Convoqué par mon directeur de maison, pour avoir défendu Erik contre un Serpentard. Pour lui avoir infligé exactement ce qu’il mérite. Il n’y a qu’ainsi qu’il va comprendre qu’il ne peut pas renoncer. Mais mes méthodes sont critiquées et la décision a été prise de convoquer un de mes responsables légaux. Peut-être n’est-ce pas un mal que ce soit mon frère qui ait été convoqué. Je suis certaine qu’il prendra au moins le temps d’écouter ma version même si cela ne l’empêchera pas de m’exprimer sa manière de penser. Mais au moins, je pourrais me défendre et m’expliquer. De toute manière, je compte bien le faire car je n’ai pas agi sans raison. J’attends donc qu’il sorte de son rendez vous avec le professeur Mancini. Suis-je inquiète ? Non pas vraiment. Je suis plutôt toujours furieuse même si je sais pertinemment que j’ai dépassé ce qui est autorisé par le règlement. Le règlement qui ne protège même pas ceux qui en ont besoin vu que cela n’a pas empêché le Serpentard de passer à l’action. Mon frère me rejoint et je le suis dans une pièce vide. Je suis coopérante car j’ai une occasion de m’expliquer et de toute manière je n’ai pas le choix. Je ne peux pas échapper au sermon qui va sûrement suivre. Il est mon responsable légal et je dois donc assumer mes actions. Ce que je fais en le regardant droit dans les yeux. Comme je le pensais, il me laisse une occasion de m’expliquer et il veut entendre ma version. Il me précise tout de même qu’il ne sert à rien de lui mentir. Je le sais pertinemment. « Je ne te mentirais pas mais je compte bien t’expliquer ce qui s’est passé ». Je connais son don. Il a fini par me le révéler, par me permettre de comprendre la souffrance de notre mère et sa décision de l’oublietter. Mais là n’est pas le sujet.

Je me concentre alors entièrement sur ce qui s’est passé. Depuis le début. Les souvenirs reviennent en mémoire. La première fois où j’ai dû intervenir. J’étais dans les couloirs entre deux cours quand j’ai entendu des mots qui m’ont glacés le sang : « sang de bourbe », « tu n’as rien à faire là, retourne à ta place erreur de la nature » et d’autres insultes de ce genre. Cela m’est insupportable au plus haut point. Comment peut-on être aussi jugeant et humiliant en ne se basant que sur la nature du sang. Cela n’a aucun sens et est profondément injuste. Il n’est pas possible de choisir sa nature de sang et pourtant c’est un critère discriminatoire souvent mis en avant. Je me suis alors approché et j’ai découvert un jeune Poufsouffle que je ne connaissais pas en présence d’un Serpentard. Il était coincé dans un coin du couloir et le Serpentard le maintenait contre le mur. Je ne pouvais pas le laisser ainsi et je devais intervenir. « Laisse le tranquille sinon tu auras à faire à moi ». J’ai ma baguette en main et je suis encore gentille dans mes propos. Il m’a déjà été dit de me modérer dans mes interventions et je tente de le faire. Il m’a copieusement insulté mais mes menaces verbales suivantes ont été suffisante pour qu’il décide de le lâcher et de partir. Ainsi, j’ai fait la connaissance d’Erik Winters, un première année dans la même maison que moi. Un né moldu, en grande difficulté pour se défendre dans un monde qu’il ne connaît que très peu finalement. Trop jeune pour pouvoir réellement se défendre. Une projection de moi plus jeune. Des souvenirs de moi jouant en silence pour ne pas déranger, un jeu qui tombe et les cris de notre mère me demandant le silence me reviennent en mémoire. Je l’ai alors pris sous ma protection et il est venu me rapporter de nombreux actes de ce genre qui se répétaient dans le temps de la part du même Serpentard : humiliations, insultes. L'intensité augmentait au fur et à mesure. Personne ne doit se retrouver aussi démuni, aussi impuissant.

