J’adorais cet emploi. C’était définitif. J’aimais enseigner. Quand bien même beaucoup d’élèves me qualifiait de monstre à enlever des points à chaque mauvaise réponse, cela ne me dérangeait pas. Au contraire. Ils progressaient. Et cela me rendait, à vrai dire, étrangement fière. Aurais-je donc un cœur plus grand que celui que je ne l’imaginais ? Ou était-ce là simplement la fierté du travail bien fait ? Question pertinente à laquelle je n’apporterais aucune réponse car cela ne m’intéressait tout bonnement pas. J’étais fière. Cela me suffisait.
D’ailleurs ressentais-je actuellement cette fierté face aux copies que je corrigeais alors. Plus qu’une petite dizaine et je pourrais enfin partir en direction des serres pour y retrouver Matthew, l’un des meilleurs moments de ma journée, pour sûr.

Concentrée dans mes parchemins, rayant, raturant, corrigeant la moindre faute et félicitant les bonnes réponses, j’avais accepté de me laisser une pause de deux minutes, un café en main, afin de me réchauffer un peu. Il ne faisait pas bien chaud, ici, dans les sous-sols du château. Voilà, d’ailleurs, une chose à laquelle j’allais devoir remédier. Impossible de travailler convenablement dans ces conditions. Même pour une descendante du Serpent qu’était Salazar. Enfin. Au moins aurais-je bientôt terminé ces corrections. C’était là l’avantage de travailler après les cours et non entre deux : les élèves fuyaient bien souvent les bureaux des professeurs, j’étais donc tranquille sans personne pour me déranger… Ou pas.

- Par tous les mages. Pestai-je en fourchelangue en entendant cogner à la porte du bureau.

C’était bien ma veine. A dix copies de la fin, alors que je m’apprêtais à terminer ma courte pause, voilà qu’un étudiant venait me déranger. Pour quoi ? Une question, bien sûr, sans doute. Encore une incompréhension dû à une bêtise certaine dudit élève.

- Entrez. Soufflai-je malgré tout, consciente qu’il s’agissait là de mon travail.

Et ce ne fut pas un élève qui s’introduisit dans le bureau mais une étudiante. Et plus âgée que moi qui plus est. Adria Carrow. Arquant un sourcil, surprise sans que cela ne soit visible sur mon visage resté impassible, je la laissai s’approcher.

- Je sais qui vous êtes. Répondis-je froidement en la toisant de haut en bas. Inutile de vous présenter.

La fiancée de mon frère… Imaginer que je n’étais pas au courant était mal me connaître, presqu’insultant, d’ailleurs. Outre le fait qu’il s’agissait de mon frère, j’étais au courant de tout ce qui pouvait se passer dans cette école. De près, ou de loin.

- Ce que vous ne me dîtes pas, par contre, c’est ce que vous désirez.

Polie ? Je l’étais. Plus froide qu’un glacier, certes, au regard bien trop altier pour laisser percevoir la moindre trace de douceur, mais polie. Du moins… Pas insultante, disons plutôt cela.

- Mais laissez-moi deviner... Repris-je. Je n’étais pas là au dîner partagé avec ma famille et vous avez jugé bon de venir vous présenter à celle qui sera votre belle-sœur.

Me levant de ma chaise, je fis le tour du bureau pour m’y appuyer, bras croisés, observant toujours la sorcière.

- J’hésite donc entre l’idée que vous désirez vous sentir la bienvenue dans la famille Gaunt. Ou celle qui me pousse à croire que vous n’êtes là que pour jauger la situation dans laquelle vous vous trouver. Vous allez après tout épouser un homme dont la famille n’a pas la réputation la plus facile. Admis-je sans l’ombre d’une hésitation. Cela serait logique quoique je n’apprécie pas être prise pour un animal de zoo. Pour ce qui est de ma première idée, je doute que je sois la personne la mieux placée pour vous accueillir chez les Gaunt. Ma mère est bien plus raisonnable que moi à ce sujet alors que je ne peux moi-même pas juger de votre capacité à faire honneur à ma famille.

