"Cursed"

Personne à qui dire je t’aime, mais tout le monde sur qui cracher ma haine… - Shae Warrens

Deux jours après l'incendie…

         Le soleil commençait à disparaître à l’horizon quand l’infirmière retira enfin mes bandages, j’étais bien heureuse de ne plus ressembler à une sorte de momie. Il paraît que j’avais de graves brûlures sur tout mon corps, mais je n’en avais guère vu la couleur, encore moins la forme à mon réveil ce matin. Ma peau était claire et douce comme si rien ne l’avait affecté, pas même la morsure progressive d'un soleil de printemps beaucoup trop éclatant. Cela faisait donc deux jours depuis cet incendie, deux jours que j’étais restée inconsciente ici entre ces murs, manquant plusieurs heures de cours. Un retard qui ne m’inquiétait aucunement, mais qui ne me plaisait pas pour autant. L’infirmière vérifia une dernière fois que chaque partie de mon corps où étaient supposées être placées mes blessures, avant de me donner une sucrerie comme si j’avais dix ans de moins. « Ne sous-estimez pas les propriétés d’un petit bonbon dans votre état jeune fille, vous avez encore besoin de récupérer en énergie. »
         Mon faciès trahissait mes pensées et elle n’avait guère eu de mal à lire en moi comme dans un foutu livre ouvert. J’avalais alors ce bonbon sans me faire attendre, sucrée comme les gosses les aimaient. Et sans doute comme je les aimais moi-même aussi, si je devais être un minimum honnête. La minute suivante, je déambulais de nouveau dans les couloirs du château en direction de la salle commune de Serpentard, libéré des murs de cette infirmerie. Un elfe de maison m’attendait dans la salle commune en question, un plat avait été préparé à mis à ma disposition, étant donné que j’avais concrètement manqué le dîner dans la grande salle. De la part de mon directeur de maison sans doute à l’affût de mon rétablissement. En une quinzaine de minutes, j’avais terminé ce que j’avais dans mon assiette et dans mon verre. Je ne savais pas si c’était dû à cette convalescence, mais j’avais moins d’appétit qu’en temps normal. Si bien qu’à la moitié du plat, je m’étais déjà sentie rassasiée.

          J’étais pourtant le genre de personne assez gourmande de nature, celle qui aimait remplir mon assiette de nouveau après l'avoir délicieusement vidé une première fois. L’on me reprochait d’ailleurs de manquer d’élégance et de savoir-vivre. Foutue gosse de noble, parce que j’étais une fille, je devais me priver de bouffer comme je le voulais pour correspondre à une décence et à une distinction qui ne me concernait en rien ? Quelle blague. Mais pour eux être une Serpentard, signifiait être de la maison de l’élite, soi-disant. J’avais apparemment le malheur d’être une née-moldu dans la mauvaise des maisons, étant une sorte tâche qui souillait ses couleurs. Forcément, mon comportement était toujours source de critique alors je prenais un malin plaisir à être la paria grossière de Serpentard. Peut-être que cet incendie, était un gros ras-le-bol de la part de certains. Qu’en savais-je au fond ? Rien, je ne pouvais que spéculer dans mon coin et continuer à haïr et être haï en retour.
          Mon regard se posa un moment sur les flammes de la cheminée alors que je déposais enfin ma fourchette, alignée avec le couteau d’un côté de l’autre de l’assiette, propre et symétrique. Je suivais le crépitement des flammes, tentant de me rappeler d’un potentiel souvenir en lien avec l’incendie. Mais j’avais beau en faire l’effort, rien ne me venait à l’esprit si ce n’est que la colère qui avait suivi l’action de ce connard de Blackwood et de ses potes. J’ignore combien de minutes passèrent avant que je ne me décide enfin à rejoindre mon dortoir, légèrement fatigué. Il me fallait écrire une lettre pour rencontrer Engel Turner demain, au moins pour la remercier de m’avoir apparemment sauvé. Je ne savais pas trop quelle heure il était quand je montais jusqu’aux chambrées, mais apparemment, ma camarade était toujours éveillée. « Salut. » La saluais-je par politesse après l’avoir observé un instant. 

