Cela faisait bientôt deux mois que je travaillais à Poudlard. S’il s’était passé pas mal de choses en mai, juin était plutôt calme, malgré les examens. Ainsi, j’avais beaucoup de temps libre. Rien à voir avec l’effervescence de l’hôpital Ste Mangouste, ou celui de Berlin. Par conséquent, j’en profitais pour vérifier les stocks de l’infirmerie, concocter diverses potions de soin, et venir en aide aux étudiants qui travaillaient en médicomagie. Parfois, le soir, j’allais faire quelques recherches à la bibliothèque, et me fournir en ingrédients à la serre du professeur Londubat. Et le matin, je m’accordais un moment pour m’occuper de moi.

Depuis la mort d’Elizabeth, je n’avais plus pensé un seul instant à prendre soin de ma santé. De la part d’un guérisseur, c’était le comble. J’avais toujours aimé le sport, me dépenser de n’importe quelle manière, du moment que c’était amusant et que cela permettait aussi de m’aérer l’esprit. Et je m’étais rendu compte que ça me manquait. Alors je faisais quelques exercices au milieu de ma chambre, avant d’aller prendre une bonne douche. C’était un moment vivifiant.

En ce samedi matin frais et agréable, je décidai d’aller courir dans le parc. Je me demandais pourquoi je n’avais pas encore eu cette idée. Je descendis à l’aube. A cette heure-ci, personne n’était encore levé. Je ne croisai pas âme qui vive entre l’infirmerie et la grande porte d’entrée. J’avais revêtu mes vêtements de sport légers : un tee-shirt, un short et une paire de baskets confortables. Je les avais achetés à Londres la semaine dernière. Pour le moment, je les rentabilisais convenablement.

Premièrement, échauffements. Je pris une bonne dizaine de minutes avant de commencer à courir. J’aurais bien mis un peu de musique dans mes oreilles mais dans le monde de la magie, surtout dans un lieu très concentré comme Poudlard, les appareils électroniques ne fonctionnaient pas, ou pas très bien. De toute façon, mon lecteur mp3 avait brûlé avec le reste de la maison… Je ferais sans. Et au moins, je pouvais apprécier les bruits de la nature environnante, en rythme avec ma course et ma respiration.

Je n’avais plus couru depuis bien trop longtemps. Je le ressentis au bout d’à peine quinze minutes. Essoufflé, je fis une pause, me maudissant d’avoir été si négligeant, et de ne pas avoir assez prêté attention à mon souffle. Trop distrait par mon environnement. J’y penserais la prochaine fois. En attendant, il me fallait calmer mon rythme cardiaque. Je gardai mes chevilles au chaud, fis des mouvements circulaires avec la pointe du pied plantée dans le sol. J’étais en train de me motiver à repartir quand un bruit attira mon attention, derrière moi. Je me retournai pour voir une jeune femme s’étaler de tout son long par terre. Sacrée chute… Apparemment, elle n’avait pas vu la racine de l’arbre qu’elle venait de dépasser. Je la rejoignis aussitôt tandis qu’elle s’asseyait et constatait l’ampleur des dégâts.

- Aïe… Sérieusement… pestait-elle à voix basse en grimaçant.

Quand elle me vit arriver, je lui offris un sourire avenant, et levai une main amicale.

- On dirait que je suis là au bon moment, commentai-je en guise de bonjour.

C’était Erin Wheeler, la professeure d’Histoire de la Magie. La trentaine, les cheveux châtains et de jolis yeux noisette, c’était une femme charmante et rayonnante, à l’écoute de ses élèves, de nature calme et que je voyais toujours souriante… à part ce matin. Et pour cause, elle s’était fait une belle égratignure au genou. Rien de bien grave, à première vue. Je m'accroupis près d’elle.

- Je peux ? m’enquis-je poliment.

Elle n’allait pas refuser, mais je préférais toujours demander. Question de principe. Je fouillai dans mes poches.

