Le temps était un chiffre qui ne se contrôlait pas. Le temps, une valeur certaine et fiable, était ce qui le ferait tomber à genoux bientôt. Pendant quelques mois, Hyo-Jin s’était senti en contrôle, puis tout avait basculé soudainement. Tout avait commencé par la catastrophe de Poudlard, ou le Coréen avait senti le vide s’installer sous ses pieds. Puis la chute, lorsqu’il avait observé le corps inerte de son fils, Ayden… Matthew pleurant sur ce dernier, Mary berçant Leticia, le visage ruisselant de larmes. Zachary fuyant la scène. Et lui, qui avait fait de son mieux pour rassurer chaque membre de sa famille. Mais il n’était pas assez. Aucun père n’aurait été assez dans ce type de situation ! Il ne pouvait altérer la mort, ramener Ayden à la vie, alors que c’est la seule chose qui aurait pu apaiser la situation à cet instant. Le choc, lorsqu’il avait réalisé son impuissance. Lorsqu’il avait tenté d’être un père présent pour sa famille, mais incapable d’effacer leur chagrin. Le déni, lorsque le Sorcier s’était plongé dans le travail pour oublier sa propre souffrance.

Le temps pouvait faire des miracles souvent, mais dans leurs cas ? Les Gimhae avaient toujours aussi mal de ce départ hâtif. Mary restait inconsolable. Matthew, son état était incertain. Zachary parlait encore moins qu’à l’habitude. Leticia restait souvent dans sa chambre et pleurait. Lors de ces moments, Hyo-Jin se concentrait de nouveau sur le travail. La réalité de ses entreprises était plus facile à affronter que sa famille en peine. C’est ainsi qu’il avait quitté le domicile familial, non sans avoir offert un baisé et une accolade à chacun d’entre eux. Rejoignant la tour de Pawornruj, son partenaire.  

Hyo-Jin refusait poliment toute consommation. De légeres cernes se trouvaient sous ses yeux. Il semblait avoir perdu un peu de poids. Avait-il perdu en vigilance ? Un peu, dans les dernières semaines… Il avait même annulé une ou deux rencontres avec son associé pour s’occuper de sa famille. Le manque de vigilance s’était fait sentir. Quelques accidents déclarés, des plaintes de ses employés… Des enquêtes couteuses… Rien de complètement anormal jusqu’à présent ! Chaque entreprise pouvait vivre son lot de difficulté par moment.

-Nous pouvons continuer. Je m’occuperais de mes autres affaires après notre rencontre.

Dire qu’il allait bien ? Allait mal ? Hyo-Jin détestait le mensonge et ainsi, préférait ne pas répondre. Il conservait une expression professionnel, un petit sourire léger et restait concentré. C’est alors qu’une lettre lui était remise. À 10h précise, une majorité de ses employés démissionnaient. Quelques minutes plus tard, ses partenaires commerciaux rompaient leurs engagements et contrats. La confiance était brisée parce qu’il… Utilisaient leurs argents pour rembourser la dette de son fils ?! Posant un regard sur le document qui était déposé devant lui, les sourcils de Coréen se fronçaient soudainement. Pour ses partenaires, rien de trop alarmant… Ils rompaient leurs contrats, donc il pourrait exploiter certaines clauses possiblement pour limiter les impacts. Ses avocats étudieraient le cas.

Non, ce qui le dérangeait à cet instant n’était pas l’atteinte à sa réputation. Pas l’atteint à son portefeuille. C’était les atteintes sur sa famille, les mots sur son fils. Ayden s’était prostitué pour rembourser sa dette. Dette qu’il devait à Pete. L’intérieur du Gimhae commençait à brûler d’une colère qu’il avait rarement ressentie dans sa vie. Un léger vent s’élevait dans la pièce, faisant valser quelques parchemins du bureau de son ancien partenaire. Une haine qui n’habitait jamais son regard s’installait, le faisant serrer les dents. Il osait briser ce silence pour… Demander le paiement de la dette, pour prévenir des pénalités de retard ?! Le Gimhae le regardait alors longuement, en silence. Luttant contre son envie de déclencher un ouragan, une tornade ravageuse pour expulser toute la colère en son être. Son ton était froid, alors qu’il soufflait,

-Vous avez commencé par parler à mes employés… Vous leur avez proposé de meilleures conditions… Vous avez créé des accidents, trop nombreux pour être de l’ordre du hasard et alors que j’avais la garde baissé… Vous avez brisé la confiance avec mes partenaires, utilisant mon fils décédé comme moyen pour parvenir à vos fins.

