Tout était parti de travers. Si j’avais passé un week-end de rêve auprès de Matthew avant la fin de l’année, en profitant chaque seconde… La suite s’était révélée bien plus sombre que je n’aurais pu le prévoir. Fiancée… Mon père m’avait tout simplement fiancée. Et à qui ? Selwyn ! Ce sale petit énergumène sans aucune classe et plus imbécile que les pierres du château de Poudlard. Cela aurait pu s’arrêter là, nous aurions alors cherché un moyen de nous défaire d’une alliance qui n’allait à aucun des deux parties – par chance d’ailleurs – mais non. Mon père ayant levé la main sur moi avait provoqué la colère de Matthew entraînant alors bien trop d’événement pour que je puisse tous les citer.
Toujours était-il que mon frère, alors responsable de la situation pendant l’alitement de notre père, avait fini par nous imposer sa décision : nous devions nous fiancer, Matt et moi, à moins que je ne concède à épouser Nicholas. Un non choix, à mon sens. Pas que je ne veuille pas épouser Matthew, il était, à mon sens, la meilleure chose qui puisse et qui me soit arrivé mais… Pas comme ça. Pas maintenant. Nous étions ensemble depuis un mois. Un seul petit mois. Et déjà je me retrouvai à l’enfermer dans une prison maritale.

Le fait était que, pour ma part, je m’étais fait une raison depuis petite : j’épouserais un inconnu. Je n’étais donc ni choquée ni même perturbée par l’idée d’épouser cet homme que je ne connaissais alors que depuis peu de temps. Mais lui… Ce n’était ni son éducation, ni sa façon de faire et d’être. Il allait devoir se plier aux exigences de ma famille, contraire à la sienne. Et c’était en cela que je m’en voulais. Terriblement. J’allais détruire sa vie, ses idées de futur, ses envies même par mon simple égoïsme. Voilà la chose telle que je la voyais. Oui. Bien sûr acceptait-il cette situation. Je le savais, il me l’avait dit. Il avait déjà parlé à son père. Mais moi… Je ne l’acceptais pas. Je ne pouvais pas l’accepter. Je n’arrivais pas à admettre que j’allais gâcher sa vie parce que j’existais. Tout simplement. Si je n’avais pas existé. Si je ne m’étais pas attachée. Si je n’avais pas fait cette bêtise que de désobéir aux règles qui m’avaient été données… Rien de tout cela ne serait arrivé. C’était ma faute. Et cela, je n’arrivais pas à l’accepter.

Pire. Depuis la rentrée, j’étais seule. Enfin… Matt était là, évidemment, mais me confier à lui n’aurait eu aucun sens. Comment lui dire que je regrettais qu’il m’ait connu ? Evidemment ! Je ne regrettais pas notre relation. Je ne regrettai aucun moment passé avec lui. Bien au contraire. Je chérissais ces moments comme aucun autre avant eux. Mais ce qui allait se passer, ça… Non. Je le regrettai. Alors à qui pouvais-je parler ? Merindah ? Si cette dernière réussissait à gagner quelques gallons, je n’étais pas assez proche d’elle pour me confier. Isabella ? Elle avait déjà bien assez à gérer avec son Damian. Alors qui ?

Amara. C’était la seule personne à qui je pouvais parler. Si elle était proche de mes parents… Peut être arriverait-elle, d’ailleurs, à convaincre Thomas d’abandonner ses projets. Peine perdue, je le savais. Amara était une femme, tout comme je l’étais. Elle risquait donc de me dire qu’il fallait que je me plie aux exigences patriarcales. Et cela ne m’aurait pas dérangé si la situation n’avait pas été celle qui m’était imposée.

Ainsi m’étais-je rendue dans sa salle de cours, frappant à la porte doucement dès lors que sa classe fut terminée.

- Bonjour… Dis-je à mi-voix, les traits tirés par un manque de sommeil évident. Est-ce que je peux te déranger quelques minutes ? Ça sera pas long.

