Devais-je réellement revenir ici ?
La question se trouvait être posée, réellement, alors que j’avais refoulé le sol de Poudlard, reconstruit. Une reconstruction qui ne m’apportait rien de nouveau d’autre que des souvenirs. Les cris. Les corps. Mes décisions lamentables qui avaient entraîné la mort d’élèves et… Avais-je réellement ma place ici ?
J’avais déposé mes affaires dans mes appartements. Le château était encore calme, dépeuplé de ses habitants habituels, le personnel restant revenant, petit à petit. Peut-être était-ce même trop calme pour moi, éteinte, triste. Combien de personne étaient mortes ici ? Combien de personnes n’avaient pas survécu à cette nuit ?
Je connaissais les chiffres mais ils me semblaient comme… Effacés, loin. Comme si ma mémoire refusait de s’en rappeler réellement pour ne pas me blesser davantage. La tête basse, j’avais alors quitté mon logement de fonction, refermant la porte pour me diriger vers la salle de professeurs où je m’installai, comme toujours, sur le canapé.
Comme toujours, oui.
Sauf que tout avait changé.

Je n’étais pas une bonne professeur. Pas une bonne directrice de maison. Je ne les avais pas sauvés. J’en avais condamné et… A vrai dire, je commençais réellement à me demander si ma place était ici, à Poudlard… Devais-je rendre mon tablier et me trouver une nouvelle passion ? Peut-être… Peut-être même plus que peut-être…

Et pire que cela… Ayden était mort. J’avais fait envoyer des fleurs, ne pouvant pas me déplacer, pas quand tout mon monde s’était effondré. Il était mort et même si ce qu’il s’était passé était une folie pure, indigne de ma position… J’avais eu mal. Vraiment mal. Et le départ de Maximilian avec qui j’avais commencé à sympathiser n’avait à vrai dire pas aidé. Oh. Je le comprenais… Et… Peut-être aurais-je du faire la même chose.
Soupirant, j’étais alors restée là, presque prostrée, seule dans cette immense salle vide jusqu’à ce que la porte ne me fasse lever la tête. Min-Hwan Park…

J’avais finalement retenu la leçon. Je n’avais pas bougé. Pour ne pas l’effrayer, d’abord, mais aussi car… A vrai dire je n’avais pas envie de bouger. Je n’avais pas vraiment envie de faire quoique ce soit d’autre que réfléchir à ce que je devais faire.
J’avais pour autant gratifié le jeune professeur d’un léger sourire poli, retournant dans mes pensées. A vrai dire, je fus surprise de le voir approcher, des pâtisseries en main et…

- Oh. Merci… Avais-je articulé à mi-voix, piochant l’une des petites choses plus par politesse que par gourmandise.

Il était nerveux. Je le rendais nerveux. Une preuve de plus que je n’avais rien à faire ici ? Je n’en savais rien. J’avais l’impression que la moindre toute petite chose ne ferait qu’appuyer cette idée, de toutes les manières… Mais il restait ? Là encore, j’avais été surprise alors qu’il m’adressait la parole, me laissant quelques secondes muette avant de me forcer à un sourire.

- Toujours ! Tentai-je d’être enthousiasme sans la moindre forme de réussite, m’obligeant à soupirer. Juste un peu fatiguée. Ce n’est rien. Je… Je vais peut-être prendre des vacances avant tout le monde.

M’efforçant à rire, j’avais baissé la tête. Je ne pouvais certainement pas lui faire part de ce que je pensais. Pas quand il était déjà comme un animal à ne pas effrayer. Au moins n’avais-je pas envie de faire le moindre geste aujourd’hui, c’était toujours cela de gagné pour lui…

- Et vous ? Votre… Votre réinstallation s’est bien passée ? Vous… Vous avez passé de bonnes vacances ?

Que pouvais-je lui demander d’autre ? Mieux valait se concentrer sur le positif, n’est-ce pas.

