Les vacances d’été suivaient leur cours, et le mois d’août était arrivé avec son lot de journées de chaleur écrasante. Heureusement, les murs anciens de Poudlard gardaient bien la fraîcheur, il faisait bon vivre à l’intérieur. Certes, je devais jeter quelques sorts de protection au niveau des hautes fenêtres de l’infirmerie quand les rayons du soleil venaient taper dedans en fin d’après-midi. Mais ce n’était pas franchement contraignant et au moins, cela m’occupait un peu. Car l’école était vide d’élèves durant les vacances d’été. Je n’avais plus tellement de contact humain, et je trouvais cela un peu triste. Mais c’était ainsi. Au moins, j’avais un toit sur la tête, j’étais nourri et blanchi. Et je pouvais élaborer les potions les plus délicates sans craindre d’être dérangé.

Aujourd’hui, je faisais un petit inventaire de l’infirmerie. Comme j’étais arrivé au mois de mai seulement, je ne connaissais pas encore bien le rythme de l’école en période scolaire. Le professeur McGonagall m’en avait fait un topo rapide à la fin de l’année, à ma demande. Mais je ne pourrais réellement le voir qu’en étant plongé en plein dedans à partir de septembre. Par conséquent, je devais faire en sorte de connaître mon lieu de travail sur le bout des doigts avant la rentrée, afin d’être complètement opérationnel. Le fait d’habiter à Poudlard avait l’avantage de me permettre cela. Bon, apparemment, la directrice était déjà contente de mon travail alors je n’avais pas tellement de pression à avoir.

J’étais en train d’archiver les dossiers des étudiants qui avaient définitivement quitté Poudlard quand on frappa à la porte du bureau. J’autorisai la personne à entrer, et la porte s’ouvrit sur une Merindah visiblement de très bonne humeur. Son aura solaire envahit la pièce comme une vague sur une plage de sable chaud. Un sourire s’étira sur mes lèvres tandis qu’elle entrait, tout aussi souriante.

- Bonjour, Médicomage Meyer. Je vous dérange ? Je venais chercher mon diplôme de fin d’étude, un petit souci d’envoi à cause de l’étranger. Je voulais passer vous dire un petit bonjour au passage.

Je délaissai l’armoire et les dossiers, et contournai le bureau pour la rejoindre.

- Miss Kareela, je suis content de vous voir, répondis-je en guise de bonjour. Vous ne me dérangez pas du tout.

J’avais été présent lorsqu’elle avait passé sa soutenance. Quoi de plus normal que d’aller l’encourager ? Mais j’ignorais qu’elle avait eu son diplôme, même si j'étais sûr et certain qu’elle le décrocherait haut la main. J’avais cru en elle jusqu’au bout malgré ses doutes quant à son avenir. Et j’avais bien fait.

- Cette fois, je peux le dire : félicitations pour votre diplôme, dis-je en écho à notre première rencontre lors de mon arrivée.

Ses derniers mots percutèrent alors mon esprit.

- Euh… vous parlez d’envoi à l’étranger… Alors… Où avez-vous été acceptée ?

Je secouai la tête.

- Non attendez, je reformule, ricanai-je persuadé qu’elle avait eu l’embarras du choix. Où avez-vous décidé d’exercer ?

Elle me remercia, avoua être soulagée que tout cela fût enfin terminé car les nuits de révisions allaient finir par avoir sa peau. Je ne connaissais que trop bien, et y répondis par un hochement de tête et un rire qui se mélangea au sien.

- Mon école avait besoin d’un exemplaire du diplôme, ce que Poudlard a pourtant envoyé, ajouta-t-elle, mais ils certifient n’avoir rien reçu alors… j’ai dû redemander une copie officielle à la directrice et je le déposerai moi-même là-bas, quand je retourne en Australie d’ici quelques temps pour un petit peu de vacances.

Des vacances lui feraient du bien, même si je constatais qu’elle avait repris du poil de la bête. J’étais content de la voir en meilleure forme. Je m’étais beaucoup inquiété à son sujet. J’avais toujours cru en ses talents mais une mauvaise passe pouvait facilement tout faire chavirer. A présent, elle pouvait respirer, et moi aussi.

- Je n’ai pas encore pris de décision, j’ai fait quelques candidatures en Europe, en Australie et en Nouvelle Zélande, mais j’attends encore quelques réponses pour me prononcer.

En tout cas, si l’hôpital de Berlin la contactait, je pouvais me porter garant sans aucun problème.

- Je vois que vous avez commencé à faire vos stocks pour la rentrée, remarqua-t-elle en regardant les listes et fioles entassées sur le bureau.

- Le minimum vital, renchéris-je en m’emparant d’une pile de parchemins que je tapotai sur le bureau pour les aligner correctement.

- Donc vous avez dû apprendre pour votre nouvelle adjointe.