- Évidemment, j’ai laissé ma baguette au bureau, soupirai-je avec une petite grimace.

Je n’en avais pas besoin pour courir. Dorénavant, j’allais devoir la garder toujours sur moi. J’en avais la preuve juste sous les yeux. Mon sourire revint, un sourire rassurant, cette fois. Même sans baguette, je pouvais aider Erin.

- Donnez-moi une petite minute.

Je me remis debout, regardai autour de nous, au niveau du sol herbeux. La solution se trouvait là, tout près. Il suffisait de savoir quoi chercher.

- Vous venez courir souvent ici ? questionnai-je, histoire de ne pas laisser un blanc s’installer pendant ma recherche.

Elle répondit que c’était le cas tous les matins depuis près de dix ans.

- Et vous ? demanda-t-elle, curieuse. Je ne pense pas vous avoir déjà croisé mais puisque je prends toujours le même chemin…

Malgré son genou endolori, elle restait enthousiaste et souriante. J’aimais ce genre de caractère qui apportait douceur et chaleur au moral. Elle se mit à rire et dit :

- Oh Merlin… Je suis visiblement une vieille à habitude. J’ai tellement l’habitude de ce chemin que je ne regarde plus le sol et voilà ce que ça donne ! Désolée, d’ailleurs, de vous couper dans votre sport. Mais si vous n’avez pas le temps, ne vous en faites surtout pas ! Je peux rentrer au Collège, je dois avoir des pansements et surtout, j’ai ma baguette dans ma chambre. Alors je connais un sort ou deux qui devraient guérir ça ! Ne vous embêtez surtout pas pour moi et pour… Mais que faites-vous au juste ?

Je m’étais mis à quatre pattes dans l’herbe, farfouillant parmi les jeunes pousses. Tout avait été tondu récemment, ça ne m’arrangeait pas des masses. Mais je finis par trouver mon bonheur en regardant l’arbre qui se trouvait non loin de nous. Avec un sourire satisfait, je me remis debout et m’en approchai. Au pied du tronc, la végétation n’avait pas été coupée. En dépassait de larges feuilles au milieu desquelles s’élevaient de longues tiges d’une cinquantaine de centimètres. Au bout de chaque tige, une fleur. Elle ressemblait à un épi duquel pointaient une multitude de graines d’une douce couleur violette très claire, presque blanche. Cela faisait un peu penser à un plumeau long. Et nous avions de la chance, la floraison était en ce moment, jusqu’à la fin de l’été. Je me baissai pour cueillir une seule fleur, ainsi que quelques feuilles, les plus vertes. Et je retournai auprès d’Erin.

- Plantain, annonçai-je en lui montrant ma trouvaille. Une fleur des champs qui passe pour de la mauvaise herbe dans les jardins… quand on ignore ses vertus.

Je rassemblai les feuilles dans la paume de ma main gauche, et les enfermai en posant ma main droite par-dessus. Même sans baguette, j’étais capable d’employer une certaine magie de guérison. Limitée, mais pas moins efficace. Je m’en servis pour réchauffer les feuilles dans mes mains, créant une légère lueur dorée entre mes paumes.

- C’est une des plantes médicinales les plus utilisées depuis l’Antiquité. Anti-inflammatoire et cicatrisante.

Quand j’estimai avoir assez réchauffé les feuilles, je commençai à les écraser entre mes doigts, jusqu’à former une pâte verte.

- Et elle se mange. Je vous assure, insistai-je avec un petit ricanement. De la fleur aux racines, en passant par les graines. En salade ou en soupe, c’est plutôt bon. La fleur peut se confire dans du vinaigre. Quant aux feuilles… leur saveur est un peu amère mais on y retrouve un goût de champignon.

