Les semaines s’écoulaient et se ressemblaient terriblement. M’ennuyais-je dans mon travail ? Bien évidemment que non. Mais sans pouvoir plaider, le temps me paraissait bien terne. J’aimais la recherche, évidemment, cela faisait partie intégrante de mes tâches, mais être enfermé dans un bureau durant toute une journée avait une tendance à me rendre fou. Ainsi, je dus admettre que recevoir une lettre de ma « sœur » n’avait fait qu’égayer ma journée. Ou presque. Ah. Si j’avais su. Sûrement aurais-je préféré ne rien savoir, à vrai dire. Adria demandait à me voir pour me faire part d’une rencontre jugée « étrange ». Soit. Cela ne voulait rien dire tout en m’inquiétant malgré tout.

Je n’étais pas une personne particulièrement attentive aux autres, ou tout du moins pas sans une bonne raison. Je connaissais, bien évidemment, notre histoire familiale et cela ne me dérangeait pas. Si mon père avait jugé bon de faire de la sorte, alors c’est que cela l’était. Je n’avais pas mon mot à dire et j’appréciais malgré tout Adria pour sa capacité à rester dans le rang sans faire de vague. Elle était une héritière parfaite, autant que je pouvais le désirer pour la sauvegarde de notre nom et de notre honneur. Mais voilà où le bat blessait. Les rumeurs pourraient un jour éclater et chaque « problème » que pouvait avoir ma sœur ne faisait que m’inquiéter ainsi, davantage. Parler, donc, de « rencontre étrange » n’était pas pour me plaire. Bien évidemment.
Ainsi n’avais-je répondu à sa missive que par deux choses. « Bien. Vendredi. A 18h10, chez notre père ». Inutile de préciser que toute lettre ayant le risque d’être lue nous obligeait à faire subsister cette mascarade, même entre nous.

Enfin. Vendredi arriva. Quittant mon client à l’heure prévue, je passai à l’agence pour y déposer mes affaires afin de transplaner directement au domicile de mon père. Secouant la tête pour faire perler, de mes cheveux, la pluie qui battait dehors en ouvrant la porte d’entrée, j’entendis la voix d’Adria plus loin.

- Je suis là. Articulai-je en me défaisant de mon manteau pour le confier à l’elfe qui s’était empressé de m’accueillir comme il le devait.

Dans le salon. Bien. J’avançai jusqu’à la dite pièce pour m’avancer vers la jeune femme, arquant un sourcil en la voyant se lever.

- Ta politesse te perdra. Tu n’as pas besoin de te lever pour ton frère. Lui intimai-je dans un geste pour la laisser se rasseoir alors que je claquai des doigts afin de faire apparaitre notre elfe de maison. Un thé.

Laissant la créature quitter les lieux pour faire ce pourquoi elle existait, nous servir, je croisai les jambes en observant la Carrow. Bien. Les murs, ici, n’avaient aucune oreille, j’espérais donc qu’elle puisse être loquace car les devinettes n’étaient pas réellement les jeux que je préférais.

- Alors ? Commençai-je. Je suppose que la rencontre que tu as fait doit être assez importante pour que tu veuilles m’en parler. Je t’écoute donc.

Adria savait que la patience ne faisait partie de mes qualités que lorsque je pouvais obtenir quelque chose derrière. Or… Il ne s’agissait pas ici d’obtenir une chose mais visiblement d’un problème qu’avait la jeune femme. Nulle question, donc, de patience aujourd’hui.

- Notre chère grand-mère nous épinglerait pour avoir mangé un petit pois de trop. Plaisantai-je sans l’ombre d’un sourire alors que je m’installais dans un fauteuil, jambes croisées.

Au moins partagions nous le même irrespect poli pour Danielle Carrow. Si aucun d’entre nous n’aurait osé le moindre mot de travers de manière directe, au moins pouvions-nous plaisanter à son sujet lors de ses absences. D’autant que j’admettais facilement être bien assez las de ses tentatives de proposition de fiançailles qui ne m’intéressaient, pour le moment, absolument pas. J’étais, peut-être, un peu trop difficile, comme elle aimait le dire, certes. Mais cela n’empêchait en rien que je désirais la paix sur ce sujet.
Enfin. Le sujet, justement, ce soir ne devait pas porter sur notre très chère et « adorable » grand-mère, mais bien sur une rencontre qu’avait fait Adria. Qu’en était-il donc ? Je n’appréciais pas attendre, ni des autres, ni d’elle. Mieux valait, donc, qu’elle se dévoile rapidement. Ce qu’elle fit, fort heureusement. C’était un point fort de la jeune femme, à vrai dire. Elle s’adaptait et connaissait les attentes de chacun, miennes comprises, donc. Arquant un sourcil au prénom qui me fut donné, je soufflai profondément alors qu’elle continuait ses explications. Merlin. Cette « princesse » mal élevée était donc partout.