M’installant sur une table, face à elle, je baissai alors les yeux. Minable. C’était le terme. Je me sentais aussi minable qu’impuissante. Un sentiment que je ne connaissais alors pas, moi qui avais toujours été la maîtresse de mes émotions et de mes actes.

- Je sais plus quoi faire… Soufflai-je finalement sans même lever les yeux vers ma marraine.

Voilà… C’était cela le fond du problème : je ne pouvais rien faire d’autre qu’observer celui que j’aimais gâcher sa vie dans un mariage qu’il ne désirait pas. Mais pour qu’Amara comprenne, il fallait encore que je lui explique.

- Thomas… Secouant la tête, je levai enfin les yeux, ces derniers rougis par des larmes qui semblaient vouloir s’échapper. Père ne va pas bien. Commençai-je. Thomas a été chargé de s’occuper de mon « problème »… Et… Et il l’a fait. Ris-je nerveusement alors qu’une larme solitaire s’échappait contre mon gré, roulant sur ma joue trop blanche pour être synonyme de bien-être. Matthew doit m’épouser ou j’épouserais Nicholas et… Et je sais plus quoi faire… J’ai… J’ai l’impression de lui gâcher la vie, de lui imposer quelque chose d’affreux, de lui imposer ma famille et moi avec alors qu’on est ensemble que depuis un mois. C’est pas son éducation, c’est même pas une envie dont on a vraiment parlé.

Enfin… Si, nous en avions parlé, rapidement. Il m’avait dit être prêt à cette éventualité mais il y avait là un monde entre ce que l’on pouvait dire et la réalité. Un monde qui s’imposait désormais à nous.

- Et tout ça c’est ma faute… Thomas a raison… Si j’avais su garder mon sang froid à la réception, on aurait trouvé une solution et Matt serait pas intervenu. Et si je n’étais pas sortie avec lui, si j’avais obéi je serais pas en train de lui gâcher la vie et de l’obliger à faire quelque chose qu’il ne peut pas vouloir désirer… Je sais plus quoi faire… Répétai-je alors avant de baisser la tête dans un sanglot que je tentais de retenir.

Ma fierté en prenait un coup. Mon orgueil n’existait même plus tant les larmes le poignardaient. Mais je n’en avais que faire. Mon image, ce contrôle que j’avais toujours eu face à quiconque, Amara comprise, n’avait pas lieu d’être dans cette situation qui m’arrachait les trippes bien trop violemment pour que je puisse en dormir la nuit.
Ce que moi je désirais ? Que Matthew soit heureux. Et cette impression que je le rendais malheureux ne me quittait alors plus. Malgré moi. Malgré tout.

Rien de tout ce qu’il se passait n’était pas faute. Comment pourrais-je le croire une seule seconde quand je voyais Matthew s’engouffrer dans une voie qui était tout sauf la sienne ? Seulement parce que j’avais eu le « bonheur » de naître dans cette famille particulièrement ? C’était terriblement injuste. C’était une injustice contre laquelle je ne pouvais pas lutter, incapable de me battre contre ce qui était trop fort pour moi. Et c’était justement parce que cette injustice me tiraillait, me blessait que j’avais eu besoin, ; aujourd’hui, de venir chercher l’aide ou au moins l’oreille de ma marraine.

