de Poudlard soient tout aussi bons. Ne faites donc pas honte à votre ancienne école.

Si mon ton était particulièrement dur, j’espérais, en un sens, que cela le secoue assez pour le rendre plus attentif, expliquant ainsi que je ne lui enlevai pas de point supplémentaire pour ces inepties. Du moins… Jusqu’à ce qu’il me confirme de lui-même qu’il n’avait rien écouté, ne sachant pas même qui était sa camarade. Cette fois, le retrait de point fut acté, autant que son devoir à me rendre pour le lendemain.

Prête à passer à autre chose, je fus de nouveau obligée de retourner près du sorcier. Ses questions devenaient de moins en moins pertinentes. Voilà, désormais, qu’il me parlait de traité de paix. Merlin. Non. Je n’allais pas laisser cet élève sans réponse, évidemment, il suivrait, comme les autres, et y arriverait. Il était hors de question que l’un de mes élèves soit définitivement perdu. Ainsi repris-je, l’obligeant à lire son livre qui serait la réponse à sa question. Réponse qu’il reformula finalement… En ajoutant une remarque qui fit pouffer quelques autres élèves.
Me pinçant l’arête du nez, je soupirai profondément. Du calme. J’avais besoin de calme et de réflexion pour ne pas tuer cet élève sur place. Du calme. Et de la réflexion. Bien. Il me fallut quelques instants de silence plus long qu’à mon habitude pour reprendre.

- Vous n’avez pas « juste » interprété différemment, Monsieur Wilde. Repris-je sérieusement. Vous auriez interprété les choses différemment si vous aviez lu votre livre, si vous saviez de quoi je parlais. Était-ce le cas ? Avez-vous lu votre livre ou même écouté la réponse de votre camarade ?

La réponse, je la connaissais, bien évidemment. Mais je voulais qu’il réfléchisse – enfin – un peu. Suffisamment pour qu’il trouve la réponse par lui-même sans se tromper pour une fois.

- Quant au fait de vous décapiter, faites attention à ce que cela ne devienne pas une réalité. Soufflai-je dans une plaisanterie prononcée sur un ton trop sérieux pour ne pas en devenir une menace.

Evidemment… Mika Wilde ne s’arrêta pas à ces précédentes remarques. Bien sûr. Cela aurait été trop facile, trop reposant pour moi. Non. Il revint à nouveau à la charge, me parlant de nouveau de guerre et d’alcool. Levant les yeux au ciel, je me redirigeai cette fois vers mon bureau. Allais-je lui répondre ? Sûrement beaucoup d’élèves pensaient le contraire. Mais… Ce fut le cas.

- Ne vous taisez pas, non. J’ose encore espérer que du gouffre qui vous sert de cerveau pourra sortir des choses intelligentes. Fustigeai-je. Quant à votre question. Dans les faits, psychologiquement parlant, il est vrai que des personnes moins anxieuses feront moins la guerre, je vous l’accorde, mais le but premier de cette potion n’est pas la paix des combattants mais la paix de l’âme. Quant à l’alcool ce n’est pas lui qui nous intéresse mais sa concentration dans la liqueur composée d’une plante fermentée dont les effets, donc, ont été multipliés. Mais… Avant que nous ne commencions la pratique, savez-vous, Monsieur Wilde, quels sont les propriétés de l’absinthe. Allez-y, je vous écoute et dès lors que vous aurez répondu à cette question, j’aimerais que chacun, prépare un philtre de paix. N’oubliez pas. Les philtre réussis vous reviendront, bien entendu.

Je n’étais pas professeur depuis longtemps. Cela, peut-être, me poussait à avoir des envies de meurtre sans réussir à contrôler mes pensées. Cela étant dit, je ne savais plus réellement comment prendre cet élève. Il n’était pas inattentif, non, puisqu’il répondait à mes questions et semblait réellement impliqué malgré ses réponses idiotes. Mais justement ! Ses réponses n’étaient pas acceptables. Alors comment faire ? Je ne pouvais lui dire directement qu’il était stupide, quand bien même ses réponses n’étaient pas en adéquation avec son niveau… Je ne pouvais pas non plus continuer à perdre trop de temps avec un seul élève, faisant accumuler aux autres un retard conséquent dans notre leçon. Alors… Quoi ?

Tentant une nouvelle question, je fus bien évidemment dépitée par sa réponse. Voilà qu’après avoir répondu bêtement, il tentait une réflexion… Bien sûr ratée. Non. L’absinthe n’était pas armoise… Comment diable pouvait-il confondre les deux ? L’observant avec attention, je finis par me retenir particulièrement difficilement de lever les yeux au ciel.