Il avait aidé son père dans son travail moldu… A vrai dire, cela me faisait une conversation toute trouvée alors que j’entrouvrais les lèvres pour répondre, pour m’enquérir de l’emploi de son père. Une idée qui fut rapidement avortée par les paroles qui suivirent alors. L’observant, sans un mot, j’étais peut-être et pour la première fois réellement immobile face à lui alors que je l’écoutai attentivement.

Un imposteur… Ce mot avait fait douloureusement écho en moi alors que je ne pouvais m’empêcher de baisser la tête, fronçant les sourcils, tentant de garder cette contenance qui s’effritait, petit à petit, au fur et à mesure de ses mots.

- Vous…

J’avais eu envie de le réconforter, de lui assurer que non. Il n’était pas celui qu’il décrivait. Peut-être manquait-il de confiance en lui, sûrement, même, mais il n’était pas aussi inaccompli qu’il le décrivait. Il n’était pas un imposteur. Seulement un jeune professeur qui devait apprendre à enseigner, qui devait surtout apprendre à se faire confiance et à s’assurer. Mais rien. Rien ne venait. Les mots étaient comme bloqués dans ma gorge alors que je baissai davantage la tête. Il ne savait pas pourquoi il était revenu… Ce fait… J’avais serré les poings, posés sur mes genoux, retenant désespérément mes larmes alors que je me mordais la lèvre.

Et puis cette question. Était-ce si facile de lire en moi alors même que j’avais tenté de faire semblant ? S’il y arrivait, que serait-ce devant des élèves souvent plus perspicaces que leurs professeurs ? Et combien d’élèves reviendraient ? Comment pourrais-je faire face aux salles vidées, aux morts qui me hanteraient, à celles que j’avais provoqué par mon incompétence et…

Je n’avais pas réussi à me contenir. Mes larmes avaient coulé seules, sans que je ne puisse les retenir. Cachant mon visage dans mes mains, je n’arrivais plus à parler, je n’arrivais même plus à respirer alors que mes sanglots me coupaient jusqu’à la respiration.
Me calmer.
Il fallait que je me calme. Le pauvre Min-Hwan n’avait rien fait, rien demandé. Il avait la gentillesse d’être resté, de me parler et moi… Moi je n’arrivais pas à contrôler ces larmes. Et il me fallut toutes mes faibles forces psychologiques pour réussir à calmer le torrent de larmes qui dévalaient mon visage.

- Je… Je… Je suis désolée… Articulai-je difficilement. Je… C’est…

Il. Fallait. Que. Je. Me. Calme.
Prenant encore un instant, j’avais respiré, soufflé, me reconcentrant pour relever mes yeux rougis vers le jeune professeur.

- J’ai… J’ai l’impression que… Je n’ai rien à faire ici… Je n’ai pas réussi à les sauver… Je… J’ai pris des décisions qui… J’ai tué des élèves… Prononçai-je douloureusement. J’avais… J’ai perdu un ami proche – quant bien même il était élève, Ayden restait un ami dans mon cœur. J’ai… Je suis désolée… Je ne devrais pas…je ne devrais pas vous imposer ça, pardon… Soufflai-je, essuyant mes joues. Je… Secouant la tête, j’avais froncé les sourcils, me fustigeant réellement intérieurement. Vous… Min-Hwan, vous n’avez rien d’un imposteur. Murmurai-je. Vous… Vous avez fait tout ce qu’il fallait… Vous les avez aidés. Vous… C’est… C’est normal d’avoir eu peur. Soufflai-je, m’en voulant pour mes propres états d’âmes, préférant de loin me concentrer sur les siennes. Mais… Vous êtes un bon professeur et… Et vous avez fait tout ce qu’il fallait… Vous avez votre place ici… Vraiment…

J’avais même tenté un sourire sincère, baissant de nouveau la tête, rapidement alors que les larmes me revenaient aux yeux. Ne pas pleurer. Il fallait… Je ne devais pas lui imposer cela.