Mon thé désormais en main, je soufflai à ma sœur :

- Blaireaux.

Elle était donc Poufsouffle. Me l’avait-elle dit ? Je n’en avais plus aucune idée et cela ne m’intéressait, à vrai dire, pas vraiment. Elle que je pensais être une poussière dans ma vie était-elle en train de devenir un grain de sable ? Possible au vu des éléments apportés par la sorcière qui me faisait face.

- Tu as bien fait. Commençai-je simplement en buvant une gorgée de mon thé. La stupidité féminine est certainement l’arme la plus puissante lorsqu’on l’use correctement.

Et si j’étais convaincu d’une chose, c’était qu’Adria en usait parfaitement. Je l’avais vu à l’œuvre. Cette plante parfaite et magnifique savait autant rester en pot qu’étendre ses branches pour arriver à son but. Une digne héritière de notre famille, donc.
Il y avait néanmoins une chose que je ne savais pas… A quel point devions-nous « craindre » cette petite insolente ? A vrai dire, si cela ne tenait qu’à moi, je ne craindrais rien. Après tout que pouvait-elle faire ? Rameuter les Aurors ? Mmh. Possibilité, mais Adria était la fille de mon père. Nous avions tous les documents pour le prouver et j’allais me faire une joie de détruire tout autre document contraire si ce n’était pas déjà fait. Des liens, donc, avec Alecto ? Pourquoi ne pas les avoir chercher ici avant si cela les intéressait tant ? Nous n’étions, après tout, « que » ses petits neveu et nièce. Rien de bien intéressant pour eux.

- C’est une enfant gâtée qui se prend pour une princesse. Soufflai-je en reposant mes iris bleues dans celles de ma sœur. Elle n’apprécie effectivement certainement pas que l’on puisse lui refuser quelque chose. Elle s’est amusée à me faire part de votre « complicité » à notre dernière rencontre. Une complicité visiblement à sens unique. Soupirant profondément, je terminai mon thé pour le reposer sur la table, l’elfe de maison apparaissant pour le débarrasser immédiatement. Pour ce qui est de ta question… Je ne suis malheureusement pas devin. Pour autant, réfléchissons de manière rationnelle, veux-tu ? Cette petite peste semble vouloir se croire plus importante qu’elle ne l’est. Qu’elle parle à son père n’apportera rien ici. Les rumeurs existent déjà quoiqu’il en soit. Alors à moins que mon père n’ait laissé une preuve tangible, ce dont je doute, elle ne fera que devenir une petite commère parmi tant d’autres. Preuve, à nouveau, qu’elle n’a rien ni d’un blaireau, ni même d’une véritable princesse. Si elle désire seulement se faire remarquer de notre famille pour je ne sais quelle raison, néanmoins, il nous faudra lui donner l’attention qu’elle désire. En lui intentant un procès pour diffamation, par exemple. Tu es, après tout, ma sœur, la fille d’Elegius Carrow, et cela de manière on ne peut plus légal. Parler de tes parents biologiques n’a plus lieu d’être puisque ta mère a abandonné tout droit et que ton père n’en a jamais eu. Cela serait donc aller contre la logique même des choses.

Inutile de dire que je préparais d’ores et déjà tout attaque possible contre cette petite idiote. Ce qu’elle désirait ? Bonne question, mais il y avait une chose qu’elle n’avait visiblement pas encore compris sur notre façon de fonctionner : la famille était une chose sacrée chez nous, et nulle menace ne se retrouverait exempte de réaction.

- Alors détend toi, petite sœur. Lui soufflai-je finalement dans un sourire – rare certes – rassurant. Nous allons gérer ce petit contre temps.

- Et ne parlons pas d’un bout de salade. Repris-je toujours aussi sérieusement alors qu’un très léger sourire venait étirer le coin droit de mes lèvres.