Amara était pour moi ce que ma mère n’avait pas su être. A l’écoute, attentive, rassurante… Maternelle, somme toute. Ainsi, là, dans ses bras, mes sanglots cessèrent doucement alors que me revenaient en tête des images de mon enfance lorsque, frappée par mon père pour une bêtise d’enfant, Amara venait me serrer contre elle et me consoler. Voilà… C’était pour cela que j’étais venue la voir elle et pas une autre… Et certainement pas ma mère devrais-je dire.
Oh j’aimais ma Mère. Du moins… Je supposais l’aimer. Elle n’était pas méchante. Elle ne nous avait jamais frappée. Par plusieurs fois, d’ailleurs, elle s’était pris les coups à notre place. Mais de là à lui confier quelque chose… C’était tout bonnement impossible. Chaque mot avait toujours été répété à notre père et aujourd’hui… Si mon père finissait par mourir… Sûrement ferait-elle la même chose avec mon frère. Et de toutes les manières, quoique je puisse lui dire, Mère serait affreusement d’accord avec les décisions de l’un ou de l’autre. Je n’aurais même pas besoin de discuter pour le savoir. C’était couru d’avance.

- Matthew… Ce week-end… Thomas et son père doivent signer le contrat. Expliquai-je. Nous allons chez moi. Je crois. Je sais que… Enfin je sais que c’est qu’un bout de papier et si ça se trouve on arrivera à le rendre caduque mais… Mais ça signifie quand même devoir négocier la liberté de Matt… Et lui… J’eus un sourire nerveux alors que je me reculai doucement de ses bras. Il refuse d’admettre que la meilleure solution serait de négocier uniquement pour lui et pas pour moi. Il n’arrive pas à comprendre que sa liberté a plus de valeur que la mienne.

A vrai dire, je n’avais jamais réellement eu de liberté, et cela ne me dérangeait pas plus que ça. J’en avais eu l’habitude, j’avais grandi de la sorte alors… Cela ne me changeait rien. C’était, au contraire, cette liberté qu’il m’offrait qui changeait ma vie dans son intégralité…

- Et…

Et ce n’était pas tout. Fermant les yeux un instant en me rappelant des mots que mon frère avait prononcé, je baissai alors davantage la tête.

- Ils disent de moi que je suis une traître, que je n’ai pas respecté ma famille mais… Mais c’est faux ! M’énervai-je alors, en proie à ce manque de contrôle flagrant qui me secouait par tous les pores. Sans même prendre en compte la famille Gimhae… J’ai obéit, j’ai toujours obéi à ce Père me disait. J’ai toujours fait tout ce qu’il fallait pour la réputation de la famille et… Et parce que j’ai refusé de me marier avec Selwyn…

Je devais admettre que le refus n’avait pas été fait de la meilleure des manières, à savoir en public puis de manière quelque peu plus violent par mon père du fait de ma réaction houleuse. Et c’était cette violence qui avait alors tout fait basculer. Mais qu’avais-je donc fait à part m’heurter à une réalité dont Nicholas ni moi nous ne voulions et l’avoir dit haut et fort à mon père ?

- Nick voulait pas non plus de ce mariage… Ca n’aurait même pas fonctionné… Et c’est moi qui suis une traîtresse… C’est moi qui ne respecte ma famille alors que… Que je suis juste tombée amoureuse de quelqu'un de bien... Même pour nous...

En un sens, j’étais fière d’être une Gaunt, une descendante d’une grand lignée. Je n’étais seulement pas fière de ce que mon père nous faisait subir bien loin des regards publics. Un père qui pourtant avait cessé le combat, alité, faible comme il ne l’avait jamais été… Mais devais-je parler de mes doutes à Amara ? Devais-je lui dire ce qu’il s’était passé avec Matthew ? Lui faisais-je assez confiance ? Je n’arrivais pas à le déterminer, la peur que tout devienne encore plus compliqué bien trop forte pour me laisser réellement aller…

Si je n’étais réellement pas une traître… Pourquoi disaient-ils tous cela ? Pourquoi étais-je la victime de ces mots durs et injustes ? Serrée contre Amara, mes bras vinrent s’enrouler autour de sa taille, cherchant le réconfort. Ses mots, eux, m’arrachèrent un soupir alors que mes yeux se fermaient. Parler à mon père… Cela serait-il réellement utile ? Non… Et j’allais ainsi le lui expliquer.