Raisonnable et foncièrement soumise. Si mon père ou, à défaut, Thomas décidait, elle suivrait et courberait l’échine. Ce n’était pas mon cas. Mes fiançailles ratées l’avaient prouvée. Et si l’honneur fait à ma famille n’était pas réellement au centre de mes priorités, je n’en restais pas moins une Gaunt, descendante de Salazar Serpentard. Et il était bien hors de question que je ne jauge pas toute personne voulant porter ce nom et cette famille.

Arquant un sourcil, je ne pus qu’admettre que ma future belle sœur savait au moins garder toute contenance face à une personne semblant hostile. Un bon point. Se tenir était le point central de toute bonne éducation pure. Parfait. Cela dit, rien ne me disait ce qu’elle venait faire ici pour autant. Ainsi vins-je l’indiquer non sans lui offrir ma propre réflexion quant à sa présence dans ce bureau. Venant d’être offerte à la famille Gaunt, il était somme toute normal de vouloir en connaître les membres. De bon ton ? Peut être pas. Mais normal, effectivement.

Pour autant, je n’appréciais pas être prise pour un animal de zoo à apprivoiser. Bien au contraire. Pire. J’étais peut-être la dernière personne à pouvoir l’accueillir dans cette famille comme il se devait. Ma mère, elle, l’était bien plus. Une mère qui lui avait déjà fait bon nombre de « compliments » qu’elle me récita alors, me faisant arquer un sourcil dédaigneux. Soit. Cela ne m’étonnait même pas d’elle, à vrai dire. C’en était presque dépitant.

- Ma mère a donc fait le travail. Indiquai-je toujours aussi froidement. Parfait. Alors qu’attendez-vous ?

Elle ne voulait pas juger de ma famille, la sienne n’étant pas exempte de sujets à discussion. Soit. Cela m’importait peu. Elle n’avait, de toutes les manières, pas d’autre choix que celui d’être liée aux Gaunt. Qu’elle juge, ou non, la famille à laquelle elle allait devoir se vouer n’était donc pas réellement important. Tant qu’elle le respectait extérieurement tout du moins.

- Vous verrez tout autant de dégoût en portant le nom de mon frère. Lui indiquai-je sans la moindre hésitation. Estimez-vous donc heureuse d’y être déjà habituée.

Peut-être aurais-je pu être plus agréable avec une femme vendue. Là où j’avais échappé à ce destin, elle n’avait aucune échappatoire. J’admettais, alors, ne pas non plus être particulièrement à l’aise face à cette idée. En ajoutant à cela la fierté Gaunt qui coulait dans mes veines… Je me devais de jauger la situation avant tout désir d’apaisement.
Néanmoins… Son apparente candeur m’arracha un sourire amusé alors que je croisais les bras, levant les yeux au ciel.

- Vous n’avez visiblement pas rencontré mon père qui ne doit pas tarir d’éloges à mon sujet pour garder cette candeur à mon égard. Soufflai-je, sarcastique. Mais parlons, d’ailleurs, de cette candeur dans ce cas. Vous semblez être un parfait pot de fleur. Arrosée et taillée, vous serez une parfaite maîtresse de maison. Repris-je dans une fausse politesse imagée particulièrement insultante.

Posant mes yeux sur la bague qui ne m’avait pas échappé, j’esquissai un nouveau sourire amusé. Voilà qui était particulièrement officiel et lourd de sens. Elle porterait la famille Gaunt et ses héritiers sur ses épaules. Des épaules taillées pour cela, à ce que je savais d’elle : un ficus, voilà ce qu’elle semblait être. Voilà où était le « problème ». Dans un monde fait d’apparence, comment connaître la vérité ? Était-elle aussi insipide qu’elle le laissait paraître ou était-elle capable de réfléchir ? J’osais espérer que la réflexion faisait partie de ses capacités mais comment le vérifier ?
Quelle question. Penchant légèrement la tête, je fis volteface pour me rendre, sans me presser, derrière mon bureau afin d’y attraper ma baguette observant ma « belle-sœur » dans un sourire.

- Bien. Puisque vous venez vous présenter à moi, autant que nous apprenions à nous connaître sans faux semblant, n’est-ce pas ? Soufflai-je. Legilimens.