"Cursed"

Personne à qui dire je t’aime, mais tout le monde sur qui cracher ma haine… - Shae Warrens

            Ce qui était bien avec Adelai Flint, c’était le fait qu’elle n’était pas une camarade de dortoir trop encombrante. Elle a toujours respecté mon espace vital et moi le sien. Pourtant, peut-être à tort, je ne la portais pas dans mon cœur au début, j'avais même demandé à changer de dortoir quand j’ai su que c’était une sang-pure. Devoir supporter les quelques enfoirées que je croisais en salle commune, que ce soit leur regard vomissant le mépris ou bien leur commentaire à peine subtil à mon encontre pour faire rire les copains, me semblait déjà bien pourri... Mais m’en taper une de plus dans mon intimité, putain ça m’avait bien foutu les boules à l’époque. Il s’avéra au final que je l’avais jugé trop vite, elle n’était pas une garce. C’était plutôt moi qui l’avais été envers elle pour l'avoir étiqueté sans chercher à la connaître. Quelque part, j’avais sans doute développé une sorte de racisme à l’encontre de la noblesse sorcière.
          Puisqu’à force d’être haïr par la plupart des sangs-purs, j’avais fini par haïr ces derniers à l’image de ceux crachant sur les nées-moldus, ceux étant aisément capable de lâcher de leur bouche un sang-de-bourde sans le moindre remord. Est-ce que j’étais fière d’être devenue cette gosse aigrie, emplie d’une colère pas forcément raisonnable, bien que légitime ? Non, je ne l’étais pas, comme je n’étais pas fière de ce que j’avais pu faire dans la rue pour ne pas que la misère puisse m’écraser à l'image d'un asticot sous une botte. Cependant, la haine était nécessaire, elle m’empêchait de subir comme une pauvre victime impuissante, elle m’aidait à supporter et rendre coup par coup ce qu’on me faisait subir. Du moins, jusqu’à il y a deux jours où j’avais été mentalement sous les talons et guère sur mes gardes. La nouvelle que ma mère m’avait apprise dans cette lettre m’avait laissé dans cet état de passivité et ces connards avaient choisi le bon moment pour se montrer… Profitant d’une faiblesse que je n’avais aucunement l’habitude de dévoiler pour me rendre plus misérable que je ne l'étais déjà.  

           Après m’avoir salué à son tour, Adelai s’élança dans une série de questions pendant que je déposais ma baguette et mon sac sur la commode, tout en retirant mes chaussures. « Quelle maison ? » Demandais-je, car n’ayant aucune idée de quoi, elle parlait à ce moment-là. Je retirais alors ma robe de sorcière, aucunement pudique devant une autre nana, quand je décidais de lui répondre. « Honnêtement, je n’ai appris pour l’incendie qu’à mon réveil à l’infirmerie, cette après-midi. Clairement, t’en sais plus que moi. » En soutif et en culotte, je cherchais mon pyjama dans mon armoire tout en rajoutant. « Mais je n’ai rien, juste un coup fatigue. Apparemment, l’effet secondaire de la potion que m’a donné l’infirmière toute cette foutue journée. » Il y avait une sorte de fatigue mentale qui accompagnait cet épuisement physique. J’en étais au point où j’étais lasse de bouger, à la limite de l’agacement quand je voyais la pile de vêtements que je devais déplier pour trouver mon linge de nuit.
           J’étais presque sur le point de me dire que j’aurais plus de chance de trouver mon bonheur en me mettant sous mes draps seulement vêtus de mes sous-vêtements. J’avais le sentiment terrible d’avoir la flemme de tout, me respirer. Je me retournais vers la septième année quand elle annonça être navrée pour ce qui m’était arrivée, que tous n’étaient pas comme ceux qui m’avaient fait chier deux jours plus tôt. Je haussais les épaules en crachant les mots suivant. « Ce ne sont pas tes gosses qui m’ont malmené, t’as pas être navrée pour ses bâtards. » J’attrapais finalement un t-shirt ‘‘d’homme’’ appartenant à Malachi, bien trop grand pour moi, mais qui faisait amplement l’affaire pour dormir. En l’enfilant, je me remémorais la manière dont je l’avais eu. Merde, ce n’était pas glorieux. On était partie boire tous les deux dans notre terre-terre, et j’étais tellement défoncée que je m’étais vomie dessus à un moment. Il m’a prêté son t-shirt malgré le froid. Pour le remercier, je ne l’ai jamais remercié.

            Je ne lui ai pas rendu son t-shirt non plus. Ouais, alors même que ce vêtement devait valoir trois fois plus que toute ma garde de robe réuni dans ce placard. L’aînée de cette chambrée voulait absolument se rendre utile, tout en me signalant qu’elle avait avec moi la copie des cours que j’avais manqué. Je me demandais qui avait pu bien me les ramener ? Il n'y avait pas beaucoup d’élèves de ma promotion avec qui je m’entendais. Cela dit, si c’était un geste forcé par un prof, alors ça pouvait être n’importe qui. Je m’avançais vers elle pour me saisir de la copie, je fixais un moment ce dernier, tournant les pages silencieusement avant de me prononcer. « Ce qui est fait est fait, inutile de s’attarder sur cette histoire. Mais merci quand même pour soutien. » Je relevais mon regard vers elle et je demandais alors que mes yeux fixèrent un moment ses affaires. « T’arrives à réviser à cette heure-ci ? T’as un devoir en retard ou bien quoi ? »