J’avais l’impression que plus rien n’allait depuis que nous étions rentrés à Poudlard, Mika et moi. D’abord avait-il dû subir je ne savais quoi avec les professeurs, ce qui avait eu une forte tendance à m’inquiéter, je l’admettais, mais les choses n’avaient pas été en s’améliorant depuis. Pour preuve… Il avait réussi sans le faire exprès à brûler une bonne partie de mes partitions mais aussi et surtout ma baguette. Une perte que j’avais dû rapidement réparer en me rendant à Pré-Au-Lard afin de la changer, d’en retrouver une. Une obligation à Poudlard. Evidemment.

Mais de retour au château… Je devais me rattraper. Je le savais. Et surtout lui montrer que ce n’était pas grave. Il s’en était voulu, il s’en voulait encore, certainement aussi, et… Non. Vraiment. Tout se rattrapait. Même mes partitions. Ce n’était pas grave. Il ne l’avait pas fait exprès. Alors non. Je ne lui en voulais pas. Je ne lui en voudrais jamais… Et quoi de mieux pour le lui prouver qu’une surprise.

La chance m’avait été donnée de l’apercevoir au loin dans les couloirs. Parfait… Nous avions pris une habitude certaine de nous retrouver, de nous coincer, des fois, dans des pièces vides. Juste… Juste pour nous retrouver et nous aimer alors… C’était le moment.
Je m’étais rapidement rapproché de lui sans plus faire attention à autre chose que les portes autour de moi jusqu’à être au niveau de celle que je désirais. Là. Ce placard. En un instant, le sorcier fut tiré à l’intérieur tandis que je refermais la porte rapidement afin de nous assurer la plus grande discrétion.

- Si tu t’excuse une fois, Hae, avais-je prévenu en m’approchant de lui, ma main posé contre le mur pour le coincer devant moi, je serais obligé d’être plus direct. Tout va bien.

Et si j’avais commencé à rire doucement, voulant l’embrasser alors que ma main se posait sur sa taille, je fus rapidement arrêté par une voix qui était tout sauf celle de Mika, autant que par la sensation sous ma main. Ce n’était pas Mika. Ce n’était vraiment pas Mika. Mes toppant à quelques centimètres seulement des lèvres de ce qui était un inconnu, j’avais mis quelques secondes à réagir avant de me reculer brusquement.

- Je… C’est… C’est… Je…

Je rien. Brusque et dans le noir, je m’étais pris les pieds dans un seau et tombai en arrière dans un fracas monumental.

- Aïe… Grognai-je alors que ma tête avait cogné le mur de l’autre côté et que je glissai en voulant me relever.

C’était le bazar. J’avais mis le bazar et… Et j’allais avoir besoin de lumière mais… Il allait me voir et… Je… Il… J’avais… Enfin, mon cerveau sembla se reconnecter. J’avais failli embrasser quelqu’un d’autre que Mika. J’avais failli tromper Mika.

- P… PARDON ! M’exclamai-je soudainement en me redressant, me cognant la tête contre une étagère alors que j’attrapai ma nouvelle baguette pour éclairer la pièce d’un lumos. Je n’avais plus le choix tant j’étais empêtré dans les balais. Je… J’ai cru que… Enfin… Je vous ai pris pour… Je… Pardon ! Pardon ! Je ne voulais pas ! Je… Pardon !

J’étais rouge. Plus que cela même. Presque cramoisi. Et j’avais honte… La tête basse comme pour tenter qu’il ne voie pas mon visage, qu’il ne puisse pas me reconnaître, je ne savais même pas qui j’avais face à moi tant je ne le regardais pas. Je savais simplement que j’avais failli tromper Mika et cela était bien suffisant.

Il m'avait reconnu. Il me connaissait. Mais je ne savais toujours pas de qui il pouvait s'agir tant ma tête était baissée et... Ok... Soufflant, angoissé, j'avais relevé la tête. Il... Son nom m'échappait mais... Son visage me disait quelque chose. Je le voyais souvent près de la salle de répétition, et...

- Je... Je suis désolé... Répétai-je. Je ne me souviens pas de votre prénom et... Désolé...