Sûrement était-il inutile de lui indiquer ce que je venais de faire, le mot était bien trop connu pour être ignoré. Mes yeux fixés dans le sien, je venais d’user de ce don que j’avais appris à maîtriser pour des raisons toute autre que celle de voler les secrets de mes pairs mais qui me servirait aujourd’hui visiblement bien plus que je n’aurais pu le penser à l’origine.

- Je vais effectivement poser une question. Répondis-je à ses pensées. Penses-tu au moins être digne de porter le nom d’un Gaunt ?

Une seule question, simple. Nous avions déjà un pot de fleur dans la famille portant le nom de ma mère. Si mon frère voulait transformer notre manoir en serre botanique, grand bien lui fasse, mais cela ne serait pas digne de notre famille alors… Pourquoi ? Il avait accepté, non, poussé, mes fiançailles avec Matthew pour faire entrer notre famille dans un monde dont elle était exclue, alors pourquoi épouserait-il un rosier sans aucune autre matière que son joli sourire et ses courbettes ?

Partir sur de bonnes bases ? Allons. Elle comme moi avions été élevé dans les faux semblant, les apparences et l’hypocrisie la plus constante. Alors pourquoi devoir nous incommoder de « bonnes bases » ? Enfin. Soit. Cette innocence n’était donc pas qu’une simple rumeur ? Merlin… Je ne l’espérais pas. Cette belle plante allait bien trop rapidement déchanter si cela était le cas. Porter notre nom de famille ne se faisait, effectivement, pas sans heurt. Le savait-elle ? Se rendait-elle compte du poids que pouvait représenter le nom de « Gaunt » ? Du dégoût qui pourrait se faire ressentir dans certains regard, dans certaines paroles ? Nous n’avions certes pas à porter les erreurs de nos ancêtres mais combien de sorciers étaient capables d’oublier malgré tout le passé ? Bien trop peu comparé à ceux qui n’hésitaient pas à nous le rappeler. C’était un fait.

Pour autant, Adria semblait le savoir ou tout du moins en admettre la possibilité. Elle n’était pas naïve, disait-elle ? Soit. Des preuves allaient devoir m’en être données pour que je puisse y croire, ne serait-ce qu’un tant soit peu car sa présence dans ce bureau ne me démontrait rien d’autre que le contraire pour le moment.
A cet instant, en effet, Adria Carrow n’était qu’un parfait petit pot de fleur que mon frère allait pouvoir arroser quand bon lui semblerait. Ce n’était pas ce dont ma famille avait besoin. Oh. Certes, je n’avais pas à discuter les envies de mon frère, car seul lui aurait pu décider de ses fiançailles au vu de l’état de notre père, mais malgré tout… Non. Notre famille avait besoin de plus. Au moins me confirma-t-elle que mon père n’était toujours pas en état. Il ne se serait jamais tenu à si large distance dans le cas contraire, bien évidemment. Cela lui permettait, au moins, de ne pas avoir eu d’apriori sur moi au vu de son apparente candeur.

Allais-je néanmoins m’arrêter à cela ? Non. Car son rire m’avait fait hausser un sourcil, surprise de cette réaction. Bien. Au moins supportait-elle la critique directe car c’était bien de cela dont il s’agissait là. Pour le reste… J’allais visiblement devoir le chercher moi-même. Ainsi avais-je attrapé ma baguette pour user de ce que je maîtrisais le mieux depuis mes quinze ans… La légilimencie.
Je dus admettre être ravie de la surprise que cela entraîna puis… Ce fut l’étonnement. Tant de résilience… L’observant un instant, l’intérêt se lut dans mon regard avant que je ne la jauge. J’allais poser ma question, bien évidemment, elle n’avait pas même besoin de me le dire ou de le penser. Je ne me gênerais pas pour cela.

Pensait-elle être digne des Gaunt ? Usant même du tutoiement, sans plus aucun autre respect que celui de mon propre nom de famille, de mon ascendance, de mon éducation, je la laissai ainsi répondre.

- J’admet que votre sang-froid m’impressionne. Repris-je à sa suite dans un léger sourire. Autant que votre réalisme. Mon frère n’est pas un agneau. Aucun membre de ma famille ne l’est. Excepté ma mère, mais vous l’avez visiblement déjà remarqué. Soufflai-je dans un demi-mépris à peine masqué.

