Comme à chaque heure de bureau qu'il occupait, Altair passait son temps sans élèves ou étudiants de manière intelligente : corriger des devoirs et préparer des cours. Ce soir-là, il était plutôt penché sur le moyen de gérer le mercredi suivant sans assistant, l'un d'entre eux ayant prévu son absence à cause d'un enterrement. Altair lui aurait bien laissé son jeudi et vendredi également, mais le jeudi était impossible à trois quand il fallait donner cours simultanément dans 4 classes différentes tout au long de la journée. Le vendredi avait été facile à arranger mais le mercredi était presque aussi chargé et cela nécessitait une redistribution des classes entre lui-même et ses deux assistants restant demandant une telle gymastique que presqu'aucun d'entre eux n'auraient les classes qu'ils ont habituellement pour mieux enchainer les cours.

La porte était entrouverte quand quelqu'un frappa doucement à la porte. Machinalement, Altair lança un sortilège de mutisme informulé sur Cléopâtre qui reposait en boule sur ses genoux avant d'inviter l'élève derrière la porte à entrer. Dans la foulée, il activa le Sonarcier qui reposait sur son bureau pour qu'il s'envole derrière lui et lui permette d'avoir une certaine visibilité sur l'élève qui entrait. Il aurait pu aisément se débrouiller sans, mais il avait remarqué que les gens étaient souvent mal à l'aise de devoir gérer son handicap et il préférait faire comme s'il voyait même si l'utilité était limité. Ca et les lunettes de soleil et ses interlocuteurs pouvaient faire comme si son handicap n'existait pas pour un échange plus aisé. L'élève qui venait de faire irruption eut l'obligeance de se présenter, évitant à Altair l'habile exercice d'essayer de resituer la voix tout en suivant ce qu'elle disait. Miss Malefoy-Yaxley était le genre d'élève sans histoire qu'Altair appréciait, plutôt studieuse, posant des questions intelligentes quand elle en avait, plutôt discrète, elle se révélait être une excellente élève, le genre dont il ignorait si elle ferait carrière dans le droit mais qui y réussirait si l'avenir qu'elle envisageait passait par là. Sa répartition à Poufsouffle achevait d'avoir des échos chez lui qui lui attirait une sympathie qu'il avait annihiler derrière son Occlumencie dans une réflexe presque machinal.

La présence de la jeune Poufsouffle eut un effet prévisible mais qu'il n'avait pas prévu, cependant, rendre nerveuse Cléopâtre qui se mit à gémir, supposa-t-il, en faisant patoune sur ses jambes. Loup-garou, évidemment. Se redressant avec la chatte dans sa main droite, il s'excusa brièvement :

- Un instant, si vous me permettez.

Traversant son bureau dans la largeur, il fit un geste pour se mettre à l'écart à Emily McCaster qui eut l'obligeance d'écarter son portrait pour qu'il avance dans l'étroit couloir qui le séparait de ses appartements où il laissa Cléopâtre en compagnie de ses jouets avant de faire demi-tour, fermant la lourde porte en fer avant que le portrait ne se referme à son tour.

- J'espère pouvoir compter sur votre discrétion concernant... la chatte, Miss.

A deux doigts de traiter Cléopâtre de bête ou d'animal pour garder une distance émotionnelle approprié face à une élève, il se rattrapa, sentant la maladresse de qualifier ainsi le chaton devant une louve-garou qui devait déjà affronter ce terme de temps à autre. Non pas qu'il ne soit pas adapté, mais ce n'était guère professionnel. Il était important pour lui que la présence de Cléopâtre se s'ébruite pas, ce ne serait pas bon pour son image que ses élèves, particulièrement les pré-ASPICs sachent qu'il possédait un chaton. Se rasseyant derrière son bureau, il fit un geste de la main, désignant l'une des deux chaises devant son bureau, pour l'inviter à s'assoir à son tour.

- Je vous en prie. Je vous écoute, Miss Malefoy-Yaxley.

Sa voix était toujours grave, un peu trainante comme s'il savourait chaque mot, appréciait chaque intonation qu'il pouvait formuler. Cela pouvait contribuer autant à canaliser l'attention de son interlocuteur qu'à endormir ceux qui n'accordait aucun intérêt à ce qu'il disait, mais la Poufsouffle semblait, jusqu'ici, appartenir à la deuxième catégorie.

- Pas de mal, Miss.

