Ron, ron, ron

Cléopâtre enroulée sur ses jambes, son Sonarcier désactivé sur son bureau, Altair parcourait du bout des doigts un devoir particulier. Mr. Keelis était, jusqu'ici, un élève sans histoire. Etrange mais sans histoire. Il ne parlait pas souvent en classe, rêvassait régulièrement mais rendait des devoirs acceptables pour un élève en filière de Soins aux Créatures Magiques. Le Droit n'étant pas une matière essentielle pour son avenir, Altair s'accommodait de son apparent désintérêt pour sa matière. Du moment que ses résultats n'en payaient pas les conséquences. Comme maintenant. Le dernier devoir l'avait déjà interloqué. Il était question de l'uniformisation des conventions juridiques mondiales concernant la considération apporté aux Vélanes, au danger qu'elles représentaient et aux droits qu'elles avaient. Le "Plus que les mangemorts méritent" écrit sous la question traitant des droits obtenus par les Vélanes en Asie l'avait... surpris. Figé une seconde, reprenant tranquillement sa respiration, considérant comment il allait gérer cette remarque, la seconde suivante. Si la directrice avait été extrêmement claire sur le fait qu'elle serait intraitable en cas de mauvais traitement des élèves, elle l'avait aussi mis en garde vis-à-vis du fait que Poudlard n'était pas un sanctuaire contre les mauvaises intentions. Altair avait ricané faiblement en ironisant sur le fait qu'il avait pu en faire l'expérience. Pas très gracieux de sa part étant donné qu'elle faisait sans doute allusion à son passé de mangemort alors qu'il l'avait renvoyé à son handicap géré pendant sa scolarité qu'elle semblait avoir momentanément mis de côté. Pourtant, il avait été reconnaissant que ça ne joue que pour veiller à ce qu'il s'adapte bien à ces nouvelles conditions de vie mais pas sur ses compétences. Maintenant, il se demandait s'il n'aurait pas dû lui demander que faire en cas de menace de mort. Car sur la feuille du devoir, au-dessus des lignes des questions semblait-il, se trouvait un dessin, très schématique, d'un homme pendu. L'absent d'yeux rendait très compréhensible la personne visée. Très maladroit aussi, il avait des yeux. Peut-être devrait-il faire le prochain cours sans lunettes pour le dissuader de cette croyance. Une partie de lui avait très envie de relever cette incohérence dans son dessin, mais lui dire s'il croisait un homme sans oeils, il n'hésiterait pas à le lui signaler.

Ron, ron, ron

Altair s'adossa à sa chaise en soupirant. Aussi tentant que ce soit, ce ne serait pas très professionnel. Ignorer ses menaces, qu'elles soient pensées ou non, n'étaient assurémment la bonne tactique. Il l'utilisait depuis longtemps, attendant que les gens attaquent pour se défendre, mais il savait aussi qu'il ne pouvait pas employer la même méthode à Poudlard. Les choses étaient différentes, il était responsable du gamin, de ses résultats, si quelque chose dérapait, sa responsabilité serait pointée en premier lieu. Plus que d'habitude, parce qu'il était dans une position de pouvoir sur le gamin. Il ne pouvait pas se permettre la moindre erreur. Il envisagea brièvement de se rendre chez la Directrice mais il abandonna l'idée. Les évènements des derniers jours étaient suffisamment inquiétants et prenants pour qu'il ne l'ennuie pas avec des problèmes qui ne concernait que lui alors qu'elle cherchait à protéger l'école entière. A dire vrai, il n'était pas moins inquiet qu'elle. Passé une heure dans une salle d'exercice de magie à essayer de se frayer un chemin entre les meubles qui ne cessaient de bouger, son Sonarcier renvoyé une lumière blanche qui l'avait obligé à le désactiver, sans motif apparent, l'avait poussé dans une inquiétude qui aurait probablement frisé la panique si ça n'avait été son Occlumencie renforcé. Au bout du troisième tour de la salle -à croire que la porte se déplaçait-, il avait finit par arrêter de bouger. Grosse erreur, les meubles l'avaient percuté à intervalles réguliers, que ce soit parce qu'il soit sur leur trajectoire, pour l'agresser ou pour l'inciter à bouger, il n'en savait rien. Quand il avait été libéré, maudissant intérieurement l'oubli de sa baguette dans la poche de son autre robe dans ses appartements, il s'était enfermé dans ses appartements, vérifiant un par un tous les sortilèges englobant son Sonarcier, mais ce dernier s'était révélé impeccable. Et ce n'était que le dernier des incidents, après un détraquage des toilettes des garçons au deuxième étage et bien sûr, l'apparition de Poudlard aux moldus. Qu'il n'ait pas été le seul à subir des bizarreries la veille n'avait fait que renforcer son inquiétude.