J’arrêtai mon geste et levai les yeux sur elle, interrogatif. Non, je n’étais pas au courant.

- Honnêtement… je n’aime pas casser du sucre sur le dos des gens mais… peut-être préparez vos stocks jusqu’à Noël. Du moins… je sais que c’est ce que Médicomage McCoy avait fini par faire aussi.

Je fronçai les sourcils et pris un air déconfit. Faire des stocks jusqu’à Noël ? A ce point-là ? Misère…

- Ce n’est pas très sympa de me déprimer avant la rentrée.

Mais je ne pus m’empêcher d’en rire… avant de soupirer.

- Sérieusement ? Par Merlin…

Je grimaçai, posai les parchemins dans un coin du bureau.

- Bon, au moins, je suis prévenu.

Je le prenais tout de même de manière positive mais je devais admettre que je n’avais pas hâte de découvrir le manque de volonté de ma future collègue.

Merindah eut l’air désolé.

- Navrée… Mais autant que vous sachiez à qui vous aurez sous peu affaire.

Oui… C’était sympa de me le dire. A croire que même sur un petit poste dans une infirmerie, on ne pouvait pas échapper aux mauvais collègues. J’estimais être doté d’une extrême patience, que ce fut dans ma vie personnelle comme professionnelle, face aux patients comme aux autres guérisseurs, et aux étudiants qui avaient besoin de ma pédagogie. Peut-être ne serait-ce pas si terrible et parviendrais-je à garder mon calme, comme je l’avais toujours fait. Il ne me restait plus qu’à prier.

- Je suis navrée, répéta Merindah, mais je ne peux pas trop vous laisser dans l’ignorance. Honnêtement… pour avoir largement travaillé avec elle pendant mon internat, ce n’est vraiment pas l’adjointe rêvée. Tous les patients la détestaient.

A ce point ? Bon sang…

- Je ne sais pas combien de dossiers elle a confondu. Elle en a égaré certains… voire des prescriptions de potions qu’elle laissait tomber dans le couloir par inadvertance.

Je regardai la demoiselle avec des yeux ronds. C’était pire que ce que je pensais. Qui pouvait être aussi maladroit et malaimé des patients ? J’eus beau fouiller dans mes souvenirs, aucun nom ni aucun visage ne me vint à l’esprit. J’avais pourtant une bonne mémoire. Si j’avais croisé une telle personne à l’hôpital, je m’en serais rappelé…

- Eh bien… Vous n’avez plus qu’à me souhaiter bonne chance, dis-je avec un rire sans joie.

Je rassemblai les dernières fioles à classer, à la main. J’étais tellement déçu que j’en oubliais d’utiliser ma baguette. L’habitude d’avoir partagé la vie d’une moldue également…

- Oui… bonne chance. Parce que… en prime, j’ai entendu dire qu’elle avait un humour vraiment particulier.

Allait-elle en rajouter encore longtemps ? Je commençais vraiment à déprimer, là. J’allais lui suggérer de m’achever tout de suite quand je vis son sourire. Et elle éclata de rire. Ah.

- L’année va probablement être longue pour vous, chef.

Oui, et je constatais que cela la faisait bien rire ! Si on me voyait fuir l’infirmerie en courant à partir de septembre, ce serait tout à faire norm… Mon cœur fit un bond. Attends… « Chef » ? Je regardai Merindah, abasourdi, quand elle ouvrit son sac et sortit une petite pochette cartonnée. Elle en extirpa un parchemin qu’elle me tendit, rayonnante.

- Vous trouverez pas pire infirmière adjointe, c’est certain, dit-elle, toujours hilare.

Je contemplai le parchemin. Tout en haut étaient inscrits les termes « Certificat d’embauche pour le poste d’Infirmière Adjointe à l’école de Sorcellerie Poudlard ». Je levai un regard choqué sur celui de la demoiselle.

- M… mais… vous… comment… bafouillai-je, perdu.

Elle eut tout juste le temps d’enlever le parchemin du milieu, car je me jetais dans ses bras dans la seconde qui suivit.

- Ne me faites plus jamais, JAMAIS, une peur pareille ! m’exclamai-je avant d’éclater de rire.

Ma réaction étant un peu exagérée, je reculai, gêné, et me raclai la gorge. Mon corps avait parlé sous le coup de l’émotion… Je gardai mes mains sur le côté de ses épaules, repris la parole.

- Toutes mes félicitations, je… je ne m’attendais pas à ce que vous choisissiez Poudlard. C’est un bon poste également mais je dois avouer que… je pensais vous voir entrer dans un hôpital.

Je la lâchai, agréablement perturbé, et lui fis un grand sourire.

- Je suis vraiment ravi, Miss Kareela. Ravi de voir que vous avez décidé de continuer, de votre réussite, et surtout… de pouvoir travailler avec vous.

Je lui tendis une main chaleureuse.

- Et bienvenue !