J’aimais ma mère. Elle m’avait élevée, éduquée, aimée aussi, certes. Seule la protection maternelle m’avait ainsi manquée, me forgeant une carapace qu’elle n’arriverait certainement plus à briser.

- Vous souhaiter la bienvenue dans ma famille me semble néanmoins toujours inutile. Terminai-je. Vous souhaiter bon courage l’est beaucoup plus.

Brisant mon sortilège, je rangeais ma baguette en prenant appui sur le bureau, bras croisés et sourire quelque peu amusé aux lèvres. Je n’étais pas moins froide, certes, pas moins distante non plus d’ailleurs. Mais au moins faisais-je preuve d’un peu plus d’humanité…

- Pour autant… Il est effectivement possible que nous puissions nous entendre. Au moins un tant soit peu. Admis-je finalement. Mon frère n’est visiblement pas un simple jardinier. J’admets avoir imaginé qu’après la botaniste, il désirait le rosier. Soufflai-je dans un rire narquois, imageant directement la relation que Thomas entretenait avec Ashley Abbot. Je me demande néanmoins une chose… Qu’a donc été le prix de votre père pour vous vendre à ma famille ?

C’était une chose que je n’ignorais pas… Les Carrow étaient bien plus puissants socialement que nous l’étions et ce n’était certainement pas mon mariage avec la famille Gimhae qui avait permis de nous racheter une place dans la bonne société. Alors qu’avait donc offert mon frère pour cette femme ?

Bonne analyse, effectivement. Son nom était difficile à porter. Notamment à Poudlard, pour ceux ayant connu Alecto et Amycus Carrow. Mieux valait, donc, être préparé aux critiques. Elle l’était. Parfait. Car celles-ci ne feraient que s’amplifier avec le temps et ses fiançailles, c’était évident.

- Effectivement. Approuvai-je simplement ses dires.

Nous étions des serpents, quelle que soit notre maison, nous pouvions être tout aussi dangereux, tout aussi discrets et ô combien mordants. Mais elle semblait le savoir. Encore une fois, je n’eus donc rien à redire. La bêtise de venir me voir tournait donc en sa faveur. Une bonne chose, à vrai dire. Si je n’avais rien à dire sur le choix de mon frère, n’étant en aucune façon en position de commenter ses décisions, je n’aurais pas apprécié qu’une tâche apparaisse chez nous, estimant ainsi que Matthew n’en était pas une, évidemment.

Du courage. C’est ce qu’il allait néanmoins falloir à cette jeune femme pour intégrer la famille Gaunt. Et cela à tous les étages. Pour supporter notre mère qui voudrait la modeler à l’image de la femme parfaite, là où elle ne semblait pas le désirer, ou rencontrer notre père qui… Mmh… Mieux valait ne pas penser à notre père. Il était, de toutes les manières, trop alité pour faire quoique ce soit, fort heureusement.

- Pas avant un moment ? Répétai-je, un brin amusée.

Ainsi Thomas acceptait-il de marier rapidement sa sœur mais prenait-il son temps ? C’en était presqu’injuste de sa part… Ou seulement logique et terriblement normal venant de sa part.

- Et donc pour quand est-il prévu ? J’admet que mon très cher frère ne m’a pas fourni beaucoup de détails.

Il n’en avait fourni aucun, pour ainsi dire. Mais elle n’avait pas besoin de le savoir. Thomas n’était pas particulièrement loquace de toutes les manières. Le seul nécessaire lui suffisait en général avec moi. Tout comme ses pensées, d’ailleurs, qu’il avait appris à maîtriser à la perfection pour m’esquiver avec un brio que je ne pouvais qu’applaudir.

Enfin… Il y avait une chose que je pus admettre. Peut-être, potentiellement, pourrions-nous nous entendre. Elle ne semblait pas aussi idiote qu’il en paraissait de prime abord. Ses réponses étaient franches et elle ne m’avait pas menti jusque-là. Quelques bons points pour elle, quoique je n’imagine pas forcément nécessaire la bonne entente avec celle qui deviendrait ma belle-sœur… Quoique… Cela pouvait être stratégiquement intéressant… Mmh. Effectivement… Mais avant, mieux valait tester sa capacité de résilience.