Bon gré, mal gré, il avait lui-même eu affaire à des loups-garous dans le passé, pas forcément abrité par des sorciers jugés très fréquentables par la société actuelle et avait parfaitement conscience de l'effet qu'ils pouvaient avoir sur certaines créatures. Une grande partie en tout cas. Ceux qui n'étaient pas des prédateurs ou qui avaient à craindre de finir comme déjeuner généralement. Appréciant sa discrétion, Altair décida de se fier à son instinct la concernant et de passer à la suite. Il la "regarda" sortir de quoi écrire alors que lui-même entrecroisait ses doigts sur sa poitrine, attendant d'entendre ce qu'elle avait à lui dire et à lui demander. Un éclat d'intérêt s'éveilla à son intention de continuer potentiellement des études dans le droit. Elle en avait certainement la rigueur pour réussir ses études, mais il n'était pas certain qu'elle est un caractère assez fort pour survivre à la réalité. Par de nombreux aspects, travailler dans cette carrière, surtout au Magenmagot, ressemblait à une guerre entre requins sous des manières impeccables. Il en avait lui-même fait l'expérience -certes une expérience sous le Seigneur des Ténèbres avec des règles d'allégeance et de double-jeu légèrement différentes de celles qui régnaient aujourd'hui- mais il était, à l'époque, bien mieux armé qu'elle ne l'était aujourd'hui et il s'en était sortit admirablement au regard de ses capacités, des requins et du contexte.

Une chose qu'on ne pouvait lui retirer en tout cas, c'était son ambition. Ou son idéalisme. Passé par Poufsouffle lui-même, il n'était pas étranger à ce trait de caractère des gens de la maison. Il avait acquis trop tôt un sens des réalités sinistre pour s'y laisser bercer mais parfois l'espoir n'était pas facile à tuer, pas facile à vouloir le tuer. Ne pas être juge, mais vouloir changer les choses, créer un électrochoc, un coup de pied dans la fourmilière, déclencher un déclic quelque part. Elle n'était pas la première à vouloir faire bouger les lignes -même si tous ne visaient pas spécifiquement le traitement des créatures & des êtres par les sorciers- et beaucoup s'étaient déjà cassé les dents sur la réalité : faire bouger les choses n'était pas l'affaire d'un claquement de doigt. Est-ce qu'Harry Potter avec toute son aura d'Elu et de Survivant avait appuyé cette idée qu'un homme seul pouvait bouger les choses, ou avait-il seulement été le dernier d'une longue liste de sorciers qui avait provoqué changé un changement par leur seule existence ? Mais pour le comment des sorciers, ça ne fonctionnait malheureusement pas ainsi. Le régime anglais magique n'était pas exactement une démocratie, mais elle marchait indubitablement par la force du collectif. Cela demandait un investissement personnel qui dépassait la vie professionnelle auxquels peu de gens étaient apte à plonger. Et pour être franc, aussi admiratif qu'il puisse être de ceux qui arrivaient à franchir cette ligne, il les plaignait aussi. Les responsabilités étaient un fardeau.

Sa motivation était claire sans qu'elle n'est besoin de la formuler, il était évident que son traitement en tant que loup-garou était un moteur fort de volonté pour faire changer les choses. Il s'était redressé pendant son discours, écoutant attentivement l'étalage de sa naïveté. A bien des égards, ce qu'elle disait n'était pas faux, mais cela ne changeait guère la réalité, et la réalité de l'être humain -magique ou non- passait par ses failles et ses préjugés. Ils ne changeraient jamais vraiment, fluctuant simplement d'une décennie ou d'un siècle à l'autre. Et même s'il appréciait sa tentative pour l'inclure dans son cercle de l'injustice, il ne put retenir un léger sourire narquois car s'il y avait bien une chose qu'ils n'avaient pas en commun, c'est leur responsabilité vis-à-vis de leur nom. Lui avait grandit avec le poids de son nom, les responsabilités qui allaient avec, et il n'y avait rien de plus naturel pour lui que de chercher à être à la hauteur. Même si ses actes n'étaient pas à la hauteur de ceux de ses frères, en particulier ceux d'Antonin, elle le faisait presque passer pour un innocent, ce qu'il n'était assurémment pas. Il avait payé pour ses actes, payait chaque jour de sa vie, et continuerait à le faire jusqu'à sa mort, peu importe qu'on lui reproche les actes de son frère ainé, il savait que son passé n'était guère plus reluisant et, pour être franc, il n'était pas sûr qu'il changerait beaucoup de choses s'il devait revenir en arrière. Peut-être ayant l'assurance que le Seigneur des Ténèbres ne gagnait pas, aurait-il été plus souple, aurait plus fermé les yeux sur certains actes, et évité ainsi quelques mois supplémentaires de prison, avec un peu de chance. Mais ça s'appelait juste l'instinct de survie, rien de plus. Il bénéficiait, cependant, actuellement, d'une trêve agréable dans les murs de Poudlard, il devait admettre qu'il appréciait cela, n'étant habité par aucun regret d'avoir choisit cette voix, délaissant ainsi le ministère, même si cela voulait dire d'endurer la présence de son neveu, Alastor.