- Vous viendrez me voir après le cours. Soufflai-je avant de lancer les hostilités les plus intéressantes pour les élèves : la pratique.

Laissant mes étudiants faire leurs mixtures, je passai dans les rangs, corrigeant les gestes, les ingrédients et observant les bons élèves avec une certaine fierté, je devais l’admettre, jusqu’à ce que je passe finalement devant le chaudron du jeune sorcier aux réponses stupides. Sourcils froncés alors que je me tenais derrière lui, j’apparus dans son champs de vision pour observer sa potion ou plutôt… Sa… Mixture.

- Je suppose que je n’ai pas besoin de vous dire que votre potion ne va pas fonctionner. Lui dis-je froidement avant que mon regard ne se pose directement sur lui. Reprenant dans un ton que je tentai plus doux, plus compréhensif et cela même si l’idée de le noyer dans sa potion me prenait, je soufflai. Monsieur Wilde. Dites-moi avec honnêteté. Les potions ne vous intéressent-elles pas au point que vous n’êtes pas attentifs ou avez-vous un problème autre ? Vous venez de rater les deux premières étapes d’une potion censée être simple, il faut que je comprenne ce qu’il se passe pour que je puisse vous aider et que vous puissiez avoir vos BUSEs dans les meilleures conditions, soufflai-je plus ou moins doucement.

J’étais dure, sévère, froide, certes. Mais je désirais malgré tout que mes élèves réussissent. Il en valait de ma réputation et surtout de ce poste que je tenais malgré mon jeune âge.

Au fur et à mesure des semaines, bien des élèves s’étaient imposés à moi. Des élèves particulièrement intelligents, d’autres moyens, d’autres stupides et enfin… Certains sans aucune attention. J’hésitais encore. A quelle catégorie faisait partie Monsieur Wilde ? Ne pas aimer les potions était une chose normale, plutôt courante même, devrais-je dire. Et si je tentais de faire apprécier à chaque étudiant la beauté des potions, je n’étais pas non plus magicienne. Du moins pas de la sorte. Alors la question posée au jeune homme me semblait-il légitime. Et sa réponse… Le fut tout autant.

- Ce n’était pas réellement difficile à observer. Soufflai-je à mi-voix lorsqu’il affirma ne pas être attentif.

Cela ne me permettait, malgré tout pas de pouvoir le catégoriser pour le moment. Ce qui commença, néanmoins, à me donner une idée de ses capacités, fut sans doute l’assurance qu’il tenta de me donner après. Il essayait. Vraiment. Il désirait comprendre et surtout, comme bien souvent, avoir la moyenne.
Le laissant vider le chaudron – au moins un sort maîtrisé pouvais-je noter – je restai à légère distance pour l’observer recommencer sa potion.
Première étape… Réussie. Allais-je le laisser rater la suite ? Observant les autres étudiants qui se débrouillaient plus ou moins bien mais semblaient malgré tout… Se débrouiller, je m’approchai de nouveau du jeune sorcier. Soit. Il désirait avec la moyenne. Nous allions donc faire en sorte que cela soit le cas. Même si cela m’obligeait à prendre sur moi. Beaucoup.

- L’important dans toutes vos potions est d’y aller pas à pas. Lisez plusieurs fois les instructions. Conseillai-je en tentant d’être légèrement plus douce qu’à mon habitude afin de ne pas l’effrayer plus que de raison. Maintenant que votre potion est bleue, puisque vous l’avez mélangée, vous allez prendre la fiole de poudre de roses et l’ajouter petit à petit. Concentrez-vous sur le liquide et seulement sur le liquide, observez-le et écoutez le pour ne pas vous laisser distraire et dès lors qu’elle commencera à devenir rose, cessez de verser la poudre.

Cela allait être long, lui expliquer chaque étape risquait de prendre du temps mais puisqu’il fallait visiblement l’obliger à se concentrer… Il allait falloir faire l’effort. Il en valait de mon poste de professeur et de mon propre égo.

Il n’était pas foncièrement idiot. Un idiot ne chercherait pas à s’améliorer, n’aurait rien à me prouver. Lui, au contraire, tentait de me prouver qu’il pouvait réussir, se concentrer et réussir une potion on ne pouvait plus simple. Je ne pouvais pas dire que j’étais fière de voir ce qu’il faisait. Il avait réussi en un cours à perdre des points, m’exaspérer et me faire douter de l’espèce humaine… Quoique ce dernier point ne soit peut-être pas dû de son fait… Mais j’admettais qu’il faisait des efforts. Qu’il essayait… Sans être réellement efficace. Il fallait l’accorder.

- C’est ça. Approuvai-je à mi-voix lorsqu’il lut à raison son ouvrage.

