L’année 2023 s’était terminée en catastrophe. L’école à moitié détruite et des dizaines de morts… Je ne dormais pas beaucoup, ces derniers temps, même si le château avait finalement été reconstruit début janvier 2024. Les personnes disparues, elles, ne reviendraient jamais. Et celles qui demeuraient encore en vie resteraient traumatisées. Combien de fois voyais-je un ou une élève arriver en pleurs, victime de dépression parce que la mort l’avait frôlé ou parce qu’un être cher avait perdu la vie ? Ma collègue psychomage avait également du pain sur la planche avec tout cela. Les six prochains mois allaient être difficiles…

Et mon manque de sommeil n’arrangeait pas les choses. Je ne le montrais pas en journée, quand je travaillais, ne voulant pas paraître décourageant face aux personnes que je soignais. Mais quand arrivait le moment où je m’isolais, c’était comme si je prenais un coup de massue sur la tête. A cet instant, j’étais capable de m’endormir n’importe où. Mais, comme par hasard, dès que je me mettais au lit le soir, impossible de fermer l’œil. Et c’était franchement agaçant.

Alors, depuis quelques jours – ou plutôt quelques nuits – j’allais me balader dans l’école. Baguette en main pour m’éclairer, je parcourais les couloirs vides et silencieux jusqu’à être lassé et désireux de rejoindre la chaleur de mon appartement. Cette nuit, j’avais envie de monter visiter la tour d’astronomie. Je n’y avais encore jamais mis les pieds, et le ciel semblait assez dégagé pour apercevoir les étoiles. Si je me concentrais sur l’étude des astres, peut-être accumulerais-je la fatigue nécessaire pour dormir. Ce fut donc aux alentours de minuit que je franchis la porte menant à l’extérieur, au sommet de la tour. En levant les yeux vers le ciel, je constatai l’absence totale de nuages et le nombre incalculable d’étoiles qui brillaient.

En me perdant un moment dans leur contemplation, mes songes divaguèrent vers les événements qui avaient touché l’école depuis mon arrivée. J’allais finir par croire que Poudlard était un lieu maudit. Il se passait toujours quelque chose de plus ou moins dramatique. Et, en général, cela ne visait pas qu’une poignée de personnes mais l’école entière, comme s’il fallait que tout le monde ait sa part du gâteau empoisonné…

Dans un soupir, j’avançai de quelques pas et trouvai un endroit où poursuivre mon observation du ciel. J’allai d’abord récupérer une des chaises qui servaient habituellement aux élèves pour les cours du vendredi soir, et la plaçai face au panorama qu’offrait la disposition de la tour. D’un coup de baguette, je la changeai en quelque chose de plus confortable, avec un dossier incliné. Je m’assis, éteignis ma baguette et la rangeai. Le ciel sans lune me laissait aisément l’opportunité de nommer les astres, du moins, ceux dont je me rappelais. Appuyant mon dos contre le dossier bien plus douillet désormais, je remontai la fermeture éclair de mon manteau jusqu’au cou, ajustai l’écharpe que je n’avais pas oublié de prendre au vu des températures très basses, et lâchai un nouveau soupir, faisant s’échapper une volute de vapeur caractérisant clairement qu’il valait mieux être bien couvert pour ne pas tomber malade.

Une nouvelle année commençait, en espérant que celle-ci soit plus paisible que la précédente… La fin avait été des plus désastreuses avec la destruction du château et la perte de nombreux élèves. J’y étais… J’ai vu. Je n’ai pas tout vu mais bien assez pour en faire des cauchemars. J’ai sauvé ce que j’ai pu, j’ai fait de mon mieux mais malheureusement il y a eu de nombreuses pertes. Il m’arrive de me réveiller en sursaut et en hurlant suite à des terreurs nocturnes, des cauchemars qui paraissent bien trop réels… Malgré tout, j’essaye de garder la tête haute pour les élèves et les professeurs. J’essaye d’être un petit rayon de soleil face à l’obscurité qui nous a frappés. Il faut que l’on se relève, tout. C’est dur et j’essaye de montrer l’exemple même si une fois seule il m’arrive de m'effondrer. Je m’acharne au travail pour essayer d’oublier, blindant mon emploi du temps le plus possible pour avoir l’esprit occupé.

Après être rentrée du travail, je m’étais dirigée vers ma chambre pour prendre une douche et me changer, enfilant une tenue plus décontractée: un jean noir, un pull ample rouge et des bottines noires. Par dessus, j’avais enfilé une doudoune blanche et mon écharpe. Sachant dès le départ que mon sommeil serait difficile à trouver, je m’étais mise en tête de rejoindre la tour d’astronomie. J’avais également pris de quoi grignoter: quelques gâteaux et bonbon et un bon plaid. Une soirée netflix and chill mais plutôt astronomie and chill. Si je voulais être seule et tranquille ailleurs que dans ma chambre, c’était bien là bas qu’il fallait que j’aille. Il ne me fallut pas longtemps pour la rejoindre et comme je m’y attendais, j’étais seule. Prenant une des chaises, je l’avais transformé en pouffe et l’avais tiré dans un petit recoin sombre. Et il semblerait que je soit très discrète…

Pourquoi ? Parce que j’ai vu Meyer arriver et que lui, semble ne pas m’avoir vu. J’avoue que je pensais me retrouver seule et que la compagnie de Meyer était la dernière à laquelle je m’attendais. Mais bon, pourquoi pas. Je l’appréciais mais après les terribles événements qui ont surgis, je ne l’ai pas plus revu que ça. On s’est recroisé mais c’est tout, il n’y a pas eu de grands échanges ou quoi. Je préfère laisser la place aux élèves qui en ont besoin, pensant que je peux me débrouiller par moi-même. Je pourrais venir l’embêter maintenant qu’il est là mais peut-être préfère-t-il être seul ? Bon…

Après quelques instants de réflexion, je me lève et vient derrière lui pour cacher ses yeux.

C’est qui ?

Je ne sais pas si c’est la meilleure approche mais bon au moins elle est chaleureuse et sympathique. Je viens ensuite lui chuchoter quelques mots à l’oreille/

Promis je suis gentille et tu as de la chance, j’ai un peu de nourriture. Je n’avais pas prévu qu’il y ait quelqu'un d’autre mais je peux quand même la partager avec toi. Des m&m's ça te tente ?

J’avais ça, j’avais aussi des chips et quelques cookies. Par ce froid, ça fait du bien de manger !

La soirée était calme. S’il ne faisait pas si froid, j’aurais pu m’endormir sur place. La vue des étoiles offrait également un spectacle attirant. J’avais du mal à en détourner le regard… Jusqu’à ce qu’une paire de main me barrent la vue. Je tressaillis, n’ayant entendu personne approcher.

- C’est qui ? fit une voix familière.

Ah ouf, j’avais eu peur.

- Promis je suis gentille et tu as de la chance, j’ai un peu de nourriture, déclara Ruby de sa voix joueuse. Je n’avais pas prévu qu’il y ait quelqu'un d’autre mais je peux quand même la partager avec toi. Des M&M’s ça te tente ?

Je souris.

- Demande à un aveugle s’il veut y voir, répondis-je. A force d’accepter la nourriture de tout le monde, je vais finir obèse.