Une fois la pâte prête, je l’appliquai sur le genou de la professeure. Ainsi, le jus des feuilles arrêterait le saignement et faciliterait la cicatrisation. Je donnai un petit coup de pouce à la guérison en gardant la paume de ma main contre la plaie. Pendant ce processus, je levai les yeux sur Erin et souris de nouveau.

- C’est la première fois que je cours ici, dis-je enfin, en réponse à sa première question. Je faisais une pause, et j’en avais grandement besoin. Alors vous ne m’avez pas dérangé.

Elle déclara qu’elle ne connaissait que les bananes plantains. Comme quoi, chacun avait ses connaissances, j’ignorais ce qu’étaient les bananes plantains. Certainement une variété. Si ça se trouvait, j’en avais déjà mangé sans le savoir…

- C’est une plante à tout faire, ajouta-t-elle au sujet de celle que j’étais en train d’utiliser pour la soigner.

Elle grimaça légèrement.

- Une plante à tout faire pas vraiment agréable, renchérit-elle.

Elle pouffa, j’eus un sourire en coin.

- Désolée, je suppose comme tout le monde mais je n’aime pas la douleur. Définitivement.

Elle n’avait pas à en avoir honte. Chacun gérait la douleur à sa façon, et ce n’était sûrement pas moi qui jugerais.

- Justement ! reprit-elle. Vous n’aviez pas besoin de vous remettre à travailler pour une professeure maladroite.

Je haussai les épaules. Elle se remit debout, je la soutins quand elle prit appui sur mon épaule. Et je me levai aussi.

- Je vous propose donc de vous offrir un café, pour me faire pardonner. Avec un croissant ou un egg muffin ! Et je vous offrirai mon secret suprême : où se cacher des élèves lorsque vous avez besoin d’être au calme… Ce qui fonctionne aussi avec les professeurs pour éviter que vous ayez à les soigner après de mauvaises chutes. Ça vous va ? Vous préférez le thé ou le café ?

Je me mis à rire tout en frottant mes mains sur mon tee-shirt. De toute façon, il était noir, les traces de pâte verte ne se verraient pas. Et il finirait au sale bientôt.

- Je vais avoir du mal à prendre votre secret en compte, si c’est pour me faire offrir à manger à chaque fois que je soigne en dehors de mes heures de travail, avouai-je. Car sachez, professeur Wheeler, que mon secret suprême… c’est la gourmandise.

Je fronçai soudain les sourcils, en réfléchissant.

- Quoi qu’à ce niveau, j’appellerais plutôt cela un vice. Un café sera le bienvenu !

Je ricanai, tendis la main pour l’inviter à passer devant moi. Et nous commençâmes à marcher côte à côte. J’avais gardé la tige de plantain, et la faisais tournoyer entre le pouce et l’index. A son extrémité, la fleur ressemblait à un tourbillon violet pâle.

- Si j’ai bien compris, vous enseignez ici depuis au moins dix années ? questionnai-je. Vous en aviez toujours eu envie ? Ou… vous aviez d’autres projets ?

Nous n'avions pas encore eu l'occasion de faire connaissance, alors autant en profiter maintenant.

Elle rit, déclara qu’il valait mieux que je prisse son secret anti-blessés en compte. Et pour cela, elle proposa de me faire à manger à chaque fois que j’aurais à aider les maladroits comme elle, car cela me vaccinerait rapidement à cause de ses piètres talents culinaires.

- Même votre gourmandise ne vous sauvera pas de mes expériences culinaires. Elles sont imbattables.

Je ricanai, passai sous silence le fait que je ne faisais certainement pas mieux qu’elle. Je savais cuisiner un minimum mais cela restait très basique. Elizabeth, elle, avait toujours fait des merveilles…

- Mais appelez-moi Erin, je vous en prie, reprit-elle. Professeur… Ça fait beaucoup trop formel et je me sens encore trop jeune pour ça.