Ou presque. La potion prit une couleur différente… Merlin, nous n’allions pas y arriver. Mais il ne se laissa pas abattre et recommença.
J’étais dure, je l’admettais. J’étais sévère avec chaque élève, mais cela n’était pas pour aucune raison. Bien loin de là. Je poussais les étudiants dans leur retranchement, j’attendais d’eux qu’ils donnent le meilleur, qu’ils soient doués ou non. Cette dernière donnée n’était, d’ailleurs, pas réellement l’important pour moi. Evidemment, je préférais les personnes comprenant les potions, il était plus facile de les orienter, plus facile de les éduquer sur cet art, mais jamais je n’abandonnerais le moindre de mes élèves, si tant est que ce dernier démontre l’envie de réussir. Et Monsieur Wilde me démontrait effectivement cette envie…

Et cela même si sa troisième potion n’aboutit pas, à nouveau. Evidemment. Il était le dernier, tous les autres avaient terminés leurs potions, j’avais, d’ailleurs, pu noter chacune d’entre elle, permettant aux potions réussies de repartir avec leur fiole.

- Effectivement. Soufflai-je avant de me retourner vers la classe. Vous pouvez y aller. Et n’oubliez pas votre parchemin pour la semaine prochaine. Ordonnai-je au reste de la classe avant de me retourner vers le jeune Poufsouffle. Quant à vous, recommencez encore. Si vous avez l’option Divination, je vous donnerais un mot d’excuse. Sinon, vous avez le temps. Alors recommencez, encore. Vous n’aurez plus personne pour vous déranger.

Effectivement, nous serions bientôt seuls dans la salle de classe. Sans un bruit, sans un dérangement. J’espérais que cela suffise. Même si cette potion devait prendre deux heures de plus, il allait réussir. J’allais l’y pousser.

Il n’avait aucune option, parfait. Pas d’explication à donner. Pas de mots à faire. Cela m’allait parfaitement. J’avais le temps. Quand bien même je ne l’aurais pas eu, je l’aurais pris. Il était hors de question que j’abandonne un élève pour quelques rendez-vous. Alors, je le laissai recommencer. Encore.

Appuyée sur une paillasse plus loin afin de ne pas le déranger ni le troubler par ma présence, je l’observai attentivement. Ses gestes. Ses déconcentrations. Ses essais. Mmh. Je ne saisissais pas tout, mais je commençais à avoir une petite idée de ce qu’il faudrait faire. Mais avant d’intervenir. Encore une fois. Il finirait par y arriver.

Bras croisés, j’attendis ainsi son appel. Il relevait les yeux. Soit. Doucement, je m’approchai de son chaudron. La couleur était optimale. L’odeur n’était pas âcre. Aucun mouvement de liquide dans le chaudron. Mmh… C’était…

- Parfait.

Bon. Peut être pas à ce point. Je voyais à la consistance que la potion aurait pu être un peu plus concentrée. Mais le jeune sorcier avait mis bien assez d’énergie pour réussir cette potion. Je n’allais certainement pas lui demander plus.
Levant ma baguette, je transvasai le chaudron dans une fiole qui se déposait sur le plan de travail.

- Je vous crois, Monsieur Wilde. Soufflai-je. Mais cela ne suffira pas le jour de l’examen.

Il fallait être clair, qu’il le comprenne, quand bien même cette réalité était difficile à admettre et pouvait lui faire, à raison, peur.

- Pour autant… Je pense avoir une solution pour vous. Enfin. Une demi-solution. Suivez-moi. Dans un signe de tête, je le menai alors jusqu’à la réserve propre aux Professeurs de Potion que j’empruntais pour les besoins de mon intérim. Là. Attrapant une fiole, je la tendis au jeune homme. Il est dit dans le règlement des examens que la chance liquide et tout autre forme de triche est interdite, évidemment. Mais rien ne parle de philtre calmant. C’est une potion sur laquelle je travaille, une version revisitée du philtre de paix que vous venez de faire. Rassurez-vous, même non finalisée, elle est stable. Son efficacité n’est seulement que de trente minutes et je vous demanderais de n’en prendre que si réellement nécessaire. Mais cela pourrait peut-être vous canaliser si vous en ressentez le besoin. Qu’en pensez-vous ?

Il s’agissait là d’une proposition loin d’être sans fondement. J’avais, en effet, besoin d’un cobaye en exposition réelle et pas seulement volontaire et sans problème. La potion ne poserait aucun problème de santé, j’en étais certaine, du moins si prise en petite quantité ; une grosse quantité risquerait en effet de faire l’effet inverse ; mais je n’étais toujours pas convaincue que la demi-heure de concentration puisse être dépassée dans des cas extrêmes comme celui-ci.