A nouveau, ce fut un bon point alors que ma remarque acerbe se voyait parfaitement esquivée.

- Il en serait trop heureux. Répliquai-je ainsi dans un demi-sourire. Ne le gâtez pas à ce point au début même de vos fiançailles. Faites-le donc désirer ce jardin.

Une plaisanterie certaine quoique presque insultante sur le nombre de maîtresse que pourrait avoir Thomas. Oh. Cela ne me regardait pas, mais j’admettais que cette discussion avait un je ne savais quoi d’amusant, de piquant à l’égard de mon frère.

Une question, néanmoins, subsistait… Qu’avait donc été le prix pour qu’une famille aussi prestigieuse décide de s’allier aux Gaunt ?

- Votre père rend donc service à ma famille en la représentant et c’est à ma famille qu’on offre un cadeau ? J’admet ne pas être réellement convaincue de cet arrangement. Soufflai-je. Mais preuve de ma bonne foi, je vous fais grâce de toute légilimencie et vous fait donc confiance si vous dîtes ne rien savoir.

D’une manière ou d’une autre, je saurais quel était l’arrangement qui avait été passé. Ce contrat de fiançailles était bien trop avantageux de notre côté de la balance pour être entièrement honnête. Au moins avais-je néanmoins la preuve que Thomas savait particulièrement bien tirer son épingle du jeu. Un point que je ne pouvais décemment pas enlever à mon frère…

- Mais désirez-vous, peut-être, un jus de citrouille ? Demandai-je finalement dans un sourire en proposant à la jeune femme de me suivre dans mon bureau pour nous y installer, preuve d’une certaine acceptation.

C’en était presque vexant, à vrai dire. Thomas prenait son temps lorsque mon propre mariage était précipité. Évidemment, ce n’était pas réellement le fait de mon frère, Monsieur Gimhae ayant bien largement agi dans le sens d’un mariage rapide lorsque le premier accéder à notre demande d’attendre la fin de nos études. Ainsi ne devais-je pas voir en cela une volonté de sa famille de reculer l’union.

- Je n’y avais même pas pensé. Soufflai-je doucement. Mon frère est bien assez grand pour retarder son propre mariage.

C’était d’ailleurs une avancée presqu’inimaginable que de le savoir fiancé. Lui. Mère devait en être on ne pouvait plus ravie, c’était un fait. Quant à Père… Je ne préférais désormais plus imaginer la moindre de ses pensées. Mes dernières tentatives ayant été infructueuses, j’allais désormais m’abstenir. Il n’était, de toutes les manières, pas en état.

- Néanmoins votre grand-mère est certainement l’une des rares à encenser mon père. J’ose espérer pour vous qu’il ne vous mettra aucun bâton dans les roues.

C’était un risque, bien évidemment. Dans le cas où mon père survivrait par je ne savais quel miracle, sa colère contre Thomas serait infinie. Personne ne pouvait en douter. Ce qui pourrait, donc, advenir, ne pourrait qu’être difficile, voire même dangereux au vu du caractère de Bill Gaunt. Pour autant, je doutais fortement que mon frère fasse la moindre erreur dans la stratégie visant à supprimer l’aura de notre père. De ce fait, il me semblait presqu’évident qu’Adria serait sauve. Allais-je néanmoins lui en faire part ? Bien sûr que non.

- Au moins faites vous donc la joie de votre aïeule. Commentai-je néanmoins dans un sourire poli. Espérons donc pour elle qu’elle puisse s’entretenir avec mon père au plus vite.

Merlin. Qui était donc cette Danielle Carrow réellement pour apprécier la présence de mon père au point d’être déçue de son absence ?
Dans tous les cas, cela ne changerait pas les faits. Une union Carrow-Gaunt allait donc naître. Mais la jeune femme était-elle au courant des frasques de mon frère ? Visiblement, oui comme sa remarque put me l’indiquer. Une remarque qui me poussa à faire preuve d’un humour particulièrement piquant, agrémenté d’un conseil tout aussi pinçant que la sorcière commenta, m’arrachant un rire amusé.