Avais-je un jour été aussi gêné que cela ? Pas à ma connaissance. La situation concurrençait même le moment où le père de Mika nous avait fait... Du grand lui. C'était pour dire. Et... oui. Il avait au moins compris que je l'avais confondu avec quelqu'un et... Il avait compris que j'avais quelqu'un... Cette idée me paniqua davantage alors que je l'observai sans trop savoir quoi dire. Il avait compris et je... Il ne devait pas comprendre. Personne ne devrait comprendre mais... Trop tard.

- Je... Désolé... Pour votre journée...

Au moins comprenait-il combien une journée pouvait être pourrie... Hochant doucement la tête, j'avais fini par ouvrir la porte du placard et en sortir, non sans vérifier que personne ne pouvait nous voir avant de m'appuyer sur le mur, le coeur battant de panique et le bas du dos douloureux de ma chute.

- Mon... Mon colocataire a fait brûler ma baguette et mes partitions ce matin... Avais-je ajouté à sa suite pour lui faire part de ma propre malchance, identique à la sienne visiblement. Je... Je suis désolé... De... De vous avoir touché... Et... Je...

Je n'arrivais pas à diminuer la gêne que je ressentais. Tentant de me concentrer sur l'humour de l'étudiant, je soufflai, longuement, essayant désespérément de me calmer, d'apaiser mon coeur qui semblait vouloir s'enfuir. J'avais failli tromper Mika... Je... Je détestais cette idée, ce que j'avais failli faire du fait seul de ma bêtise, de mon manque d'observation et de mon imbécillité latente.

- Vous... Je devais me calmer. Alors, reprenant de nouveau ma respiration, j'avais tenté de me concentrer sur un sujet. Un seul. Un qui pouvait capter mon attention. Vous faites de la musique ? Hormis la chorale ? Avais-je finalement demandé en observant mes poignets que je bougeai alors. Je... Je vais bien, moi... J'arriverais à jouer de la guitare... Et à réécrire mes morceaux... Car il allait falloir que je m'y mette. Vous... Je connais quelques sorts de soins... Vous... Vous voulez essayer d'aller jusqu'à la salle de musique pour vérifier que vous pouvez jouer ?... Je vous doit bien cela... Surtout après avoir failli l'agresser sexuellement... Merlin... J'étais un agresseur...

Maxens donc… Hochant la tête, je retenais son prénom avant de m’excuser, encore, pour tout. Autant pour sa journée que pour mon geste bien déplacé. Enfin… Il semblait que cette journée ne soit bonne pour personne comme j’avais pu le lui indiquer, racontant les événements du matin et la perte de ma baguette et de mes partitions.

- Pour certaines… D’autres étaient trop parties en fumées. Le parchemin brûle vite. Mais… Ce n’est pas grave… Les excuses de mon… De mon colocataire sont certainement plus embêtantes que la perte de choses que je peux refaire. Soufflai-je doucement avant de m’excuser. Encore.

Mais ce n’était qu’une hanche… Enfin… Non. C’était une hanche de trop. Et à l’idée que j’aurais pu toucher ailleurs… Mon visage tomba vers le sol, les joues rouges. J’aurais pu… Je… C’était… Affreux. Vraiment. Surtout lorsque l’on savait que je ne touchais déjà pas d’épaules hormis celles de Mika…

Mais il fallait que je me reprenne, il fallait que je me concentre sur quelque chose qu’il m’apporta à point nommé : la musique. Et sa réponse repoussa encore un peu plus loin ce que j’avais pu faire – quand bien même je continuais largement à m’en vouloir. Il… Il voulait en vivre ? Vraiment ? L’observant plus intensément, j’étais soudain intéressé. Du moins… Enfin… Pas pour l’entraîner dans un placard mais… Pour… La musique, donc…

- C’est… Vous avez du courage… Soufflai-je alors en baissant légèrement les yeux.

Mais il avait dit avoir été blessé et je voulais me rattraper alors… Alors je lui avais proposé de l’accompagner jusqu’à la salle de musique afin qu’il puisse vérifier s’il pouvait jouer. Sinon… Je connaissais quelques sorts, peut-être pourrais-je donc être utile. Mais il avait déjà été soigné… Ah… Il acceptait néanmoins que nous y allions ensemble et… Je devais admettre que la simple idée de me rendre dans la salle de musique m’apaisait, me plaisait. Alors j’avais hoché la tête pour le suivre à juste distance pour être sûr de ne plus jamais le toucher.