Je ne cherchais pas forcément de compagnie ce soir mais la bonne humeur de ma collègue avait le don de déteindre sur les autres. Et j’en avais bien besoin… Je me retournai à demi quand elle retira ses mains. Mais comme il faisait très sombre, je pris ma baguette et l’allumai pour mieux la voir. La professeure d’arts scénique s’était vêtue chaudement, elle aussi. Elle était souriante mais je la sentis fatiguée. Au vu des derniers événement, ça se comprenait. Je n’étais pas le seul à passer de désagréables nuits depuis l’effondrement de Poudlard…

- J’étais tellement absorbé dans la contemplation du ciel que je ne t’ai même pas entendu, avouai-je. Tiens, installe-toi.

Je pointai ma baguette vers le reste des chaises et en fis venir une jusqu’à côté de moi. Un autre sort plus tard et la chaise prit la même apparence que la mienne, moelleuse et confortable.

- On dirait que tu viens de dévaliser un distributeur, ricanai-je en voyant ses bras chargés du paquet de M&M’s, mais aussi de chips et de cookies.

La blague serait moins passée face à un véritable sorcier qui ignorait tout, ou presque, du monde moldu. Mais je savais que Ruby vivait entre les deux univers, alors je ne doutais pas de ses connaissances.

Et hop ! L’effet de surprise a fonctionné. Constantine ne m’avait ni vu ni entendu. Je l’ai senti tressaillir mais se détendre aussitôt lorsqu’il a entendu ma voix. Non, je ne suis pas une psychopathe qui vient trouver son instant de paix. Enfin… Juste pas une psychopathe par contre pour le reste je ne garantis rien ! Néanmoins, j’ai de la nourriture, ça a son importance et je suis sûre que ça va l’intéresser ! Sa réaction ne se fit pas attendre. “Demande à un aveugle s’il veut y voir”. Effectivement. Je pouffe de dire à ça et à sa remarque sui suit sur le fait qu’il va devenir obèse à force d’accepter la nourriture de tout le monde. Je fais mine de reprendre le paquet, le serrant dans mes bras comme pour le protéger, fronçant les sourcils et affichant une mine boudeuse.

Oh ! Eh bien je le garde pour moi alors si c’est ça !

Je rigole de nouveau. Il m’avoue qu’il était tellement absorbé dans la contemplation du ciel qu’il ne m’a pas entendu arriver.

Moi par contre je t’ai vu arriver. J’ai fait en sorte d’être discrète en me mettant dans un coin tranquille. J’ai dû être une espionne dans une autre vie.

A l’aide de sa baguette, il amène une chaise à côté de lui et la transforme en quelque chose de nettement plus confortable. Je le remercie avant de prendre place à côté de lui alors qu’il commente les gourmandises que j’ai entre les mains. Je rigole encore une fois.

Mince grillée… Attends j’ai ça aussi.

Je retourne là où j’étais précédemment pour récupérer les plaids que j’avais pris pour ne pas avoir froid. Je lui en balance un à la tronche avant de revenir m’installer à côté de lui.

Une femme avertie en vaut deux. Allez tiens, en plus tu as de la marge.

Je viens tapoter doucement son ventre pour accompagner mes mots puis je prends un cookie, que je viens tendre vers ses lèvres pour le lui faire manger.

Elle fit semblant de vouloir garder sa nourriture pour elle avant de rire. Puis elle m’expliqua qu’elle m’avait vu arriver mais qu’elle était restée discrète. C’était réussi, je ne l’avais absolument pas remarquée. Un vrai ninja ! Elle prit place dans la chaise à côté de moi mais se releva aussitôt et disparut quelque part derrière nous. Quand elle revint, je reçus un plaid tout doux dans la figure.

- Une femme avertie en vaut deux, dit-elle tandis que j’abaissais le plaid pour le mettre sur mes genoux. Allez tiens, en plus tu as de la marge.

Elle s’assit de nouveau et me tapota le ventre. Puis elle me tendit un cookie. Je ricanai, le pris et la remerciai.

- Tu as tout prévu, fis-je remarquer avant de croquer dedans.

Il était délicieux. Par contre, Ruby ne comptait quand même pas dormir ici ? Il faisait bien trop froid, même avec un plaid. Mon écharpe et mon manteau me tenaient bien chaud mais je préférais dormir dans mon lit. Il se passa un moment durant lequel chacun de nous resta silencieux à regarder le ciel tout en mangeant. Puis je pris la parole.

- Toi aussi, tu passes de mauvaises nuits depuis l’effondrement ? demandai-je.

Je n’avais pas pu m’en empêcher, alors que j’étais venu ici pour me vider l’esprit. Peut-être avais-je besoin de partager un peu de mes impressions sur le sujet. En vérité, je n’en avais parlé avec personne après l’événement. J’étais retourné vaquer à mes occupations à l’infirmerie, tentant de reprendre un rythme normal malgré tout.

Pourtant, certaines images restaient et resteraient gravées dans mon esprit jusqu’à la fin de mon existence. Les tours qui s’effondraient, les dortoirs des cachots inondés, les hurlements des élèves qui essayaient de s’enfuir, les pleurs de ceux qui avaient réussi à échapper à la mort alors que leurs amis n’avaient pas eu cette chance… J’eus un frisson. La destruction de Poudlard, ma maison depuis bientôt neuf mois, m’avait rappelé de douloureux souvenirs. J’avais bien cru perdre encore un refuge. Si l’école n’avait pas été reconstruite aussitôt – merci la magie – je ne savais pas si je l’aurais supporté…

Ce soir oui, j’ai tout prévu… J’aurai aimé l’être un peu plus lorsque le drame a frappé l’école mais comment prévoir que quelque chose d’aussi affreux arrive ? Impossible. Je suis quelqu’un d’assez prévoyante en général mais ce jour-là j’ai été prise au dépourvu comme tout le monde. J’ai même d’ailleurs du mal à me rappeler comment tout celà s’est terminé. C’est très flou. Je me souviens d’avoir été sur une barque et pour le reste, c’est le néant, comme si mon cerveau refusait de se souvenir… Bref, je suis venue ici pour penser à autre chose. En fait, j’ai l’impression que c’est devenu mon objectif à tout instant de ma vie depuis que tout ça est terminé.

C’est triste.

En réponse à Meyer, j’acquiesce d’un hochement de tête. Une fois installée, je mange un cookie à mon tour tout en regardant les étoiles. Il y a un long silence que Meyer finit par rompre. Je le regarde quelques instants du coin de l’oeil avant de regarder de nouveau vers les étoiles. J’essaye d’oublier mais par la question de Meyer, les évènements me reviennent en pleine face. J’essaye de m’en cacher mais oui, moi aussi je garde les séquelles de ce jour.

Grillée…

Je soupire tristement. Je me tourne finalement vers lui.

Tu as vu juste…Dire le contraire serait mentir… J’ai tenté de le cacher mais en vain semble-t-il. Je ne suis peut-être pas une si bonne comédienne finalement.. J’ai essayé de faire comme si de rien n’était, de garder le sourire, d’apporter de la joie et de la bonne humeur mais dès que je suis seule, cette facette disparaît… Je me suis plongée encore plus dans le travail, j’essaye le moins possible de rester à rien faire. Tout pour penser à autre chose.

Et je ne sais pas combien de temps je vais tenir. Je manque de sommeil, mes temps de repos se font rares, J’essaye aussi de beaucoup me fatiguer en espérant mieux dormir mais en vain. Finalement, ce que je cache doit commencer à se voir sur mon visage et sur mon corps aussi. J’ai perdu du poids. Je tiens encore, mais combien de temps ? Je ne sais pas. Je m’emmitoufle dans le plaid comme si je cherchais à cacher ma silhouette, l’air de dire “ je ne veux pas que tu le remarques”.

Toi aussi du coup… Mais malgré tout tu es là pour les élèves. Tu es quelqu’un de fort.