Les pensées continuèrent de fuser : le conseil à Erik de prévenir les professeurs. Chose qu’il a faite et le Serpentard a écopé d’heures de retenues et de points en moins. Mais cela ne l’a pas arrêté. Il a continué et cela me rendait folle. Je défendais comme je pouvais Erik en m’en prenant au Serpentard. Je l’ai insulté, menacé et même suivi dans les couloirs pour qu’il comprenne l’effet. Il remonte dans mes souvenirs le jour où se fut trop. Je me rendais dans le parc quand j’ai vu une scène qui a tout fait déborder. Erik était dans le couloir quand le Serpentard lui a lancé un sort de croche pied. Erik tombe alors au sol les bras chargés et tout s’explose au sol. Des bruits de verres résonnent et de l’encre se répand au sol. Lui est étendu et quand il tourne la tête, un peu de sang s’écoule de sa lèvre. Les images de ma mère me reviennent en tête quand elle était étendue sur le canapé, que j’étais seule avec elle et totalement impuissante pour lui venir en aide. Trop jeune pour faire quoi que ce soit, trop jeune pour comprendre. Je ne peux pas revivre cela. Il faut que cela cesse. La colère m’envahit alors et je me suis précipité sur le Serpentard pour le coller au mur. Je l’ai menacé. Il était arrogant, ne semblant avoir aucun remord. Il a continué les insultes. J’ai alors pris ma baguette et lancé un levicorpus pour qu’il comprenne. Je voulais que cela lui serve de leçon et qu’il sache ce que cela fait de vivre ce qu’il a fait subir à Erik. Il était maintenu en l’air alors que je le menaçais s’il recommençait et un professeur est intervenu mettant fin à cela. Le règlement a été enfreint mais depuis, il laisse Erik tranquille et ne s’en est pas repris à lui. Tout l’événement est repassé dans ma tête. En soit il a raison quand il dit que je vais finir par me faire virer. Je n’ai rien à répondre à cela mais une question. « Est-ce que tu penses sincèrement que ce sont les punitions de l’école qui vont faire cesser certains de s’en prendre à des plus jeunes tout ça parce qu’ils ne correspondent pas à leur standard de sang ? Ils s’en prennent aux plus faibles ». La colère envahit de nouveau mon coeur en y pensant. C'est tellement injuste. Je ne crois pas en la capacité de l’école à faire cesser ce genre de comportement. Il n’y a que la peur qu’ils comprennent.

Je viens de repenser à tout ce qui s’est passé, de lui livrer la version de l’événement. Il va savoir exactement ce qui s’est passé. Et que je ne ressens aucune honte vis-à-vis de mes actes même si cela m’a conduit à enfreindre le règlement. Y repenser refait monter la colère en moi. J’ai pourtant tenté de me contenir, de chercher d’autres solutions mais à un moment ce fut trop et j’ai usé de magie. Mais depuis, Erik est tranquille. C’est au moins le bénéfice. Je ressens une forme de soulagement qu’il ne prévienne pas ma mère. Elle m’aurait sûrement privé de sortie et fait une leçon de morale mais elle ne comprend pas ce que je ressens. Elle ne peut pas comprendre pourquoi j’agis ainsi. J’entends ses discours du style : * je te donne tout et tu t’attire tes ennuis. Qu’est-ce que j’ai fait pour mériter cela*. Son frère cherche au moins à la comprendre, à avoir sa version. Il est capable de la comprendre, de savoir pourquoi elle se comporte ainsi. « Je te remercie de ne pas la prévenir ». Comme elle s’y attendait, il enchaîne en lui expliquant sa manière de penser. Elle ne peut pas lui donner tort. Ses arguments sont rationnels et logiques mais cela ne fonctionne pas ainsi quand elle est prise dans le feu de l’action. Elle n’a aucune envie de se faire renvoyer mais ce qu’elle entend la fait bondir. « Je dois donc les laisser sagement harceler juste pour ne pas me faire renvoyer et être juste spectatrice de cela ? » La passion s’immisce dans la voix de Nora. Elle entend que son directeur de maison est sûrement fiable mais elle ne sait pas faire confiance à un adulte. Il ne la croira pas ou ne fera rien de vraiment efficaces. « Il va mettre des heures de colles, enlever des points et après ? Ce n’est pas ce qui va les arrêter. Cela les rend juste plus sournois pour ne pas se faire prendre. Et après j’ai les élèves qui débarquent me voir pour m’expliquer ce qui leur est arrivé sans qu’ils aient réellement de preuve. Moi je les crois sans avoir besoin de prendre sur le fait. ». La colère est de plus en plus présente dans sa voix même si elle a l’impression qu’il tente de la comprendre, de l’aider. « Mais cet effet de meute prend du temps. Il faut beaucoup de points en moins pour que les autres élèves réagissent. Et pendant ce temps, cela continue. Je ne vais pas rester à attendre que cela fasse effet, je ne saurais pas faire. Il n’y a que la peur qui les arrêtent et savoir que quelqu’un sera présent pour s’opposer à eux ». Je peux juste reconnaître quelque chose. La seule chose où j’admets être en tort. « Je n’aurais pas dû user de magie contre lui. Il a poussé le bouchon trop loin et c’était une preuve de faiblesse de ma part. Il va chercher à se venger d’ailleurs. Mais au moins, il a arrêté de s’en prendre à Erik. Depuis il est tranquille. Il va sûrement s’en prendre à moi mais au moins je suis capable de me défendre ». Je suis totalement convaincue, je ne ressens que très peu de regrets en réalité.