Mais trêves de plaisanteries. L’heure n’était, malheureusement, pas à la joie, à la bonne humeur et aux bonnes nouvelles ; en témoignait les dires de ma « sœur ». Cette petite peste d’Aylin jouait donc les troubles fêtes et surtout les petites espionnes ? Pourquoi ? A quoi cela l’avançait-il ? Voilà une question sans réponse qui tendait à m’agacer. Pour autant, je ne devais rien montrer à Adria. Déjà inquiète, cela ne ferait que l’alarmer davantage. Inutile. Au moins avais-je la preuve que croire en la « complicité » de ma sœur et de cette petite « princesse » était une erreur.

- J’admet que je ne sais pas non plus ce que je dois penser. Autant il me semble juste d’admettre tes talents d’actrice. Autant sa bêtise me semble tout à fait probable. Sûrement un mélange des deux, donc.

A moins que la « princesse » ne se soit jouée de moi, évidemment. Je n’étais pas réellement tombé dans son panneau. Connaissant Adria, il était évident qu’un lien avec ce genre de personne aurait été compliqué à tenir. Mais tout de même. Enfin. Mieux valait ne pas s’inquiéter. Elle n’était plus la fille d’Alecto ni même la fille d’un Shafiq. Elle était la fille d’Elegius Carrow et de sa défunte épouse. Tout avait été fait pour que chaque document approuve ces dires, quand bien même les rumeurs persistaient.
L’émotion de la jeune femme ne m’échappa pas, bien sûr. Elle n’aurait échappé à personne en capacité d’observer son prochain. En fis-je quelque chose ? Cela m’émut-il ? Non. Il m’en faudrait bien plus pour trouver cela « mignon ». C’était juste… Normal. Pour une femme tout du moins.

- Alors les Aurors viendront et nous les renverront. Sans réelle preuve de tes connaissances, ils ne pourront rien contre toi et quand bien même ils désireraient ta présence au Ministère, tu irais. Nous nous occuperons, Père et moi, de faire tomber chaque Auror qui désirerait t’interroger. Leur erreur à Azkaban aura au moins eu le bon ton de les rendre bien plus vulnérable aux attaques. Cet idiot d’Auror a jeté l’opprobre sur toute sa profession.

Ce fut, finalement, un sourire réel qui s’afficha sur mon visage alors que ma jeune « sœur » faisait part de ses état d’âmes dans un naturel qui m’amusa. J’admettais qu’il était plus agréable de parler à une personne authentique plutôt qu’à une poupée sans avis et sans intelligence qui ne faisait que répondre ce que l’on désirait entendre.

- J’admet que l’idée m’a aussi traversé l’esprit lorsqu’elle s’est amusée à « aider » Miss Bulstrode à renverser sa coupe de champagne sur moi lors de la dernière soirée au Ministère. Savais-tu, d’ailleurs, que je devrais certainement épouser cette jeune personne qui est « au moins à mon niveau » ?

Si mon ton semblait léger, l’idée même d’épouser Bulstrode me débectait, déformant mes lèvres dans une légère grimace qui ne pouvait tromper Adria. Elle, comme mon père, connaissait mon exigence certaine face à la gent féminine. Appréciant leurs courbes, j’admettais avoir des aspirations particulièrement élevée pour celle qui deviendrait mon épouse.

- Dans tous les cas, Adria, repris-je, ne t’inquiète pas. Nous nous occuperons de renvoyer cette « princesse » d’où elle est originaire si elle décide de fouiner un peu trop de ton côté. Père et moi sommes avec toi, tu n’as aucun doute à avoir là-dessus ni aucune crainte à te faire. Contente toi de faire ce que tu sais faire de mieux. Soufflai-je, confiant que ma sœur était une femme douée dans ses affaires.

J’étais en accord avec Adria, bien évidemment. Aylin devait être ce genre de personne à qui personne n’avait jamais rien refusé pour une raison qui m’échappait entièrement. Malheureusement pour elle, elle ne se trouvait désormais plus en Turquie mais bien au Royaume Uni où elle avait tout intérêt à s’adapter à moins qu’elle ne désire se mettre à dos les familles magiques les plus puissantes du pays car nous n’étions certes qu’un grain de sable dans le rouage Sang Pur. Mais nous n’étions, pour autant, pas les plus difficiles. Ainsi, nous avoir en grippe ne signifiait qu’une chose : les autres familles seraient sans doute bien plus réticentes que nous ne l’étions.
Dans tous les cas, je refusais que ma « sœur » ne s’inquiète. Pas pour une petite princesse insolente et irrespectueuse. Ainsi assurai-je à la jeune femme qu’elle ne serait pas seule, pas abandonnée et certainement pas laissée pour compte. Nous étions là. Nous étions son père et son frère. Nous la soutiendrions et lui permettrions de vivre comme elle l’entendait, en liberté, dans un endroit stable. Comme ce qui était prévu initialement.