Altair passa la main le long de son menton, pensif. Le projet de la jeune fille était vaste, pour ne pas dire utopique, mais cela dépendait exclusivement du degré de son ambition et de sa détermination. Plus bas elle visait, plus c'était facile à atteindre, ou moins long en tout cas, mais il avait l'impression qu'elle ne se satisferait pas d'un simple changement de méthode de traque des créatures magiques.

- En vérité, Miss, tout dépend du rayon d'action que vous voulez atteindre. S'il s'agit d'un travail purement juridique qui vous intéresse, votre place est au Magenmagot. Je ne suis pas certain, cependant, qu'un siège Yaxley ou Malefoy vous soit accessible, il faudrait alors vous distinguer pour mériter l'attention d'un membre de la cour sur le départ. Le moyen le plus facile serait évidemment de devenir juge, mais j'entends que ça vous intéresse pas, sinon une distinction sociale, politique ou héroïque peut attirer l'attention. Je crois me rappeler qu'on a proposé le poste à Mr. Potter près de 5 fois depuis la fin de la guerre. Mais je ne vous souhaite guère un destin similaire pour arriver à vos fins. C'est une voix qui vous demandera de jouer collectif. Si vous partez là-dedans, il faudra abandonner votre idée de changer radicalement les choses, le magenmagot est réputé pour sa lenteur et le caractère conservateur de ses membres n'est plus à démontrer. Pas plus que la vieillesse de ses membres.

Altair esquissa un petit sourire malicieux en se souvenant qu'en son temps il avait fait parti des plus jeunes membres de la cour. Le plaisir de percevoir l'indignation de ses collègues que sa voix avait un poids au-delà de son nom avait presque valu le poids de leur mépris. Presque. Il n'avait pas pu en profiter longtemps, cela dit. Le sourire disparu. Pour être franc, Altair ne croyait guère en cette voix pour la Poufsouffle. Elle aurait sans doute eu la persévérance et l'application pour réussir ses études dans cette voix, mais il ne lui aurait pas donner plus de trois ans pour jeter l'éponge. La patience était une vertu de sa maison, mais pas l'immobilisme. Expirant profondément, Altair se redressa, agitant sa baguette pour que sa plume à papote s'agite au-dessus d'un parchemin vierge, dessinant le trajet universitaire dont il venait de parler : Doctorat en Droit nécessaire, engagement digne d'intérêt et siège de famille. Le premier avait été écarté par la jeune fille, la seconde était trop vague et la dernière peu probable. Il était certain que le siège Malefoy serait récupéré par le fils de Drago. Quant aux Yaxley, il ignorait sur l'une des filles avaient déjà repris le siège.

Une deuxième flèche se dessina avec une deuxième voix : Doctorat en Administration pendant qu'il enchainait.

- Vous pouvez avoir un impact concret sur le domaine des créatures & des êtres spécifiquement, puisque c'est ce qui semble vous porter en premier lieu et dans ce cas, je vous conseille de viser le poste de directeur du département de contrôle et régulation des créatures magiques. Ce sera alors à vous de décider de la politique du département, tout en vous conformant aux lois en vigueur, mais vous pourrez toujours proposer des décrets au ministre qui iraient dans votre sens. Il vous faudra un solide bagage en Droit et Communication pour faire réellement impulser un changement puisque le ministre a le dernier mot, mais cela ne dépendrait que de vous.