- Je… J’apprend un peu le violon, mais vraiment juste un peu, et le piano avec la professeur de musique… Et je chante, aussi. Soufflai-je à mi-voix comme n’assumant pas ce que je pouvais et savais faire. Et… Vous aimez des styles particuliers ? Demandai-je alors en ouvrant la salle de musique. Vous jouez depuis combien de temps ? Et… Vous avez déjà performé sur scène ? Enfin hormis dans la chorale… Mais seul ? Et si vous l’avez fait, comment avez-vous fait pour trouver des adresses et… Je m’étais soudain tu, mon flot de parole brusquement interrompu par mon cerveau me rappelant à l’ordre. Pardon…

La musique était un sujet qui m’entraînait bien trop pour mon propre bien. Une passion comme je n’en avais qu’une. Et savoir qu’il désirait en vivre, qu’il essaierait d’en vivre… Cela… Ne pouvait que m’obliger à admirer, à vouloir imiter aussi, et surtout à rêver…

Je n’avais pas pu m’empêcher de réagir, secouant vigoureusement la tête alors qu’il trouvait normal que Mika s’excuse.

- Non ! M’étais-je même exclamé. C’est moi qui ai mis mes affaires près de la bougie ! Il n’y est pour rien ! Il ne prendrait jamais le moindre risque et… Me stoppant j’avais toussé, gêné de cette réaction impulsive face à ce que Mika n’avait jamais cherché. Il n’y était pour rien. Personne n’avait le droit d’imaginer un seul instant que cela pouvait être sa faute. Il aime ce que je fais et il respecte trop ce que je fais pour prendre le moindre risque. C’était… Juste un accident. Repris-je plus doucement avant que la discussion ne continue sur ce qui était le plus important, bien plus qu’une possible culpabilité : la musique.

Un instant, j’avais baissé les yeux à ses mots. Il fallait faire des sacrifices pour faire ce que nous aimions… Jusqu’à quel point ? Jusqu’où devions-nous aller pour cela ? Oui… Les gens étaient frileux sur la musique et en un sens, j’étais comme tous ces gens tant je me cachais… J’avais néanmoins répondu à sa question lui énumérant ce que je savais faire avant de lui retourner une question. Pop ou rock car c’était plus facile… J’admettais ne pas connaître beaucoup d’autres styles, la K-Pop mis à part. Là encore, j’avais largement appris depuis le début d’année.

Puis il y eut des questions. Beaucoup de questions. J’avais posé des questions sans discontinuer, ne prenant même pas le temps de le laisser répondre jusqu’à m’arrêter, m’excuser de tant d’enthousiasme car c’était de cela dont il s’agissait. Et il trouvait cela… Cool ? Clignant des yeux, j’admettais être surpris. Il fallait être passionné et… J’avais esquissé un sourire. Oui. La musique demandait de la passion. Définitivement.
Et il put enfin répondre. Sa mère était une musicienne renommée il avait donc baigné dedans… Une chance pour lui, une chance que j’enviai presque à cet instant. D’autant qu’il jouait parfois à Pré-Au-Lard donc… Devant un public, un vrai public. A ses mots, mon regard s’illumina légèrement. Il savait comment trouver des endroits, comment faire. Buvant ses paroles, j’hochai la tête, tentant de retenir chaque chose, chaque lieu, chaque possibilité que je pourrais avoir.

Le suivant alors dans la pièce, j’avais fait le tour de la pièce, glissant mes doigts sur les instruments présents, sur cette harpe, sur la guitare que j’avais attrapé.

- Les gens vous écoutent dans la rue ? Avais-je demandé. La… La professeur d’art scénique veut que je joue dans la rue… Et cela m’angoissait. Vraiment.

Me stoppant alors, je l’avais écouté. Même quelques accords c’était… J’adorais le son du piano… A vrai dire, même, j’adorais chaque son de chaque instrument… Et mon style ?...