Pour moi, l’efficacité de prévenir les professeurs est limitée dans le temps. Ils peuvent simplement enlever des points, mettre des retenues. Alors si cela peut avoir un effet, cela mettra du temps avant que ceux de la maison réagissent. Le renvoi est une décision que les professeurs prennent en dernier recours. Et encore faut-il que les professeurs croient quand je rapporte. Comme ils ne voient pas tout, ils ne peuvent pas croire uniquement sur parole. Mais Magnus met en avant son don pour me demander de faire confiance au professeur Mancini. Je ne sais pas ce qui s’est dit dans ce bureau mais il semble lui avoir accordé sa confiance. Une chose assez rare pour qu’elle me surprenne. Les personnes en qui mon frère a confiance se comptent sur les doigts de la main et je ne suis même pas sûre d’en faire partie. Nous sommes proches mais me fait-il réellement confiance. Là n’est pas la question de toute manière. Est-ce que ce que je vais arriver à aller voir le professeur Mancini au lieu de faire justice moi-même ? Je n’en suis pas certaine mais il a au moins le mérite que la question commence à tourner dans ma tête. Mon frère n’avancerait pas un tel argument sans avoir une bonne raison. « Pourquoi je devrais lui faire confiance ? ». Je ne vais pas me contenter de simplement la parole de mon frère. Il devrait le savoir. Il m’en faut beaucoup pour faire confiance à un adulte. Cela m’agace quand il dit que j’ai une vision très limitée de la justice. Je ne dis rien mais mes yeux étincellent. Il va de toute manière savoir que cela m’irrite au plus haut point qu’il critique ainsi ma vision des choses. Il va l’entendre dans mes pensées mais je ne peux pas m’empêcher finalement d’ajouter « Ma vision n’est pas limitée. Il faut bien que quelqu’un défende les autres et les protège. Ceux qui ne savent pas le faire par eux-mêmes ». J’ai répondu en le coupant, agacée par ses propos.

Là où je suis d’accord c’est que si je me fais renvoyer, je ne servirais plus à rien pour les protéger. Celui qui s’en prenait à Erik se ferait un malin plaisir de recommencer alors qu’elle ne serait plus là. Je pense aussi à Rose que je protège aussi et aux autres dans le même cas. Ils savent qu’en cas de besoin, je serais là pour eux. Le nombre de fois où ils viennent me voir pour me raconter ce qui leur est arrivé. Non je ne peux vraiment pas me faire renvoyer. « Oui ce serait pire si je me fais renvoyer. Mais je fais quoi quand les mots ne suffisent pas ? Quand les professeurs ne me croient pas alors que ceux que je protège sont bien trop terrorisés pour parler ? Quand certains viennent me raconter ce qui leur est encore arrivé ? Je ferais tout pour être le bouclier, pour empêcher que des élèves se retrouvent impuissants, incapable de se défendre et subissant totalement la situation. Il est hors de question que je sacrifie qui que ce soit ». Mais ses propos touchent un point sensible. Pour cela aussi que j’ai besoin de beaucoup parler. User de force est un signe de faiblesse et je ne veux pas l’être. J’essaie au contraire de tout faire pour être forte, n’être un poids pour personne. Et concrètement me faire renvoyer reviendrait à me retrouver en permanence chez ma mère. Je ne sais pas ce que je deviendrais. Je finis par dire. « En tout cas, je ne souhaite pas me faire renvoyer. Mais c’est moi qu’on menace de renvoi alors que je ne fais que protéger ». Une forme d’injustice à mes yeux. La limite que je ne dois pas franchir. Continuer de protéger sans la franchir. Un équilibre qui va être difficile à trouver pour moi. Je ne sais pas réellement comment je vais faire, à quel point je vais pouvoir m’empêcher de faire justice moi-même.