Je m'appelle Lan Yazhu (蓝雅竹), mais cela n'a pas toujours été le cas. Né sous le prénom de Xinyi (欣怡), je viens d'une ancienne famille de sang purs du centre de la Chine, à Changsa plus exactement.
Mes parents, Lan Guangzhao et Jiang Ziyuan, ont donné naissance à trois enfants : ma soeur, Lan Meirong, d'un an mon aînée, et mon frère, Lan Xinlei et moi. Depuis ma naissance, nous avons tous vécus dans la même maison de Taiping Street (太平街), la rue la plus sorcière de la ville, et cela en compagnie de nos grands parents, Lan Zhonghua et Lan Shuqin. Des noms compliqués n'est-ce pas ? Et c'est encore pire quand on sait que j'ai changé de prénom depuis, mais j'y reviendrais.
Mon enfance s'est, pour ainsi dire, passée comme toute enfance d'enfants chinois. Deuxième d'une fratrie de trois, mon frère et moi n'étions vu que comme des non-sens dans cette ville pleine de moldus car si les directives de leur gouvernement ne s'appliquait pas à nous... Nous n'en restions pas moins des erreurs, des choses qui n'auraient pas dû exister.
Cela m'a-t-il perturbé ? Pas vraiment. Nous avons très vite su que nous n'étions pas comme eux. Fils aîné d'une famille ancienne et pure, mes grands parents autant que mes parents veillaient à ce que nous ne nous mélangions pas à ceux qui ne pouvaient ni ne devaient comprendre ce que nous étions : des sorciers. Quant aux autres, aux sorciers ? Nous n'avions à vrai dire pas vraiment besoin de les éviter puisqu'eux même le faisaient. Notre famille n'échappait ni aux rumeurs ni aux murmures diverses, bien au contraire, nous en étions souvent la cible. Les Lan étaient trop connus pour échapper aux regards. Famille puissante, nous (mes ancêtres, entendons-nous car mis à part notre maison cela n'est aujourd'hui plus le cas depuis un certain temps maintenant) régnions sur la région. Sages et justes, les Lan étaient connus pour leur vertu et leur vie vouée à la communauté. Ils se faisaient les protecteurs des plus faibles, des sorciers comme des moldus, et leur influence s'étendait bien au-delà des frontières de Changsha. Les récits anciens racontaient que les Lan étaient un pilier de la région, respectés et honorés pour leur droiture et leur dévotion. Leur savoir magique, autrefois utilisé pour le bien, était partagé dans les moments de crise, lorsque des forces menaçaient l’équilibre que mes ancêtres s’efforçaient de préserver.
Mais cet héritage de justice et de sagesse n'était pas sans faille. À mesure que le pouvoir des Lan s’étendait, une obsession pour les pratiques anciennes commençait à se glisser parmi eux, une soif de compréhension qui les poussa à expérimenter des forces que beaucoup considéraient dangereuses. Des murmures racontaient comment les Lan avaient commencé à frôler des formes de magie qui mettaient en péril l'équilibre même qu’ils s’efforçaient de maintenir. À force de rechercher la maîtrise parfaite de la magie, certains s’étaient éloignés de la vertu, jusqu’à sombrer dans des pratiques que la communauté considérait comme impardonnables. Certains, même tentèrent des les arrêter... Et ce fut la fin des Lan.
Qu'est-ce que cela peut bien avoir avec nous ? Vivant quelques centenaires plus tard (deux pour être exact) ? Hé bien beaucoup de choses. C'est en effet à cause de ce passé que nous sommes montrés du doigt, comme si les choses n'avaient jamais changé, comme si nous avions continué nos sombres projets et... Soit. Cela a été le cas. Mon père avait un frère auparavant, Guangyao. Un homme attentionné, sans nul doute pour ce que je me souvenais encore, mais dont les idéaux étaient bien différents de ceux portés par mes grands parents. Il voulait... Non. Il rêvait de réinscrire les Lan dans l'histoire. Et il se détruisit lui même. Voulant sauver je ne savais déjà plus quel moldu lors d'une histoire qui ne faisaient que les concerner, l'homme a faillit et s'est dévoilé. La communauté magique en a été secouée, les moldus tout autant et il a fallut nombre de sorts pour rétablir la méconnaissance de notre sang... De quoi suffisamment ravivé la flamme de la haine dans le coeur des sorciers qui nous entouraient. De quoi entraîner sa mort qu'il se donna lui même par honte.