- Hé bien… M’asseyant pour installer la guitare sur mes genoux, j’avais réfléchi. Je n’en ai pas vraiment je crois. Ou je ne les connais pas tous parfaitement pour décider… La Kpop… Mon colocataire m’en a montré, j’aime… J’aime beaucoup, oui et… Tout ce que je peux jouer, à vrai dire. Mais… Je n’ai que ma guitare et ma voix chez mes parents alors… Je fais seulement ce que je peux. Sans vraiment de style...

Caressant les cordes, j’avais rapidement reposé l’instrument, ne voulant pas le déranger dans ses accords alors que je l’observai faire.

- Vous n’avez mal nulle part ? Avais-je alors demandé en m’approchant du piano. Et… Fronçant les sourcils, j’avais hésité un instant avant de déglutir, gêné. Est-ce que… Quelle chanson connaissez-vous ?... Je… Je n’ai jamais joué avec personne… Du moins… Outre mes professeurs et… Je me disais…

Je me disais rien. J’avais secoué la tête, gêné. Je n’étais pas assez doué, ou pas assez à l’aise pour cela. Ce n’était pas la peine.

L’important était de jouer, de continuer d’apprendre… Je comprenais cela mais j’admettais que la peur du regard de l’autre me faisait encore reculer. J’avais pourtant fait des progrès, allant même jusqu’à jouer lors de la fête de fiançailles qu’avait organisé les parents de Mika. Mais à cet instant… C’était pour lui et seulement pour lui que j’avais joué, faisant abstraction du reste pour me concentrer sur lui, sur l’homme que j’aimais et à qui je voulais le dire. Alors jouer pour jouer, face à d’autres… En serais-je au moins capable ?

Je n’avais même pas vraiment joué d’accords, deux ou trois avant que je ne repose la guitare, laissant à Maxens la liberté de jouer seul non sans que je ne me sois inquiété de son état. C’était peut-être… Le moment où jamais ? Alors j’avais osé. Difficilement, certes, mais j’avais osé demander à Maxens de jouer avec lui, espérant qu’il connaisse une chanson que je connaissais aussi, ce qui n’était finalement pas gagné. Je connaissais certaines chansons qu’il venait de citer, Mika me les avait fait écouter, mais de là à savoir les jouer ou les chanter… Je n’en étais pas vraiment convaincu. Je ne les avais pour la plupart jamais travaillés alors… Baissant la tête, j’allais faire oublier l’idée au sorcier lorsque sa question me fit relever les yeux.

- Oui. Les partitions et les tablatures. Soufflai-je sans comprendre où il voulait en venir.

Et il ne me fallut pas longtemps pour comprendre. Le suivre sur ça ? Clignant des yeux, j’avais observé la partition. Elle était compréhensible. L’anglais l’était tout autant. Le rythme n’était pas trop rapide pour que je puisse suivre pour une première fois… Mais… Était-il réellement en train de me demander de l’aider ?

- Hé bien…

En étais-je au moins capable ?... Il fallait. Fronçant les sourcils, j’avais hoché la tête. Je voulais en être capable. Je devais en être capable. Je n’avais jamais fait ça. Jamais travaillé avec d’autre que mes professeurs, que ceux qui m’enseigner alors aider… D’autant qu’il semblait décidé, lui, presque plus que moi alors qu’il se mettait à jouer, à chanter, me laissant seulement le temps de prendre la guitare et d’observer, de comprendre de quoi il s’agissait.
Tout était noté. Je ne pouvais pas me tromper. Je pouvais le faire. Je savais le faire. Alors… Me répétant ces quelques mots, je l’avais écouté jusqu’à ce que la partie qu’il m’avait indiqué faire se termine. C’était à moi.

Je n’avais pas confiance en moi. Je doutais de beaucoup de choses et surtout de ce que je faisais. Mais lorsque je jouais… C’était peut-être cela qui m’avait permis de jouer à notre fête de fiançailles, peut-être cela qui me permettait d’avoir osé demander des cours et sûrement cela qui me permit de continuer la chanson. Le rythme n’était pas difficile. Les notes non plus. Et j’avais réussi. J’avais complété son couplet par ma voix, par la guitare mais…

- Attend. Avais-je soufflé un peu plus brusquement qu’avant que je ne commence, déjà plongé dans mon monde, l'arrêtant net dès le couplet terminé.