- Tu n’as pas besoin de me remercier. Soulignai-je en croisant les jambes pour l’observer de mon sérieux habituel. C’est ce que doit faire un frère et il me semble, aux dernières nouvelles, que c’est ce que je suis, n’est-ce pas ?

Preuve, donc, que j’avais en tout point intégré cela. A vrai dire, même si nous n’avions pas grandi ensemble, il était aisé, pour moi, de me mettre dans le rôle d’un frère aîné. Adria était plus jeune, plus fragile qu’elle ne le laissait croire, et si je ne doutais en rien en ses capacités, je ne serais pas étonné si sa vie difficile faite de fuite et d’interrogatoire avait laissé des marques.

Reprenant ainsi sur Aylin et ses agissements, je vins à lui faire part de ma petite « mésaventure » lors de la dernière soirée du Ministère ainsi que des dires de la turque. Des dires qui ne manquèrent évidemment pas de choquer Adria.
Esquissant un sourire amusé, je secouai doucement la tête, croisant les bras.

- Rassure toi. Cette femme ne trouvera qu’un mari d’apparat à agir de la sorte et je cherche tout sauf une femme trophée ayant opinion sur tout sauf ce qui la regarde. Ironisai-je ainsi.

Dans tous les cas, Adria ne devait se faire aucun souci. Elle n’en avait pas besoin. Nous serions là et la protègerions, quoiqu’il faille faire. Je ne doutais pas de la réponse de mon père, d’ailleurs, s’il venait à entendre parler de cette affaire et ainsi avais-je parlé en son nom. En tant qu’héritier, ayant la confiance de mon père, il était évident que je pouvais, à mon sens, me le permettre.

- Tu es et resteras parfaite dans ce rôle. Approuvai-je ses dires.

Une nouvelle fois, je ne doutais pas d’Adria. Elle était une Carrow, une digne héritière des Carrow. Et en ce sens, elle avait, évidemment, toute ma confiance.

- Mais puisque nous sommes là, repris-je finalement en l’observant. Comment cela se passe-t-il avec ton fiancé ?

Un changement de sujet calculé, mais un changement de sujet qui m’intéressait. Bien sûr au courant de l’arrangement de mon père et du fils Gaunt, je souhaitais, malgré tout, voir ma sœur être bien traitée, espérant que cette dernière ne finisse pas comme Madame Gaunt. Une belle dame, certes, mais aussi vide qu’une coquille dont on aurait retiré l’essence…

- Je ne suis pas convaincue que Grand-Mère aurait sa peau. Elle semble avoir le cuir dur. Commentai-je en minant de réfléchir. Nous risquerions même de perdre notre Grand-Mère si chère à nos cœurs.

Que ma Grand-mère décède ne serait pas une grande perte à mon sens. Forte d’une réputation comme l’on en faisait plus, elle était bien plus un poids qu’autre chose dans notre réputation familiale pourtant grandissante auprès de certains sorciers.
Pire que cela, d’un point de vue personnel, je perdais de plus en plus patience à ses allusions maritales à mon sujet. Allusions qui risquaient, d’ailleurs, de ne pas cesser avec le mariage de sa « petite-fille ». Evidemment.
Enfin. Inutile de faire des plans sur la comète, qu’elle que soit cette comète. Aylin Suleiman-i ne rencontrerait jamais Danielle Carrow. Et jamais ô grand jamais je ne marierais avec une telle femme. Je n’avais pas besoin de minette s’imaginant grande à mes côtés. Je désirais une épouse construite, forte de sa personnalité et surtout capable de prendre notre famille sur ses épaules. Rien de plus. Rien qu’elle ne soit.

Au moins la discussion avait-elle permis à Adria de se détendre. C’était déjà cela de gagner. L’angoisse n’apportait rien de bon, risquant jusqu’à la faire vaciller au pire moment. Seule devait rester la confiance. Ajouté au calme et aux mensonges, cela suffirait certainement à faire taire la petite « princesse ». D’autant que j’avais toute confiance en ma sœur pour parfaire le rôle de la petite imbécile.