- Bien reçu, a…

- Oh non ! Merlin ! Quel âge me donnez-vous ? fit-elle soudain aussi bien offensée qu’amusée. Je suis devenue professeur à la rentrée 2019 seulement, donc il y a quatre ans. Bientôt cinq. Je n’ai que trente ans, Monsieur Meyer ! me réprimanda-t-elle gentiment.

Oups, j’avais gaffé.

-  Mais c’est une vocation. J’ai toujours désiré être professeur d’histoire. Mais avant cela, je voulais visiter le monde et après mon année supplémentaire post doctorat pour ce faire… Je suis partie faire le tour du monde. Je ne suis revenue qu’à la suite d’un malheureux incident qui m’a empêchée de le poursuivre. J’ai eu la chance que le Professeur Binns ne soit pas resté jusqu’à la fin de… De son éternité. Mais j’imagine que les élèves ne doivent pas être trop déçus de l’avoir vu prendre sa retraite. Je me souviens de mes cours avec lui…

Elle leva théâtralement les bras au ciel et pouffa.

- Par tous les mages ! Croyez-moi, j’aimais énormément ce professeur, mais mieux valait avoir bien dormi la nuit pour suivre ses monologues interminables !

Je voyais ce qu’elle voulait dire. J’avais connu le même genre de professeur soporifique à Beauxbâtons.

- Et vous alors ? Vous avez désiré être infirmier depuis votre enfance ? questionna-t-elle. Et d’ailleurs… Dans quelle maison étiez-vous ici ? Je suis curieuse ! Je vous imagine à… Mmh… A Poufsouffle !

Engel m’avait fait la même remarque.

- Vous êtes infirmier, cela me semble presque normal !

Je fis deux pas de plus et interrompis notre marche en lui faisant face.

- Je tiens à préciser que je ne vous pensais pas âgée, dis-je dans un rire gêné. J’ignore combien d’années d’études doivent faire les futurs professeurs avant de pouvoir enseigner…

Ce n’était pas le même domaine que la médicomagie, cela pouvait être différent.

- Mes excuses, ricanai-je de nouveau. Peut-être l’aurais-je mieux remarqué si j’avais étudié à Poudlard. Car, pour répondre à votre question, j’ai été à Beauxbâtons. Je ne connais pas les qualités propres à chaque maison ici. Mais comme cela fait deux fois qu’on me parle de Poufsouffle, alors je vous crois.

Nous reprîmes la marche.

- Et je suis dans le même cas, mon métier s’est révélé être une vocation. J’ai été dedans dès l’enfance. Mes parents, précisai-je. Ils sont tous les deux médicomages à la retraite. Je ne me voyais pas suivre un autre chemin. Leur exemple a suffi à me donner envie d’être comme eux, et de tout faire pour. Si vous passez par l’hôpital pour sorciers de Berlin, vous entendrez sûrement parler de Nikolaus Meyer. Oh.

Je m’arrêtai de nouveau, lui tendis ma main avec un sourire.

- Puisque je dois vous appeler Erin, alors appelez-moi Constantine.

- Rassurez-vous, vous auriez pu me donner soixante ans que je ne vous en aurais pas tenu rigueur, dit-elle, toujours souriante. J’aurais… seulement changé de crème anti âge, plaisanta-t-elle.

Elle précisa que, pour devenir professeur, il fallait aller jusqu’au doctorat avant de faire une année d’assistanat, ou quelque chose dans le genre. Une année où elle avait dû assister un professeur sans classe attitrée, à Poudlard ou n’importe quelle autre école de magie. C’était le parcours classique. C’était quasiment la même chose pour la médicomagie. A la différence que l’on pouvait directement entrer dans le métier après la fin des études.

Erin s’enthousiasma du fait que j’avais étudié à Beauxbâtons.

- J’adore la France, reprit-elle, en français, avec un fort accent mignon et amusant. Nous sommes allés en voyage scolaire… Hum… Là-haut ? tenta-t-elle. Non. Là-bas, rectifia-t-elle. L’école est toujours aussi magnifaïque !