Je le regarde tristement, le regard plein de compassion avant de lui afficher un petit sourire comme admirative, pour l’encourager à continuer. Nous avons de la chance de l’avoir dans l’équipe.

- Grillée… fit Ruby avec une petite grimace quand je la regardai.

Elle soupira et se tourna vers moi.

- Tu as vu juste… Dire le contraire serait mentir… J’ai tenté de le cacher mais en vain, semble-t-il. Je ne suis peut-être pas une si bonne comédienne, finalement…

Elle expliqua qu’elle avait essayé de faire comme si de rien n’était, de garder le sourire, d’apporter de la joie et de la bonne humeur. Cependant, comme moi, dès qu’elle se retrouvait seule et dans le calme, avec rien d’autre à faire que remuer ses songes, cette facette disparaissait. Elle avait opté pour la même méthode en s’acharnant au travail pour s’occuper le plus possible et penser à autre chose. Comme quoi, je n’étais pas le seul à tout tenter pour éloigner ce malheureux souvenir de mon esprit.

- Toi aussi du coup… fit-elle, en écho à mes pensées, alors que je terminais mon cookie. Mais malgré tout, tu es là pour les élèves. Tu es quelqu’un de fort.

Je haussai les épaules et soupirai à mon tour.

- Je ne suis pas aussi fort que tu le crois, répondis-je. J’essaye…

Je remontai le plaid sur moi, fourrant mes mains dessous pour les réchauffer, et m’enfonçai dans ma chaise en reportant mon attention sur le ciel.

- Si j’étais aussi fort, j’aurais sauvé tout le monde.

Je frissonnai en pensant à tous ces enfants noyés dans les cachots…

- J’ai beau être un bon médicomage, je n’ai pas pu être là pour ceux qui en ont eu le plus besoin.

Comme je n’avais pas été là pour Elizabeth… A cette pensée, mon cœur se serra de tristesse et, comme à mon habitude, je me mis à triturer mon alliance sous le plaid.

- Et ça me reste sur la conscience, admis-je, accablé. Je ne suis pas fort. Je fais comme toi : la journée, je m’occupe au travail, et la nuit, c’est la déprime. Je me promène pour décompresser, comme ce soir. J’imagine que ça finira par passer… s’il n’arrive pas d’autres catastrophes.

En général, j’étais plus optimiste que cela…

Alors que nous sommes tous les deux venus ici pour nous détendre, ce sujet noir refait surface. Néanmoins je ne cherche pas plus que cela à éviter le sujet estimant que Meyer avait sûrement besoin d’en parler. Il accueille les sentiments des élèves à ce sujets mais qui le fait pour lui ? Bien que ce sujet me ronge les sangs, je peux au moins faire ça pour lui: être là, l’écouter et tenter de le rassurer au mieux. A mes yeux il est quelqu’un de fort. C’est vrai, alors que chacun essaye d’oublier comme il peut, les événements de ce terrible jour lui explosent chaque semaine en plein visage. Il n’est pas aussi fort que je le crois. Si il l’est. S’il était aussi fort, il aurait sauvé tout le monde… Cela ne change en rien mon point de vue. Il m’explique que malgré ses compétences il n’a pas pu être là pour ceux qui en ont le plus besoin…Il se flagelle et ça me fait mal. Il a fait tout ce qu’il a pu et il le fait encore…

Je me mords la joue, le laissant s’exprimer encore. Je sens qu’il en a gros sur le cœur et le besoin de parler alors je ne l'interromps pas. Tout ça lui reste sur la conscience et comme moi la journée il s’occupe au travail mais la nuit, c’est la déprime. On est dans le même état et nous avons finalement les mêmes échappatoires. Je lui envoie un regard plein de compassion.

Tu sais Constantine… Nous ne sommes pas dans un film… Certes la magie existe, mais nous restons profondément humains. On aurait tous aimé sauver tout le monde et on s’est tous battus pour mais ce qui s’était passé était bien au-dessus de nous malheureusement… Malgré ça, tu as fait de ton mieux sans baisser les bras et tu remontes encore la pente aidant ceux qui sont là et qui ont encore besoin de toi. Et j’ai bon espoir que l’on ait droit à un bon moment de paix.

Dis-je dans un petit sourire essayant encore une fois de me montrer rassurante et positive. C’est difficile mais j’essaye tant bien que mal, pour les autres mais aussi pour moi. Il n’a pas à se flageller autant qu’il le fait. Il est rongé par la culpabilité, ça fait mal de le voir ainsi mais j’ai l’impression qu’il n’y a pas que ça… Depuis que je le connais, je l’ai vu plusieurs fois avoir l’air déprimé, comme s’il cachait quelque chose… Et puis ce jour avec l'épouvantard…

Mais… J’ai l’impression qu’il y a autre chose qui te ronge…

Je n’en dis pas plus, me demandant finalement si c’est une bonne idée de mettre les pieds dans le plat…

Excuse-moi… Ça ne me regarde probablement pas mais… Depuis que je te connais… Je vois toujours une part de tristesse dans tes yeux…

Aïe, j’aurai peut-être dû tenir ma langue…

- Tu sais, Constantine… Nous ne sommes pas dans un film… dit Ruby, pleine de compassion. Certes la magie existe, mais nous restons profondément humains. On aurait tous aimé sauver tout le monde et on s’est tous battus pour, mais ce qu’il s’est passé était bien au-dessus de nous, malheureusement…

Elle avait raison. Cependant, je ne pouvais pas m’empêcher de repasser en boucle les moments où j’aurais pu être présent au lieu de partir dans une autre direction.

- Malgré ça, tu as fait de ton mieux sans baisser les bras et tu remontes encore la pente, aidant ceux qui sont là et qui ont encore besoin de toi, encouragea ma collègue. Et j’ai bon espoir que l’on ait droit à un bon moment de paix.

Je hochai la tête sans rien dire. J’avais bon espoir aussi. Pourtant, dès que le calme revenait, ce n’était jamais pour très longtemps. En l’espace de quelques mois depuis mon arrivée, il y eut l’histoire des hybrides enragés, les changements de corps, et l’effondrement de Poudlard. C’était quand même beaucoup pour les résidents de cette école. Je n’imaginais même pas la pression que devait avoir la directrice…

- Mais… J’ai l’impression qu’il y a autre chose qui te ronge…

Mon cœur fit un petit bond.

- Excuse-moi… Ça ne me regarde probablement pas, dit Ruby, un peu confuse. Mais… Depuis que je te connais… Je vois toujours une part de tristesse dans tes yeux…

J’avais gaffé le jour de notre rencontre en lui disant que ma soirée n’était pas joyeuse avant son arrivée, sans parler de l’épouvantard en octobre dernier. Franchement, rien ne semblait fonctionner pour cacher la vérité en la présence de cette femme, alors que je n’avais aucun mal à le faire avec n’importe qui d’autre. Même Engel, avec qui je passais finalement plus de temps que ses autres camarades ou mes collègues, n’avait jamais fait aucune remarque. Peut-être n’osait-elle pas… Pour le peu que je connaissais Ruby, je la savais plutôt curieuse et pas du genre à retenir ses pensées.

Bon… maintenant, il me fallait encore ruser. Dans quel but, je ne le savais absolument pas. Mentir ne servait à rien. Pourtant, je n’arrivais pas à m’imaginer raconter le drame qui était tombé sur ma famille. Ni à Ruby, ni à Engel, Merindah ou Erin qui, pourtant, était d’un naturel doux et protecteur. Je n’en avais même pas touché un mot au professeur McGonagall. Elle connaissait les grandes lignes. Et elle m’avait vu plus bas que terre, avec la gueule de bois, les vêtements pleins de Whisky, et l’air d’avoir pris dix ans d’un coup. Mais jamais un mot n’était sorti de ma bouche au sujet d’Elizabeth. C’était comme si tout était bloqué au fond de moi.