Agitant mes doigts, j’avais fait venir à moi une plume pour griffonner sur la partition y ajoutant des annotations, des remarques et surtout traduisant les paroles que je murmurai à plusieurs reprises avant d’apprendre les quelques accords du couplet suivant et cela jusqu’à m’arrêter et me relever, m’approchant de Max et surtout de sa partition pour y ajouter mes notes et les quelques traductions. Je n’avais pas touché à ses paroles, à ce qu’il m’avait dit chanter, juste celles qu’il m’avait confié.

- Est-ce que tu parles coréen ? Avais-je alors demandé. Puis qu’il pensait que la langue pourrait fonctionner, peut-être parlait-il aussi…

Revenant à ma place, la guitare sur mes genoux, j’avais alors terminé mes modifications avant de redresser la tête, d’observer Maxens.

- Recommence.

J’étais plus directif, plus clair mais je voulais essayer, je voulais tenter ce couplet, ce pré refrain. Je voulais y arriver.

Il ne parlait pas coréen. Son père… L’interdisait à sa mère ? Je n’avais pas émis le moindre son, pas eu la moindre réaction malgré la surprise d’entendre cela. Etrange d’interdire une langue entière… Soit…

- Je peux faire ça. Acquiesçai-je en mêlant les gestes à la parole, réécrivant en alphabet latin les sons de chaque jamos.

Revenant à ma place, j’avais encore fait quelques petites modifications pour accorder ma guitare avant de lui redemander de recommencer. Il fallait essayer pour savoir, pour voir si quelque chose n’allait pas, devait être changé. Il fallait que nous recommencions autant de fois qu’il était nécessaire de le faire. J’avais d’ailleurs continué quelques annotations sur cette partie lorsque Maxens interrompu le cours de ma pensée.

- Jusqu’à ce que je m’endorme au soleil ?... Réfléchissant, j’avais pris quelques instants pour tenter de trouver une formulation, une phrase courte… Mmh… 난 아직도 밤새도… Non. Soufflai-je avant de griffonner quelques essais sur la page, murmurant, chantonnant les différentes phrases. Essaie 다시 또 이 밤을 지새운다. M’arrêtant, j’avais secoué la tête pour me relever et lui écrire la phrase en alphabet latin avant de repartir à ma place, le laissant essayer le refrain avant qu’il ne reprenne parole.

Hochant la tête à ses mots, je ne voyais aucun inconvénient à essayer une harmonie entre nos voix. Mais… rapidement, je fronçai les sourcils. Un growl ? Je n’avais jamais entendu ce mot. Mais je devais tomber dans les basses donc…

- Est-ce que tu peux juste m’expliquer… Ce qu’est un « growl » ? Je ne connais pas ce mot.

L’anglais pouvait me manquer. Mais le vocabulaire musical aussi. J’avais souvent appris seul alors il n’était que peu étonnant qu’il me manque quelques petites choses, encore et malgré mes cours. Mais aller dans les basses… Je pouvais le faire.

Alors, rapidement, je m’étais mis en action, reprenant le refrain seul, juste pour essayer, à mi-voix, pour tenter de trouver le bon ton, le bon volume et la bonne fréquence. Là. J’avais finalement réussi à faire quelque chose qui à défaut de me satisfaire entièrement me semblait viable.

- On recommence du début. Avais-je demandé voire même imposé en plissant les yeux, concentré.

Et nous avions recommencé. Les changements en plus, jusqu’à atteindre ce qu’il voulait de moi. Plus bas. Plus accroché, j’avais compris ce que voulais dire un « growl », comme un grondement bas, une accroche de la voix. La mienne n’était pas aussi puissante que celle de Max, je l’entendais, mais je pouvais aller dans les graves, plus facilement que je ne l’avais jamais testé réellement.

- J’aime bien… Beaucoup même. Avais-je fini par avouer, reposant la guitare comme reposant une partie de ma confiance alors que je me tournai vers Maxens. Tu… Tu es doué.