Ron, ron, ron

Cela le ramenait à cette copie incorrigible. McGonagall - Professeure McGonagall- mise de côté, ainsi que l'idée irresponsable de jouer le jeu ou celle, bête et méchante, de punir l'élève, il ne restait plus grand chose à faire. Le changement de comportement était trop brusque pour qu'il le punisse. Selon toutes vraisemblances, cela ne ferait qu'aggraver la situation. Voir quelqu'un d'autre qui pourrait gérer l'étudiant. Son menton se redressa alors qu'il envisageait de... Remontant la liste des élèves et leur maison, il chercha celle du jeune homme. Il ne lui avait jamais retiré de points, il lui semblait cependant que c'était Serdaigle, peut-être Serpentard. Serpentard, finalement. Par chance, la maison en question possédait un chef de maison et un adjoint, dans le cas peu souhaitable où le premier ne pourrait rien pour lui ou serait absent. Vérifiant l'heure et trouvant qu'une heure après la fin du diner était encore potentiellement raisonnable, Altair décida de prendre la copie et quitta son bureau, activant machinalement son Sonarcier qui reprit sa place au-dessus de son épaule, mais prenant également sa canne posé contre le mur à côté de la porte, suivit par Cléopâtre. Une fois mais pas deux, il ne se retrouverait pas une deuxième fois aussi impuissant qu'hier s'il avait quelque chose à en dire. Il fit un détour par ses appartements pour y déposer la petite chatte pas du tout contente d'y être enfermée sans lui.

L'avantage sympathique d'aller voir le Professeur Avery, c'était qu'il n'était pas loin de son propre bureau, il n'avait pas besoin de traverser tout le château et le trajet fut assez court pour rejoindre son bureau, frappant à la porte pour s'annoncer, espérant qu'il ne s'était pas déjà retiré dans ses appartements. Altair n'était pas du genre à se mêler à ses collègues. Il les rejoignait pour les repas sur la grande table de la Grande Salle, se rendait occasionnellement dans la salle des professeurs dans des tentatives de sociabilisation éparses. Il était peu pratique d'y corriger ou écrire quoi que ce soit là-bas étant donné qu'il devait dicter ses textes à sa plume à papote, prenant ainsi le risque de gêner ses collègues. Ainsi, il avait, jusque-là, assez peu communiquer avec ses collègues, et jamais à l'initiative, sauf pour les saluer. Le Professeur Avery faisant parti de la catégorie de ceux qui ne lui avaient jamais adressé la parole, Altair n'avait guère échangé plus qu'un salut impromptu à l'occasion. Il savait donc qu'il prenait un risque en venant ici, qu'il soit accusé d'avoir fait quelque chose de suffisamment terrible méritant ce que l'étudiant avait écrit, mais comme depuis qu'il était arrivé à Poudlard, Altair accordait le bénéfice du doute à ses collègues, pariant sur l'intégrité de la Directrice pour être aussi protectrice et intransigeante envers tous les résidents du château. Lui y compris. Une vraie nouveauté pour lui.

L'invitation n'était pas enthousiaste, c'était le moins qu'on puisse, mais elle était là. Il comprenait. A sa place, il ne serait pas non plus ravi d'être dérangé à cet heure. Surtout si c'était un étudiant pour être franc, mais recevoir un collègue devait avoir son lot d'inquiétudes, non pas qu'il n'ait déjà été confronté à une telle situation. Prenant la question comme une invitation à entrer, Altair franchit le seuil, refermant la porte derrière lui. Autant éviter de discuter à moitié dans le couloir, question de discrétion professionnelle.

- Je l'espère, professeur Avery.

Rien ne pouvait être plus vrai à cet instant. Grâce à son Sonarcier, faire son chemin jusqu'au bureau de son collègue se fit assez facilement mais il ne prit pas la liberté de s'assoir, ne pariant pas sur la durée de l'hospitalité du professeur Avery, préférant présenter le parchemin qu'il tenait dans la main comme explication. Il garda sa canne près de lui, s'y appuyant presque nonchalamment.

- Je suis tombé sur ceci en faisant mes corrections et je me demandais dans quelle mesure vous pouviez intervenir.

Directeur de Serpentard, il avait surement moyen d'intervenir à quelconque niveau. La question concernait davantage sa volonté à intervenir, mais Altair avait appris au fil du temps à ne pas demander l'opinion ou attendre le bon vouloir des gens pour faire ce qu'il demandait, il s'adressait directement à leurs compétences et surtout, à leurs obligations de postes. S'ils devaient ou pouvaient intervenir, il n'y avait aucune raison de ne pas le faire, sauf à avouer ouvertement ne pas vouloir remplir ses obligations volontairement pour le contrecarrer. Et autant avait-il reçu à l'occasion des bâtons dans les roues qui furent ignorés par sa hiérarchie, autant les croches-pieds publics -métaphoriques ou non- n'avaient jamais été acceptés. Trop voyant. On ne change pas de bons vieux réflexes de survie. Peu importe d'où ils viennent.