- J’admet que le jardinage extramarital m’est plus difficile à admettre qu’auparavant. Soufflai-je dans un effort certain d’échange équitable quand bien même cette information n’était pas la plus importante.

Il y avait une information importante ici que je n’avais pourtant pas encore : celle du prix d’Adria Carrow. Bien sûr, il était presqu’évident que son père y trouvait son compte. Il fallait néanmoins admettre que le gap entre sa famille et la mienne était tel que cela restait particulièrement difficile à croire… N’avait-elle réellement pas cherché à comprendre ?

- Ainsi suivez-vous les jugements d’autrui sans vous poser de question ? M’enquis-je sans la moindre innocence. Votre confiance est donc exemplaire, il va s’en dire. Moi même je n’ai jamais été capable d’une telle abnégation.

Pour autant… Cela n’était-il effectivement pas en lien avec son appréciation de l’union ? Cette dernière ne lui déplaisait pas. Mon frère ne semblait, selon ses dires, pas désirer d’une femme écran. Elle pourrait continuer ses études, vivre sa vie tout en accomplissant son devoir de femme.

- Votre devoir ? Répétai-je. Comment voyez-vous votre devoir ? Des enfants ? Merlin, croyez bien que j’ai hâte de voir mon frère en parent.

Je ne l’imaginais pas. Absolument. Pas. Thomas ne me semblait pas avoir la moindre fibre parentale, comment pourrait-il élever un enfant sans même avoir le moindre cœur ?
Adria n’avait néanmoins pas tort… Et mon regard se ternit légèrement alors que le nom de l’une de mes meilleures amies était prononcé.

- C’est un fait. Ponctuai-je ainsi. Au moins pourrez-vous communiquer avec mon frère et ma mère. D’ailleurs elle ne maîtrise pas le fourchelangue. Une chance pour vous. Vous ne serez pas perdue entre deux serpents. Plaisantai-je dans un sourire amusé quoique légèrement moqueur.

Je ne désirais pas m’étendre sur le départ d’Isabella. Je m’inquiétais pour elle, c’était un fait. Mais nous ne pouvions rien faire. Rien d’autre qu’espérer que tout se passe bien pour elle… Plus ou moins. Evidemment.
Ainsi préférai-je passer à un tout autre sujet, lui proposant même un jus de citrouille, preuve de ma bonne volonté face à celle qui allait donc devenir ma belle-sœur. Arquant un sourcil alors que je demandais, dans une politesse toute relative, à un tableau bien râleur, de prévenir un elfe de nous apporter deux jus, je vins m’installer dans l’un des fauteuils du bureau, proposant son jumeau à la sorcière.

- Nous pourrions. Répondis-je enfin. Après tout, tu seras même, de par tes fiançailles, invitée à mon mariage. Mieux vaut, donc, que nos relations soient agréables pour que les réunions de famille ne soient pas une plaie. Soufflai-je en croisant les jambes tandis que deux verres étaient posés sur la table par un elfe qui disparut tout aussi vite qu’il était arrivé.

Attrapant le verre entre mes doigts, j’esquissai alors un sourire envers la jeune femme, soulevant ledit verre devant moi.

- Je te propose donc de trinquer à notre entente et à l’entente de nos deux familles à venir.

- J’en doute. Soufflai-je avec un léger sourire amusé. Du moins certainement pas par mon frère.

Son esprit familial, après tout, s’arrêtait au moment où son pouvoir commençait. Je ne le blâmais pas pour cela, bien évidemment. Je doutais même pouvoir faire preuve d’un meilleur esprit familial. Attachée à mes sœurs, évidemment, je n’en étais pas moins qu’un pion acceptant son rôle et le jouant à la perfection n’ayant que quelques rares remords au regard de ma famille.
Une famille visiblement particulièrement appréciée par certains membres de la sienne dont sa grand-mère que je pourrais moi-même définir de « folle » rien qu’à écouter ce que me disait là Adria. Chose que je ne ferais évidemment pas à voix haute. Mieux valait ne pas insulter immédiatement la famille de la fiancée de mon frère. Bien sûr.