Nous nous mîmes à rire.

- Je parle français mais j’admets que ça doit être une horreur à écouter, fit-elle, en revenant à l'anglais.

- Je ne jugerai pas, mon accent est pire que le vôtre, répondis-je en riant encore.

Mais je me gardai bien de lui en donner un exemple. Il s’entendait déjà en parlant anglais… Elle déclara qu’elle essayerait de se souvenir du prénom de mon père, bien qu’elle n’eût pas tellement envie de se retrouver à l’hôpital si elle voyageait en Allemagne.

- Oh mais ! Vous êtes donc allemand ? s’étonna-t-elle soudain. Comment est l’Allemagne ? Je n’y suis pas allée très souvent. C’est bête… J’avais tendance à partir bien plus loin que l’Europe. Mise à part la France et l’Italie. Il faudrait vraiment que j’y aille un jour et…

Elle se tut et rit de nouveau.

- Pardonnez-moi. Je suis vraiment beaucoup trop bavarde.

Je hochai la tête pour lui signifier que cela ne me dérangeait pas du tout. Au contraire, j’aimais ce genre de conversation. Et cela prouvait que ma collègue était à l’aise avec moi.

- En vérité, je ne saurais pas vraiment quoi vous dire sur l’Allemagne, avouai-je. Ce n’est pas si dépaysant, si vous avez déjà vu la France ou l’Italie. On y retrouve certains quartiers typiques mais rien de bien extraordinaire.

Enfin, elle échangea une poignée de main avec moi, acceptant de m’appeler également par mon prénom. Puis elle ouvrit la porte de la salle des professeurs que nous avions atteints. Vide car il était encore tôt. Je n’y étais allé qu’une seule fois, à mon arrivée, quand la directrice m’avait fait un peu visiter les lieux. Mais depuis, je n’avais pas l’utilité de m’y rendre.

- Nos chers et tendres collègues ne devraient pas trop tarder, dit Erin en se dirigeant vers la machine à café.

Elle remplit une tasse et me la donna. Je la remerciai.

- Vous aurez peut-être la joie de voir Marcus Avery assez endormi pour sourire. Ça n’est jamais arrivé, mais… J’espère toujours ! rit-elle.

Elle se servit du café à son tour, et alla s’asseoir dans un canapé. Je l’imitai en me choisissant un fauteuil confortable, en face d’elle.

- Alors ! Dites-moi, Constantine. Comment trouvez-vous Poudlard, puisque vous n’avez pas étudié ici ? demanda-t-elle, curieuse.

Je bus un peu de café. Il était très bon, bien qu’encore trop chaud ! Un sourire s’étira sur mes lèvres tandis que je posais la tasse sur la table basse qui nous séparait.

- Je dois dire que c’est un endroit fabuleux, répondis-je. L’apparence de Beauxbâtons est moins… austère, mais Poudlard dégage un charme mystérieux assez attrayant. Je n’ai pas encore pris le temps de tout visiter, cependant, ce que j’ai pu en voir est vraiment plaisant. Mes souvenirs datent d’il y a plus de vingt ans mais je crois bien que la bibliothèque est plus grande et plus fournie que celle de Beauxbâtons. Et les serres ! m’exclamai-je avec entrain. Le professeur Londubat est une bénédiction. Grâce à lui, je trouve absolument tout ce dont j’ai besoin pour mes préparations. Il m’évite de nombreux déplacements à Londres !

Il s’occupait d’une très grande quantité de plantes, réussissant même à faire pousser certaines variétés étrangères malgré le climat différent.

- Je pense qu’étudier ici m’aurait bien plu, poursuivis-je. D’ailleurs, je n’ai pas été loin de le faire, finalement. Poudlard est plus proche de Berlin que ne l’est Beauxbâtons. Mais ma mère est d’origine française, et mon père et elle ont étudié là-bas. Alors ils ont absolument tenu à ce que j’y aille aussi. En fait, ce n’est pas plus mal. Maintenant, je peux dire que j’ai vu les deux écoles.