Mais l’avais-je vraiment convaincu ? Pris dans la tâche qui m’avait été confiée, concentré comme je l’étais souvent lorsqu’il s’agissait de musique et de création, je n’avais pas réellement fait attention à ce qui m’entourait, profitant seulement de l’instant, de me sentir libre comme à chaque fois, de faire ce que j’aimais le plus faire au monde. Mais avais-je réussi ce « test » ? Comme pour me redonner du courage, j’avais repris la guitare sur mes genoux, soupirant un instant alors que j’observai de nouveau la partition.

- Tu veux… Tu veux continuer ? Avais-je ainsi lancé, comme une bouteille à la mer.

Faire accrocher ma voix. Gronder… J’admettais que je n’avais pas immédiatement compris ce qu’il attendait de moi et il m’avait fallu quelques exemples avant de pouvoir l’imiter mais sans le faire… Il fallait que j’essaie. Je pouvais le faire. J’allais réussir. Ainsi avions-nous rapidement repris. J’avais compris. Vraiment. Et j’aimais ce que cela donnait. J’aimais ce que nous donnions ensemble. Maxens était doué, très doué. Quant à moi…

J’avais souri, légèrement. Je n’avais pas réellement l’habitude des compliments. Mika était le seul que je pouvais aujourd’hui entendre sans être gêné alors que je baissais légèrement la tête. Il fallait que je travaille, évidemment. J’avais du retard sur beaucoup de choses n’ayant jamais pris de cours de chant mais je progressais, je travaillais, toujours. Quant au rap…. J’avais souri, seulement souri car… Dire que j’avais déjà essayé, que j’essayais encore… Je n’étais pas assez bon pour dire que je « rappais ». Il s’agissait seulement d’essais.

- Un bon quoi ? M’étais-je malgré tout enquis. « All woundeul » ? Je ne connaissais pas ce mot, à nouveau…

Mais finalement, après tout cela, voulait-il continuer ? La réponse ne se fit pas attendre, m’arrachant un sourire malgré tout ravi. Il le voulait. Et pas qu’un peu. Tant mieux. C’était aussi ce que je voulais. Voir la fin, voir ce que nous pourrions faire.

- Je pourrais…. Te faire écouter ce que j’ai écris si tu veux. Avais-je soufflé peu convaincu avant de relever la tête. Le rap. Encore. Devais-je le lui dire ?... J’avais hésité un court instant avant d’hocher la tête. Oui. Enfin… Une connaissance né moldue à Mahoutokoro m’a appris ce que c’était mais… Je ne fais qu’essayer. Admis-je.

Mais est-ce que cela m’allait ? Je fus surpris de voir ma question m’être presque renvoyé. Comment pouvait-il imaginé que cela ne m’allait pas ? Il était la première personne avec qui je pouvais parler de la musique et surtout en faire. Il était la première personne qui semblait partager ma passion alors… Bien sûr que cela m’allait.

- Oui. Bien sûr. Avais-je ainsi répondu bien plus calme que mon enthousiasme intérieur ne pouvait pourtant l’être. Je… Ecoute.

Je voulais lui prouver que je voulais continuer, vraiment et si j’avais du mal à paraître réellement enthousiaste, je pouvais tenter de le faire en lui montrant ce que je pouvais faire. Alors, reprenant la guitare, je lui avais fait une démonstration de ce que je pouvais faire le temps d’une chanson tant chantée que rappée avant de tousser.

- Voilà. Mon rap. Enfin… Ce que j’essaie de faire…

Il me manquait une confiance en moi certaine face à la moindre chose que je pouvais savoir faire et si je le savais pertinemment, si je savais que je devais combattre la gêne constante d’exister même, je peinais à le faire, surtout face à une chose aussi importante, aussi belle qu’était la musique à mes yeux…

- On peut reprendre si tu veux. Je voulais juste te montrer. Pour répondre à ta question.

Car il ne me l’avait finalement pas réellement demandé sur l'instant alors… En avais-je trop fait ? Je… Non. Je devais me concentrer. Secouant la tête, je tentai de reprendre contenance avant de sourire, peut être un peu trop poliment, figé.