En attendant, les talents de jardinage de mon frère n’étaient, visiblement, plus à prouver. En témoignait ce joli ficus qui venait s’ajouter à sa collection. Collection que je lui conseillai de maintenir réduite un certain temps. Au moins le temps de frustrer son cher fiancé. N’était-ce pas là le but des femmes, après tout ? D’autant que j’admettais aisément avoir quelques idées moins ouvertes sur la question du jardinage extra marital, comme je pus l’énoncer à Adria qui ne tarda pas à me féliciter comme la bienséance le voulait, me faisant esquisser un sourire tout aussi poli.

- Je vous remercie. Mais ne vous forcez pas à un cadeau pour moi. Les traditions ont bien suffisamment été respectées pour moi.

Il était vrai que les traditions m’obligeaient à me marier cet été alors… Cela me suffisait. Bien largement pour le moment tout du moins. Et puisque ce n’était pas avec Matthew que les traditions seraient toujours suivies, je préférais encore me détacher de toutes ces dernières là où la sorcière qui me faisait face, elle, semblait s’y attacher, acceptant cette union sans même se poser de question, ou presque. Sa confiance avait donc des limites : celles de ses plaintes incessantes si les choses ne lui convenaient pas. Soit. C’était une façon de faire que je ne pouvais décrier. Mais irait-elle réellement jusqu’à suivre toutes les traditions, la descendance comprise ? Au moins fut elle honnête. Elle n’avait pas hâte d’être mère. Dommage, mon frère en père aurait été hilarant…

- Moi ? Mariage, honneur et nous verrons pour le reste. Mon contrat me permet au moins d’avoir la main sur cet élément-là. Et le mariage ayant déjà été largement avancé, croyez bien que je suis tout aussi pressée que vous. Admis-je dans cette même honnêteté.

Au moins n’avais-je pas connu le destin de Bella. Un destin que nous craignions toutes, c’était un fait, un destin qui faisait qu’elle me manquait, aujourd’hui. Elle n’en restait pas moins l’une de mes meilleures amies… Enfin… Mieux valait ne pas me perdre dans ces pensées. Ce n’était ni le lieu, ni le moment.

Dans tous les cas, j’acquiesçais à la réponse de la sorcière. Le destin, seul, pourrait nous dire ce qu’il nous réservait. Rien d’autre. Personne d’autre, si ce n’était l’avenir. Enfin… Au moins cette femme s’avérait-elle plus agréable que j’aurais pu le penser. Ainsi vins-je même l’inviter à me suivre autour d’un jus de citrouille.

- Je n’appellerais pas cela de la naïveté. Soufflai-je doucement en buvant une gorgée de la boisson qui fut bientôt posée devant nous. Même si je doute que ma famille soit la plus à même de te présenter une entente suprême, je préfère te prévenir. Mes sœurs ne sont pas difficiles. Pas vraiment. Tu as l’air bien assez convaincante. Mais n’attend pas de nous de te montrer ce qu’est une famille.

Depuis que j’avais pu voir ce qu’était une véritable famille au contact des Gimhae, il était devenu plus qu’évident que le nom Gaunt n’était qu’une vaste fumisterie, une entreprise, tout au plus, qui traitait ses membres comme des employés de bas étages. Lui faire croire en une famille unie serait ainsi tout à fait mensonger.

- Mais je te remercie pour ta proposition. Peut être aurais-je besoin d’aide après tout. Le choix d’une robe est toujours… Compliqué.

Et entre une meilleure amie qui désirait se marier dans une robe outrancière, une mère qui avait autant de goût qu’un sac poubelle et des sœurs trop jeunes… Je risquais vite de tourner en rond.

- Allons. C’est en passant du temps ensemble que nous créerons des liens, après tout, n’est-ce pas ? Lui soufflai-je dans un sourire quelque peu plus sincère.

J’admettais qu’Adria avait l’élégance, le respect, la contenance et l’honnêteté nécessaire pour que nous puissions nous entendre. A moins que je ne me sois affaiblie avec le temps… Chose tout à fait possible, je l’admettais.

- Evidemment, la proposition t’es renvoyée. N’hésite pas si tu as besoin d’une chose. Entre sœurs nous pouvons nous entraider.