Beauxbâtons en tant qu’élève, et Poudlard en tant qu’adulte. Je m’estimais plutôt chanceux. Je repris ma tasse de café et soufflai doucement sur la surface pour tenter de le refroidir un peu.

- Bon, il y a peut-être un point négatif mais j’exagère, parce qu’on mange quand même très bien ici : la cuisine est meilleure à Beauxbâtons. Je dis ça, je dis rien, plaisantai-je. La France a quand même une réputation à tenir.

Erin déclara être persuadée qu’elle trouverait des pépites en Allemagne malgré mes arguments peu vendeurs. D’après elle, elle avait le flair pour repérer les meilleurs endroits. Elle affirma le fait que Neville Londubat était un miracle pour Poudlard. Il avait su faire revivre l’une de ses plantes sur le point d’être assassinée par ses soins. Je me mis à rire, non sans comprendre parfaitement à quel point il était difficile de garder une plante en forme. Je les aimais beaucoup, ainsi que les fleurs. Mais je ne savais absolument pas comment m’en occuper, et leur permettre de perdurer. Et on avait beau me donner les plus simples explications, je ne parvenais jamais à tenir le rythme. Il arrivait toujours un moment où je les oubliais…

La professeure d’Histoire de la Magie enchaîna à propos de Beauxbâtons au sein de laquelle elle aurait aimé étudier. Les professeurs d’histoire français étaient particulièrement compétents, et je ne pouvais qu’approuver. Apparemment, celui qui la précédait ici n’était pas très motivant. En tout cas, elle était d’accord sur le fait que j’étais chanceux de connaître les deux écoles.

- Alors… J’admets que les français ont une réputation de gastronome, reprit-elle encore plus animée par la conversation. Mais… Leurs cuisses de grenouille et leur soupe de poisson… Non… Non et définitivement non, je n’y arrive pas !

Elle rit. Pour être honnête, je n’avais jamais eu l’occasion de goûter de véritables cuisses de grenouille. Et je n’étais pas non plus friand de soupe de poisson.

- Et je vous promets que j’ai pourtant tout essayé pour apprécier, même en ajoutant un pot d’ail dans la soupe après que l’on m’ait proposé des croûtons à l’ail ! poursuivit-elle. J’ai cru que ça passerait… Eh bien, c’était pire. Au moins, en Angleterre, nous ne nous lançons pas des idées folles dans le genre… Hormis la panse de brebis, j’admets.

Je hochai la tête, d’accord avec elle.

- D’ailleurs, j’espère que depuis que vous êtes ici, vous avez pu goûter la Bièraubeurre des Trois Balais, ainsi que leur whisky spécial ! Ce serait un comble que vous n’ayez pas pris le temps ! Une hérésie, même ! C’est un incontournable à Poudlard que même les élèves apprécient… Surtout les élèves d’ailleurs… A croire qu’ils sont tous alcooliques à cause de ce pub !

Je ris à mon tour.

- Oui, je suis passé à Pré-au-Lard une fois, pour le moment, répondis-je. Et vous avez raison, la Bièraubeurre est irrésistible. Mais j’avoue que le Whisky l’est encore plus. J’ai une légère préférence pour les alcools forts.

J’allais passer pour un ivrogne… Maintenant que mon café avait un peu refroidi, je pus le boire tranquillement.

- Je pense que j’aurai largement le temps de retourner y faire un tour pendant l’été, puisque je reste à Poudlard.

J’omis volontairement de révéler exactement pourquoi, même si Erin devait se douter que si telle était ma décision, c’était parce que je n’avais pas d’autre endroit où aller.

- Et je pourrai continuer de visiter l’école. Il n’y aura sûrement personne pour m’appeler en cas de chute, plaisantai-je pour en revenir à la sienne.

Une question me vint soudain à l’esprit.