- Une Poufsouffle harcelant une Serpentard ? Nous aurions donc tout vu à Poudlard. Soufflai-je en arquant un sourcil.

Cela serait le comble. Un comble qui nous arrangerait presque, d’ailleurs, finalement. Une preuve supplémentaire que notre princesse n’était rien d’autre qu’une souillon aux vêtements de soie. Rien de bien important, rien de bien admirable. Au contraire.

La discussion sur ce point close, je pris alors le parti de prendre quelques nouvelles d’Adria elle-même et notamment de son mariage arrangé par mon père.
Que son union à venir n’ait rien des histoires idylliques ne m’étonnaient pas, bien au contraire, cela me semblait normal. Nous ne leur demandions pas de s’aimer. Seulement de se marier.

- Il aurait été surprenant que Thomas s’intéresse aux rumeurs. Voire paradoxal. Soufflai-je pour toute remarque. N’étant lui-même pas exempt de rumeurs et d’histoire rocambolesques, comme tu n’es pas sans savoir visiblement, cela aurait été malvenu. Pour sûr.

Mais plus que cette réflexion, Adria me demanda rapidement mon avis. Que pensai-je de Thomas. Mmh. Vaste question.

- Je ne vais pas te dire que je connais bien cet homme. Répondis-je simplement. Je connaitrais même bien mieux son père pour avoir traité avec lui et père lors de différentes affaires. Mais il me semblait être un garçon effacé, soumis à l’autorité de son père. Quoique j’admette aisément pouvoir m’être particulièrement trompé en ne voulant pas creuser davantage. Il semble avoir toutes les qualités requises pour diriger sa famille et ses affaires. Soulignai-je alors, conscient que les apparences pouvaient être trompeuses. Si ce que tu me dis es vrai, mes craintes de te voir terminer comme Madame Gaunt seront au moins soulagées.

J’étais transparent. Du moins avec Adria. Ce n’était pas le cas avec tous, évidemment, mais elle était ma sœur. Une sœur qui m’avait demandé un avis sincère que je lui donnais ainsi.

- Si tu t’entends avec lui, c’est une bonne chose.

De là à dire que j’étais heureux pour elle. Pas encore. Pas tant que le mariage n’était pas effectué tout du moins. Les choses, jusque-là, pouvaient bien trop changer pour que je me permette de telles « réjouissances ».

- Père a donc visiblement bien choisi ton époux. Et Grand-Mère sera satisfaite des liens avec la ô combien estimée Famille Gaunt. Félicitations.

Cela, néanmoins, je pouvais encore le dire car satisfaire Danielle Carrow était un défi à lui tout seul.

Si Adria et moi n'avions de fraternité qu'un papier d'adoption de mon père, et quand bien même n'avions-nous pas été élevés de la même façon, j'admettais avec un certain amusement que ma "soeur" et moi nous ressemblions un tant soit peu, tout du moins sur nos capacités respectives à critiquer certaines personnes. Que cela soit notre chère grand-mère ou la petite princesse turque.
Effectivement. Cette jeune femme n'avait rien d'un Poufsouffle. Bien au contraire. Sûrement se serait-elle bien plus adaptée à Serpentard, ou, mieux, loin de Poudlard. Enfin. Ce qui était fait était fait. Nous n'avions désormais plus qu'à traiter le mal et pour cela, Adria avait bien évidemment tout mon soutien.

- C'est normal. Répondis-je ainsi. N'oublie jamais que nous sommes une famille.

Car dans le cas contraire, j'admettais aisément que mon comportement aurait été bien différent. Enfin. Ce n'était pas le cas, tant mieux, donc, pour Adria autant que pour la famille en général. Et en parlant de famille, d'ailleurs, je me concentrai bientôt sur l'événement qui viendrait agrandir cette dernière : son propre mariage avec Thomas Gaunt. Un événement dont nous n'avions pas parlé, confiant évidemment cette décision à notre père. Mais c'était visiblement le moment pour cela alors je ne mâchai pas mes mots. Comme à mon habitude, à vrai dire. Mais il s'agissait de ma soeur et si je pouvais lui permettre de ne pas finir comme Madame Gaunt... J'admettais que cela me semblait être le mieux à faire.

- Si tu as envie d'y croire, fais-le. Admis-je néanmoins par la suite. Travailler ensemble aura au moins le mérite de créer des liens qu'une simple union ne pourrait faire. Apprenez à vous faire confiance et gagne son respect. Ce sont les seuls conseils que je peux te donner. Je suis néanmoins convaincu que Père ne t’aurait pas vendu au moins offrant.