Hé bien. Cela, je ne l’avais pas réellement vu venir. Bien des élèves ne se seraient pas faits priés pour obtenir telle potion. Si tant était qu’ils en connaissent l’existence. Mais lui… Ne semblait pas réellement rassuré. Je ne doutais pas de son envie de réussir, ni même de son sérieux, mais à ce point ? Le laissant, ainsi, émettre ses doutes, j’arquai un sourcil. Voilà maintenant qu’il s’inquiétait pour moi… Merlin, c’était là un drôle de garçon. Si drôle qu’un sourire amusé étendit mes lèvres avant que je ne me mette à secouer la tête de gauche à droite.

- Monsieur Wilde, expliquai-je alors. Connaissez-vous le rôle de professeur ? Demandai-je. Je ne suis pas là seulement pour noter et vous donner des cours. Ou alors je serais simplement une formatrice de passage. Je suis là pour vous accompagner et pour vous aider à réussir. Est-ce que vous comprenez la différence ?

C’était peut-être paradoxal avec ce que beaucoup de gens pouvaient imaginer de moi. Mais j’étais bien loin d’être une garce finie. Du moins lorsque je faisais cours. Guider les autres m’avait toujours plu. Que cela soit dans mon petite groupe d’amies régnant sur Poudlard pendant mes études, ou même au Journal du Collège. La seule différence, aujourd’hui, était alors que je le faisais dans une plus grande bienveillance, sans chercher à les écraser, ou jamais sans raison tout du moins. Je voulais les faire grandir, et leur prouver que les potions n’étaient pas si effrayantes que cela.

- Personne ne me dira rien sur le fait que je vous confie une potion pour vous permettre de vous concentrer, rassurez-vous et bien que je vous remercie pour votre inquiétude me concernant, vous devriez davantage vous préoccuper de vous. Soufflai-je. Il ne s’agit pas de triche. Un loup garou a besoin de la potion tue loup pour ne pas devenir un monstre désirant tuer, vous êtes d’accord ? Est-ce de la triche, donc, que d’en boire ? Car après tout, il pourrait se débrouiller sans.

C’était un faux exemple, bien sûr, mais la réalité revenait plus ou moins au même.

- Nous évaluons vos connaissances. Pas vos capacités à vous concentrer. D’autant que ce n’est pas par manque d’envie, je suppose, que vous papillonnez, n’est-ce pas ? Cette potion ne vous aidera pas à mieux retenir vos cours, je vous rassure. Elle vous laissera concentré sur une tâche, celle que vous accomplirez, rien d’autre. Alors… Vous n’êtes pas obligé d’accepter. Bien sûr. Vous êtes libres de tous vos choix, Monsieur Wilde. Mais je suis convaincu que votre hyperactivité au moins mentale vous empêche de vous concentrer. Autant, donc, la calmer. Cela pourrait même vous faire du bien de ne plus penser à cinquante choses à la fois en même temps.

Mais je ne le forcerais, évidemment pas. S’il ne désirait pas cette potion, je ne la lui donnerais pas. Tout était de son choix.

Au moins le jeune homme comprenait-il ce que je lui disais. Une preuve supplémentaire qu'il était capable de réflexion et d'intelligence, à vrai dire, autant émotionnelle que dure de ce que je voyais. Peu d'élèves se seraient, en effet, inquiété du devenir de leur professeur face à une aide pour un examen. Le Choixpeau ne s'était visiblement pas trompé en l'envoyant à Poufsouffle.
Alors, j'avais pris la peine de déconstruire sa pensée, de lui réexpliquer la mienne, la raison de ce geste, tentant de le rassurer. Bien sûr, il ne serait pas obligé d'accepter. Je ne faisais que lui proposer une béquille l'espace d'un examen, rien d'autre.

- Vous êtes capable d'un minimum de concentration, versez en une cuillère à thé dans votre boisson avant vos examens. Cela devrait suffire mais vous pouvez la tester avant si vous le désirez. Une fois seulement, je n'en aurais pas assez si vous la gaspillez. Testez la cuillère à thé et vous verrez si cela suffit ou si vous estimez avoir besoin de moins. Quant aux effets secondaires... Quelques légers maux d'estomac si vous n'avez pas mélangé la potion avec suffisamment de liquide. Mais cela devrait être tout. Veillez aussi à manger avec. Cela évitera les gaz dû à un ingrédient spécifique. Ce n'est pas grave, mais vous pouvez les éviter, alors faites-le.

C'était donc à lui de prendre sa décision. S'il refusait une nouvelle fois, je n'insisterais pas, évidemment. Je n'étais là que pour l'aider, pas pour lui imposer quoique ce soit.