It can't be you

6 Janvier 2023, couloirs de Poudlard

ᛁᛏ ᚴᛅᚾᚾᚬᛏ ᛒᛁ ᛁᚬᚢ

La vie au Royaume-Uni était tout ce qu’il y avait de plus différent de ce qu’Adria avait connu. Elle avait passé sa jeunesse en cavale, passant d’un pays à l’autre, d’une langue à l’autre, d’une culture à l’autre. Si cela lui avait donné une remarquable capacité à s’adapter, cela lui avait aussi donné une certaine envie de stabilité. Ne pas avoir à vivre dans la précipitation, pouvoir défaire ses valises sans avoir crainte de devoir les refaire en vitesse, pouvoir se lier. On pouvait dire ce que l’on voulait des Carrow et plus particulièrement d’Elegius et Sebastian, ils étaient sa famille. Ils l’avaient accueillie et veillaient sur elle, tout en lui offrant la stabilité dont elle avait tant rêvé. Elle ne voyait donc pas Poudlard comme un château froid et austère, mais comme une chance, comme une opportunité d’être libre. Elle continuait alors à être irréprochable. Bonne élève, assidue, serviable, faisant gagner des points à sa maison. Son père adoptif pouvait être fier et c’était tout ce qu’elle désirait. La bonne petite héritière.

Ces derniers temps, elle ne faisait pas trop de vagues, préférant s’acclimater à cette nouvelle vie. Bien-sûr, elle continuait certaines de ses activités… extra-scolaires, disons, mais dans une discrétion et une limite parfaites. Hors de question de risquer de perdre ce qu’Elegius lui offrait et hors de question de ternir le nom des Carrow. Tout était affaire de mesure.

Justement, en parlant de mesure, Adria sortait tout juste de la bibliothèque lorsque tout à coup….

Pouf.

Quoi ?

Hein ?

La voilà qui était incapable de bouger, incapable de parler. Son cœur fit un bond dans sa poitrine, s’accélérant à mesure que l’inquiétude prenait possession de son corps. Ses yeux verts, aussi scintillant qu’une émeraude, cherchaient à rencontrer le regard de quelqu’un d’autre, pour appeler à l’aide. C’est une jeune femme qui se posta alors devant elle, dans la tenue d’une maison qu’elle reconnaissait comme étant celle de Poufousflle. On lui avait dit bien des choses sur la maison des blaireaux, mais… pas cela. Elle claqua alors des doigts et Adria redevint maîtresse de ses mouvements. Arrêtée au milieu d’un pas, son pied droit retrouva la notion de gravité non sans une certaine maladresse. Retrouvant son équilibre juste à temps pour entendre les excuses de la jeune femme postée devant elle qui affirma que… “elle lui ressemblait tellement”. Adria arqua un sourcil, se demandant bien quel genre d’essence de dictame la Poufsouffle avait bien pu fumer. Interloquée et se demandant sincèrement comment gérer cette situation étrange, la brune lui coupa l’herbe sous le pied, lui demandant abruptement si elle était affiliée à Kaan Shafiq.

Oh.


Oh.


Oh mince.

Si Adria ne montra absolument rien de sa perturbation émotionnelle complète, elle se contenta d’arquer un sourcil, l’air de ne pas comprendre. Il allait falloir qu’elle envoie un hibou à Sebastian et ce, le plus rapidement possible. Sebastian serait bien plus à même de savoir à quel point cela était inquiétant.

- Je ne sais pas de quoi vous parlez, navrée, répondit-elle enfin dans un mensonge.

Elle se mouvait sur le côté, pour s’en aller et mettre fin à la conversation, mais son interlocutrice ne sembla pas en l’entendre de cette oreille puisqu’elle l’interrogea sur Alecto Carrow… sa mère. Bon. Elle ignorait qui était son interlocutrice, mais de toute évidence, ce n’était pas simplement une petite curieuse. Elle était informée. Trop informée. A ce rythme là, autant qu’elle se rende directement au cabinet d’avocat Carrow pour s’enquérir de la marche à suivre.

- Alecto Carrow est ma tante, informa-t-elle, puisque, cette donnée était tout ce qu’il avait de plus officiel désormais. Faux, certes, mais officiel.