- Père ne t’écoutera pas… Soufflai-je ainsi. J’ai essayé de lui parler… Avant… Tout ça. J’ai essayé d’introduire Matthew de la manière la plus… Disons la plus douce possible… Mais… Ca a été un échec cuisant. Il a presqu’insulté sa famille. Il le déteste et déteste encore plus ceux qu’il tient comme responsable de la mort de Tom… Il ne t’écoutera pas…

Et j’en étais convaincue. Pire… Avoir cru en une bienveillance de la part de mon père, en sa compréhension, avait provoqué toute cette situation. Si je ne lui avais rien dit, si je n’avais pas évoqué le nom de Matthew avant notre week-end à Londres… Personne n’aurait su et jamais une telle chose ne se serait passée. Comme le disait si bien Thomas… J’étais la seule fautive.

Relâchée par ma marraine, je baissai la tête à son baiser avant de relever les yeux vers elle. Au moins avais-je un réel soutien de mon côté… Elle était mon soutien, et un soutien de taille, d’ailleurs et… Jamais je ne pourrais la remercier suffisament. Sans même qu’elle n’ait réellement besoin de faire quelque chose, savoir qu’Amara était là pour moi me suffisait à m’apaiser légèrement.

- Je te dois peut-être des explications… Commençai-je alors doucement. Merci, déjà… Merci beaucoup… Je ne veux pas que Thomas puisse mettre le nez dans mes comptes ou pire le faire de lui-même fermer de sa propre initiative ou sur demande de mon père.

Ce qui était une possibilité. Une possibilité que j’avais assez craint pour mettre ce « plan d’urgence » en route. Un plan qui avait été un large succès grâce à la seule intervention de ma marraine.

- Matthew veut m’ouvrir un compte en Corée pour être assez loin de Père ou de Thomas. J’ai accepté, alors on transfèrera l’argent là-bas. A côté je vais créer des potions pour les revendre pour m’assurer une certaine indépendance financière. Matt me fournira les plantes disponibles et avec le départ du Professeur Mackelled… J’ai accès à toute la réserve. Ajoute à ça le salaire que me verse Poudlard pour enseigner au Collège… On essaie de faire en sorte que je sois à l’abri et que je n’ai de compte à rendre à personne, pas même à Matt… Il refuse tout commun avant que nous ne soyons mariés… Et…

Baissant de nouveau la tête, une chose continuais alors à me trotter en tête, une chose qui m’effrayais mais que je n’osais vraiment dire à Matt. Non pas que je ne lui fasse pas confiance, bien au contraire, je lui aurais confié ma vie s’il le fallait mais… Il ne le comprendrait pas. Pas lui. Amara, elle…

- Ca me fait peur… Admis-je alors. Je veux dire… Devoir gérer seule, ne compter sur personne à part moi… J’ai l’impression d’être lancée dans le vide alors que c’était pas ce qui était prévu par mes parents, c’est pas ce qu’on m’a appris. Je sais pas quoi faire, je… J’ai peur de tout rater. De lui gâcher la vie en plus de l’enfermer parce que je suis incapable de faire ça…

J’avais été élevée en génitrice, en femme d’intérieur, pas en gestionnaire, et je le savais, je le sentais : j’avais peur. Mais comment faire comprendre ça à une personne qui devait très certainement trouver mon éducation horriblement dépassée ?...

Oui… elle le ferait, je savais qu’Amara le ferait et irait parler à mon père mais cela suffirait-il ? J’en doutais. Il avait été tellement véhément, tellement sûr de lui que je doutais que cela le fasse changer d’avis. Pire… C’était Thomas qui menait la danse depuis son alitement et… Et à vrai dire j’avais de la chance, en un sens, et je l’admettais. Thomas n’avait pas tenu à maintenir les fiançailles avec Nicholas. Un bien, oui. C’était certain. Il me permettait de « choisir » l’homme que je désirais. Oh… Je savais que cela n’était que pour une raison d’ordre logique. Matthew avait la fortune et la réputation. C’était un plus pour notre famille, un grand plus. Et sûrement la donne n’aurait-elle pas été la même si je m’étais entiché d’un homme venant d’une famille moins puissante. Ainsi pouvait-on dire que j’avais eu de la chance dans mon malheur. Mais cela n’empêchait en rien mon désarroi face à la prison que j’avais de ce fait formé pour Matthew.

