Ft Sienna Mancini & Merindah Kareela

Samedi 1er avril, Pré-Au-Lard

QUELLE POISSE. Sa plume, qu’elle avait depuis son enfance, avait rendu l’âme quelques jours plus tôt. “Ce n’est qu’une plume m’enfin !” diriez-vous ? Oui, mais pas tout à fait. La plume de Merindah était le dernier présent de sa mère, avant que celle-ci ne perde la vie. Donc, l’attache était pour le moins lourdement sentimentale. Mais voyez-vous, il ne s’agissait pas non plus d’une simple plume de hibou. Non non, il s’agissait d’une plume de casoar à casque de feu. Si, certes, ce genre d’animaux magique des contrées Australiennes était un véritable danger public (comme tous les animaux de ce pays, soit, je vous l’accorde), la simple plume de ce volatile disposait elle aussi d’un fort caractère. Manez d’encre ? Elle vous piquera. Utilisez trop d’encre ? Elle vous brûlera. Inscrivez trop d’ignominies ? Elle tracera sur votre main quelques noms d’oiseaux à votre encontre (oui, c’est le cas de le dire). Mais pourquoi choisir une plume aussi pénible, donc ? Eh bien… elle demeure rare, en partie pour leur caractère de drama queen, certes, pour le prix, mais aussi pour leur propriété magique des plus intéressantes. Le tout est simplement de savoir comment lui parler. Oui. Lui parler. Semblait-il que celle de Merindah faisait sacrément la tronche au point de se faire passer pour morte. L’Australienne croyait même véritablement sa plume décédée. Les jolies couleurs étaient ternes, la mine était complètement tordue et elle avait perdu toute l’élégance de son panache, se contentant de reposer mollement dans son étui. Oui. Une drama queen, une vraie.

Mais le cœur de Merindah était bien serré à l’idée de perdre sa plume chérie. On lui avait conseillé de se rendre au magasin de Pré-Au-Lard, mais la jeune femme se doutait que son outil était bien méconnu des Anglais. Pourtant… il n’y avait que là-bas qu’elle pouvait se rendre. Et puis… elle avait besoin d’une plume pour sa thèse. Taxer les plumes de Ted, Athenaïs et Amos commençait à devenir un brin contraignant. Ainsi, en cette belle journée de début avril, Merindah se dirigea vers la petite boutique conseillée, avant de se présenter au comptoir. Là bas, se trouvait une extrêmement belle jeune femme, au beaux yeux, au teint halé, au cheveux à faire palir d’envie n’importe quelle vélane. Merindah affiche alors un sourire poli et chaleureux, comme toujours.

- Bonjour, salua-t-elle alors que son accent Australien la trahit déjà en ce premier mot. J’aurais besoin de conseils, pour une plume en particulier. La mienne semble… disons, avoir abandonné tout signe de vie.