Sauf que, la brune ne semblait toujours pas vouloir mettre fin à cette conversation. Bon… fuire face à une telle insistance serait suspicieux, non ? S’énerver encore plus. Jouer l'ignorance semblait la meilleure chose à faire. Après tout… Sa mère avait beau lui confier que son père était un Shafiq, tout enfant illégitime ne connaît pas forcément son passif génétique. Pourtant… Adria eut presque des sueurs froides en entendant le nom de son interlocutrice. Peut-être que les Anglais peu connaisseur de géopolitique l’ignoraient, mais… pas Adria. Elle savait parfaitement à qui elle avait à faire. Ce qui… d’ailleurs, menait à une nouvelle question : que faisait-elle ici ? Oh et puis non, ça ne la regardait pas.

- Enchantée, Miss Suleimān-I, dit-elle avec une presque parfaite prononciation turque. Adria Carrow. Navrée de ne vous avoir reconnue, je ne suis arrivée à Poudlard qu'en Septembre.

It can't be you

6 Janvier 2023, couloirs de Poudlard

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Pouvait-on parler de rencontre plus étrange que celle-ci ? Probablement pas.

- Oui, ma tante, répondit-elle sans pouvoir s’empêcher de conclure que ce n’était en rien ses oignons.

Mais finalement, l’impolie s’était présentée. Inutile pour Adria de demander qui elle était. Bien évidemment, de part ses nombreux voyages scolaires, la jeune Carrow savait exactement à qui elle avait à faire. Disons que… être étudiante en archéomagie impliquait d’avoir eu la Méditerranée comme terrain de jeu à outrance. Si la scandinavie et ses runes avaient volé son coeur, il n’empêche qu’elle avait commencé par les cultures plus proches de Beauxbâtons que celles du grand nord. Ainsi… cette manière de l’arrêter avec prétention… semblait tout à fait coller à un comportement de petite princesse. Mh. Difficile d’imaginer que cela puisse très bien passer en terre Anglaise. Mais soit. Ça n'était pas son problème.

Alors qu’Adria se sentait sortie des problèmes par ces présentations… l’interrogatoire repris de plus belle. On pouvait largement parler d’impolitesse complète. Allait-elle lui demander un test ADN en prime ? Mais pour qui se prenait-elle à insister de la sorte ? Ah, oui. Une princesse, visiblement. Une princesse qui n’avait pas l’habitude qu’on lui donne pas ce qu’elle veut ? Possible. Bon. Ca n’était pour autant pas moins inquiétant pour Adria qui n’en montrait pour autant rien. Elle avait été habituée aux interrogatoires incessants des Aurors, alors ce ne serait pas Aylin qui la ferait trembler de plus… si elle en avait suivi les longues discussions légales d’Elegius, Aylin n’avait absolument aucun droit de faire quoi que ce soit de cette conversation.

- En effet. Je vois que la réputation de mon cher père est belle est bien avérée au-delà de nos frontières, dit-elle avec un sourire destiné à être fier de son père.

Était-ce faux ? Non. Elle était véridiquement admirative des accomplissements d’Elegius, et ce peu importait le fait qu’il soit en vérité son cousin et non son père.

Mais voilà qu’Aylin reprenait à nouveau son argumentaire ! Bon sang. De toute évidence, la jeune Poufsouffle semblait bien trop fière pour supporter de ne pas avoir gain de cause. S’en devenait presque… plus irritant qu’inquiétant. D’autant plus qu’Aylin se mit à sortir une photo de famille, pointant du doigt une femme qui.. en effet lui ressemblait. Évidemment… Adria avait déjà vu des photos des filles de Kaan. Ou de Kaan lui-même. Ça n'était en rien une découverte à cet instant, même si Adria feignit la surprise avec brio. Encore une fois… merci les interminables interrogatoires des Aurors. “Comment ça, vous avez des preuves que ma mère soit actuellement en Roumanie ? Ooh quelle surprise !”. Ah qui aurait cru que ces vicieux officiers lui soient un jour utiles ?

- Ooooh ! dit-elle en ouvrant de grands yeux. Je comprends bien plus votre surprise ! La ressemblance est en effet des plus amusantes.

Amusante ? Cette fichue Cennet était son portrait craché en brune aux yeux marrons. Même pas besoin de polynectar si elle voulait prendre son apparence. Un sortilège de coloration des cheveux et des yeux et le tour était joué. Bon sang. Une sérieuse conversation avec Sebastian s’imposait, parce que si Aylin avait un tel culot d’insister, nul doute qu’elle ne s’arrêterait pas dans ses petites recherches.