Etais-je réellement plus clémente avec lui que je ne l’étais avec moi ? Je n’en avais pas vraiment l’impression, à vrai dire. Au contraire. Je me sentais encore trop clémente avec moi qui avait tué des élèves par son imbécilité même… Comment pourrais-je donc être ne serait-ce qu’un peu clémente avec ce genre de décisions ?... Impossible et… Et j’avais secoué la tête.

- Vous n’imposez rien. Défendis-je en tentant de sécher mes larmes du bout de mes doigts. Je… Je sais que je suis trop… Enfin je ne réfléchis jamais assez… Et cela s’était prouvé dans cette situation d’urgence. Une bécasse. C’était le terme le plus élogieux que je pouvais trouver pour moi à cet instant.

L’observant alors un peu surprise, je n’avais pu m’empêcher de m’écarter un peu, de lui laisser le maximum de place, comme par peur de l’effrayer et… Et un pas vers l’autre ? Il s’approchait et je devais le laisser m’écouter mais… Qu’y avait-il finalement à dire ?
Il ne m’avait pas vraiment laissé le temps de penser au pire de ce que je pourrais dire comme je semblais m’y être attelé.

Le syndrome de l’imposteur… J’avais froncé les sourcils. Oui. Il était évident que lui souffrait du syndrome de l’imposteur, cela, je n’en doutais absolument pas. D’autant plus lorsque j’avais entendu quelques compliments de la part d’élèves sur lui. Bon… Certains en jouaient, évidemment, j’avais même râlé deux ou trois fois contre quelques petits plaisantins mais… Mais il était un bon professeur et je n’en doutais pas. Mais moi… Était-ce réellement cela ?... Et pourquoi m’avait-on proposé ce poste ?... Je…

- Ils avaient besoin et il n’y avait personne d’autres. Etais-je désormais presque convaincue. Quant à parler à mes collègues… Elora m’apprécie… Elle serait capable de ne pas vouloir me blesser et Marcus… Il… Je ne connais pas son ressenti… Admis-je alors que le professeur de Métamorphose et Directeur des Serpentard m’intimidait presque, parfois.

Pour le reste… J’avais davantage baissé la tête. J’avais cette envie de me rouler en boule dans un coin pour ne plus jamais en sortir, cette envie de disparaître alors que je n’étais pas convaincu de ce qu’il me disait…

- J’ai quand même fait tomber la tour. Murmurai-je, persuadée que j’étais en partie responsable de la chute de Serdaigle. J’ai fait… J’ai tué des élèves… Quand… Quand j’en ai aidé… C’est seulement parce que vous étiez là… Vous, Elora et Venus… Mais moi, je n’avais rien fait qu’aggraver les choses. C’était là la seule chose que je voyais.

J’avais néanmoins à nouveau réagi, relevant la tête, les yeux rouges pour l’observer, secouant la tête de gauche à droite.

- Je suis une vélane. Je suis responsable de la mort d’élèves… Qu’est-ce qui peut me rendre légitime là-dedans ?...

Esquissant malgré tout un léger sourire, tentant désespérément de faire bonne figure, mon regard s’était fait plus sombre rapidement, glissant sur le sol.

- Merci… Je… J’aurais voulu aller à ses funérailles…

Mais je doutais fermement que j’y aurais été particulièrement bien accueillie alors… J’avais seulement préféré envoyer des fleurs, j’avais seulement préféré me rendre sur le lieu de recueillement lorsque plus personne n’y était.

- Merci… Avais-je repris, baissant davantage la tête. Je… Je sais que cela vous demande un effort pour me parler… Et… Merci, Min-Hwan. Avais-je soufflé, m’efforçant à un sourire pourtant dirigé vers le sol. Vous êtes quelqu’un de bien. Même si… Enfin… Ne doutez pas de vous… S’il vous plait…

Il était tellement plus facile de me concentrer sur lui que sur ce que je ressentais, plus facile de parler sur son syndrome de l’imposteur que sur mon illégitimité.