- Désolé. Je ne suis pas particulièrement à l’aise. Avais-je tenu à précisé. Enfin pas avec toi. Avec… Le reste du monde ? Oui. C’était cela. Mais peut être un peu trop effrayant à dire à quelqu’un. Tu es le premier qui comprend la musique alors… Alors j’étais presque impressionné, finalement.

Je pourrais donc être un... Je ne savais pas le prononcer mais une personne bonne en tout ? Il le pensait ? Vraiment ? L'observant presqu'interdit, je devais admettre qu'imaginer que quelqu'un puisse penser cela, même si cela demanderait beaucoup d'entraînement, me plaisait, non... Me faisait du bien. Beaucoup de bien. Quant à l'écriture...

- La musique depuis... Deux ou trois ans. Mais j'ai commencé par des poèmes, par me familiariser avec les mots. Expliquai-je alors que le cheminement me paraissait simple dans ma tête.

Dans tous les cas, je lui avais confirmé une chose : je connaissais le rap. De là à savoir en faire... Je n'irais peut être pas jusque là. J'essayais, mais je n'étais pas convaincu par ce que je faisais, comme par tout ce que je faisais, en un sens. Alors... Plus que lui dire que je savais, je lui avais montré, je lui avais fait une démonstration de ce que je savais faire en interprétant l'une de mes compositions. Cela fini, je me sentais soudain un peu moins à l'aise. N'avais-je pas imposé cette écoute et... Je n'avais pas une voix commune ? Clignant des yeux, je l'avais à nouveau observé. C'était un compliment, je le sentais, il l'avait dit et à nouveau, je fus entouré d'une vague de chaleur et de bien être. Je n'étais pas nul. Quelqu'un d'autre que Mika ou mes professeurs le disaient. Quelqu'un de neutre, d'entièrement neutre.
Je n'étais toujours pas très à l'aise, mais ses mots m'encourageaient, c'était certain... Autant qu'ils m'intimidaient. Il était le premier avec qui je partageais ma passion hormis Mika, le premier devant qui je chantais, devant qui j'interprétais des paroles qui avaient un sens pour moi, le premier qui partageait ce goût pour la musique, qui la comprenait. Il n'était pourtant pas d'accord avec cela et j'admettais que je ne connaissais pas assez les autres pour réellement m'avancer là-dessus. Mais malgré tout...

- J'aimerais en faire ma vie... Avais-je alors admis dans un souffle, conscient que ma famille bloquerait ce fait, conscient que faire de la musique ma vie entraînerait l'irrémédiable conséquence de voir mes parents me tourner le dos.

Mais plutôt que de se torturer l'esprit, Maxens m'avait proposé de chanter avec lui, encore, à nouveau, ce que je fis avec le plus grand des plaisirs. Ce n'était pas parfait et nous dûmes reprendre des parties de nombreuses fois, mais c'était bon. A l'oreille autant que dans mon âme. J'aimais ça. J'aimais cette harmonie, cette musique qu'il créait et que je pouvais accompagner. J'aimais cela au point que sa remarque m'avait même fait rire sereinement, pour la première fois face à une tierce personne.

- Et j'accepterais avec plaisir ! Me permis-je même de répondre.

Alors nous allions continuer, j'allais l'écouter et hochant la tête, nous avions repris, j'avais poussé comme il me l'avait demandé, à plusieurs reprise, avec tout mon coeur, avec toute mon âme. Rarement j'avais chanté et joué de la sorte et... J'aimais cela. Vraiment.

Et cela dura. Combien de temps ? Je n'en savais rien, je m'en moquais, mais le dîner était passé lorsqu'enfin je levai la tête vers l'horloge de la salle. Tard. Il était très tard.

- Mika va croire que je lui en veux ! M'étais-je levé précipitamment, un peu paniqué à l'idée de provoquer ce sentiment chez mon fiancé. Il faut... Me calmant, perdu entre mon inquiétude et mon enthousiasme, j'avais soufflé. Il faudrait que l'on se cale des heures, si tu as envie... Quand tu as envie, aussi. Mon emploi du temps est assez léger. Et... J'admettais que l'envie de faire et de travailler la musique était bien plus importante que celle de travailler mes cours.