C'était là, malgré tout, un fait qui pouvait lui permettre d'être rassurée. Père n'était pas un monstre et savait particulièrement ce qu'il faisait. J'en étais convaincu. Et dans tous les cas, les choses avaient été faites. Ainsi, d'ailleurs, vins-je la féliciter, enfin, arguant, malgré tout, que Danielle Carrow devait être bien heureuse de cette alliance, elle qui avait toujours tenu en haute estime la famille Gaunt.

- Pas vraiment. Pas à ce que je sache en tout cas. Soufflai-je pour toute réponse. Bill Gaunt n'a jamais été un grand politicien, seulement intéressé par le pouvoir et ce qu’il pouvait en tirer. Grand-Père comme Grand-Mère le tenait en estime pour son ascendance, pour le Seigneur des Ténèbres. Et cela, Monsieur Gaunt l’avait bien compris. On pourrait donc dire, en un sens, que nos grands parents sont aveuglés par une vieille croyance. Cela peut néanmoins te servir. Ils seront plus à l’écoute de tes désirs en étant fiancée au fils de leur semi-roi. Ironisai-je. Utilise ce pouvoir à bon escient. Il pourrait t’être utile tout comme tu m’es actuellement. Soufflai-je dans un demi-sourire.

Après tout, Adria se fiançant, notre grand-mère serait bien moins absorbée par mon propre célibat. Cela me laisserait quelques mois de répits. Au moins jusqu’au mariage.

Un mariage était avant tout un contrat, un partenariat entre deux personnes. Il était inutile de parler d’amour, seule la confiance et le respect pouvait, à mon sens, importait dans ce type d’union. Thomas Gaunt et Adria apprenait à se connaitre, à mettre leur capacité et leur connaissance en commun. C’était un premier pas dans la voie de la compréhension et de l’acceptation totale de l’autre. Elle le trouvait intelligent. Une bonne chose aussi. A vrai dire, ma sœur me démontrait là plus de choses que je n’en aurais cru complimentant son futur mari. Et c’était tant mieux. Je ne doutais pas de sa perception et de son objectivité. Si elle pensait cela… Sans doute que c’était vrai.

Répondant aux questions de la jeune femme, notamment sur les liens entre nos deux familles, j’avais ainsi laissé entrevoir une possibilité, pour Adria, d’utiliser ses fiançailles comme biais contre notre grand-mère.

- Une robe de mariée digne de notre nom ? Soufflai-je en arquant un sourcil. Qu’attend-elle ? Que tu te maries dans une robe affreusement chère ou dans une autre manquant de tissus afin de noter les « avantages » de notre famille ? Plaisantai-je ouvertement sans même l’ombre d’un sourire. Mais rassure-toi au moins. Elle trouvera toujours que votre mariage ne se prépare pas assez vite. Même s’il était demain.

Et c’était un fait presque réel alors que je me trouvais, à son sens, toujours sur une sellette. Non marié à 30 ans ? Quelle honte que j’étais.

- Tu pourrais lui rétorquer qu’il s’agit là d’une décision divine que de ne pas précipiter tes noces qu’elle n’y croirait pas. Seul Bill Gaunt aurait encore un tant soit peu de poids pour lui faire admettre que vous ne vous marierez pas aussi vite qu’elle aimerait. Soufflai-je, dans un air dépité. Le contrat avec Thomas a été signé. Elle sait qu’il lui sera difficile de le rompre. Surtout avec Père et moi derrière toi. Tu es bien assez protégée pour qu’elle ose pousser les choses. A toi, maintenant, de le supporter.

Me redressant, j’avais fini par souffler, observant rapidement l’heure.

- Bien… Si tu n’as plus de question, chère sœur, je vais devoir me faire le déplaisir de te quitter pour retourner à mes occupations.

Me levant, je me penchai vers elle pour embrasser son front. Sans la moindre tendresse, je pouvais au moins faire preuve de fraternité, n’est-ce pas ?

- N’hésite pas à venir me trouver au bureau si tu as besoin de quelque chose. Père sera ravi de te voir. Soulignai-je finalement.

Il n’y avait ainsi plus qu’à prendre mon manteau. Je serais bientôt chez moi pour travailler sur mes trop nombreux dossiers encore en attente.