- Je… commençai-je sans trop savoir comment détourner le sujet.

J’évitai soigneusement de regarder la professeure d’arts scéniques, et restai concentré sur les étoiles.

- Si j’ai été engagé à Poudlard, c’est parce que j’ai perdu mon ancien emploi.

Perdu, non. Quitté, oui.

- J’avais un bon poste, celui que j’ai toujours voulu. J’ai quitté l’hôpital de Berlin exprès pour Ste Mangouste, le meilleur d’Europe. J’y suis resté onze ans, quand même…

Je soupirai, sortis la même excuse qu’à tout le monde.

- Je me suis surmené et il a fallu calmer les choses. Alors me voilà ici. Je n’y suis pas si mal… Mais ce n’est pas pareil.

Le silence tomba entre nous, et je croisai les doigts sous le plaid pour que Ruby n’eût pas l’idée de poser d’autres questions.

J’aimerai tant en savoir plus… J’aimerai que Constantine me dise ce qu’il a sur le cœur, qu’il me fasse suffisamment confiance pour se confier à moi. Si je savais ce qui rend son regard si triste, peut-être pourrais-je l’aider à y remettre une étincelle de joie ?

Mais non Ruby, tu n’es que sa collègue. Pourquoi se confierait-il à toi sur quelque chose d’aussi important. Tu n’es personne.

Triste réalité, mais réalité quand même. Malgré tout, si j’arrive à le faire rire et à lui faire passer des bons moments pour qu’il puisse oublier un peu alors ce sera déjà une victoire.

Alors qu’il commence à parler, j’ai quand même l’espoir qu’il s’ouvre à moi mais il n’en est rien. Enfin… Si mais… Il ment, j’en suis persuadé. Son regard m’évite. Je suis sûre qu’il n’a pas perdu son emploi, par rapport à ses capacités, c’est trop gros et son attitude me conforte dans l’idée qu’il me ment. Je continue de l’écouter et lorsqu’il a fini de parler, le silence retombe. J’hésite. Est-ce que je lui fais comprendre que je sais qu’il me ment ou est-ce que je joue les filles bêtes et laisse couler. Je réfléchis quelques instants avant de prendre ma décision. Je vais lui faire comprendre mais je ne le forcerai pas à m’en dire plus s’il n’en a pas envie.

Tu sais… Tu n’es pas un très bon comédien…

Dis-je pour lui faire comprendre que je sais qu’il ment où qu’en tout cas la vérité est en bonne partie déformée. Une des mes mains vient se poser sur les siennes, par-dessus le plaid.

Tu m’en parleras quand tu te sentiras prêt ou que l’envie te prendra. Ou peut-être même jamais, je ne suis que ta collègue. Mais si jamais ce jour arrive, tu auras une oreille attentive. mais pour l’heure…

Je viens lui tendre le paquet de maltesers, avec un sourire aux lèvres. Je prends une des boules de chocolat que je viens lui glisser dans la bouche.

On est là pour se détendre et penser à autre chose. Bon… C’est juste dommage qu’il fasse aussi froid… Entre les étoiles et le confort, j’aurai bien passé la nuit ici, pas toi ? On dirait un hôtel 4 étoiles et demi.

Dis-je en rigolant, espérant détendre l’atmosphère.

Ruby sembla réfléchir. Puis…

- Tu sais… Tu n’es pas un très bon comédien…

Mon cœur fit un petit bond d’angoisse. Mais elle avait raison, j’étais un piètre acteur. Pourtant, je ne comptais pas déballer la vérité aussi facilement. Je ne m’en sentais pas capable. La main de la jeune femme vint se poser sur les miennes, par-dessus le plaid.

- Tu m’en parleras quand tu te sentiras prêt ou que l’envie te prendra, dit-elle avec compréhension. Ou peut-être même jamais, je ne suis que ta collègue.

Je m’en voulais de ne pas être aussi ouvert envers elle qu’elle le demeurait envers moi.

- Mais si jamais ce jour arrive, tu auras une oreille attentive.

Je me contentai d’un hochement de tête pour la remercier.

- Mais pour l’heure…

Elle tendit un paquet de Maltesers, en piocha un à l’intérieur et, alors que je tournais la tête vers elle, elle me le mit dans la bouche.

- On est là pour se détendre et penser à autre chose, déclara-t-elle.

Je soufflai par le nez avec un demi sourire, toujours aussi amusé par ses réactions inattendues malgré mon moral au plus bas.

- Bon… C’est juste dommage qu’il fasse aussi froid… ajouta-t-elle en frissonnant. Entre les étoiles et le confort, j’aurai bien passé la nuit ici, pas toi ? On dirait un hôtel quatre étoiles et demi.

Nous échangeâmes un rire.

- On insistera sur la demi étoile, répondis-je. Si c’est trop parfait, le tourisme risque d’affluer et nous n’aurons plus l’exclusivité.

J’étais content de passer à un autre sujet. A la base, j’étais venu ici pour tenter de me vider la tête, pas pour ressasser le passé. C’était un peu de ma faute, j’avais évoqué l’effondrement de Poudlard et tout avait basculé vers ma piètre situation.

- En parlant d’étoiles, repris-je en reportant mon attention sur le ciel. Les autres matières ne m’ont jamais posé de problème, mais j’avoue que l’Astronomie n’était clairement pas mon truc…

Je haussai les épaules.

- Je connais les constellations principales : Grande Ourse, Petite Ourse, Cassiopée… et ça s’arrête à peu près là.

Mes études étaient loin, désormais. Je regardai Ruby.

- Et toi ? Tu t’en sortais comment ? demandai-je.

Malgré un sujet de conversation bien sombre, j’ai réussi à faire comprendre à Constantine que je savais qu’il me mentait tout en le rassurant sur le fait qu’il ne me doit rien et que s’il n’a pas envie de parler, je respecte totalement son choix. En attendant, je suis satisfaite de lui avoir décroché un sourire en comparant notre spot à un hôtel quatre étoiles et demi et je suis encore plus ravie quand il répond à mon humour en disant que l’on va bien insister sur la demie étoile sinon le tourisme risque d’affluer. J’explose de rire. Malgré le fond de ses yeux qui est triste, son rire lui est sincère et j’aime le voir comme ça. C’est qu’il y a encore une petite étincelle en lui et qu’on peut le “sauver”.

Clairement ! Je veux garder ce petit coin de paradis pour moi ! Bon d’accord, je veux bien que tu viennes de temps en temps mais c’est bien parce que c’est toi.

Dis-je avant de lui faire un clin d'œil. Se détendre… Oublier… C’est pour cela qu’on était là, non ? Constantine reprend la parole en me disant que les matières qu’il a étudiées ne lui avait jamais posé de problème mais qu’il avait eu du mal avec l’astronomie. Je peux comprendre. Il me nomme les constellations principales, un grand classique avant de me demander comment je m’en sortais dans cette matière. Hmmm Je réfléchis quelques instants.

Eh bien, de manière générale je n’étais ni bonne ni mauvaise, bien dans la moyenne. Les seules matières où j’excellais ont toujours été les matières artistiques, pour le reste je ne sortais pas du lot. Par contre j’adorais l’astronomie. Bon, je ne pourrais pas te réciter les 88 noms des constellations mais je dirai avoir quelques connaissances. Après… Juste regarder les étoiles dans le ciel me convient… Même si en vrai, je rêverais d’aller dans l’espace, voir ça de près…

Dis-je d’un regard rêveur.