- Navrée, je suis un brin trop jeune, plaisanta-t-elle, feignant une étincelle d’amusement dans ses iris émeraude. Et je vous en prie, il n’y a pas mort de sorcier. Néanmoins, si je peux me permettre un conseil, ici, nous n’avons pas pour coutume d’ainsi arrêter les gens au milieu d’un couloir. Les Anglais sont bien plus… formels que dans le sud. Je suis sûre que vous avez déjà eu le privilège de témoigner de ces différences. Je vous le promets, on finit par s’y faire.

Oui, elle continuerait de répondre par l’innocence. Que pouvait-elle faire de plus de toutes manières ? C’était sa parole contre la sienne, et actuellement, c’était Aylin qui faisait preuve d’irrespect. Le tout pour Adria était donc de rester patiente et plus blanche qu’une colombe. Heureusement, c’était ce qu’on lui avait toujours appris à être.

Sauf que, voilà qu’elle continuait, ramenant dans la conversation son père. De toute évidence, Aylin ne croyait pas un traître mot de ses paroles. Mais quoi ? Elle allait se plaindre à papa qu’une fille de Poudlard refuse de lui dire la vérité ? Et ? Qu’allait-il faire ? L’extrader pour la torturer au milieu du désert jusqu’à ce qu’elle confesse la vérité ? Difficile de croire qu’une telle famille s'accommode de telles mesures pour la simple petite sorcière qu’elle était. Alors oui, c’était le chemin de pensée d’Adria. Elle avait toujours eu une grande aptitude à prendre du recul, sur le moment. À faire preuve de calme, de mesure et juger les options. Allait-elle lui proposer de lui donner une photo d’elle pour attester de la ressemblance ? Et puis quoi encore.

- L’erreur est humaine.

It can't be you

6 Janvier 2023, couloirs de Poudlard

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Avait on déjà vue personne plus fausse que cette Aylin ? Adria commençait elle-même à en douter. Les princesses étaient supposées avoir de l’élégance. Cette femme n’en avait aucune. Elle insistait, mentionnait de nouveau cette “quatrième mère” et se confondait désormais en excuses dont Adria ne croyait pas un seul mot. Mais Aylin n’était personne ici. Elle était loin de sa terre natale. Ici, elle devrait se plier à d’autres influences. Combien de temps faudrait-il à Elegius Carrow pour avaler une petite Poufsouffle ? Probablement peu.

- Je ne peux que compatir à votre déception. Mes années d’étude loin de mon père et mon frère ont été bien plus abruptes que ma fierté ne l’aurait voulue, dit-elle d’un air faussement compatissant.

L’innocence. L’innocence. Et toujours l’innocence. Que pouvait-elle faire de plus ? Pas grand chose, à vrai dire. Il lui fallait attendre de s’entretenir avec sa famille et probablement avoir l’intelligence de ne pas partir en Afrique de si tôt. Mais cela était à vrai dire tant mieux, sa passion allait pour la Scandinavie, terre des runes.

Affichant toujours un léger sourire face aux excuses d’Aylin, Adria leva doucement la main en signe d’arrêt. Certes, elle ne croyait pas non plus à ces excuses. Vu sa prétention et son insistance, Aylin n’avait aucun centimètre carré de culpabilité dans son cœur face à un quelconque manque de respect.

- Tout va bien. Après tout, ce n’était qu’une méprise et je ne peux que comprendre que votre famille vous manque, dit-elle avec une nouvelle once de fausse compassion. Uagadou doit être une école bien différente de celle-ci. Il me faut encore parfois quelques temps pour m'habituer aux différences entre Poudlard et Beauxbatons, mais la différence ne doit que vous être d’autant plus grande. Pour autant, je suis persuadée que vous y ferez.

Après tout, au fond, Adria compatissait peut-être un peu plus qu’elle ne l’aurait voulu, au delà de cette terrible envie de gifler Aylin pour son insistance outrageuse. Mais au moins, Aylin avait eu le luxe immense de pouvoir s’enraciner quelque part, ce qu'Adria n'avait pas eu. Aylin jouait sur une corde sensible, et, outre le fait de faire éclater au grand jour la vérité, elle menaçait de priver Adria de sa liberté en remettant les Aurors sur sa trace. Ainsi, elle refusa de continuer cette conversation plus longtemps. C'était bien trop risqué et il lui fallait les conseils de Sebastian.

- Néanmoins, il me faut partir. Je n'ai aucune ambition à faire perdre des points à ma maison pour être en retard au prochain cours. Au plaisir, Aylin, lança-t-elle avant de s'éloigner.