Un nouveau silence s’installait, avant que le Coréen n’ajoute toujours aussi froidement,

-J’ai été naïf de croire que nous pourrions collaborer. Travailler ensemble pour de plus grandes ambitions. Vous êtes un serpent. Sournois et ambitieux. Trop ambitieux pour travaillé avec autrui. Vous manquez d’honneur.

Insulté? Non, le Sorcier n’avait jamais été fervent de l’utilisation d’un vocabulaire grossier. Déposant la lettre, il soulevait le parchemin de la dette d’Ayden, un nouveau coup de vent soulevait quelques parchemins, alors qu’il ajoutait,

-Je règlerais la dette en entier, par chèque.

Au-delà de l’impact sur ses entreprises, sur la réputation de sa famille… Ce qui le blessait le plus à l'instant était de connaître la vérité sur Ayden. Il avait vendu son corps, il s’était endetté… Pourquoi ne lui avait-il jamais demandé de l’aide ? N’avait-il pas assez montré son support ? Avait-il était un père trop absent ? Ayden avait-il manqué de confiance en lui ? La tristesse lui tordait alors les tripes, lui faisant déposer ce parchemin également.

-C’est également aujourd’hui que notre partenariat prend fin. Les clauses de notre contrat permettent la fin de notre entente à tout moment et sans pénalité. Mes avocats seront avisés de la situation pour rendre le tout conforme. Êtes-vous satisfait Monsieur Narkhirunkanok ?

Son ton n’avait aucune forme de soumission, ni de fierté. Pas d’arrogance ou d’agressivité. Il se contentait de rester froid, neutre le plus possible… Parce que l’ouragan en son être menaçait de se déclencher sous le débordement émotionnel et il tâchait de le maîtriser à l’instant.

Hyo-Jin n’arrivait même pas à d’écrire la souffrance qu’il ressentait à l’instant. Il avait mal. Il souffrait. Le plus pénible dans cette situation? Était qu’il ne pouvait se permettre de perdre la face. Un coup de vent lui avait échappé, mais il ne pouvait offrir plus de réactions, parce que cela serait d’admettre sa faiblesse et il refusait de se montrer vulnérable devant l’homme qui avait utilisé son fils de la sorte. Son fils. Il avait toujours été impulsif, têtu et ne prenait pas forcément les meilleures décisions, mais… À ce point? Non. Le sorcier face à lui devait être responsable de cette déchéance. Il devait lui avoir embrouillé l’esprit, l’avoir manipulé. Non. Il refusait d’accepter qu’Ayden s’était prostitué pour payer sa dette. Son fils était honorable, un Gimhae.

-Je ne croirais les mots d’un homme aussi manipulateur.

Il avait forcément usé de ruse et manipulation pour amener Ayden à ce type de résolution. Malgré les preuves, les photos déposées devant lui dans une enveloppe… Le Coréen n’y posait pas réellement le regard. Cela le dégoutait, cela lui donnait la nausée. Son fils. Pourquoi? Refermant rapidement l’enveloppe, il la gardait sous sa main, parce qu’il comptait bien repartir avec cette dernière! À un aucun moment toutefois, il ne semblait douter de son fils. Non. Le coupable se tenait devant lui, Ayden avait accumulé une dette, mais la façon de la régler était forcément de la faute de l’homme d’affaires.

-Une fois la facture réglée, je quitterais avec l’enveloppe. J’espère bien que vous n’avez sauvegardé aucune photo ailleurs, il serait dommage que je doive en venir à une plainte pour atteinte à la vie privée.