C'est donc dans cette méfiance extérieure et la pression intérieure que je grandis. Enfant sage et obéissant, je ne comprenais pas toujours tout, mais je faisais ce que l'on me demandait sans sourciller et entrai ainsi à la suite de ma soeur à Mahoutokoro, l'école japonais.
J'y appris à parler le japonais, bien sûr, mais aussi l'anglais et surtout à maîtriser ma magie. A vrai dire, là où mes parents pensaient que l'école de magie la plus stricte du monde soit un biais pour nous entraîner vers la lumière... Ce fut paradoxalement là où je découvris les arts occultes. Je veux dire... Les
véritables arts occultes. Moi qui n'avait jamais tout compris à ce passé que l'on nous obligeait à porté, je me découvris curieux et, poussé par ce besoin de comprendre cette magie qui avait mené à notre chute, je devais avoir douze ans lorsque je me mis en tête que cela pourrait peut être être la clé de notre rédemption.
Je n'allais pourtant pas faire les mêmes erreurs que mon oncle, non, évidemment. Alors j'allais devoir apprendre, apprivoiser cette magie sans jamais franchir la limite. Mais quelle limite ? Sûrement celle-ci n'était-elle pas exactement la même pour mes parents et moi et c'est pour cela que je leur cachai tout. Sans exception. De mes recherches à mes entraînements, ils ne furent au courant de rien.
C'est à cette époque que je me suis aussi découvert une passion pour l'astronomie. Pas tant dans ce que cette matière est réellement, mais davantage pour l'apaisement que les étoiles m'apportèrent dans ces moments de solitude. Ce fut d'ailleurs lors d'un cours d'Astronomie que je rencontrai ceux qui allaient devenir mes meilleurs amis : Phùng Quang Triều, Yong Songhyon et Kelii Khamchanh. Quatre garçons de quatre nationalités différentes. Et rapidement, nous avons parler de cela, de ces arts que j'étudiais, qu'ils étudiaient aussi. Une coincidence ou le destin... Nous ne nous sommes jamais mis d'accord sur cela. Mais ce n'était pas le plus important, loin de là, car j'avais finalement trouvé des gens avec qui parler, à qui me confier, des garçons qui comprenaient ma soif d'apprendre et mon envie de faire les choses
bien. Ensemble, nous cherchions à comprendre et à apprivoiser ce que d'autres condamnaient sans second regard. Nous avions cette foi que la connaissance pouvait réhabiliter ce qui était considéré comme dangereux voire interdit.
Qui aurait pu croire que ce qui n'était qu'un groupe d'étude allait se transformer en véritable malédiction pour trois d'entre nous ? Certainement pas moi, bien trop convaincu du bienfondé de ce que nous faisions.
22 ans. C'était l'âge que nous avions tous les trois. Après neuf ans de vie commune, après neuf ans de recherches, nous avions l'impression de maîtriser les choses. Quelle idée. Et pour dire toute la vérité, je n'ai plus réellement de souvenir de ce qu'il s'est passé ce soir là. C'était les vacances d'été. Nous venions de terminer nos licences respectives. Moi en droit, d'autres en botanique, un était parti en journalisme. Nous avions la vie devant nous, nous avions tous des envies, des projets, mais Triều avait décidé de jouer les apprentis potionnistes. Je me souviens de l'avoir vu lever sa main nous disant qu'il avait pris connaissance d'un sort puissant pour... A vrai dire je ne sais plus. Mais il voulait le faire. Nous avons reculé, plus amusés qu'inquiets. Son sort... Son sort a rebondit, le chaudron a giclé sur lui et puis le silence se fut. Nous avons tous ri, le trouvant idiot. Lui qui était si sûr de lui, il avait encore du chemin à parcourir, c'était évident. Mais lui ne rit pas. Lui était resté silencieux. Je m'étais rapidement inquiété, m'approchant de lui pour voir si cela allait, après tout avait-il pu se brûler ou que savais-je. Sa potion était peut-être acide, ou urticante ou... Ses yeux étaient comme injectés de sang. C'est la seule chose dont je me souviens réellement. Cela et ce qui me parut être un coup de folie. Un coup de folie inarrêtable. Il hurlait ou... Ou il gémissait, je ne sais plus. Mais nous ne savions pas quoi faire. Donner l'alerte nous semblait à tous hors de propos car cela nous aurait tous mis dans l'embarras, dans un déshonneur évident pour ma famille. Alors j'avais agis. Je l'avais suffisamment étudié, je savais ce qu'il fallait faire et l'imperium me permit de le contrôler. Je pensais que cela allait nous donner le temps de réagir, de savoir quoi faire, mais Songhyon avait déjà lancé un sort bien plus brutal et Triều s'effondra au sol, livide.