Mais bon… Je garde les pieds sur terre, j’ai déjà eu l’occasion de voir beaucoup de choses ici que je n’aurai jamais pensé voir en tant que née moldus qui a découvert ce monde qu’à ses 11 ans. Je crois que si je n’avais pas été actrice et tout ce qui va avec, j’aurai aimé être spationaute.

Petite note de nostalgie.

Si tu devais changer quelque chose à ta vie qu’est-ce que ce serait ?

Une question qui m’est venue comme ça pour je ne sais quelle raison.

Elle déclara vouloir garder ce petit coin de paradis pour elle, mais qu’elle me laisserait y venir aussi de temps en temps. Puis elle réfléchit et dit :

- Eh bien, de manière générale, je n’étais ni bonne ni mauvaise, bien dans la moyenne. Les seules matières où j’excellais ont toujours été les matières artistiques.

Mais ce n’était pas les plus présentes à l’école de sorcellerie… Je comprenais pourquoi elle avait préféré retourner du côté moldu, dans un univers qu’elle aimait vraiment.

- Pour le reste, je ne sortais pas du lot, poursuivit-elle. Par contre, j’adorais l’Astronomie. Bon, je ne pourrais pas te réciter les quatre-vingt-huit noms des constellations mais je dirais avoir quelques connaissances.

J’avais complètement oublié qu’il y en avait autant…

- Après… Juste regarder les étoiles dans le ciel me convient… Même si, en vrai, je rêverais d’aller dans l’espace, voir ça de près… fit-elle, le regard rêveur.

Elle ajouta qu’elle gardait cependant les pieds sur terre. Le monde même de la magie avait été pour elle une si grande découverte que sa curiosité avait déjà été pas mal satisfaite.

- Je crois que si je n’avais pas été actrice et tout ce qui va avec, j’aurais aimé être spationaute, conclut-elle.

Il y eut un silence.

- Si tu devais changer quelque chose à ta vie, qu’est-ce que ce serait ?

Si elle savait à quel point sa question était importante… Si je devais changer quelque chose, je serais évidemment resté chez moi le jour où ma maison fut incendiée. J’aurais peut-être pu éviter la mort d'Elizabeth ou, dans le pire des cas, j’aurais péri avec elle. Mais au moins, je ne serais pas là à broyer du noir et m’apitoyer sur mon sort. Mais ce n’était sûrement pas ce que j’allais répondre à Ruby.

- Si la médicomagie n’existait pas, j’aurais sûrement travaillé dur pour devenir médecin, supposai-je en haussant les épaules. Je ne me vois pas faire autre chose que soigner les gens et leur venir en aide. J’aime me sentir utile de cette façon.

Je réfléchis, eus un sourire en coin.

- Bon j’avoue, quand j’étais enfant, je voulais être éleveur de dragons. Mas je crois que je ne suis pas assez courageux pour ça, ricanai-je.

Et finalement, j’avais une peur maladive du feu aujourd’hui. Triste ironie… Je piochai dans le sac de Maltesers que Ruby gardait sur ses genoux et savourait une petite boule au chocolat, tentant secrètement d’évacuer mes pensées négatives à travers la gourmandise.

- J’étais bon élève, continuai-je pour revenir au sujet de la scolarité. Pas du genre à me laisser distraire, même par les filles. C’est vrai, insistai-je en la regardant, certain qu’elle n’allait pas me croire. On m’appelait… « l’intello pas marrant », citai-je en français. Il faut dire que je n’avais pas tellement d’humour… repris-je, en anglais. Seul le travail m’importait. Mais je m’en fichais. J’avais les meilleures notes de mon année à chaque examen.

J’avais fait des jaloux.

- Si je devais changer quelque chose, je pense que j’aurais un peu plus profité de ma vie d’ado, au lieu de bûcher comme un dingue.

Cela fait du bien d’échanger avec quelqu’un de tout et de rien. Lors des cours, je parle de scènes, de théâtre et j’adore ça mais ça reste toujours dans la même thématique et chez les moldus, le travail c’est le travail. Cela faisait longtemps que je n’avais pas discuté tranquillement avec quelqu’un. Ça fait du bien de se poser un peu et de lâcher prise. Ce n’est peut-être pas grand chose mais je sens comme une forme de soulagement. C’était peut-être ça dont j’avais besoin: quelqu’un avec qui discuter et pas me tuer à la tâche. On parlait d’astronomie et me voilà à poser une question qui n’a rien à voir à Meyer: s’il devait changer quelque chose à sa vie, qu’est-ce que ce serait ? Il m’explique alors que si la médicomagie n’existait pas, il aurait sûrement fait en sorte d’être médecin. Il ne se voit pas faire autre chose que de soigner les autres. Il aime se sentir utile… Je ne peux que comprendre. Je ne soigne pas mais j’essaye d’être là pour les autres au quotidien. Il avoue que quand il était enfant il voulait être éleveur de dragon. Je me mis à rire.

Tu es plus courageux que tu ne le crois mais je pense que tu as mieux fait d’être médicomage, on a besoin de toi ainsi.

Il m’explique ensuite qu’il était bon élève et pas du genre à se laisser distraire, même par les filles. Il insiste mais il n’en a pas besoin, je le crois. En fait, ça ne m’étonne pas du tout. Il ajoute qu’il n’avait pas d’humour et qu’il passait son temps à travailler. S’il devait changer quelque chose aujourd’hui, il profiterait un peu plus de sa vie d’ado. Je hoche la tête, pensive, regardant vers les étoiles.

En vrai, ça ne m’étonne pas. Bien que tu sois un très bel homme et que tu dois en faire tomber plus d’une. Quoi ? Oui je suis honnête et ça ne sert à rien de se voiler la face. Tu gardes toujours ce côté sérieux et mystérieux, donc ça ne m’étonne pas que tu ne te sois pas… Egaré même étant plus jeune.

Je rigole légèrement en le regardant dans les yeux.

Ca vaaa… Ne fais pas cette tête là, je te taquine. On t’aime comme tu es ! Tu devrais m’apprendre à être un peu plus sérieuse tiens. Je dois commencer par quoi ? Froncer les sourcils, prendre un air sévère ?

Dis-je en liant le geste à la parole. Je me redresse sur mon siège en essayant de changer mes expressions faciles. Finalement je m’avachis de nouveau dessus.

Hmm… C’est peine perdu.

Ruby pouffa de rire.

- Tu es plus courageux que tu ne le crois mais je pense que tu as mieux fait d’être médicomage, on a besoin de toi ainsi.

Dans une autre vie, j’aurais peut-être été un excellent éleveur de dragons… et un piètre médicomage.

- En vrai, ça ne m’étonne pas, dit ma collègue au sujet de l’élève studieux que j’avais été. Bien que tu sois un très bel homme et que tu dois en faire tomber plus d’une.

Je haussai les sourcils.

- Quoi ? Oui, je suis honnête et ça ne sert à rien de se voiler la face, fit-elle, simplement.

Je ricanai. Si j’avais fait tourner la tête de mes camarades à l’époque, je ne m’en étais absolument pas rendu compte. A moins que… Le souvenir de cette fille avec qui j’étudiais me revint en mémoire. Nous travaillions beaucoup ensemble, elle faisait partie des meilleurs élèves, elle aussi. Je ne me rappelais plus de son visage mais je me souvenais de son acharnement au travail, et du fait que nous faisions toujours équipe pour les travaux en binôme. Mais je ne l’avais jamais vue essayer de m’aguicher. Ou alors, j’étais complètement aveugle, ce qui demeurait fort probable. Enfin bref…

- Ҫa vaaa… Ne fais pas cette tête-là, je te taquine, railla Ruby. On t’aime comme tu es !

