Les rois du monde vivent au sommet
Maïwenn Zaig & Jean-Michel Moreau
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'Bonjour, je m'appelle Jean-Mi et j'aime le champagne. Bonjouuuuur Jean-Mi,' fredonne les pensées du dénommé Jean-Michel quand sa partenaire de grimpe parle d'être accroc aux bulles. D'être en manque. Il sourit et dans sa tête cela rigole, cela projette une fausse situation, de fausses voix, de celle de réunions des alcooliques anonymes. Il ne dit rien. Ses pensées parlent pour lui. Parlent pour Maï. Elles la vannent légèrement avant de retomber dans la plénitude la plus parfaite des montagnes. Avant sa réelle question. Celle qui attend une réponse. Encore qu'il se sait impatient. Il sait pourtant que tout vient à point à qui sait attendre. Qu'il faut profiter du moment présent. Mais la question coule de sa bouche comme le sable des mains. De toute façon, pourquoi la retenir ? Maïwenn l'aurait entendu. Il le sait très bien aussi. La question ne fait de mal à personne et bientôt elle sera mise de côté, troquée par un bain de sérénité né du silence. En attendant, elle fait mouche. Les étoiles brillent et se mettent à danser dans les yeux de la rouquine. Et Jean-Michel ne peut s'empêcher de sourire. Evidemment. Cet videment compte aussi bien pour un 'quelle question, elle en a déjà parlé' que pour une affirmation un 'oui, j'irais'. Ce sera difficile, mais pas impossible. « Seulement lorsque nous serons prêts (il doit reprendre un rythme de croisière, cette ascension répondra pour partie à la question)... et si TU l'annonces à ma femme. Elle va nous tuer. Te tuer. Et j'ai hâte d'entendre la réponse de ta compagne, Maï. » Réponse toute en harmonie entre paroles et pensées, mais jamais en contradiction. Et il sourit autant par l'impatience de monter de nouveau que par le défi que représentera l'annonce aux compagnes. Un supplice qu'il laisse volontiers à sa comparse même s'il aura son lot de remarques, de menaces et de gros yeux de la part d'Audrey dans leur intimité. Le courroux des dames, qu'il voit déjà de loin. Thriller psychologique. La mort dans les yeux.
La corde roule entre eux et se fixent à leur baudrier. Ils sont prêt à entamer une autre partie, un cran au dessus côté effort physique et, naturellement, avec son risque de danger. Jean-Michel vérifie une nouvelle fois l'état de ses crampons de chaussures. Remonte ses gants et tiens fermement ses piolets prêt à écorcher les flancs de la montagne, les pénétrer avec force pour se soutenir, lui, mais aussi Maï qui en fera de même. « Tu peux te permettre de glisser, je nous soutiendrais... sauf si tu as pris du poids. Tu as pris du poids Maï ? » Ils rigolent, il n'est pas sérieux à ce niveau, mais il l'est mortellement pour la première partie. Maï fait partie de sa famille. Elle est comme une sœur pour lui. Elle ne remplace pas Marie-Christine, loin de là, c'est un autre membre, vivante et qui ne les menacera jamais, il le sait. Il a toute confiance en elle. Il pourrait lui confier sa vie. D'ailleurs, pour la grimpe, le doute n'est pas permis. Maï est la pour lui comme il est là pour elle.
« Les dames d'abord, dit-il en souriant et dans sa langue natale, le français. »