Resté choqué, il me fallut plus d'une heure pour réussir à parler, pour ne plus trembler. Songhyon semblait avoir déjà outre passé le choc, ou l'avait-il au moins été, choqué ? J'en doutai lorsque j'attrapai son col pour hurler, pour tenter de comprendre ce qui lui était passé par la tête. Et la réponse fut simple : il était fini. Mais pourquoi fini ? Pourquoi pouvait-il un instant pensé que Triều qui n'avait fait que jeter un sort sur une satanée potion était fini ? Et pourquoi cela ? Pourquoi quand je le tenais sous ma coupe et... "Tu ne peux plus aller à Mahoutokoro, je n'ai fait que t'accompagner dans ton exil".
Les mots me frappèrent autant que la mort de Triều. Je reculai de quelques pas. L'imperium. Je... J'avais réfléchis sous le prisme de la peur, sous ce que je pensais connaître. Je n'avais pas pensé à
ça et... Et maintenant...
Maintenant, je ne sus plus quoi faire.
Huit jours durant je n'étais pas rentré chez moi. Songhyon nous avait quitté ou plutôt... Nous l'avions chassé. Il n'avait aucun regret, comme s'il avait fait cela consciemment, comme si celui qui était son ami lui avait servi de "test" pour ce sort impardonnable. Kelii, lui, avait ramené le corps de Triều à sa famille, exposant le méfait du coréen pour me couvrir, moi. Moi qui étais resté prostré dans ce qui avait été notre base, notre lieu de vie. Cet endroit d'où je fus chassé par l'arrivée de sa famille, par l'arrivée des proches meurtris qui m'obligèrent à rentrer dans la mienne, me plaignant alors qu'ils auraient dû vouloir ma mort.
Et ce fut dans ma famille que je dus dire la vérité. Leur cacher ? Impossible. Pas quand je ne pouvais plus retourner dans l'école qui avait fait tant leur fierté par mes résultats que leurs espoirs. Et la honte fut presque plus terrifiante que le reste dans leurs yeux.
Les mots de mes parents me frappèrent comme un coup de fouet. Ils disaient que je devais quitter le domicile, que je n’avais plus de place ici tant que je n’aurais pas retrouvé cet honneur que j’avais perdu. Ils parlaient de réparation, de rédemption, comme si ces concepts m’étaient déjà clairs, comme si la marche à suivre s’imposait naturellement. Mais, pour être honnête, je ne savais pas ce qu’ils attendaient vraiment. Retrouver mon honneur ? Comment ?
Ma sœur tenta de me défendre. Elle argumenta, expliqua, chercha à apaiser nos parents en leur disant que j’avais agi sous le coup de la peur, que je n’avais pas voulu ce qui s’était produit. Mon frère lui aussi, tenta de plaider en ma faveur, mais rien n’y fit. Ma mère se détourna de moi, le visage figé par la déception, tandis que mon père me fit comprendre que cette discussion était close. Ils me répétaient que je pourrais revenir lorsque j’aurais retrouvé cet honneur perdu.
Alors je partis.
Je me retrouvai seul, errant sans direction, rejeté de la maison qui avait été le cœur de mon enfance. À Changsha, un sentiment de vide et de honte me poursuivait à chaque pas. Finalement, sans trop savoir pourquoi, je me retrouvai dans un petit quartier moldu de la ville, loin des regards accusateurs des miens. Et enfin, je m'effondrai.
Assis sur le trottoir pendant des heures sous la pluie, je ne vis pas cet homme avancer. Je ne vis que sa main qu'il tendit vers moi, le regard doux me fixant alors. Et je pris sa main, sans un mot. Il m'emmena chez lui, dans son restaurant en face de l'endroit où je m'étais effondré. Il me donna de quoi me sécher. Il me donna de quoi boire et manger. Et moi... Je lui proposai mon aide.