Je levai les yeux au ciel avec un sourire.

- Tu devrais m’apprendre à être un peu plus sérieuse, tiens. Je dois commencer par quoi ? Froncer les sourcils ? Prendre un air sévère ?

Elle se redressa sur son fauteuil et changea ses expressions faciales. C’était comique de constater qu’elle avait plutôt l’air constipé. J’éclatai de rire tandis qu’elle s’avachissait à nouveau.

- L’air sévère ne t’irait pas, fis-je remarquer en allant encore piocher dans le paquet de Maltesers. On t’aime comme tu es, répétai-je avec un clin d’œil.

Nous échangeâmes un rire. Puis chacun reporta son attention sur le ciel et le silence retomba entre nous. Il était tard, mais je ne savais pas l’heure exacte. Je m’en fichais un peu, j’étais bien là, sous le plaid prêté par Ruby. Je frissonnais un peu sans pour autant mourir de froid. Une question me vint alors à l’esprit.

- Je ne sais plus si je te l’ai déjà demandé… D’où t’es venue cette passion pour les arts scéniques ? demandai-je. Pour ma part, j’ai suivi les traces de mes parents. Et toi ?

Un peu de légèreté fait du bien dans ce monde de brute. Une fois encore, j’ai réussi à faire rire Constantine avec mes expressions faciales plus que douteuses. Bon… On arrive à la même conclusion: le regard sévère, ce n’est pas pour moi. Il ajoute qu’on m’aime comme je suis. J’esquisse un sourire.

Hey ! C’est ma réplique, ça !

Je lui tire la langue. Puis je me remets à rire en coeur avec lui avant que le silence ne retombe. Je sens Meyer frissonner un peu puis à l’aide d’un coup de baguette magique, une douce chaleur se répand dans le plaid, ni trop chaud, ni trop froid mais de quoi faire monter un peu la température. Constantine me demande ensuite comme m’est venue ma passion pour les arts scéniques en m’expliquant que lui, de son côté, a suivi les traces de ses parents. Je m’emmitoufle un peu plus dans le plaid, n’ayant plus que la tête qui dépasse non sans sortir ma main de temps en temps pour grignoter.

Oula, mes parents n’étais pas là-dedans du tout. Je chantais comme ça pour mon plaisir étant petite. Ma salle de bain était mon studio de chant préféré.

Je me mis à rire avant de reprendre.

Puis j’ai pris quelques cours, comme une activité extrascolaire lambda avant d’y ajouter la danse puis le théâtre une fois que j’ai su lire. Bon, j’ai dû mettre tout ça de côté quand j’ai rejoint Poudlard à l’âge de 11 ans mais je reprends mes activités à chaque vacances. Une fois mes études finies, je suis partie aux Etat-Unis sur un coup de tête. J’ai enchaîné des petits boulots mais aussi des casting et c’est comme ça que j’ai été repérée et que je suis arrivée où j’en suis actuellement.

Ce qui m’a aidé: la persévérance. Oui, on m’a déjà claqué la porte au nez mais je n’ai jamais lâché et je suis fière d’être là où j’en suis.

Je pense que poursuivre ses rêves c’est important et surtout, il faut persévérer. C’est ce que j’essaye d’inculquer à mes élèves. Se détacher de ce que les autres veulent pour nous et faire ce que l’on souhaite vraiment.

Des paroles pleines de philosophie.

Je pense avoir accompli mes objectifs de vie sur le plan professionnel, maintenant, j’aimerai atteindre mes objectifs personnels. Rencontrer la bonne personne… Fonder une famille et mine de rien je prends de l’âge. L’horloge biologique, tout ça. Je ne t’apprends rien.

Peut-être m’étais-je un peu laissée emportée dans la conversation.

Je ne sais pas trop pourquoi je te raconte tout ça. Apparemment je suis très à l’aise.

Dis-je en rigolant.

Elle rit sur le fait que je lui avais piqué sa réplique, et me tira la langue. Une vraie gamine ! Je soufflai par le nez avec un sourire, à la fois exaspéré et amusé par son comportement. Ruby était la définition même du lâcher prise. Si j’avais envie de penser à autre chose et ne faire que m’amuser, je savais vers qui me tourner.

- Oula, mes parents n’étaient pas là-dedans du tout, répondit-elle. Je chantais comme ça, pour mon plaisir, étant petite. Ma salle de bain était mon studio de chant préféré.

Elizabeth chantait beaucoup aussi quand elle se préparait, s’occupait du linge, ou faisait le repas. Des moments que j’appréciais parce qu’ils me permettaient de m’aérer l’esprit avant ou après le travail. De bons souvenirs à la fois agréables et douloureux…

Ruby poursuivit. Elle avait pris quelques cours de chant, puis de danse et de théâtre. Elle avait dû mettre tout cela de côté quand il fallut venir étudier à Poudlard. Mais elle reprit à chaque vacance. Lorsqu’elle termina ses études, elle partit pour les États-Unis et enchaîna les petits boulots moldus entre deux castings.

- Et c’est comme ça que j’ai été repérée et que je suis arrivée où j’en suis actuellement.

Un travail acharné qui avait porté ses fruits. C’était beau à entendre.

- Je pense que poursuivre ses rêves, c’est important, déclara Ruby avec fierté. Et surtout, il faut persévérer. C’est ce que j’essaye d’inculquer à mes élèves. Se détacher de ce que les autres veulent pour nous, et faire ce que l’on souhaite vraiment.

Je hochai la tête, bien d’accord avec elle.

- Je pense avoir accompli mes objectifs de vie sur le plan professionnel. Maintenant, j’aimerais atteindre mes objectifs personnels. Rencontrer la bonne personne… Fonder une famille et, mine de rien, je prends de l’âge. L’horloge biologique, tout ça. Je ne t’apprends rien. Je ne sais pas trop pourquoi je te raconte tout ça. Apparemment je suis très à l’aise, rit-elle.

Je lui souris, non sans penser tristement que son jeune âge lui permettait encore de fonder une famille, alors que j’avais moi-même tout perdu. J’étais passé très proche de devenir père, avais frôlé le bonheur agréablement effrayant d’être parent. Je me disais qu’à bientôt quarante-deux ans et en deuil depuis trop récemment, j’avais peu de chance de revivre ces émotions. Je ne me voyais même plus aux côtés d’une femme. Elizabeth me manquait tellement… Alors me remarier, je n’y pensais même pas.

De nouveau plongé dans de sombres songes, je secouai la tête et me réfugiai dans le sachet de Maltesers en prenant les deux derniers. J’en donnai un à Ruby et mangeai l’autre, bien concentré sur son goût sucré qui apaisa mon cœur pour quelques instants. Puis je pris la parole.

- Je pense que tu n’auras pas trop de mal à trouver le futur père de tes enfants. En plus d'avoir une belle carrière, tu as bon caractère, tu n’as pas de mal à aller vers les autres, tu as… du charme.

Je levai les yeux au ciel et lâchai un rire.

- Excuse-moi, je ne suis pas très doué pour les compliments.

Je me raclai la gorge.

- Ce que je veux dire, c’est que tu as tout pour plaire alors tu n’as pas de souci à te faire.