Hé bien. Si Thomas était loin d’être le frère rêvé, sa future épouse, elle, semblait vouloir faire le travail à la place même de son fiancé. Soit. Si elle le désirait. Je ne m’y opposerais pas. Ainsi, j’hochai simplement la tête sans aucune remarque. Qu’avais-je donc à dire ? Que la date ne m’intéressait pas outre mesure ? C’était un fait. Thomas était libre et je me libérerais pour l’occasion car quoiqu’il en soit, cela restait mon devoir de sœur et fille Gaunt. Mais si elle désirait que je le sache, alors je le saurais. Je n’y voyais aucune objection. Après tout mon frère avait-il été prévenu en avant-première de l’avancement de mon propre mariage. Mariage pour lequel la sorcière me félicita avant que je ne refuse poliment sa proposition.

- Soit. Repris-je à sa suite. J’admets l’idée tentante.

Utiliser une tradition pour faire connaissance me semblait plus agréable qu’offrir un simple présent par tradition, c’était un fait. Des traditions, d’ailleurs, bien vite remplacées par l’honnêteté qui semblait caractérisait Adria autant que moi. Tant mieux. Je n’aimais pas mâcher mes mots et… Il était vrai que le fait de lui dire la vérité, à elle qui s’appellerait donc « Gaunt », me semblait important. Là où je quittais mon nom, du moins dans une demi-mesure, elle devrait l’adopter, l’épouser et pour cela, il fallait encore le comprendre.
Cela commença donc par notre manque d’envie réciproque d’enfanter que j’acquiesçai donc.

- Effectivement. Même si j’admet que la stupidité des étudiants tendent à me donner envie de changer de voie… Les maléfices me sembleraient souvent bien plus approprié que mes corrections. Soufflai-je dans un sourire tout aussi amusé.

Mais malgré ça, je terminerais mes études et espérais ainsi devenir professeur à temps plein, titulaire d’un poste à Poudlard. Cela serait… Définitivement un rêve. Nous avions de la chance. C’était évident. Adria comme moi pourrions faire ce que nous désirions de nos vies avant ou pendant nos mariages respectifs. Et si je préférai ne pas penser trop réellement à Isabella, envoyée en Russie sans avoir pu concrétiser ses rêves, la blonde, elle, avait finalement marqué quelques points au point que je lui propose un jus de citrouille dans un lieu plus confortable.
Et à nouveau. L’honnêteté. Cette fois concernant ma famille qui n’en était une que de nom. Inutile d’attendre, de notre part à tous, un esprit familial. Nous ne savions pas réellement ce que c’était. Et si j’aimais mes sœurs, mon frère et ma mère dans une certaine mesure… Nous imaginer liés comme pouvaient l’être Matthew, ses frères, sa sœur et ses parents… Était… Inenvisageable.
Pour autant, j’aurais pu compter sur ma mère et mes sœurs pour me conseiller pour ma robe mais… Puisque la sorcière proposait son aide… Pourquoi ne pas en profiter ? Quand bien même elle ne pensait pas être des meilleurs conseils.
Etouffant d’un rire à ce que je reconnaissais parfaitement être Danielle Carrow, je secouai doucement la tête.

- Je t’aiderais avec plaisir. Soufflai-je. Je pense même que mon fiancé sera heureux de savoir qu’il n’est pas le seul à « profiter » de mes conseils de mode.

Il était vrai que le pauvre Matthew subissait bien trop régulièrement mes humeurs de modistes, se transformant au gré de mes envies et des achats que je lui faisais subir. Fort heureusement, il semblait apprécier les changements, autant que son entourage… Je pouvais donc continuer.

Levant nos verres pour trinquer, j’hochai doucement la tête avant de boire une gorgée de ma boisson. J’admettais être surprise. Adria était plus intéressante que son arrivée ne semblait le prédire… Elle n’avait même pas été inquiétée par l’utilisation de mon don, faisait preuve d’un self control à toute épreuve. Etait-elle digne de mon frère ? Je n’étais personne pour le juger, pour dire vrai. Seul Thomas, chef de famille à venir, était capable de le dire et en avait le droit. Mais de ma simple position de fille et sœur… Adria me plaisait. C’était certain.