Pourquoi ? Parce que j'étais seul, que si je l'aidais, j'allais avoir un toit au moins pour la journée et parce que la chaleur que sa main m'avait procurée m'avait apaisé et que je ne voulais pas que cet apaisement parte aussi vite qu'il était arrivé.
Il accepta.
Et de sorcier de Mahoutokoro, en moins de 24h, je devins un faux moldu cuisinier et apprenant à jardiner. Ce petit boulot devint mon refuge. Je me levais tôt, travaillais dans la cuisine, les mains occupées à préparer des plats simples mais délicieux, puis je passais mes après-midis dans le jardin, à tailler les plantes, arroser les parterres, m’occupant des choses les plus simples et les plus essentielles. Ce travail répétitif m’apportait une sorte de paix, me permettant de me retrouver loin des attentes écrasantes de ma famille. Cet homme, dont je ne connaissais même pas le prénom, me laissait en paix, me donnant la liberté de travailler et de penser sans jugement.
Les mois passèrent, et peu à peu, je retrouvai un semblant de confiance. Cet homme m’apprit des choses que je n’avais jamais réellement comprises : la valeur de l’effort pour soi, la patience dans chaque tâche, la satisfaction de voir quelque chose grandir sous ses soins, que ce soit une plante ou une simple soupe. Je pris goût à cette existence modeste. Il ne cherchait pas à connaître mon passé, et je ne cherchais pas à lui mentir. Pour la première fois, je pouvais exister sans devoir me conformer aux attentes de ma famille ou de la communauté sorcière.
Un an passa ainsi. Cet homme m’avait aidé plus que je n’aurais su le dire. Grâce à lui, je sentais que le poids de la honte s’était allégé, même si la culpabilité, elle, restait profondément ancrée en moi. Et ce fut cette même culpabilité, celle qui m'étreignait encore un peu plus dès que je passais non loin de la rue qui m'avait vu grandir, celle qui me frappait lorsque j'apercevai ma sœur, mon frère ou mes parents au loin, qui me poussa à partir.
Un soir, sans un mot, mes économies rassemblées, je quittai le restaurant. Pour aller où ? Je n'en savais rien. Et Beijing fut ma première destination. J'y restai quelques mois, le temps de rassembler de nouvelles affaires et surtout le temps de me créer un nouveau but : je devais regagner l'honneur de ma famille. Je devais retrouver mes proches. Et pour cela... Je devais continuer. Mes études, mes recherches. Je devais maîtriser ce qui nous avait fait chuter... Ce qui m'avait fait tomber à mon tour. Mon oncle en était mort, mais moi... Moi j'allais réussir.
Et je partis ainsi. Mon choix se porta sur le Royaume-Uni. La raison ? Je parlais anglais, déjà. Et ils avaient une école de magie connue et reconnue. Cela avait suffit. Cela et leur cursus en droit, évidemment. Alors... Je rejoignis Londres par portoloin. J'y trouvai un emploi sur Gerrard Street, au centre de la capitale anglaise, chez un autre moldu possédant bon nombre de commerce. Bien moins agréable que le précédent, je n'y fis pas vraiment attention. Il me payait sans même me demander de carte d'identité. Ce fut le plus important.A vrai dire, grâce ou à cause de lui, je pus faire beaucoup de choses durant ces trois années où je dus économiser. Je commençai par être cuisinier, comme je l'avais été. Puis il me changea de boutique et essaya de me faire devenir calligraphe. Ce fut une très mauvaise idée. Sans magie, j'avais deux mains gauches. Alors je devins masseur. Au moins arrivai-je à maîtriser cela rapidement et j'y restai un an et demi avant qu'une place ne s'ouvre dans un salon de thé. Et je devins finalement pâtissier - serveur. Et tout cela sans magie. Enfin... Officiellement. En cuisine ou en pâtisserie... Enfin, cela reste une autre histoire.
Toujours est-il que j'atteignis enfin la somme recherchée lorsque j'atteignis 26 ans. Je fis d'ailleurs ma demande à Poudlard le jour de mon anniversaire. Une demande qui m'obligea à des entretiens et surtout à quitter ces moldus désagréables que je n'appréciais pas. Une chance. Une véritable chance. Car ma candidature fut retenue. Et à 27 ans, je retournai alors sur les bancs de l'école.
J'allais pouvoir enfin retrouver mon honneur.
J'allais pouvoir enfin faire ce pour quoi ma famille était née : la puissance et le respect.