 Je m’ouvre à Constantine. Même si on se connaît depuis quelques temps, il y a toujours une sorte de barrière entre nous. On ne s’est jamais réellement confié l’un à l’autre. On discute, on rigole mais nous n’avons jamais vraiment eu de questions profondes… Avant aujourd’hui. J’étais contente d'en apprendre un peu plus sur lui, ce n’était peut-être pas grand chose mais c’était déjà ça. De collègues, peut-être allons-nous devenir amis ? Peut-être… De mon côté, je m’ouvrais un peu plus, c’était spontané, il n’y avait rien de prémédité. J’étais à l’aise avec lui, tout simplement. Je lui parle de mes envies de rencontrer la bonne personne et d’être mère, sans savoir réellement pourquoi je lui disais ça. En tout cas Constantine pense que je n’aurai pas de mal à trouver le futur père de mes enfants comme j’ai une belle carrière, que je n’ai pas de mal à aller vers les autres et que j’ai du charme. J’avoue être surprise par ce dernier compliment et qu'une expression quelque peu surprise accompagnée par un petit sourire s’affiche sur mon visage alors que je le regarde. Un peu de rouge me monte au joue, pourtant je n’ai pas pour habitude d’être embarrassée par des compliments. Il s’excuse me disant qu’il n’est pas très doué pour les compliments et mon sourire s'élargit alors que je secoue la tête l’air de dire “Ne t’inquiète pas”. Se raclant la gorge, il résume ce qu’il essaye d’exprimer: je n’ai pas à m’en faire. Je finis d’avaler mon malteser avant de lui répondre.

Malheureusement, ce n’est pas toujours aussi simple. Trouver quelqu’un qui ne veut pas être là uniquement pour ta notoriété et ton argent. Il y a aussi ceux qui fantasment sur ton personnage, oubliant que derrière le personnage, il y a une actrice qui peut  être très différente. Non, je ne suis pas tous les jours une femme fatale séductrice, nons je ne suis pas toujours une super-héroïne, non je ne suis pas tous les jours une nana badass et rambo qui a réussi à échapper à un tueur. Mais ça, des fois certains l’oublient.  

Avouais-je tristement. Et mine de rien, avec ma notoriété, ce qui est vie privée est plus compliqué et ça fait peur. Je soupire tristement.

Mais bon, ça finira peut-être par arriver quand même mais pas trop tard je l’espère.

 Dis-je alors que mon regard et mes mains se posent sur mon ventre. Oui, j’ai envie d’être maman. J’ai encore du temps mais ce n’est pas éternel. Je retire finalement mes mains de mon ventre pour m'affaisser sur mon siège.

Et toi ? Tu n’as jamais pensé à tout ça ? Femme, enfants, vie de famille ?

 Je me demandais quel était son point de vue sur tout ça. J’avoue qu’en ayant ouvert ce sujet, je suis curieuse maintenant.

Elle n’eut pas l’air aussi convaincu que je l’espérais.

- Malheureusement, ce n’est pas toujours aussi simple, répondit-elle. Trouver quelqu’un qui ne veut pas être là uniquement pour ta notoriété et ton argent. Il y a aussi ceux qui fantasment sur ton personnage, oubliant que derrière le personnage, il y a une actrice qui peut être très différente.

Oh, je n’avais pas du tout pensé à cela. Avant de la rencontrer aux Trois Balais l’été dernier, j’ignorais son identité. Pour moi, Ruby était la professeure d’arts scéniques gentille et souriante avec qui il était facile de discuter et agréable de balader.

- Non, je ne suis pas tous les jours une femme fatale séductrice, non je ne suis pas toujours une super-héroïne, non je ne suis pas tous les jours une nana badass et rambo qui a réussi à échapper à un tueur. Mais ça, dès fois, certains l’oublient, fit-elle, dépitée.

Elle soupira.

- Mais bon, ça finira peut-être par arriver quand même, mais pas trop tard, je l’espère.

Je la vis mettre ses mains sur son ventre comme si elle attendait un enfant. Je sentis ma gorge se nouer automatiquement à cette vue, et ne pus m’empêcher de détourner le regard.

- Et toi ?

Moi ?

- Tu n’as jamais pensé à tout ça ? Femme, enfants, vie de famille ?

Si elle savait… Je m’emmitouflai un peu plus dans le plaid.

- Si… répondis-je d’un ton neutre. C’est… en cours de réflexion.

N’importe quoi… Je lui offris un sourire de façade.

- Je suis marié. Ça fait deux ans.

Non, un an. Ensuite, Elizabeth avait été tuée…

- Les enfants, c’est une décision sérieuse, repris-je, m’éloignant complètement de la réalité. Je… je ne suis pas très présent, pour le moment. Peut-être que quand une deuxième personne intègrera l’infirmerie, je pourrai aménager mes horaires de travail et les rendre plus flexibles.

Je m’enfonçais dans le mensonge et c’était complètement idiot. Mais je n’arrivais pas à affronter la vérité. C’était trop dur. Et pour être franc, je n’avais pas hâte d’y faire face. Je n’étais pas retourné au cimetière depuis le jour de l’enterrement. Je me sentais incapable d’y mettre les pieds.

Je m’ouvre à Constantine sur mes envies et mes craintes concernant mon avenir, ma vie privée. J’ai envie de trouver la bonne personne, de fonder une famille mais pour le moment je n’ai personne. Je vais devoir faire preuve de patience. Je repense à ce que m’a dit Engel et le fait d’élever un enfant seule mais je n’ai pas vraiment envie de ça. Je rêve d’un mari, des enfants, une famille classique on va dire. Continuant dans ce sujet, je me demande ce qu’il en est du côté de Meyer. Apparemment c’est en cours de réflexion… Je le regarde du coin de l'œil. Mince, c’est un sujet embarrassant… J’ai remarqué qu’il a détourné le regard lorsque je me suis touché le ventre… Est-ce de la gêne ? Un mal être ? Une incapacité à avoir des enfants ? Ou… Il ment. J’en mettrai ma main à couper. Il me dit que cela fait deux ans qu’il est marié, qu’il n’est pas très présent auprès de sa femme mais… Même pendant les vacances il traîne à l’école au lieu de rentrer, comme s’il évitait son chez lui. Il y a quelque chose qui cloche… Peut-être que je me trompe mais pour moi il ment. Les flammes… Est-ce que ça aurait un rapport ? Un bébé mort dans un incendie ? La voix de la femme… Serait-ce sa femme ? Oh non, je n’ai pas posé cette question délicate alors que… Éjectant le plaid, je me lève d’un bon et je viens enlacer Meyer, comme pour le consoler. Cela dure quelques instants avant que finalement je me mette sur les genoux devant lui, prenant ses mains sous le plaid.

Je suis désolée, il semblerait que j’ai posé une question délicate… Je n'aurais pas dû…

Il doit me prendre pour une folle. Je ne veux pas trop l’embêter avec ça mais je crois que je commence à rassembler les morceaux et à comprendre ce qu’il s’est passé dans la vie de Meyer.

Je crois… Que je commence à comprendre d’où vient cette tristesse dans tes yeux… Je crois que je comprends mieux ton épouvantard… Le feu… Cette voix… Je ne viendrai plus te parler de ce sujet… Je veux te changer les idées et me voilà à faire boulette sur boulette.

Mes mains se serrent autour des siennes. Je suis triste, triste pour lui, triste d’avoir mis vêtements les pieds dans les plats, triste… De l’avoir rendu triste de nouveau. Même s’il ne le montre pas, il l’est.