- Vous ferez un excellent professeur lorsque vous serez titulaire… Assurai-je alors à mi-voix. J’en suis sûre…

L’inaction valait-elle mieux que l’impulsivité… Fronçant les sourcils, j’avais rapidement secoué la tête, peu convaincue de ce que j’entendais là.

- Vous n’êtes pas resté inactif ce soir-là… Murmurai-je alors que j’avais été témoin de ses gestes, de son aide précieuse à tous les élèves.

Et puis… Il avait parlé. Pour la première fois, avec moi, Min-Hwan avait parlé, il s’était exprimé sur ce qu’il disait être un syndrome de l’imposteur qui… Qu’il pensait pouvoir faire écho en moi, visiblement. Mais était-ce réellement le cas ?... J’en doutais. Après tout, je n’avais été prise que parce qu’il n’y avait personne d’autre alors…

Poufsouffle n’avait personne…

- Ce n’est pas pareil…

Mais je n’avais pas réellement réponse à cela alors que mon regard se baissait vers le sol, que j’assurai que personne ne me dirait rien sur moi, de toutes les manières. Elora était une amie, quant à Marcus… Inutile de lui demander et…

- Il m’a toujours fait peur… Avais-je murmuré dans un léger rire teinté de cette peine que je n’arrivais pas à masquer.

Ce rire n’effaçait pour tant rien. Ni ce que j’avais fait, ni mon impression de ne plus rien avoir à faire ici après cela. Mais il ne s’agissait que de physique. Une physique élémentaire que je pouvais comprendre, que je comprenais mais que je peinais malgré tout à accepter. J’étais… J’avais malgré tout accéléré les choses. Comme si je ne retenais que cela, comme si je ne pouvais voir que cela dans la vérité que m’apportait pourtant le sorcier, je n’avais fait que conclure. J’étais une vélane, une hybride ayant tué des sorciers.

- Je suppose que le sang de créature vaut moins que celui d’un sorcier. Avais-je murmuré alors qu’il continuait, que son agacement m’avait arraché un léger sourire, malgré tout.

Un sourire de nouveau rapidement fané par cette vérité, par la perte que cette nuit m’avait imposée. Ayden. Ayden était mort et… Et je n’avais même pas lui dire au revoir. Je n’avais rien pu faire. J’avais tué et j’avais laissé tuer et… Je savais que je me sentais responsable de choses que je ne pouvais pas maîtriser mais… Mais c’était plus fort que moi. Et si je n’avais pas répondu, j’avais hoché la tête, doucement. Oui. Je pourrais aller me recueillir mais… Le devais-je réellement ?

J’avais alors préféré me concentrer sur lui, sur les efforts qu’il faisait, sur les doutes qu’il ne devait pas avoir. Il était quelqu’un de bien. Définitivement. Il le prouvait…  Et cela même s’il doutait visiblement autant que je doutais de moi.

- Venus est toujours de bon conseils… Avais-je soufflé, approuvant ses dires et…

Une excellente enseignante ? J’avais levé la tête, le regard encore humide alors que ses mots m’obligeaient à sourire, baissant de nouveau la tête alors que je la secouai, qu’il m’arrachait un nouveau léger rire, malgré tout.

- C’est mon énergie qui a failli vous tuer plus d’une fois… Avais-je rappelé doucement. J’ai… ça ira mieux dans quelques jours. Avais-je malgré tout voulu assurer. Mais… J’avais soupiré en secouant la tête. Merci, Min-Hwan… Vous… Vous êtes… Quelqu’un de bien. Vraiment… Et… Je vais me répéter. Soufflai-je dans un léger rire forcé. Mais… Croyez en vous, Monsieur Park. Et… J’avais légèrement soupiré, tournant la tête vers lui. Vous voulez un thé ?

Je noyais peut-être un peu le poisson, je l’accordais, mais… Mais je devais au moins essayer de le remercier pour la gentillesse dont il faisait preuve. Au moins…