Une prison dont nous essayions de nous sortir autant que nous le pouvions. Le plan de Matthew, associé à mes économies sauvegardées, avait des chances de nous permettre un départ sûr et serein… Mais étais-je réellement capable de le faire de moi-même, d’arriver à me débrouiller seule, sans chaperon, sans regard extérieur autre que mon jugement ? Je ne pouvais décemment pas demander continuellement l’aide de Matthew et c’était bien pour cela qu’il voulait que je devienne indépendante, mais en étais-je au moins taillée pour cela ? J’en doutais. Affreusement. Je n’avais pas été élevée pour cela. Je savais être un ornement, quand bien même cela était insultant, je savais me comporter en société et tenir une maison, je savais que je devais donner des héritiers, mais le reste… Si j’avais toujours eu une fierté sûrement bien mal placée pour une femme, désirant toujours plus d’indépendance, le fait était qu’une fois devant le fait accompli, je me sentais terriblement dépourvue.

- Tu trouves que c’est du courage ? Soufflai-je alors que la main de ma marraine caressait ma joue dans un geste qui m’apaisa, doucement. J’ai l’impression que c’est de la folie…

Une folie que je me devais de faire, mais une folie tout de même. Et si le sourire d’Amara m’en arracha un propre, ses paroles, elles, me firent soupirer. Elle n’avait pas tort... Je n’étais pas seule. Je savais que je pouvais compter sur elle plus que sur ma propre mère. Je savais que j’aurais et que j’avais toujours eu un endroit où me réfugier mais…

- Si Père l’apprenait… S’il apprenait que tu m’aides…

Par tous les mages… Je ne voulais pas savoir ce qu’il serait capable de faire, dans quelle colère il pourrait se mettre… Et… Et d’ailleurs, lorsqu’il saurait ce qu’avait fait Thomas… Un instant, je craignis pour la vie même de mon frère, observant Amara qui venait à me proposer une aide particulièrement concrète.

- Amara… Repris-je à sa suite. Est-ce que… Est-ce que je peux te demander un service ?... Soufflai-je à mi-voix. Je sais que je t’en demande beaucoup, que ton venin sera réellement le bienvenue mais… Est-ce que je peux… Te demander une chose bien particulière ? M’enquis-je peu sûre de moi.

Marquant un instant de silence, je me permis de réfléchir une dernière fois. Ce que j’allais lui demander était difficile, ou tout du moins… Presque ridicule à vrai dire, elle ne pourrait certainement rien faire mais… J’avais confiance en elle plus qu’en la très grande majorité des gens alors…

- Je sais qu’il se débrouille très bien tout seul et que c’est un connard fini. Commençai-je alors en fronçant les sourcils. Mais… Baissant les yeux, sourcils froncés, je soupirai. Protège Thomas de Père… S’il te plait. S’il se relève de sa maladie… Je donne très peu cher de la peau de Thomas. Et même s’il se moque autant de ma vie que de celle d’Emily, ça reste mon frère et… Enfin… Tu sais de quoi est capable Père. Soufflai-je à mi-voix.

Je savais pertinemment que Père risquait de ne pas se relever, je savais que Thomas se débrouillait très bien seul, je connaissais les doutes que Matt avait quant à cette situation, mais… Et si cela n’était que des doutes, que Bill Gaunt était immortel – ce qui était certainement mon plus grand cauchemar – Merlin seul savait de quoi il était capable.

- Quant à Matt… repris-je alors. Je sais surtout qu’il doit se mordre les doigts de s’être entiché de moi. Soufflai-je dans un sourire que je voulais amusé mais qui ne faisait que démontrer mon inquiétude.