Ho, il comptait bien la faire dans tous les cas. Du moins, prendre des mesures pour s’assurer que Pete n’aurait plus aucun souvenir d’Ayden Gimhae aussi compromettante. Il en allait de l’honneur de son enfant, de sa famille. Mais la suite? Hyo-Jin serrait les poings doucement. Son fils, un garçon agréable?! Il était déçu, avait espéré un match plus difficile lors de cette joute commerciale. Son père le tenait en estime? Le sorcier en avait peu à faire de cet homme, tout comme de celui qui lui faisait face. En toute franchise? Hyo-Jin avait sincèrement espéré un bon partenariat. Trouver un allié commercial fiable, intelligent et persévérant. Son image, ce que les autres pensaient de lui, le jugement d’autrui… Tout ceci était des concepts que Hyo-Jin ignorait. Il se concentrait sur ses affaires, sur sa famille. Pour lui, le gazon n’était pas plus vert chez son voisin. Il avait toujours été un homme qui se contentait de peu pour son bonheur. Cette attitude l’avait fait grandir et réussir. Ainsi, tout en conservant les poings serrés pour contenir sa colère, il soufflait d’un ton calme, en contrôle,

-Ce que votre paternel ou vous-même pensez de moi, me laisse complètement indifférent. J’ai réellement espéré un bon partenariat et commis une erreur. J’apprendrais de cette dernière, parce que nous avons toujours quelque chose à apprendre… Cette facture arrive-t’elle bientôt?  

Elle devait arriver bientôt. Parce que si le sorcier face à lui continuait d’insulter la mémoire de son fils, Hyo-Jin ne pouvait promettre qu’une meurtre ne serait pas commis.

Il dénigrait encore son fils. Hyo-Jin entendait les mots, sans réellement les écouter. Son esprit était attentif, mais à la fois résistant. Il prenait connaissance des informations, mais les rejetait avec un puissant mécanisme de défense, le déni. Sa confiance aveugle en sa famille brouillait son jugement, tout comme sa neutralité à toute épreuve. Et même si ce que son ancien partenaire d’affaires disait était vrai? Hyo-Jin refusait de l’accepter. Il n’était pas prêt, encore à la première étape de son cheminement, alors qu’il avait appris la vérité il n’y a que quelques minutes à peine. Chaque chose en son temps, le cerveau était une fragile petite chose.

Il avait une preuve, un consentement écrit pour les vidéos. Hyo-Jin retenait un grincement de dents et une première pensée négative pour son fils. Ayden. Qu’avait-il fait! Et pourquoi?! Sa famille aurait été présente pour lui. Sa famille l’aurait soutenu. Pourquoi avait-il dû prendre ce chemin dangereux pour parvenir à ses objectifs? Il avait mal. Il souffrait. Il se demandait ce qu’il avait fait de mal, puis venait la facture. Le PDG haussait un sourcil devant le montant exorbitant. 150,841,336 Gallions. Rien de moins. Le projet de son fils était audacieux, mais le montant demandé pour arriver à ses fins?! Beaucoup trop élevé. Non. Ayden n’aurait jamais du faire affaire avec cet homme. Sortant un chéquier de l’intérieur de sa veste, le Coréen rédigeait alors le montant en silence. Oui. Un silence qu’il tâchait de maintenir pour ne pas sauter au visage de cette pourriture. Respirer. Respirer c’était la clé. Il se concentrait sur sa respiration, alors qu’une petite tornade se formait dans la rue face au complexe. Un échappé de sa magie, une mauvaise maîtrise de ses émotions. Il n’avait vécu une situation pareille depuis l’adolescence et se redressait soudainement en poussant le chèque vers Pete.

-Voilà le montant complet. J’appellerais mon banquier dans les prochaines minutes pour que le montant soit autorisé.

Vu la somme, c’était nécessaire. Rangeant son chéquier de nouveau dans sa veste, Hyo-Jin observait Pete avec une apparence calme… La tornade à l’extérieur prenait de l’ampleur, de la vitesse… Il devait partir, il débordait.

-Mes avocats s’occuperont de conclure la fin de notre partenariat.

Oui, c’était mieux de laisser ses avocats gérer. Ils seraient plus calmes et en contrôle que lui. Récupérant les photos, il ajoutait également d’un ton froid,

-Ils vous enverront une offre pour acheter tout le contenu pornographique et régulier contenant mon fils.

Cela serait si facile d’utiliser cette tornade à des fins destructrices… L’utiliser pour briser les fenêtres, renverser le bureau, le blesser… Reculant d’un pas, il réajustait sa veste, puis concluait en tournant les talons,

-Je vous souhaite une bonne continuité, M. Narkhirunkanok.

La politesse restait de mise. Il restait honorable et poli de par son éducation. Dès qu’il transplanait, les vents se calmaient, la tornade cessait… De retour à son domaine, le Coréen se laissait tomber dans son lit, face première et soupirait longuement, avant que quelques larmes ne lui échappent.