- Dites-moi, j’ai lu et entendu pas mal d’histoires à propos de Poudlard… Il s’y passe de nombreux… événements plus ou moins perturbants.

Je pensais notamment à l’époque sombre du règne de Voldemort, mais surtout à la journée éprouvante que j’avais passé ici, peu après mon arrivée, au sujet des hybrides devenus incontrôlables.

- J’ai eu l’impression qu’il n’y a pas une année sans que quelque chose de grave, ou presque, ne survienne, remarquai-je. Est-ce que j’exagère ?

Elle approuva mon goût pour le whisky, étant elle-même une adepte de la boisson. Elle me proposa même de me joindre au professeur Elora Morgane et à elle-même si je ne trouvais personne avec qui partager un verre. C’était bien noté. Au moins, je ferais plus ample connaissance avec celle qui enseignait le vol sur balais. Elle fut étonnée par le fait que je restais à Poudlard cet été, et demanda si je n’allais pas me sentir trop seul. Je répondis que je trouverais de quoi m’occuper, entre la gestion de l’infirmerie et ma découverte de l’école. Elle déclara que je pouvais être surpris par ce que je pouvais toujours trouver dans le château, même si je pensais avoir tout vu. Tant mieux parce que c’était ce qui demeurait le plus intéressant.

- Et je suis capable d’oublier quelque chose ici et de revenir pendant les vacances, alors attention à votre mauvais karma ! ajouta-t-elle d’un ton faussement menaçant.

Si elle arrivait à se blesser en revenant ici en coup de vent, je commencerais effectivement à me dire qu’on m’avait jeté une malédiction.

- Cela fait quelques années que nous sommes tranquilles, je vous rassure, reprit-elle en réponse à ma dernière question. Enfin… Cela dépend ce que l’on appelle « tranquille ».

Je haussai les sourcils, curieux.

- L’année dernière, nous avons eu des accidents de patacitrouilles ensorcelées ayant fait gonfler toute personne qui les avait mangées jusqu’au risque d’explosion…

Rien que ça !

- L’infirmerie était pleine à craquer… Cette année… J’admets que c’est un peu compliqué mais ce n’est pas non plus une habitude. Je vous le promets, nous ne sommes pas des monstres ici, fit-elle avec un sourire rassurant. Et dans tous les cas, vous êtes bien assez compétent pour gérer tous les maudits de Poudlard !

Je ricanai avec un hochement de tête.

- Sans vouloir me vanter, je pense que je devrais m’en sortir, répondis-je.

- Vous verrez, de toutes les manières, dit-elle. Poudlard est aussi dangereux qu’accueillant. Dans six mois, je suis sûre que vous reviendrez me voir en me disant que vous ne voulez plus jamais quitter le château !

Je faillis m’étouffer en buvant une nouvelle gorgée de café, et me mis à rire.

- Oh, je vous crois sur parole, j’ai pensé la même chose de Beauxbâtons, affirmai-je après m’être raclé la gorge pour éviter la toux. Et j’ai rapidement constaté qu’il m’a été difficile de retourner chez moi pour les vacances.

Je haussai les épaules.

- Pour le coup, je vais peut-être faire une overdose de Poudlard, puisque j’y suis désormais en permanence.

Je vidai ma tasse d’un trait et me levai. Je m’empressai d’aller la laver, avant de la déposer à sa place.

- Je vous remercie pour le café, Erin, et ce fut un plaisir, dis-je sincèrement.

Il était temps pour moi de rejoindre l’infirmerie. Le soleil était bien levé à présent, la matinée commençait.

- N’hésitez pas à m’appeler si jamais une malheureuse racine vient se remettre en travers de votre chemin, ajoutai-je sur le ton de la taquinerie. Je ne dirai pas non à un café en guise de récompense.

Avec un sourire, je lui souhaitai une bonne journée et quittai la salle des professeurs pour rejoindre mon lieu principal de travail.