Je devais admettre qu’il était toujours plaisant que quelqu’un nous fasse des compliments, surtout quand cette personne était Amara Yaxley, une femme que j’admirais, réellement. Ainsi, esquissant un sourire, je pris le compliment, peu sûre de cela malgré tout mais avec un certain plaisir tout de même. Au moins Père n’en saurait rien si cela arrivait… Tant mieux. La confiance que j’avais en lui était la même que celle que je portais en tout diable. Je ne l’imaginais pas capable de s’arrêter si quelque chose lui résistait ou n’allait pas dans le sens qu’il désirait. Que cela soit face à Amara ou quelqu’un d’autre…

Hochant la tête, j’avais en effet entendu cela… Le Père de Bella allait sortir de prison. Sans nul doute. Je ne me faisais pas trop d’illusion quant à cela. Je ne connaissais que trop peu Monsieur Yaxley mais… Le peu que je savais… Cela me suffisait de le savoir loin de sa femme et de ses filles. Néanmoins, Amara avait raison… Père serait concentré sur autre chose pour le moment, outre son alitement, il ne pourrait pas tout gérer, c’était impossible, nous permettant de nous reposer en quelques sortes sur Thomas. Un Thomas qui risquait particulièrement cher si Père venait à se remettre de son mal… Et si je n’appréciais pas mon frère, ou du moins si toute once d’amour fraternel nous avait tout deux quitté au fil des ans, il n’en restait pas moins mon frère, mon frère aîné. Que j’avais vu se faire battre, se faire réprimander sans même que je n’en comprenne le sens. Un frère que je ne voulais pas voir mort, malgré toute la colère que j’avais à son encontre. Il était allé dans mon sens, malgré tout, et même si cela n’était certainement que parce que ça l’arrangeait… C’était déjà un fait que je ne pouvais pas ignorer.

- Merci. Soufflai-je alors, consciente que la demande était difficile à accéder.

Se protéger elle, protéger Thomas, cela faisait beaucoup contre mon père et bien qu’il ne s’agisse là que d’un seul homme, j’admettais avoir cette impression de petite fille qu’il était un monstre, un géant capable d’écraser ennemis, amis et famille d’un simple mouvement. Vision distordue de la réalité, sûrement, mais qui n’avait de cesse de me hanter depuis mon enfance.

Je n’étais néanmoins plus seule. C’était un fait. Amara était là, comme elle l’avait toujours été. Alix était là et surtout Matthew était désormais là. Un homme pour qui je m’inquiétais néanmoins malgré ma légère plaisanterie.

- Je crois que je n’en connais pas la moitié. Soufflai-je en grimaçant quant aux rumeurs courant sur ma famille. Je crois que celle que j’entend le plus reste « incestueux » et « monstre ». Et vu qu’elles sont toutes les deux vraies…

Haussant les épaules, j’admettais n’avoir aucun mal à me rendre compte de ma réalité familiale bien loin d’être de rêve. Pour autant, cela ne m’avait jamais empêché de défendre cette famille, aussi peu stable soit elle. Elle restait ma famille et ce pourquoi j’avais été élevée. Pour la servir et lui rendre honneur.

- Des fois, je me demande comment Mère peut encore survivre près de Lui et avec tout ce qu’il y a autour. Admis-je en grimaçant. J’aimerais l’aider mais… Elle est à sa botte, enfin… Quoique nous fassions elle allait toujours tout lui répéter. Comme si elle voulait qu’on se fasse punir à chaque mouvement. Et si Père mourrait ? Qu’est-ce qu’il adviendrait d’elle alors ?

Les inquiétudes s’enchaînaient et ne se ressemblaient pas, je l’admettais mais prise dans une telle situation, il me semblait que tout ce que j’avais pu reléguer à un second plan jusque là me revenait au visage soudainement.
Observant ma marraine, je fronçai ainsi doucement les sourcils, baissant les yeux, presqu’honteuses de ce que j’allais dire là.