Des quatre possibilités, c'est celle sur laquelle Altair pariait. Cela demanderait toujours de jouer un minimum collectif, rechercher des soutiens notamment au Magenmagot pour que les décrets reposent sur des lois existantes, avoir suffisamment la confiance du président pour supprimer certains décrets évidemment. Cela demandait une grande dose de diplomatie et de la patience car il faudrait prendre son temps pour avancer petit pas par petit pas, mais tout dépendrait d'elle et pas d'une assemblée de trente personnes à convaincre à chaque vote. Cela dit, tant que Mrs Granger restait ministre, il pensait que ses idées en faveur de davantage de droits et de considérations pour les créatures seraient bien reçues. Une troisième flèche découlant de la deuxième, comme une branche secondaire se dessina ensuite et se dirigea vers un Master en Soins aux Créatures Magiques

- Vous pouvez, également, choisir de commencer par le bas. Soit par un Bachelor soit par un Master et entrer dans le département de régulation des Créatures Magiques en grimpant les échelons petit à petit. Cela implique beaucoup de patience, d'autant plus que vous n'êtes pas assuré d'atteindre le sommet de la pyramide, mais c'est l'occasion d'apprendre directement sur le terrain comment sont faites les choses, le fonctionnement, les problématiques du département, les logiques des démarches et des logistiques. A vous de réfléchir et de trouver ensuite des moyens de combler les failles, de tester peut-être, de les proposer à vos supérieurs. Bref, grimper les échelons en prouvant vos capacités et en prouvant que votre manière de faire est la bonne, tout en l'adaptant aux réalités du terrain.

Probablement celle qui lui serait le plus bénéfique. S'il y a un poste où Altair ne doutait pas qu'elle se sente utile, c'était bien à travers ce cursus-là car peu importait le service où elle s'orienterait, elle trouverait de quoi faire. Cela ne répondait, certes, pas à son désir de changer les choses d'un claquement de doigt, mais être confronté à la réalité et résoudre des problèmes de considérations qui lui semblait facile à vouloir changer d'ici, le serait beaucoup moins quand elle serait confronté à des situations multiples, non manichéennes, et des personnalités difficiles de tout bord. Une dernière flèche sorti pour effleurer les trois derniers Cursus mais en ajoutant un dernier, ceux de Master en Commerce.

- Il y a toujours une dernière possibilité, mais elle peut passer par le chemin que vous souhaitez, notamment le département de coopération international, d'où ce dernier cursus. Du moment que vous arrivez à faire entendre votre voix et engrener le respect de vos pairs, vous pourrez vous retrouver à la Confédération Internationale des Sorciers. Il existe des sorciers travaillant pour la Confédération spécialisés dans le secteur des Créatures et des Etres Magiques à tous les niveaux, traque, protection, commerce, régulations, relations publiques. Cela implique de travailler à l'échelle de la planète, et quelque part, de disperser vos efforts au niveau international, mais également d'espérer qu'après avoir travaillé pour et avec la Confédération, vous ayez voix au chapitre et donc d'appliquer certains principes à cette échelle là. La confédération est plutôt assez engagée dans la protection des espèces, vous aurez donc peu de difficulté à faire entendre cette voix-là, mais peut-être plus à faire respecter les êtres hybrides tels que les loups-garous qui sont mal vu dans un certain nombre de communautés. Mais si vous voulez faire bouger les choses, c'est le plus haut degré à atteindre.

Même s'il offrait cette voix, Altair avait assez peu de foi dans cette dernière. C'était normal de la proposer, naturel pour ainsi dire, mais les changements de mentalité étaient plus difficiles à effectuer au niveau mondial qu'à l'échelle nationale. C'est pour cela qu'il lui conseillait de passer par une autre voix avant d'en arriver là, pour arriver avec un certain bagage pratique et pas juste sa naïveté et sa bonne volonté. Se laissant aller contre le dossier de son fauteuil, Altair ajouta avec un sourire alors que la plume à papote ajoutait un Bachelor en Journalisme totalement impromptu :

- Vous pouvez aussi vous lancer dans le journalisme et vous spécialiser dans le suivi des actualités sur les Créatures et des Etres Magiques, faire des enquêtes journalistiques sur la question, les révéler au publique. Parfois l'opinion publique est tout ce qu'il faut pour que le gouvernement prenne des mesures dans le bon sens. Parfois ce sont des leurres, mais parfois, on obtient des avancées. Au moins, votre envie de changer les mentalités serait plus aisée. Cela vous demandera sans doute quelques soutiens politiques si vous ne voulez pas être mise au placard au premier papier gênant, mais nettement moins que dans le monde politique.

Après réflexion, en en parlant à voix haut, Altair se rendait compte que ce qu'il avait lancé comme une boutade n'était pas une si mauvaise idée en fin de compte. Il ne la croiserait pas en Droit, ce qui était bien dommage pour lui, mais il trouvait qu'elle pourrait y avoir sa place.