Je te promets d’être là si tu as besoin de quoi que ce soit… De décompresser ou… Ou… De quoi que ce soit.

J’étais sincère mais surtout je me sentais terriblement coupable.

Du coin de l’œil, je vis Ruby rejeter son plaid et, l’instant d’après, elle me serra dans ses bras. Mais pourquoi ? Je fus si surpris que j’en restai de marbre. Elle finit par rompre le contact et s’agenouilla au sol, devant moi. Ses mains glissèrent sous mon plaid pour attraper les miennes.

- Je suis désolée, il semblerait que j’aie posé une question délicate… dit-elle, déconfite. Je n'aurais pas dû…

- N… Non… c’est rien, balbutiai-je, perturbé.

- Je crois… que je commence à comprendre d’où vient cette tristesse dans tes yeux…

Je fronçai les sourcils, feignant de ne pas comprendre.

- Je crois que je comprends mieux ton épouvantard…

Oh, merde…

- Le feu… Cette voix…

Un violent frisson me parcourut le dos.

- Je ne viendrai plus te parler de ce sujet… fit-elle alors. Je veux te changer les idées et me voilà à faire boulette sur boulette.

Je ne pouvais pas dire le contraire… C’était comme si sa curiosité la mettait en totale contradiction avec son envie de me distraire. Quand ses mains se serrèrent autour des miennes, je me sentis mal de l’inquiéter autant. Pourtant, cela ne me poussa pas à lui dire que je racontais n’importe quoi.

- Je te promets d’être là si tu as besoin de quoi que ce soit… déclara la jeune femme avec compassion. De décompresser ou… Ou… De quoi que ce soit.

Cachais-je mes sentiments si maladroitement ? Elle était la seule à me dire que quelque chose n’allait pas chez moi. Ou alors… Tout le monde le voyait mais personne ne me faisait de remarques, à part elle.

- C’est gentil, finis-je par répondre d’un ton le plus détendu possible. Mais je vais bien.

Je sortis mes mains du plaid et commençai à plier ce dernier.

- Cet épouvantard… commençai-je, incertain. C’est un peu comme le tien. Une peur que je ne veux pas voir se réaliser. Perdre brutalement un proche, expliquai-je, même si c’était évident. D’ailleurs, quand j’y pense, je croyais plutôt voir ma femme se noyer, dis-je en haussant les épaules. Pas… brûler. La noyade est vraiment quelque chose qui m’effraie. Alors… j’ai été surpris, l’autre jour.

Je me levai de mon fauteuil rendis le plaid à Ruby.

- J’ignorais ma propre peur. Je n’avais jamais fait face à un épouvantard. Je ne pensais pas que ce serait aussi marquant.

Je prenais l’air le plus détaché possible alors qu’au fond de moi, mon cœur brûlait lentement. Je soupirai.

- Merci pour ta compagnie, mais je pense que je vais essayer d’aller dormir un peu, décidai-je, bien que l’envie de me promener encore me titillât l’esprit. Je dois être en forme pour soigner les élèves.

Je regardai les fauteuils, ne rendis son apparence de chaise scolaire qu’au mien, ne sachant pas si Ruby voulait encore rester ici.

- Je te souhaite une bonne nuit, dis-je avec un sourire amical. Et merci encore pour les chocolats. Je vais devoir faire une séance de sport supplémentaire, mais ça valait le coup, plaisantai-je.

L’inquiétude me sert le coeur, la culpabilité le broie et alors que je pense faire un pas vers Meyer, je recule de dix. Dès qu’il commence à s’ouvrir, il se referme aussi vite et ce n’est pas de sa faute. Il semblerait que j’ai une capacité à mettre les pieds dans le plat et à le brusquer que je ne veux pas et pourtant, à chacune de nos rencontres c’est ainsi. Peut-être est-ce un signe du destin pour me dire de prendre des distances ? Je n’en ai pas envie, je l’apprécie mais peut-être est-ce le mieux à faire…

Il commence à me sortir des excuses concernant son épouvantard mais il ment, encore et encore, il ne cesse de me mentir mais que pourrais-je y faire ? S’il ne veut pas me dire la vérité, c’est son droit et je n’y peux rien et je dois le respecter mais à la fois ça me frustre et… Ça me fait du mal. J’ai tellement l’habitude d’être celle à qui on aime se confier, la bonne pote attentive qui écoute sans juger mais là… Rien. J’ai envie de répondre quelque chose mais quoi ? Que pourrais-je bien dire ? Rien… Il se lève et je reste muette, me relevant et récupérant le plaid. Il me remercie pour ma compagnie me disant qu’il va aller dormir pour être en forme pour ses élèves. Il me souhaite une bonne nuit, me remercie pour les chocolats et viens même plaisanter. Et alors que je serai la première à en rire, il ne se passe rien. Comme si mon corps et mon esprit s’étaient mis en pause. J’aimerai dire tant de chose, j’aimerai faire mine de rigoler avec lui mais rien. J’ai l’impression d’être une coquille vide.

Je reste silencieuse alors qu’il s’en va, je n’ai même pas répondu à son bonne nuit, rien. Il aurait parlé à un mur que ça aurait été pareil. Pourquoi est-ce que je me bloque comme ça ? Est-ce le poids de la culpabilité ? Je finis juste par détourner le regard. Et alors qu’il est parti, je reste encore un moment immobile, réfléchissant à tout ça. Finalement, je remballe mes affaires et je finis par rejoindre ma chambre. Il a pris assez d’avance pour que je sois sûre de ne pas le recroiser. Une fois dans mon lit, épuisée, je n’arrive malgré tout pas à trouver le sommeil. La journée de demain va être dure. Tant pis, c’est à peu près la vie que je mène depuis plusieurs mois. J’ai beau essayer de cacher mes états d’âmes sous des artifices, je ne suis pas sûre d’y arriver encore longtemps.

Elle ne le prit pas avec autant d’humour que d’habitude et parut même déçue, se murant dans un silence que je sentis vexé. Je ne sus dire si cela me rassura ou non. Au moins, elle ne posait plus de questions à propos de mon passé, ou ne faisait aucune remarque qui s’en rapprochait. Je m’en voulais. Elle n’y était pour rien, je m’éloignais dès qu’elle essayait de faire un pas vers moi. Elle agissait dans de bonnes intentions mais je n’arrivais pas à les percevoir sur la même longueur d’onde. Il me fallait du temps. Combien, je n’en savais rien. Mais j’en avais besoin.

Alors je la laissai là, en haut de la tour d’Astronomie, redescendant vers le troisième étage pour regagner l’infirmerie. Sur le chemin, je ne croisai pas âme qui vive. Quelques tableaux qui ne dormaient pas encore me souhaitèrent une bonne nuit. Un curieux demanda si c’était à mon tour de faire une ronde pour surveiller les élèves qui aimaient faire le mur. Je répondis à peine, trop perdu dans mes pensées.

Je me retrouvai devant la porte du bureau des infirmiers sans même m’en rendre compte. Avec un soupir lorsque je revins à moi, j’ouvris et me faufilai à l’intérieur, sans trop savoir si j’allais vraiment retourner dans mon appartement pour dormir. Je n’en avais pas très envie. Rien que d’y penser, la vision de la porte en feu jaillit dans mon esprit et un gros frisson me parcourut tout entier. Non… je devais m’occuper l’esprit, à présent. Le sommeil pouvait attendre. Alors je restai dans le bureau et fouillai dans les ouvrages de médicomagie pour me plonger dans un peu de lecture.

Pour cela, je m’installai confortablement dans le canapé. Avec un peu de chance, j’allais m’endormir en lisant.