- J’aurais préféré être ta fille. Murmurai-je doucement, consciente de l’irrespect dont je faisais preuve vis-à-vis de ma mère. J’aimerais te ressembler un jour…

Inutile, certes, mais je savais pertinemment que je finirais par en entendre d’autres. Je n’étais ni dupe ni idiote comme pouvaient le croire mon père ou même Thomas. Je préférais simplement vivre loin de tout ça.

- …

Je restai muette. Comment dire à ma marraine que je préfèrerais mille fois que mon père meure dans d’atroces souffrances plutôt que d’imaginer qu’il puisse rester en vie un an de plus. Bien sûr je savais comment mon père la voyait. Je savais qu’elle comprendrait face à la violence qu’il n’avait même jamais évité devant elle mais… Non. C’était une chose que je n’avais pas le droit de dire. Et ainsi hochai-je seulement la tête. Soit… Disons que nous allions prier pour. Je ne prierais simplement pas le même Dieu.

- J’espère que Thomas sait aimer autre chose que lui-même. Soufflai-je malgré tout à l’idée que ma mère soit protégée par mon frère, son fils… En était-il au moins capable ou préfèrerait-il la jeter du haut des escaliers ? Mmh. Je finissais par me poser la question.

En attendant, et malgré tout, une chose restait : ma famille n’en était pas ou presque. Amara était comme ma famille alors… oui. J’aurais préféré qu’elle soit ma mère. Qu’elle m’ait élevé, que je puisse lui ressembler au lieu de devoir composer avec les Gaunt que je finissais par détester autant que je les aimais, dans un paradoxe dont je peinais à sortir indemne.
Mais Amara ne l’entendit pas de la sorte. Infaillible ? A vrai dire… Elle était la personne que j’avais vu le plus stable depuis mon enfance alors… Oui. C’était ainsi que je l’imaginais. En femme infaillible, en mère aimante et démonstrative qui pouvait tout faire pour ses enfants. Tout ce que Christina Gaunt n’était, à mon sens, pas. Aussi dur soit-il envers elle. J’aimais ma mère, c’était un fait. Elle était justement ma mère mais… Je ne pouvais pas la respecter en tant que mère. Je n’y arrivais plus depuis des années.

Sa remarque m’arracha néanmoins un léger rire alors que je secouai la tête.

- J’aurais réussi à trouver des tenues avec ton physique. Finis-je par plaisanter mais j’avoue que l’accent… En plus de dire que je suis une garce, on aurait trop appuyé sur le côté problématique de la consanguinité, j’en suis persuadée.

Et c’étati presque triste à le penser mais au moins… Cela me faisait sourire. Loin d’être exempte d’autodérision, je savais au moins rire de ma propre famille, de ma propre condition. Et ce n’était pas réellement donné à tout le monde.

- Merci Amara… Soufflai-je ainsi, à mi-voix. Merci d’avoir toujours été là. Alors même si tu ne t’estimes pas infaillible… Tu le seras toujours pour moi, finis-je par admettre en venant lui sourire.

Pas de contact physique. Là où j’appréciais lorsqu’elle en faisait un, je ne le faisais jamais de moi-même, peu habituée à cela en famille. Me remettant donc sur pied, je soufflai, baissant doucement la tête.

- Bon… Je suppose que si je ne veux pas être en retard au cours que je donne aux 7ème année je dois y aller… Grimaçai-je. Surtout que j’en ai des… Spéciaux, là-dedans… Alors… Merci… Encore… Et merci pour Thomas, aussi horrible soit-il.

Esquissant un nouveau sourire, je fis ainsi volteface, quittant la pièce pour ne rien demander de plus et surtout pour ne rien penser de plus. J’avais bien assez craqué… Il fallait maintenant avancer.